23. Iran : du 24 au 30 mars 2019 : Harand, Khargushi, Meybod, Yazd

594 km parcourus du 24 au 30 mars 2019

17 113 km parcourus depuis le départ

Dimanche 24 mars 2019 :

Nous venons de passer notre sixième nuit au même endroit. Cela ne nous est pas arrivé souvent depuis le début du voyage, à part à l’oasis de Fint dans l’Atlas marocain en décembre. C’est dire si nous avons adoré Ispahan ! Comme je vous l’expliquais dans notre dernier article, tout était réuni pour que nous passions un merveilleux séjour : tout d’abord, la ville est magnifique, mais en plus nous étions accompagnés de nos amis iraniens Shabnam et Ali et de nos amis voyageurs Gali et Compagnie. Mais surtout, nous avons reçu un incroyable accueil de tous les habitants du quartier qui, un à un, sont venus nous souhaiter la bienvenue, nous apporter à manger, nous inviter chez eux ! Mais il est à présent l’heure de partir à la découverte d’autres secteurs de l’Iran. Shabnam et Ali passent nous dire au revoir. Mais ils ne savent pas venir les mains vides et nous apportent un dessert typique de l’Iran, le Halva (farine, beurre, safran, cardamome, sucre, eau de rose). Nos chemins se séparent pour quelques jours avec Gali et Compagnie. Nous devrions nous retrouver dans le sud du pays.

Avant de partir, nous nous arrêtons faire nos pleins de réserve d’eau chez un habitant du square qui nous avait déjà permis de le faire dans la semaine. Il nous reçoit avec du sirop et des gâteaux !

Même les gardiens du quartier se sont habitués à notre présence. Ils passaient régulièrement voir si tout allait bien pour nous. Nous quittons la grande ville d’Ispahan et ses 5 millions d’habitants. Nous sommes tellement (mais avec grand plaisir !) sollicités depuis notre arrivée en Iran par de charmants et curieux habitants qui nous posent mille questions, nous invitent, nous prennent en photos, que nous aspirons pendant un instant à du calme, du silence, de l’isolement. C’est un peu contradictoire avec le premier objectif de notre voyage qui est de faire des rencontres, mais juste quelques instants, on éprouve le besoin de se retrouver seulement tous les quatre… Notre bivouac de ce soir devrait nous le permettre. La route vers le sud-est nous amène vite, une fois sortis de l’agglomération, dans un paysage désertique. Nous traversons des villages construits entièrement en briques de terre. Certaines citadelles comme celle de Ghurtan ont de superbes parties restaurées.

Nous traversons la ville d’Harand et Audrey m’indique que nous sommes passés devant un joli monument. Je fais demi-tour et nous découvrons effectivement une jolie citerne. Un habitant s’approche de nous et me fait signe de suivre une voiture qui vient de démarrer et qui nous attend. Je m’exécute. Quelques centaines de mètres plus loin, un homme descend de cette voiture, blanche comme la majorité des voitures en Iran, se dirige vers nous, ouvre son portefeuille et tend à chacun de nous un billet de 10 000 rials ! ça ne correspond qu’à 0,06€ mais le geste nous surprend ! Il insiste pour que nous les prenions…Cet homme nous fait signe de le suivre pour visiter une autre citerne. Nous descendons un grand escalier aux hautes marches. D’autres hommes nous rejoignent. Une porte métallique s’ouvre nous permettant d’entrer dans un étroit couloir avant d’arriver dans cet immense réservoir servant traditionnellement à stocker l’eau potable. L’endroit est immense, entièrement construit en pisé. Le réservoir était refroidi par des tours des vents, appelées Badgirs, traditionnellement utilisées pour aérer naturellement les bâtiments. L’un des hommes se met à chanter, nous permettant de nous rendre compte de l’incroyable acoustique des lieux.

Notre accompagnateur nous fait visiter des mosquées y compris à l’heure de la prière.

Nous avons même la chance de pouvoir monter dans un minaret construit en briques du haut duquel nous apprécions la vue sur la vieille ville.

Nous traversons la vieille ville et son vieux bazar.

Il est fier de dire à ses amis qu’il promène des français de Paris (on n’est pas rentrés dans les détails géographiques !).

Il entre dans une crèmerie et nous demande laquelle des deux crèmes fraîches qu’il nous fait goûter nous préférons. Il nous en achète 500 grammes. Notre guide nous ramène à notre Tiny et nous offre un énorme pot de yaourt de 4 kilos ! Puis il s’en va, comme il est arrivé, nous expliquant qu’il va manger. Incroyable rencontre !En sortant de la ville, nous passons devant des pigeonniers. Dans les régions sèches comme celle de Varzaneh où nous sommes, les fientes étaient très prisées des fermiers et collectées pour fertiliser les champs arides. Ils sont appelés kabootar-khaneh dans la littérature perse, ce qui signifie « maison de pigeons ».Sur les bons conseils d’Ali de Téhéran, nous nous arrêtons visiter une particularité du secteur, le moulin à chameaux de Varzaneh. Il a été restauré selon la méthode ancestrale et avec des matériaux traditionnels. L’endroit est très touristique mais vaut le coup. Nous sommes accueillis par un thé qui nous est servi dès que nous avons répondu à l’invitation de nous asseoir sur le tapis et de nous recouvrir d’une couverture. Une grand-mère et sa petite fille sont assises à côté de nous.

Je suis invité à revêtir une tenue traditionnelle, une grande et lourde cape en peau de dromadaire. Certainement chaude mais pas facile à porter tous les jours. Puis, nous assistons à une démonstration du moulin qui utilise la force d’un dromadaire pour moudre le blé. Le propriétaire, Mohammad, moud du grain en chantant des chansons folkloriques tout en tirant sur la corde pour faire avancer l’animal.

Puis, nous nous dirigeons vers le désert de Varzaneh, qui fait environ 45 km de diamètre et qui est réputé pour ses dunes de sable, hautes de plus de 60 mètres. Mais en arrivant, l’endroit est hyper touristique. Les voitures des iraniens en vacances sont en file indienne. A l’approche de l’entrée payante, des rabatteurs nous sautent dessus, ce qui a plutôt tendance à nous faire fuir. Comme dit plus haut, on a vraiment besoin de tranquillité ! Nous faisons demi-tour… Nous quittons l’axe principal et empruntons des petites routes dont l’asphalte se détériore au fur et à mesure des kilomètres. Les paysages du désert aride de Varzaneh sont impressionnants. Nous longeons un instant le lac Gavkhuni, dans lequel se jette la rivière Zayandeh rud, celle qui passe à Ispahan et qui est asséchée 11 mois par an. C’est un lac à la salinité très élevée. Une partie est utilisée par les locaux pour en extraire le sel. La majorité de la surface du lac est à sec chaque année. Le lac est au pied d’une montagne constituée de magma noir, appelée tout simplement montagne noire.

