694 km parcourus du 19 au 23 novembre 2019

43 815 km parcourus depuis le départ

Mardi 19 novembre 2019 :

Nous poursuivons notre descente vers le centre du Vietnam. Nous décidons de faire une longue étape aujourd’hui de près de 400 km pour essayer de gagner une journée sur notre programme. Comme vous le savez, nous avons un temps limité à 28 jours pour visiter le pays et nous sommes contraints de suivre un programme que nous avons établi avec une agence. Bien que ce soit interdit de circuler seul au Vietnam au volant d’un véhicule étranger et sans guide, nous ne rencontrons pour l’instant pas le moindre souci. Nous n’avons eu qu’un ou deux arrêts par la police de la circulation et quand ils voient que nous sommes étrangers, ils nous laissent repartir sans même contrôler nos papiers. Les échanges avec notre guide se limitent toujours à l’envoi quotidien de notre position GPS et d’une photo de la Tiny dans l’environnement où nous sommes. Cela nous convient très bien et est beaucoup moins contraignant que pour la Chine où nous avions toujours le guide avec nous. Nous retrouverons de nouveau cette contrainte au Myanmar (ex Birmanie). Et on croise les doigts que ce ne soit pas le cas pour la Thaïlande où les lois pour la circulation des camping-cars sont de nouveau en train de se durcir depuis le début du mois de novembre. Espérons que nous pourrons y rentrer sans soucis début janvier. En tout cas, on savoure vraiment notre chance de pouvoir circuler avec notre propre véhicule au Vietnam. Nous n’avons croisé aucun autre véhicule étranger car cette possibilité n’est pas encore connue dans le monde des voyageurs. A part les Hakuna Matata et les BAAM, nous n’avons pas connaissance d’autres voyageurs ici.

Nous quittons ce matin notre bivouac de Phát Diệm et roulons à une vitesse moyenne de 60 km/h sur des routes en assez bon état. C’est bien la première fois depuis notre arrivée en Asie du Sud-Est que nous maintenons une vitesse moyenne aussi élevée ! Malgré le peu de circulation automobile, il faut toujours rester très vigilants à la conduite. Les camions roulent majoritairement sur la voie de gauche pour ne pas avoir à se déporter à chaque fois pour doubler les véhicules plus lents. Je dois donc les doubler par la droite, m’obligeant ainsi à slalomer sans cesse, parfois aussi entre les animaux. Je slalome aussi entre les scooters toujours bien chargés déboulant sans avertir sur la quatre-voies.. Parfois, ils tirent même des animaux comme cette mobylette qui tire un buffle ou bien celle-ci qui tire trois cochons. D’autres portent des chiens car au Vietnam, les chiens se mangent.

Par contre, aujourd’hui, il y a quand-même moins de monde dans les rues. C’est la journée des professeurs. Peut-être est-ce une journée fériée. Cela explique certainement le grand nombre de vendeurs de fleurs que nous voyons aujourd’hui.

La route n’est néanmoins pas agréable aujourd’hui. Il pleut sans cesse ce qui n’arrange rien. Les villes se succèdent laissant peu de place à des espaces verts. La pollution visuelle et sonore est infernale et nous agresse. C’est vraiment moche. Les karaokés pullulent, même en campagne. Nous ne voyons que des façades de boutiques et quasiment pas de maison. Leurs façades sont cachées. On devine quelques énormes façades de style baroque un peu en retrait de la route.

Les mariages se célèbrent toujours sur le bord de ces autoroutes urbaines avec la musique à fond.

Quelques péages à 75 000 dongs ponctuent notre descente. J’arrive parfois à les négocier à 50 000. Je profite des stations-services pour refaire comme tous les 5 à 6 jours le plein d’eau. C’est assez facile au Vietnam. Nous sommes à présent à 650 km au sud d’Hanoï mais le grand sud dans lequel nous n’irons pas, la région du delta du Mékong et de Hô Chi Minh-Ville (ex Saigon) est encore à 1100 km.

Nous quittons l’axe principal nord-sud et bifurquons vers l’intérieur du pays. D’un coup, les paysages reverdissent mais le ciel reste bien gris quand nous arrivons dans le parc national de Phong Nha-Kẻ Bàng, région montagneuse et boisée, classée au patrimoine mondial par l’UNESCO. Elle est le plus important espace protégé du Vietnam. C’est l’un des plus vieux reliefs karstiques d’Asie qui date de 400 millions d’années. Les montagnes et les pitons rocheux calcaires sont couverts de forêts tropicales primaires.

Nous bivouaquons à Sơn Trạch. Bivouac relativement calme malgré la présence de nombreux hôtels et autres auberges pour les backpackers, et bien entendu de karaokés criards.

Mercredi 20 novembre 2019 :

Si l’on vient dans ce parc immense, c’est avant tout pour explorer son sous-sol creusé de dizaines de grottes et cavernes souterraines dont une petite partie est ouverte au public. En 2010, des spéléologues ont découvert la grotte Sơn Đông, inconnue jusque-là. Cette galerie est officiellement reconnue comme la plus grande du monde. Un immeuble de 40 étages tiendrait debout sous son immense voûte calcaire. Mais sa visite coûte 3000 dollars car elle nécessite une expédition de 3 jours avec une quinzaine de porteurs ! Le bien protégé de ce parc national par l’UNESCO possède plus de 104 km de grottes et de rivières souterraines, ce qui en fait un des écosystèmes de karst calcaire les plus exceptionnels du monde.

De bon matin, avant l’arrivée habituelle du flot de touristes, nous nous présentons pour acheter nos billets pour nous rendre en bateau visiter les grottes de Phong Nha et de Tiên Sơn. Mais nous apprenons qu’à cause du niveau d’eau trop élevé (il pleut beaucoup depuis plusieurs jours), nous ne pourrons visiter entièrement ces grottes. Comme la visite est assez chère (environ 50€), nous ne voulons pas passer à côté de la moitié de la visite. La caissière nous conseille gentiment de visiter d’autres grottes à une trentaine de kilomètres d’ici. C’est donc parti pour un peu de route au travers de paysages magiques malgré le temps toujours maussade. La forêt primaire à 90% est composée d’arbres à feuilles persistantes. Elle abrite une centaine d’espèces de mammifères dont des éléphants, des tigres, des primates…

Il est encore de bonne heure et nous avons la chance d’être parmi les premiers à entrer sur le site de la Grotte du Paradis, Động Thiên Đường, découverte en 2005. Environ 2 kilomètres à travers une végétation superbe nous permettent d’entrer dans les entrailles de la Terre.

La grotte est superbement aménagée par un réseau de passerelles et d’escaliers en bois. Nous arrivons aussitôt dans une immense cavité dont les photos ont du mal à rendre compte de l’impressionnant volume.

Puis, le boyau se resserre et nous le longeons sur plus d’un kilomètre (mais le réseau de la grotte s’étend sur 31 km). Et là, c’est WHAOUUU… C’est superbe. Nous avons déjà visité beaucoup de grottes sur différents continents mais celle-ci est certainement la plus belle que l’on ait vue. Les stalactites et les stalagmites sont tout juste époustouflantes par leur diversité, spectaculaires par leur taille et incroyables par leur nombre. On est dans une forêt de concrétions si différentes les unes des autres. Elles sont énormes, larges et hautes de plusieurs mètres !

Quelle chance nous avons de pouvoir découvrir ce site dans le calme car il paraît que les guides conduisent leurs groupes au mégaphone l’après-midi. Ça doit perdre de son charme. A un moment, alors que nous sommes plusieurs dizaines de mètres sous terre, il me semble reconnaître sur une passerelle ce qui pourrait être une antenne de téléphonie. Je regarde mon téléphone. Oui, nous avons la 4G… On imagine très bien les chinois publier aussitôt le selfie pris sur leur réseau social favori Wechat ! Oui je parle souvent des chinois mais ils sont vraiment fatigants sur les sites touristiques. Ils sont souvent bruyants, sans gêne. Les Sud-Coréens ne sont globalement pas plus discrets…

Nous retrouvons l’air libre et la pluie. Il est temps de faire école. Puis nous prenons la route, toujours vers le sud. Environ 120 km pour atteindre notre visite de demain. Bivouac sur le parking des tunnels de Vịnh Mốc.

Jeudi 21 novembre 2019 :

Petit rappel d’Histoire. Je vous avais longuement parlé dans un précédent article de la Guerre d’Indochine qui s’était déroulée de 1946 à 1954. Opposant l’Union française au Viêt Minh, le conflit avait abouti, suite aux accords de Genève, à la fin de la Fédération indochinoise et à la division du territoire vietnamien en deux États rivaux : la République Démocratique Nord Vietnam et la République du Vietnam (le Sud) de part et d’autre du 17ème parallèle, région dans laquelle nous sommes exactement au centre du Vietnam.