La nuit va bientôt tomber et nous espérons arriver à notre bivouac, celui où nous voulons aller depuis très longtemps. Un bivouac qui nous fait saliver depuis qu’on lit les blogs des voyageurs passés avant nous et notamment celui des Plem’Mobiles. La route, enfin la piste, est une tôle ondulée légèrement sablonneuse mais le temps est sec et le sol bien damé. Victor prend le volant et se rappelle ses bons souvenirs de conduite en Amérique du Sud. A l’attention de ceux qui se permettraient de faire des commentaires désobligeants sur l’état de ma barbe grisonnante ou de mes cheveux, sachez que je suis en train de réaliser mon défi du mois de mars qui consiste à ne pas se raser ni se couper les cheveux durant un mois… Merci Yoyo !

Soudain, tel un mirage, il apparaît à l’horizon : le Caravansérail de Khargushi. Il surgit comme une ruine abandonnée faisant de ce lieu un endroit fascinant.

Victor nous demandait sans cesse depuis notre arrivée en Iran quand est-ce qu’on y arriverait… il l’avait repéré depuis bien longtemps sur Google Maps, perdu en plein désert.

Le Shah Abbas Ier avait doté l’empire perse de 999 caravansérails pour faciliter et promouvoir le commerce et fournir des installations aux voyageurs. Le caravansérail, 400 ans après sa construction, continue à accueillir des voyageurs, et ce soir il a même le privilège de recevoir Les Mollalpagas en cavale !

Le caravansérail est situé sur la route de la soie, la principale route d’échanges entre l’Europe et l’Asie. Les premiers caravansérails datent de 2500 ans, quand la Perse faisait partie de l’Empire achéménide. Durant la période Safavide (1501-1736) en Perse, des caravansérails furent construits sur des sites tous les trente à cinquante kilomètres, le long des routes commerçantes du pays. Beaucoup de ces bâtiments furent notamment construits sous les règnes des Shahs Abbas Ier (1587–1629) et Abbas II (1642–66). L’entrée y était payante ainsi que la mise à disposition d’une pièce de 8 pieds carrés. Les pièces disposaient d’une cheminée et les servants logeaient dans un lieu séparé. Le gardien du caravansérail était autorisé à percevoir des taxes sur les ventes et à superviser toutes les opérations, en particulier celle de protéger les marchands et leurs biens du vol.

L’autre charme de ce bivouac est que les architectes de l’époque ont même fait en sorte que la Tiny puisse passer par l’unique portail donnant accès à la cour de ce caravansérail à deux étages comportant un bassin en son centre.

Mais nous ne sommes pas les seuls à avoir eu la bonne idée de venir ici. En même temps que nous arrivent deux voitures d’iraniens qui mettent la musique à fond et commencent à faire un feu ! Nous qui voulions de la solitude et du calme… Rapidement, cette famille vient nous saluer et nous nous retrouvons à partager un agréable moment en buvant le thé avec Hossein, Saïd, Hassan, Ahmad, Zahra et Baran. Ils ne parlent pas un mot d’anglais et donc les échanges sont malheureusement assez limités. Dommage. L’ambiance est là néanmoins grâce à la musique à fond et au feu par-dessus lequel ils sautent. Les hommes se mettent à danser m’invitant au passage.

En Iran, pays gouverné par la charia, faire la fête, boire ou danser est illégal. C’est contraire aux lois de la république islamique, qui interdit depuis 1979 aux femmes de danser devant des hommes, à l’exception du cadre familial. Ces comportements perçus par le régime comme un symbole de l’occidentalisation sont passibles de peine de prison ou de flagellation. Récemment, une jeune femme, Hojabri, ayant posté sur les réseaux sociaux des vidéos d’elle-même en train de danser, a été arrêtée, emprisonnée sans procès et sans possibilité de se défendre, puis contrainte à la honte de devoir confesser son « crime » à la télévision. La cyber police iranienne a d’ailleurs annoncé que les personnes postant des contenus « indécents » seraient désormais poursuivies pour « crime contre la sécurité nationale ».

Les jeunes femmes restent donc assises, tapent dans les mains et filment en riant. Nous comprenons qu’ils sont venus juste pour se défouler un court instant, loin des regards. Avant de repartir, ils insistent pour nous inviter dans leur maison, mais c’est à 60 km ! Ils s’en vont nous laissant dans la nuit noire en plein désert. Pas de réseau internet ni téléphone. On est coupés du monde ! Que ça fait du bien… Nuit bercée par le bonheur d’être ici et par le vent qui malgré la protection des épais murs du caravansérail fait bouger la Tiny dans tous les sens.

Lundi 25 mars 2019 :

Je suis réveillé de bonne heure. Seul, habillé de ma djellaba marocaine, je monte sur les toits et me rends compte du caractère isolé des lieux. Je visite chacun des recoins de l’édifice. J’imagine comment pouvaient être les lieux à l’époque. Je cherche où pouvaient être la salle de prière, les commerces, les chambres, les toilettes, les cuisines, la boulangerie, les écuries… Le climat rude et l’aridité d’une grande partie du plateau iranien où les précipitations sont relativement faibles, impliquaient l’existence de ces lieux de repos sur les routes où les voyageurs pouvaient s’approvisionner en eau et en nourriture. Étant donnée la longue distance qui sépare souvent les agglomérations rurales et urbaines, la traversée du pays était quasi-impossible sans l’existence de ces auberges routières. J’imagine le passage des hommes à dos de chameaux composant ces caravanes sur ces routes mystérieuses de la Perse…

Matinée école où les enfants travaillent efficacement pour vite sortir jouer. Victor passionné de « recherches archéologiques » prend la lampe frontale et ma pelle américaine et s’en va creuser dans différentes pièces à la recherche de poteries. Et il en trouve… et même des fragments très beaux ! Il s’imagine déjà dans le futur voyager avec un 4×4 et a déjà pensé au matériel qu’il emmènera pour faire des fouilles !