Mais cette Guerre d’Indochine a été suivie par la Guerre du Vietnam qui a duré 20 ans et a déchiré le Vietnam de 1955 à 1975. Elle a opposé deux camps : le Nord Vietnam et ses alliés (le bloc de l’Est, la Chine et le Việt Cộng (Front national de libération du Sud Vietnam)) contre le sud Vietnam soutenu par les États- Unis, la Thaïlande, l’Australie, les Philippines et la Corée du Sud. Le conflit étant dans l’impasse et de plus en plus impopulaire dans l’opinion publique américaine, les Accords de paix de Paris ont décidé en 1973 du retrait militaire américain. En 1975, le Nord Vietnam a réalisé une offensive contre le Sud Vietnam et a remporté la victoire (chute de Saïgon). Le pays, officiellement réunifié l’année suivante, est devenu la République socialiste du Vietnam.

Des vestiges de guerre, des traces de ces batailles, des armes sont toujours exposés dans les musées, ou conservés de part et d’autre du pays pour ne pas laisser tomber dans l’oubli cette partie de l’histoire vietnamienne. Les tunnels de Vịnh Mốc, sont une épreuve édifiante de cette période noire pour le pays. Ils ont été utilisés par le Vietnam du Nord pour lutter contre les américains et par la population civile pour se protéger des bombardements américains.

Le village de Vịnh Mốc, se situe sur la rive nord de la rivière de Bến Hải qui matérialisait la frontière entre le nord et le sud au niveau du 17ème parallèle. Il est le premier village au nord de la DMZ (zone démilitarisée) ou ligne de démarcation qui avait été établie de part et d’autre de la rivière sur 5 kilomètres.

Il fut la première localité à subir la guerre de destruction aérienne américaine contre le Nord. En juin 1965, le village fut presque totalement détruit. La région de Vịnh Mốc était bombardée durement, et a reçu en moyenne 7 tonnes de bombes par personne. Pour fuir les bombardements et en raison de la géologie favorable du terrain, il a été décidé de commencer l’excavation d’un complexe de tunnels sous le village de Vịnh Mốc en 1965. Au total, 114 réseaux de tunnels ont été creusés dans le district de Vĩnh Linh dans chaque commune pour assurer la vie normale pour la population locale et pour assurer la continuité des fournitures de matériaux de guerre. Soldats et  civils ont cohabité ici. Seuls les tunnels de Vịnh Mốc ont été préservés et sont ouverts au public.

Nous pénétrons dans cette forteresse souterraine construite en 18 mois de la main de ses habitants. Ces tunnels ont résisté aux bombardements américains continus pendant plusieurs années. Les tunnels ont été construits sur 3 niveaux. Le premier niveau, situé à 15 m sous terre était destiné aux villageois. On y trouvait un hôpital, des cuisines, des réfectoires, des salles de réunions et des “chambres” (petites alvéoles de part et d’autre des voies, où 2 personnes pouvaient dormir accroupies). Le deuxième niveau, qui se trouvait à 18 m sous terre, abritait le comité du Parti, le comité populaire du district et le commandement. Le troisième et dernier niveau, situé à 22m sous terre servait à entreposer le matériel de guerre.

Les tunnels de Vịnh Mốc ont un total de 13 portes : 7 de ces portes donnent sur la mer et servaient à approvisionner en fournitures (armes, munitions, ravitaillement) la résistance basée sur l’île de Cồn Cỏ à une vingtaine de kilomètres au large des côtes.

Un musée présentant surtout des munitions et des photos est assez émouvant. On estime que 300 personnes (environ 60 familles) vivaient en permanence dans les tunnels au cours des années 1966 jusqu’en 1972 sans pouvoir beaucoup en sortir pour des raisons de sécurité. 64 enfants sont nés à l’intérieur. Au moment le plus fort de la guerre, quelque 1200 personnes y étaient réfugiées.

La promenade sur le site est aussi éprouvante car nous voyons des dizaines de cratères, traces des bombardements américains.

Nous en apprenons beaucoup sur cette guerre très récente, cette guerre où mes parents n’avaient que 30 ans et donnaient naissance à ma sœur et mon frère, cette guerre qu’on a trop certainement étudiée rapidement dans notre programme scolaire, cette guerre qui a fait 3 millions de victimes civiles et militaires…

Nous continuons notre cavale et empruntons le pont Hiền Lương qui enjambe la rivière Bến Hải. C’était considéré comme la ligne de démarcation entre le Nord Vietnam communiste et le Sud du Vietnam pro-américain, pendant la guerre. Des monuments à la gloire du Vietnam du nord et de Hô Chi Minh sont dressés sur chaque rive.

Nous bivouaquons entre la Rivière des Parfums et la citadelle de la ville impériale de Huế et que nous visiterons demain.

Vendredi 22 novembre 2019 :

La cité de Huế est attachée aux empereurs de la dynastie Nguyễn depuis la fin du 17ème siècle. Sa citadelle inspirée de la Cité Interdite de Pékin et les fastueux tombeaux royaux que nous visiterons demain lui ont valu un classement par l’UNESCO au patrimoine mondial. Mais sur les 300 édifices historiques d’origine, à peine 80 ont survécu aux bombardements américains en 1968. Les plus significatifs ont été restaurés mais les ruines s’étendent encore à l’intérieur.

La citadelle royale Hoàng Thành a été construite de 1804 à 1833 sur l’initiative du fondateur de la dynastie Nguyễn sur un périmètre impressionnant de 10 km. Elle s’inspire de l’architecture des palais impériaux chinois. La ville comprend trois enceintes : celle de la Citadelle Royale (où 55 personnes y vivent encore), celle de la Cité Impériale et celle de la Cité Pourpre interdite. Les remparts de la première enceinte atteignent jusqu’à 20 mètres d’épaisseur et sont percés d’une dizaine de portes. Nous les franchissons et arrivons devant les fortifications de la Cité Impériale mesurant 622m x 606 mètres.

Le Cavalier du Roi (Kỳ Đài) est un imposant bastion construit en 1809 qui garde l’entrée de la Cité Royale. D’énormes canons de 10 tonnes en bronze symbolisent les 4 saisons.

Nous entrons par la Porte du Midi (Ngọ Môn) dans la Cité Impériale qui comprenait une cinquantaine de bâtiments de fonction cérémonielle, religieuse, résidentielle. La famille et les princes y vivaient de même que les 100 concubines impériales ! La porte principale couverte de tuiles jaunes (couleur royale) était réservée à l’empereur et sa famille, les portes adjacentes aux mandarins (hauts fonctionnaires lettrés et éduqués dans la tradition de Confucius, mis au service de l’Empereur de Chine et de quelques États comme le Vietnam, à l’issue d’une sélection rigoureuse et très limitative des meilleurs candidats), et les latérales aux soldats, aux éléphants et aux chevaux. Au-dessus, le Pavillon des Cinq Phénix (Lầu Ngũ Phụng) possède une superbe toiture.

Juste après ce passage, deux grands bassins, un pont et une grande esplanade permettent d’accéder au Palais du Trône appelé aussi Palais Suprême de l’Harmonie (Điện Thái Hòa). Le dragon, symbole de la puissance et de la sagesse, fait partie des 4 animaux mystiques avec le griffon, emblème du bonheur et de la protection royale, le phénix (la vertu) et la tortue (la longévité). Ce sont des animaux à la forte symbolique que nous retrouvons de manière récurrente dans la cité.

Le Palais du Trône (Thái Hòa) date de 1805. De tous les grands palais, c’est le seul qui ait échappé aux bombardements de la Guerre du Vietnam. On admire son beau toit de tuiles vernissées et décoré d’animaux incrustés de céramiques, la charpente magnifiquement sculptée et la grande salle aux 80 colonnes en bois laqué rouge et décorées de dragons et de nuages. L’empereur, entouré par les hommes de la famille impériale, présidait les réunions et les cérémonies depuis son trône.

Le Temple du Culte des Empereurs Nguyễn porte le nom de Thế miếu. C’est ici qu’on commémorait les anniversaires de naissance et de mort des empereurs et des impératrices. Le Pavillon de l’Éclatante Bienveillance venue d’en haut (Hien Lâm Các) de couleur rouge culmine à 13 mètres de hauteur avec ses 3 niveaux. Dix autels célèbrent les empereurs comme dans une sorte de panthéon royal. On trouve dans la cour les 9 urnes dynastiques dédiées chacune à un empereur. D’un poids de 2 tonnes, elles sont illustrées d’animaux, fleurs, paysages, armes…

Donnant dans la même cour, le Temple Hưng Tổ Miếu était dédié aux parents d’un des empereurs. A l’intérieur, joli ensemble de boiseries et de mobilier aux couleurs impériales.