Anaïs passe des heures sur les toits à jouer, à songer, les yeux tournés vers le désert. A quoi pense-t-elle ma petite adolescente ? Anaïs est vraiment épanouie depuis le début du voyage (elle l’était déjà avant !). Sans cesse, elle nous dit qu’elle aussi, elle voyagera. Elle a déjà imaginé son véhicule, un petit camion qu’elle aimerait aménager en bibliothèque pour partager des livres.

Il est l’heure de préparer à manger. Quelle belle occasion de tester notre nouveau moyen de cuisson acheté la semaine dernière dans le bazar d’Ispahan. Nous sommes ravis de cet achat. Nous brûlons le bois que nous ont offert ce matin des iraniens (en plus de nougats, d’une douzaine d’œufs et de gâteaux) venus boire un thé dans le caravansérail.Une autre famille arrive pour pique-niquer. Audrey leur prépare un thé. En échange, ils nous amènent du pain et une brochette de poulet. Comme les voyageurs il y a 400 ans, cet endroit continue à servir de lieu d’échanges ! L’après-midi se passe ainsi. Nous profitons de l’atmosphère magique des lieux. Nous alimentons le feu et faisons cuire des Naans en utilisant la bonne recette de notre amie voyageuse, Sandra des Vagueauvent. Nous nous servons de la farine de blé moulue par Mohammad et son dromadaire dans son moulin visité hier. Pour l’anecdote, le camion de nos amis les Vagueauvent était surnommé « le chameau » ! Audrey la pétrit avec le yaourt donné hier par notre guide lors de la visite du village de Harand et avec son « levain voyageur » dont je ne vous ai pas encore parlé. Notre même amie Sandra a créé lors de son voyage en Amérique du Sud son propre levain afin de préparer son pain elle-même. Depuis, elle le partage avec plein de voyageurs qui à leur tour le partagent. Il est donc à présent aux 4 coins du monde. Un groupe Facebook a même été créé ! Ce levain que nous conservons nous permet de réaliser nous-même notre pain régulièrement.Trois autres hommes arrivent en voiture, s’approchent de nous, observent le feu et voyant ces gros morceaux de bois qu’on nous a offerts ce matin, ils nous empruntent notre scie pour débiter ces troncs trop gros ! Ils repartent au volant de leur 405. On a cru comprendre que ce sont trois bergers habitant dans le désert. Le repas de ce soir est encore préparé dans notre « wok » au feu de bois qui ne s’est pas éteint depuis ce matin… Quel bonheur nous vivons ! Quel luxe ! Audrey me dit qu’on est bien mieux ici que dans un hôtel 5 étoiles, je partage son point de vue. Ça fait vraiment du bien d’être « quasiment » coupés du monde. C’est également l’occasion pour les filles de ne pas porter le voile. Elles ne le remettent que lorsqu’une voiture arrive dans le caravansérail.

Soirée cinéma.

Nuit bercée par le bruit de la tempête et de la pluie qui tombe sans cesse depuis de nombreuses heures. Je me souviens de la piste que nous avons empruntée hier pour venir ici et appréhende déjà la sortie. Je me souviens aussi de cette conversation avec nos amis les Plems qui m’avaient mis en garde contre l’état de la piste au cas où il pleuve. Mais je ne me souviens pas de la fin de la conversation (c’était peut-être en fin de soirée et pour ceux qui ont déjà passé des fins de soirées avec des vendéens…) où ils m’indiquaient que dans ce cas, il fallait prendre à droite. Ou à gauche. Je ne sais plus. Que faire, demi-tour ? Ce serait sage car nous connaissons la piste et savons qu’elle ne fait que quelques petits kilomètres, mais cela nous rallongerait beaucoup trop ? ou bien suivre l’indication du GPS (et de mon instinct) qui nous ferait gagner beaucoup de kilomètres mais on ne connait ni l’état de la piste, ni sa longueur. Je tente de retrouver le sommeil mais la pluie tombant sur les tuiles en bois de la Tiny m’en empêche.

Mardi 26 mars 2019 :

La fatigue a dû me rattraper car je suis réveillé à 7h30 par le bruit d’une voiture entrant dans le caravansérail. Une 405. Quelqu’un frappe à la porte. J’ouvre la fenêtre. Ce sont les 3 bergers d’hier qui sont venus nous apporter 4 grandes galettes de pain plat ! J’ai à peine le temps de leur dire merci qu’ils repartent déjà !

La pluie tombe toujours. Nous faisons une réunion avec Audrey et décidons d’anticiper un peu notre départ et de prendre la piste rapidement, avant l’école. A regrets, nous quittons ce merveilleux bivouac que nous conseillons à tous les prochains voyageurs !Nous prenons à gauche en suivant notre GPS. Craignant un peu l’état de la piste, je préfère passer le volant à Anaïs qui en plus de gérer parfaitement la direction gère pour la première fois la pédale d’accélérateur. Elle se débrouille très bien.La piste est finalement praticable, bien que détrempée par endroit. Mais elle est longue. Nous sommes vraiment loin de tout. Les paysages traversés à 2000 mètres d’altitude sont magnifiques, nous rappelant certaines des hautes altitudes d’Argentine, de Bolivie ou du Pérou, bien que ces derniers étaient 3000 mètres plus hauts. Bon, un petit rayon de soleil serait quand-même bienvenue. Au bout d’une heure et de 20 kilomètres, nous retrouvons l’asphalte.

Dans le premier village, je m’arrête le long d’un square pour boire un café et pour que les enfants se défoulent un peu. A peine garés, une femme et des enfants, en train de grignoter assis dehors sous la pluie, nous font signe de nous joindre à eux. Elle nous prépare des bouchées de pain garnies de tomates et de fromage. Nous lui faisons goûter le café, visiblement trop amer au vu du nombre de sucres qu’elle ajoute. Elle nous invite chez elle… Nous déclinons avec le sourire. Un monsieur s’approche de moi m’invitant chez lui… Je décline, toujours avec le sourire.Qui dit retour à la civilisation, dit retour au réseau internet par lequel nous apprenons que des crues ont tué au moins 20 personnes et fait plus de 100 blessés dans la ville de Shiraz (500 km plus au sud) suite à des pluies torrentielles et de violents orages. Les précipitations ont été très intenses hier, l’équivalent de 4 mois de pluie en l’espace de quelques heures. Conjuguées à la fonte des neiges, ces pluies se sont transformées en torrent de boue. 25 des 31 provinces du pays ont été touchées faisant au total plus de 40 victimes. Nous prenons des nouvelles de Gali et Compagnie qui, quand on s’est séparé à Ispahan dimanche, ont pris la direction de Shiraz. Ils y sont mais sont en sécurité sur les hauteurs de la ville. Les différents iraniens rencontrés depuis le début de notre voyage et avec qui nous continuons à communiquer par WhatsApp s’inquiètent pour nous.