D’autres bâtiments parsèment ce joli parc.

Nous visitons le Palais de la Reine Mère (Cung Diên Thọ) qui comprenait à l’origine une dizaine de bâtiments reliés par une galerie en bois. Le Pavillon Trường Du (1849) servait de pavillon de divertissement où l’impératrice mère venait se détendre. Le palais est adossé à un agréable bassin.

A présent, nous entrons dans la Cité Pourpre Interdite (Tử Cấm Thành), logée en plein cœur de la Cité Impériale au nord du Palais du Trône. Mais il ne reste quasiment que des ruines éparses de cet espace mesurant 300 mètres de côté auquel seuls l’empereur, les femmes, et les eunuques pouvaient accéder. Nous visitons les deux maisons mandarinales où se trouvaient les bureaux administratifs et les salles des banquets royaux.

Nous assistons à une petite représentation de Nhã Nhạc, une musique de cour vietnamienne inscrite par l’UNESCO au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Il s’agit d’un style de musique et de danses exécutées à la cour royale vietnamienne du 15ème siècle à la première moitié du 20ème siècle. Il ouvrait et clôturait généralement les cérémonies qui marquaient les anniversaires, les fêtes religieuses, les couronnements, les funérailles et les réceptions officielles. Les représentations de Nhã Nhạc réunissaient autrefois de nombreux chanteurs, danseurs et musiciens vêtus de somptueux costumes. Les grands orchestres, où dominaient les tambours, comprenaient de nombreux autres types de percussions, ainsi que des instruments à vent et à cordes. Son rôle ne se cantonnait pas à l’accompagnement musical des solennités de la cour : c’était également un moyen de communiquer avec les dieux et les rois, de leur rendre hommage, et de propager des connaissances sur la nature et l’univers.

Le Pavillon de la Lecture (Thái Bình) de l’empereur est un superbe pavillon juste restauré. Il est remarquable pour ses mosaïques uniques.

Le Théâtre Impérial (Duyệt Thị đường) de 1826 était le lieu où on donnait des représentations d’opéra traditionnel.

Nous sortons de la Cité par la Porte de l’Humanité (Cửa Hiển Nhơn) autrefois réservée aux mandarins (les fonctionnaires impériaux) et faisons un tour dans les jardins Cơ Hạ qui se composaient autrefois de pavillons, de palais, de ponts, et de plans d’eau. Il n’en reste pas grand-chose.

Retour à la Tiny après environ 4 heures de visite. Repas, école, blog… avant de ressortir à la nuit tombée pour marcher dans la Cité Impériale en contournant les remparts de la Cité Royale. Nous observons quelques vieilles bâtisses dont le Palais Long An, ancienne résidence royale.

Bien qu’il fasse déjà nuit, nous bougeons pour seulement 6 ou 7 km car notre bivouac est un peu trop bruyant pour la nuit. Nous nous déplaçons au pied de notre visite de demain. C’est plus reposant jusqu’à ce qu’un karaoké commence mais ouf, ça ne dure pas…

Samedi 23 novembre 2019 :

A peine sortis du camion, un homme nous saute dessus pour nous faire payer l’emplacement où nous sommes garés. Avoir des relations avec les vietnamiens essentiellement par le biais de l’argent nous frustre une peu. Il est clair que nous n’avons que 28 jours pour visiter le Vietnam. Nous avons certes choisi et fait notre itinéraire en ne visitant que des sites touristiques dignes d’intérêt. Mais du coup, trop souvent, on se sent agressés par ce rapport faussé avec les locaux. Nous avons d’ailleurs trop peu de vrais contacts avec les vietnamiens. Car dès qu’ils approchent, on sent trop souvent que ça va être pour nous vendre quelque chose où nous demander de l’argent pour un pseudo emplacement de parking. Nous sommes donc aussi un peu sur la défensive et sommes méfiants quand quelqu’un s’approche de nous. Et ça nous agace encore plus, car cela ne nous ressemble pas et on voyage justement pour aller vers l’autre mais on n’y arrive beaucoup moins au Vietnam. De plus leur comportement intrusif à vouloir sans cesse monter dans la Tiny nous agace aussi. Si la porte d’entrée reste ouverte, on peut être sûr que quelqu’un va monter dans les 3 minutes, sans demander, avec son appareil photo en mode vidéo et redescendre comme il est monté. Et même quand la porte est fermée, on entend régulièrement qu’ils bricolent la poignée pour essayer de rentrer par curiosité. Nous avons également rencontré ce côté intrusif dans d’autres pays comme l’Iran ou la Mongolie mais à côté de ça, on passait plein de moments chaleureux avec les gens. Je pense que le côté très touristique de notre parcours n’aide pas. En même temps, je ne suis pas certain que le français soit très agréable et engage facilement la conversation avec un étranger qui vient visiter la France en quelques jours et qui enchaîne au pas de course le Mont Saint Michel, Paris et les châteaux de la Loire avec un passage express en Normandie et en Provence la même semaine. Est-il beaucoup au contact de locaux ? Aura-t-il beaucoup d’anecdotes de rencontres à raconter à son retour dans son pays ?