La voie rapide retrouvée, nous continuons toujours vers le sud et atteignons la ville de Meybod où nous trouvons un bivouac sur le parking désert d’une immense mosquée.

Mercredi 27 mars 2019 :

La ville nous ayant paru assez touristique lors de notre arrivée hier soir, nous décidons de décaler l’école à plus tard et de partir visiter les différents monuments de la ville ce matin. Meybod est une vaste ville de terre qui a environ 1800 ans. Nous commençons par la forteresse Narin dont les fondations les plus anciennes laissent penser que l’implantation remonterait au 4ème siècle av. J.-C. Les ruines qui dominent la ville sont bien restaurées. L’endroit, calme ce matin, est bien agréable.

Jolie vue depuis le haut de l’édifice sur la vieille ville dont des coupoles et des tours des vents en terre dépassent des toits plats.

Plus loin, le Yakhchal est une construction en forme de dôme semi-enterré, vieille de 400 ans et récemment superbement restaurée. Cet énorme édifice est une glacière bâtie avec un mortier spécifique (composé de sable, d’argile, de blanc d’œuf, de chaux, de poils de chèvre et de cendres) qui gardait la fraîcheur. Les murs à la base sont épais d’au moins deux mètres et se terminent par l’épaisseur d’une seule brique de 2,5 cm au sommet. L’eau gelait dans les deux bassins extérieurs de faible profondeur puis la glace était alors stockée dans un grand puits protégé de la chaleur estivale par un immense dôme. Dans l’Iran du 4ème siècle av. J.-C., les ingénieurs persans maîtrisaient déjà la technique permettant de stocker de la glace y compris en plein été dans le désert. La glace était amenée des montagnes environnantes pendant l’hiver et était ensuite stockée dans des yakhchals.

Juste en face, nous visitons le caravansérail de Shâh-’Abbâsi construit exactement sur le même plan que celui où nous avons bivouaqué dans le désert. De plus, ce bâtiment est très bien restauré et nous pouvons alors mieux comprendre les différentes pièces. Les lieux sont occupés par des artisans tissant des tapis, confectionnant des articles en cuir, façonnant des poteries… Nous passons un moment à observer le talent et l’agilité d’un maître Zeilo tissant sur un superbe métier à tisser un grand Kilim en coton au motif réversible.

Nous visitons le musée Zeilo au sein du caravansérail. Il est consacré aux tapis de prière tissés à la main. Certains datent du 14ème siècle.

Accolée au caravansérail, une immense citerne à eau prend place, encadrée de quatre tours des vents.Enfin, nous visitons le pigeonnier circulaire toujours construit dans le même matériau. Son intérieur est percé de 4000 alvéoles. Les fientes des pigeons étaient récoltées là également pour servir d’engrais. L’endroit nous fascine.

École, lavage du camion, lessives et blog nous occupent quelques heures. Un homme s’approche de la Tiny, nous offre des cartes postales de la ville en nous souhaitant la bienvenue. Nous reprenons notre cavale vers le sud pour parcourir environ 50 km sur la voie rapide à travers le désert. Nous approchons de la ville oasis de Yazd.

A son approche, nous passons devant plusieurs réparateurs de réservoirs de carburant. Le deuxième ajouté au Maroc fuit légèrement au niveau d’un raccord. Je m’arrête chez un premier qui m’envoie chez un deuxième qui m’envoie à son tour chez un troisième. Ce dernier est le bon et accepte de regarder à la fuite. Il ressert un raccord. Cela semble aller mieux mais on ne le saura qu’avec le temps. Je lui demande combien je lui dois. Il me répond « welcome » et nous invite à fumer le hookah (narguilé iranien) sur le trottoir. Nous prenons la route et nous arrêtons un court instant pour regarder de près à notre GPS. Soudain, surgit à ma fenêtre, me faisant sursauter, le réparateur de ma fuite qui a pris sa voiture, nous a suivis pour nous inviter chez lui ! C’est très gentil mais nous poursuivons, toujours avec le sourire, notre route. Il est déçu.

Pause à la mosquée Imamzadeh Seyyed Jafar Mohammad.

Nous trouvons en plein quartier historique de Yazd une place dans une rue assez bruyante, un bivouac pour la nuit.

Jeudi 28 mars 2019 :

Nous partons donc aujourd’hui visiter la ville historique de Yazd, classée seulement depuis 2017 au Patrimoine mondial de l’Unesco. La ville a échappé aux tendances de la modernisation qui ont détruit bon nombre de cités traditionnelles à l’architecture en terre. Cette ville-oasis est coincée entre les déserts du Dasht-e Kavir et du Dasht-e Lut. Pour faire face à la fournaise estivale, des tours du vent (Badgirs) ont été construites partout. Elles sont destinées à recueillir et faire circuler le moindre souffle d’air, ce sont les ancêtres de la climatisation. Elles sont de trois sortes et selon leur modèle, elles captent l’air venant d’une, de deux ou de quatre directions. Elles comportent deux ou six faces. Le vent pénètre dans la tour au-dessus d’un bassin d’eau froide, rafraîchissant l’air ambiant, tandis que l’air chaud est renvoyé à l’extérieur par un autre tuyau.

Nous visitons la mosquée (encore une, et ce n’est pas fini mais on ne s’en lasse pas) de Hazireh qui est également couronnée par une paire de minarets.

Plus loin, nous arrivons au complexe Amir Chakhmaq avec une façade à trois étages. Ce bâtiment est utilisé pour la commémoration du martyr de l’imam Hossein. Il est la porte d’accès à un bazar, une mosquée, un caravansérail, des bains publics, un puits d’eau et des restaurants.

Cette énorme construction en bois est un Nakhl en bois de palmier qui a plus de 200 ans. Les fidèles le portent en procession.Les terrasses de cafés sont des sofas où les clients prennent place après s’être déchaussés.Sur cette même place, nous entrons dans le Saheb A Zaman, ancien réservoir d’eau construit en 1580. L’architecture n’est pas impressionnante depuis l’extérieur hormis ses 5 Badgirs. C’est en voyant la maquette de la construction haute de 29 mètres que l’on se rend compte de ses dimensions ! Voyez sur le croquis ci-dessous la taille de l’immense salle où nous entrerons qui figure en sombre au niveau le plus haut. Imaginez la profondeur du réservoir d’eau en-dessous… C’est là qu’était stockée l’eau de la ville avant que les moyens d’irrigation plus modernes ne le rendent obsolète.

Aujourd’hui, le bâtiment est reconverti en Zurkhaneh, c’est-à-dire en maison de force où les hommes pratiquent le Varzseh-e Pahlavani, pratique inscrite au Patrimoine immatériel par l’Unesco. Ce sport national iranien consiste en une série de techniques de culturisme et de gymnastique ainsi que de lutte accompagnées par le rythme du tombak. Le Varzesh-e Pahlavani a été conçu à l’origine comme une sorte d’art martial en Perse antique et a joué un grand rôle dans la résistance des Iraniens contre les envahisseurs au cours de l’Histoire. Un athlète aux bras plus gros que mes cuisses nous fait une démonstration grâce à différents accessoires (Mīl, Kabbadeh, Sang et Takhteh Shena). J’essaye à mon tour, mais j’ai un mal fou à lever ces quilles de bois lourdes d’une vingtaine de kilos pour les plus lourdes et cette artillerie métallique pesant 25 kilos.

Continuant notre régime alimentaire iranien (et oui, Huguette, on continue !), nous entrons au Haj Khalifeh Ali Rahbar, vendant paraît-il les meilleures pâtisseries de Yazd. Les clients sont plus locaux que touristes. Ils remplissent un bon de commande, payent avant de retirer leurs gâteaux à un autre guichet. J’observe le rituel et fais de même. Nous nous régalons d’une spécialité de la ville, sur les bons conseils de Sarah d’Ispahan qui nous a dit de ne surtout pas partir de Yazd sans avoir acheté des Qottab, gâteau frit rempli d’amandes et parfumé à la cardamome.

Faisant attention tout de même à notre cholestérol et à notre diabète, nous résistons à l’appel de ces morceaux de sucres cristallisés.Ayant repris des forces, nous enchaînons avec le musée de l’eau. Ce musée est situé dans une belle demeure où la cour est recouverte de stucs finement ciselés. De petites fenêtres à vitraux laissent passer la lumière.

La ville de Yazd est le témoignage vivant de l’utilisation intelligente des ressources disponibles limitées nécessaires à la survie dans le désert, en particulier l’eau qui est acheminée jusque dans la ville par un système de qanats. Chaque quartier de Yazd est édifié sur un de ces aqueducs souterrains. L’exposition présente à travers des photos, des maquettes, des croquis et différents objets, le monde caché des cours d’eau qui ont permis à la vie de se développer dans le désert. Ce système d’irrigation est propre à l’Iran et les premiers qanats dateraient du premier millénaire avant notre ère.

Les qanats circulent à travers les maisons des familles fortunées remplissant des bassins en sous-sol, appelés sardob. Ce sont les pièces les plus fraîches de la maison.Nous sortons de ce musée et entrons justement dans une de ces maisons, abritant aujourd’hui le Vali Hôtel. La cour de cet ancien caravansérail est superbement rénovée. En descendant de plusieurs mètres sous terre, nous accédons à une agréable et fraîche pièce alimentée par un qanat.

Une nouvelle pause-calories s’impose. Nous montons cette fois sur les toits de la ville dans un café traditionnel. La gentille serveuse en apprenant que nous sommes français change la musique iranienne diffusée dans la cour et met à la place des airs de Lara Fabian. Ce n’était pas nécessaire mais l’attention est gentille. Vue panoramique sur les bâtiments construits en terre (murs et toitures). Des toitures plates, on voit de superbes tours des vents et de magnifiques minarets et coupoles dont celle, d’une superbe couleur turquoise, du mausolée de Bogeh-ye Sayyed Roknaddin du 15ème siècle. Non loin, nous apercevons les minarets élancés de la mosquée Jameh voisine que nous visiterons plus tard.

De cette terrasse, nous voyons également un parking où sont garés les véhicules du couple d’espagnols et de la famille de français que nous avions vus chez Shabnam à Téhéran. Nous descendons saluer May’, Julio, Gaëlle, Clément et Elsa. Retour à la Tiny pour mon petit Victor et moi alors qu’Audrey et Anaïs partent faire des photos d’identité avec la tête voilée. Nous en avons besoin pour faire la prolongation de nos visas iraniens qui arrivent bientôt à expiration. Elles profitent de ce petit moment entre filles pour faire les boutiques et aller acheter à Anaïs une tunique un peu plus légère en vue des températures plus élevées dans le sud. Elles reviennent et nous voient attablés en bonne compagnie de Majid, Mahdi, Amir et Mojtaba. Ce sont quatre amis de la capitale qui passent leurs vacances à visiter leur pays. Ils guettaient notre arrivée à la Tiny pour pouvoir la visiter. L’un deux part quelques instants et revient en m’offrant une boîte de chocolat en poudre, spécialité de la région de Rayen qu’ils viennent de visiter. Ils nous invitent chez eux, à Téhéran. Leur expliquant que ce n’est pas sur notre route, ils m’expliquent que dans ce cas, comme ils ne peuvent nous recevoir chez eux, ils nous invitent tous les quatre au restaurant ce soir.Je me prête alors au jeu du taarof mais il m’arrête aussitôt en me disant que leur invitation est sincère et sérieuse. Le taarof régit les règles de l’hospitalité iranienne : un hôte est tenu de proposer à son invité tout ce qu’il pourrait désirer, et l’invité est lui-même obligé de refuser. Ce rituel se répète en général trois fois avant que l’hôte et l’invité ne parviennent enfin à déterminer si l’offre et le refus sont réels ou simplement polis. J’accepte leur invitation. Ils repassent une heure plus tard et nous emmènent dans un resto typique et traditionnel, loin des adresses pour touristes. Nous sommes accueillis par la maîtresse de maison et prenons place assis sur un épais tapis. Une boisson à base de sirop de plantes nous est proposée en apéro. Puis pas moins d’une quinzaine d’assiettes de spécialités iraniennes nous sont servies ! Ils tiennent vraiment à nous faire goûter aux meilleures saveurs de leur pays. Au menu :

  • Ghormeh sabzi (ragoût d’herbes fraîches aux arômes citronnés et de coriandre cuit avec des haricots, des oignons, ainsi que de l’agneau)
  • Kalam polo shirazi (mélange de riz, de chou, de boulettes de viande, d’épices et d’herbes fraîches)
  • Âsh-e reshteh (soupe épaisse d’épinards frais, de pois chiches, de lentilles vertes, de vermicelles, de persil, d’échalotes, d’oignons, de menthe fraîche et de yaourt)
  • Zereshpolo ba morgh (poulet avec riz basmati au safran et aux airelles rouges)
  • Kashk-e baademjan (aubergines, oignons caramélisés, noix grillées, herbes aromatiques, épices et du petit lait fermenté)

Tous ces plats sont succulents, une vraie cuisine maison.

Au moment de vouloir participer à l’addition, je me vois invité à ranger mon porte-monnaie et entendre un « Welcome to Iran » … Nous profitons d’un Yazd by night en compagnie de ces charmants iraniens qui nous raccompagnent jusqu’à la Tiny en prenant bien soin de nous. La circulation est dense et ils arrêtent les voitures pour qu’on puisse traverser la rue en sécurité.

Nous nous séparons après avoir fait des selfies et échangé nos coordonnées et des remerciements. Eux également nous remercient d’avoir accepté leur invitation. Je leur serre chaleureusement la main. Audrey ne peut pas car un homme ne serre pas la main d’une femme en Iran, encore moins la bise…

Le ventre bien rempli de délicieuses saveurs iraniennes, nous nous endormons… pas pour longtemps.

Vendredi 29 mars 2019 :

1h12, on frappe à la porte. Certainement pour nous inviter à manger mais je n’ai plus faim, je n’ouvre pas.

Nous commençons la journée en partant visiter la vieille ville classée parmi les plus anciennes du monde au Patrimoine mondial de l’Unesco. Yazd est construite en briques crues de couleur ocre. De nombreux Badgirs dont je vous ai parlés plus haut sortent des toits. Pour encore mieux les rafraîchir, les maisons disposent en plus de ces tours à vent de cours intérieures abaissées qui desservent des espaces en sous-sol. Associées à de hauts et épais murs en pisé, cela crée un agréable microclimat. Jusqu’à 4 étages vont chercher la fraîcheur sous terre pour faire face aux températures extrêmes. Nous nous perdons dans les Kuche, qui sont ces étroites et sinueuses ruelles en partie couvertes. De jolies portes en bois fermées ne laissent pas imaginer la beauté des résidences qui se cachent derrière.

Nous arrivons à la mosquée Jameh qui domine la vieille ville depuis le 14ème siècle. Son portail est d’une hauteur impressionnante et est couvert de carreaux de faïence. Deux magnifiques minarets hauts de 48 mètres l’encadrent. Ce sont les plus hauts d’Iran. Une magnifique coupole surplombe la salle de prière qui n’est pas fermée mais ouverte sur la grande cour fermée à laquelle nous avons accès une fois que les filles se soient cachées derrière un vilain tchador. Superbe intérieur avec un mihrab recouvert également de carreaux de céramiques et de stuc de terre cuite.

Dans la cour, par un étroit escalier, nous descendons d’environ 15 mètres sous terre et accédons au qanat qui acheminait l’eau en ville. Long de 90 kilomètres, il est l’un des plus longs du monde et l’un des plus vieux d’Iran.

Nous continuons à déambuler dans les vieilles rues et faisons une pause gourmande (encore) dans une maison ancienne magnifiquement restaurée en salon de thé-librairie-magasin d’artisanat. L’endroit est agréable mêlant bouquins dans toutes les langues, vieilles cartes géopolitiques et historiques du Moyen-Orient, tapis, poteries… Des toits, vue imprenable sur la ville et sur les montagnes enneigées.

La ville de Yazd est célèbre pour ses baklavas, pâtisseries fourrées de pistaches épicées à la cardamome et parfumées d’un sirop à la rose. Elles sont délicieuses accompagnées d’un thé à la cardamone, d’un expresso ou d’un jus de fruit frais pour nos enfants adorés.

Nous arrivons à la Prison d’Alexandre qui n’a ni été construite par Alexandre le Grand (fondateur de la ville, selon la légende), ni été une prison, mais une école au 15ème siècle.

Sur la même place, nous passons devant le Tombeau des douze Imams. Avec ses 1000 ans d’Histoire, c’est le plus vieux monument de Yazd. Ce mausolée ne se visite pas.Nous passons devant un ab anbar (réservoir d’eau) entouré de quatre Badgirs.Nous allons encore recevoir des messages et des commentaires comme quoi on ne fait que manger mais c’est tellement appétissant et tellement peu cher qu’on se fait plaisir à acheter cette fois pour quelques dizaines de centimes d’euros des grandes galettes plates encore fumantes. Les pains cuisent collés sur les parois verticales du four à bois. Là encore, les boulangers demandent à se faire prendre en photo avec leur téléphone. En général, comme tous les autres iraniens, ils ne tardent pas à poster ces photos sur leur compte Instagram.

Notre visite de la vieille ville se poursuit par la visite de la (trop) touristique maison traditionnelle Khan-e Lari, appartenant auparavant à une riche famille de négociants. Ancienne de 150 ans, elle date de l’époque Qadjar. Les murs et plafonds d’une des pièces sont recouverts de portraits de femmes européennes. Elle a conservé ses vitraux, ses portes traditionnelles, ses porches et de nombreux Badgirs. Nous avons accès d’ailleurs à l’intérieur d’une de ces tours. C’est impressionnant de sentir l’air frais arrivant des toits à l’intérieur de la maison. La cour intérieure, bien cachée des regards de la rue, abrite un joli bassin où une terrasse en bois est montée sur des pilotis dont les pieds dans l’eau évitent que les scorpions (le désert n’est pas loin) ne montent dessus.

  C’est simplement en fin d’après-midi, après avoir fait deux heures d’école à la Tiny que nous ressortons en ville nous balader dans les bazars. Nous goûtons à une autre spécialité de la ville, les Pashmak. Éric, pour info, ce que tu crois être des poils blancs dans ma barbe sont en fait cette sorte de barbe-à-papa bien collante et bien sucrée. Ah oui, on goûte aussi au Paloudeh encore une sucrerie à base de vermicelles d’amidon de riz, de jus de citron et d’eau de rose.

Puis le ventre bien rempli, nous retournons à la citerne visitée hier où nous avions assisté à un entrainement de Varzseh-e Pahlavani, cette épreuve de force, sport national de l’Iran. Cette fois-ci, non pas un athlète s’entraîne mais une dizaine font une démonstration d’environ une heure. C’est vraiment impressionnant. Comme dirait notre amie Elodie, ça sent la testostérone et la transpiration ici ! Un homme chante et tape fort sur son tombak pour accompagner les athlètes, jeunes ou moins jeunes.

Nous terminons cette belle journée par un autre petit Kababi typique où pour 3€, nous mangeons à 4 des brochettes de jigar (foie grillé) et des brochettes de Kabab Kubideh (bœuf et agneau mélangés à des oignons, de l’œuf et du yaourt), spécialité de ce bazar.

Nous rentrons à la Tiny et nous mettons au lit sans manger.

Samedi 30 mars 2019 :

Ce sont encore les vacances de Nowruz et les sites touristiques sont noirs de monde, surtout des touristes iraniens mais aussi des groupes de français et d’asiatiques en voyages organisés. Nous décidons de partir de bonne heure pour notre dernière visite de Yazd. Le Temple du Feu. Le Zoroastrisme, vous connaissez ? Nous, non avant d’y consacrer notre journée… Je vous propose de le découvrir.

Le zoroastrisme est la première et la plus vieille religion monothéiste au monde dont Ahura Mazdā est le dieu. Le zoroastrisme a été fondé au cours du 1er millénaire av. J.-C. dans l’actuel Kurdistan iranien, et est même devenu la religion officielle des Perses sous la dynastie des Sassanides (224-651), jusqu’à ce que l’islam arrive et que la majorité des Perses s’y convertissent. Certains considèrent que le zoroastrisme joua en Perse un rôle tout aussi important que le catholicisme dans l’Europe du Moyen Âge, tant la religion imprégnait la vie des gens. Zoroastre a appelé son dieu Ahura Mazdā, force créatrice du monde, du ciel et de la Terre et des quatre éléments, l’eau, la terre, le feu et l’air, éléments que les zoroastriens vénèrent et respectent au plus haut point puisque venant du dieu.Aujourd’hui il n’y a plus, à peu près, que 200 000 zoroastriens dans le monde, principalement en Inde (les Pârsî), en Iran (environ 40 000 fidèles, sur 80 millions d’iraniens, principalement dans la ville de Yazd), aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Il existe un Centre Culturel Zoroastrien à Paris. Le zoroastrisme reste un élément important de la civilisation iranienne, car il a joué un rôle important dans l’histoire politique et religieuse du Proche-Orient pendant plus d’un millénaire. D’autre part de nombreuses traditions zoroastriennes persistent dont le calendrier iranien.

Zoroastre prêchait un dualisme reposant sur la bataille entre le Bien et le Mal. Le principe de Zoroastre est qu’il existe un esprit saint (Spenta Mainyu), fils de Ahura Mazdā, et un esprit mauvais (Angra Mainyu). Ces deux esprits coexistent dans chacun des êtres vivants. Zoroastre n’a jamais prétendu être un prophète, il s’est contenté de donner des directions de recherche spirituelle. Il a fondé sa doctrine sur la « bonne pensée », la « bonne parole » et la « bonne action ». Les zoroastriens admettent une vie après la mort et un jugement des âmes. Si les bonnes actions l’emportent sur les mauvaises, l’âme monte au ciel. Dans le cas opposé, c’est une descente en Enfer.

Les zoroastriens respectent donc le feu comme symbole divin. C’est de bonne heure ce matin, que nous visitons l’Ateshkadeh ou Temple du Feu de Yazd, endroit où les Zoroastriens du monde entier viennent se recueillir. La flamme sacrée brûlerait depuis l’an 470. Les prêtres, en récitant des prières rituelles, l’alimentent cinq fois par jour avec du bois d’abricotier ou d’amandier, le bas du visage caché par un masque. Le feu est positionné dans une pièce sombre, pour que le feu sacré ne soit pas touché par les rayons du soleil. Une vitre le protège pour qu’il ne soit pas souillé par le souffle des hommes.

Sur la façade du temple, on voit le symbole de Zoroastre, le Farvahar ou Homme-oiseau. Les trois rangées de plumes des ailes rappellent les principes fondamentaux (bonne pensée, bonne parole, bonne action). Les deux jambes, la dualité entre le bien et le mal. Le grand cercle, l’infini de l’univers. Le petit, l’amour.Chez les zoroastriens les rites sont assez légers, même s’ils ne sont pas obligatoires : prier cinq fois par jour, faire une fête une fois par mois, plus cinq jours pour préparer le nouvel an. Durant son premier anniversaire, le Parsi effectue sa Présentation au Temple, où le prêtre le marque au front avec de la cendre du Feu sacré et récite des bénédictions. A l’âge de 15 ans, c’est l’initiation qui marque l’arrivée du Parsi à l’âge adulte. Le Parsi reçoit une tunique blanche, le sudreh, nouée à la taille par un cordon de laine, le kūsti. Un Parsi pieux ne doit jamais rester sans tunique, et quand il faut la changer, il doit réciter des prières appropriées.

Chez les Parsis, le mariage est obligatoire mais ils ne se marient qu’entre eux. Le contact avec des « infidèles » est source de souillures. Si on a mangé de la nourriture préparée par un non-zoroastrien ou si on a effectué un voyage, il est indispensable d’effectuer des rites de purification.

Voici quelques préceptes de la doctrine de Zoroastre :

  • Prier un Dieu unique.
  • Faire le bien autour de soi.
  • Cultiver la joie de vivre.
  • Egalité des hommes et des femmes.
  • Préservation de la pureté de l’eau, de la terre, de l’air et du feu. Cependant, comme l’air, l’eau et la terre sont les éléments divins qui existent sans le concours de l’être humain tandis que le feu est l’élément divin qui a besoin du concours de l’homme pour être entretenu, pour continuer d’exister, les Zoroastriens vénèrent plus que tout le feu sacré car il exprime mieux que tout le véhicule de communication entre Ahura Mazda et les hommes.
  • L’esclavage et la soumission de l’être humain, sont totalement rejetés.
  • Importance de la récolte et rejet de toute idée de paresse, de vivre au crochet d’autrui, de voler le bien d’autrui. Chacun doit vivre de ses efforts et pouvoir bénéficier de sa propre récolte.
  • L’idolâtrie, l’adoration de la pierre ou tout autre lieu construit, sont prohibées dans la pensée de Zoroastre.
  • Aucune oppression ne peut être admise à l’égard des hommes.
  • Aucun mal ne doit être commis à l’égard des animaux et leur sacrifice doit être reconnu comme un crime des hommes à leur égard.

La vie étant conçue comme un don d’Ahura Mazdā, la mort ne peut être reconnue qu’avec horreur. La décomposition du corps est l’œuvre d’un démon. Des Parsis formant une sorte de caste, les Nasālāsar sont chargés d’emmener les morts dans des « Tours du Silence », nommées dakhmā. L’âme du mort reste trois jours dans la Tour. Le quatrième jour, elle la quitte, mais elle doit alors franchir un pont. A ce stade, se produit une manière de jugement : l’âme du juste franchit le pont et accède à la Maison des Chants, alors que celle du méchant tombe dans les enfers. La pratique du décharnement des corps remonte à un lointain passé et se retrouve dans les hauts villages du Tibet. Nous visitons dans l’après-midi au sud de Yazd le site des tours du silence. Deux d’entre-elles trônent sur deux collines désolées.

Conformément à la foi zoroastrienne concernant la pureté de la terre, les morts n’étaient pas enterrés mais déposés au sommet de ces édifices de pierre en position assise, afin que les vautours viennent les dépecer. Un prêtre se tenait à côté du cadavre pour voir à quel œil s’attaquait en premier les volatiles : l’œil droit et l’âme s’embarquaient vers un destin favorable ou l’œil gauche et l’avenir s’annonçaient plus sombres. Ces tours sont désaffectées seulement depuis les années 1960. De nombreux bâtiments utilisés pour la préparation cérémonieuse et pour le repos des familles parsèment le site.

Comme les chrétiens et les juifs, les zoroastriens sont reconnus en tant que minorité religieuse par la Constitution de la République Islamique d’Iran de 1979. De nos jours, les Zoroastriens sont vus et considérés avec bienveillance, en Iran, même si de nombreux Musulmans Chiites fondamentalistes les dénigrent. La majorité des Iraniens sont attachés à la survie de ce groupe religieux, qui est un reliquat et un témoignage de la Perse Antique, et de l’histoire de ce pays.

En fin de visite, l’une des personnes du site nous propose de visiter le cimetière actuel des zoroastriens de Yazd. Khodadad est lui-même zoroastrien. La discussion est passionnante et nous écoutons avec beaucoup d’attention ses explications. Il nous montre le monument du seul zoroastrien de Yazd mort pendant le conflit Iran-Irak. Les tombes sont orientées vers les tours du silence. A la tête de chacune d’elles est planté un cyprès ou un olivier. Il y a un seul défunt par tombe et pas dans un cercueil. Le corps est déposé, habillé de son linge blanc. Des brins d’encens parfument agréablement les lieux.

  Nous avons aimé Yazd, l’une des plus anciennes cités de l’Histoire de l’Humanité, surtout pour ses quartiers traditionnels, ses labyrinthes de ruelles voûtées, son système de qanats, ses maisons anciennes en pisé, ses tours des vents, ses bazars, les temples zoroastriens, ses citernes d’eau, ses mosquées aux dômes turquoises.

Nous nous apprêtons à partir quand arrive face à nous, la famille de Sarah qui nous avait reçus il y a une semaine à Ispahan. Ils reviennent de quelques jours de vacances dans le sud du pays. Quel heureux hasard !

Nous profitons de Yazd pour faire renouveler nos visas iraniens. Nous arrivons bientôt au terme des 30 jours qui nous avaient été accordés à notre entrée. Les formalités sont assez vite accomplies au poste de police. Des afghans sont par dizaines à faire la queue pour faire les mêmes démarches mais voyant que nous sommes français, les agents nous font directement passer dans leur bureau sans attendre des heures. Après négociation, ils acceptent de me faire la prolongation dans la foulée et de ne pas repasser demain les chercher. Pour environ 3€ par personne (et un petit pourboire de moins d’un euro qu’ils me réclament), nous repartons pour 30 jours supplémentaires. Mais à l’attention des prochains voyageurs, sachez qu’on peut faire renouveler à Yazd directement pour 60 jours. Nous rencontrons Isa, jeune espagnole voyageant en solo en sac à dos en Iran. Elle adore elle aussi et en est à son deuxième voyage dans ce pays. Autre bonne nouvelle aujourd’hui, nous venons d’avoir l’acceptation pour traverser notre prochain pays. L’ambassade du Turkménistan, à qui nous avions déposé notre dossier il y a une dizaine de jours à Téhéran (avec une lettre de motivation !), vient de nous accorder un visa de transit de cinq jours. Nous le retirerons au Consulat de Mashhad dans le nord de l’Iran lors de notre remontée dans un mois.

Nous prenons la route ou plutôt la voie rapide en direction de Persepolis que nous n’atteindrons pas ce soir car la route est longue, et pas en très bon état. Des nids de (grosses) poules sont parsemés dans le bitume. Avec grand plaisir, nous faisons le plein de gasoil. 80 litres pour 1,80€…

Il ne pleut pas mais les essuie-glaces me sont utiles pour nettoyer les énormes insectes et papillons qui s’éclatent sur le pare-brise. Soudain, l’essuie-glace de droite ne fonctionne plus. Un coup de clé de 13 et ça repart. Nous quittons la voie rapide et nous installons sur une petite place dans le petit village de pisé de Khsrwabad. A peine arrivés, une dizaine de personnes s’approchent de nous. Chacune voulant nous inviter chez elle pour le thé, le repas et pour dormir. Aucune ne parle anglais. Deux d’entre-elles appellent un ami anglophone qui sert d’interprète. Chacune insiste. Mais finalement, nous restons dans notre petit cocon tous les quatre. Plusieurs reviennent dans la soirée insistant pour qu’on vienne chez eux. Ils sont adorables !

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