Il est vrai que dans notre façon de voyager habituelle, c’est-à-dire sans passer par une agence (obligatoire pour le Vietnam), nous voyageons plus lentement et prenons le temps de justement ne pas cibler que des sites touristiques afin de rencontrer du monde. Il faut ajouter que la barrière de la langue n’aide pas non plus car les vietnamiens parlent très peu anglais. Du coup, les conversations sont très vite limitées. Mais ne généralisons pas non plus, des curieux viennent nous questionner de manière agréable sur notre projet, nous prendre en photo, nous adresser des sourires. Pas plus tard que ce moment précis où j’écris ce paragraphe, un scooter vient de s’arrêter pour savoir si nous allions dormir ici, sur ce bivouac tranquille (hormis le karaoké mais ça on s’habitue grâce à notre sponsor officiel Boules Quies). On lui répond que oui. Il nous rassure, nous dit que l’endroit est parfait pour la nuit et qu’il repassera nous voir demain matin pour voir si tout s’est bien passé… Pas certain qu’un français propose la même chose à un étranger qui vient dormir dans son village…

Bon voilà, notre petite déception exprimée sur nos relations avec les vietnamiens. Venons-en à notre visite du jour, ou plutôt nos visites des Tombeaux Impériaux, classés par l’UNESCO au patrimoine mondial. Nous sommes en amont de la Rivière des Parfums, où se trouvent les tombes des empereurs de la dynastie Nguyễn. Elle est la dernière dynastie impériale vietnamienne. Elle compte treize souverains qui régnèrent sur le Vietnam de 1802 à 1945. Le dernier empereur Bảo Đại qui régna sous la colonisation française (alors que la dynastie n’exerce plus qu’une souveraineté symbolique), est décédé en 1997 à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris et est enterré à Passy certainement pas dans un tombeau aussi imposant que celui de ses prédécesseurs.

Nous commençons par le plus imposant mausolée, le Tombeau de Tự Đức qui régna sur l’empire d’Annam (aujourd’hui Vietnam) de 1848 à 1883. Il fit construire sa sépulture future… mais il fut enterré à Huế dans un autre lieu tenu secret. Le mausolée que nous visitons est situé au milieu d’une immense forêt de pins. Ces mausolées étaient construits du vivant des empereurs et leur servait également de résidence de campagne (un peu une sorte de Versailles). Celui-ci comprenait plusieurs dizaines de bâtiments dans un parc de douze hectares, agrémenté de bassins et ombragé d’essences diverses dont des frangipaniers, et des longaniers. Tự Đức aimait se reposer en compagnie de ses nombreuses épouses et concubines (une centaine mais stérile, il ne put donner un héritier direct au trône), composer des poèmes et méditer sur le passage de la vie à la mort. Plusieurs petits pavillons ont été édifiés dans ce but.

Nous arrivons dans un endroit charmant près d’un petit lac Luu Khiêm, qui fait face à un petit îlot central et aux pavillons Xung Khiêm Ta et Du Khiêm Ta, lieux de loisirs du roi : pêche, banquets.

Des marches de granit permettent de franchir un imposant escalier qui conduit au Temple de Hoa Khiêm (le Palais de la Modestie), autrefois lieu de travail du roi, où sont aujourd’hui honorées ses tablettes funéraires et celles de la reine. À gauche et à droite, ce sont le Phap Khiêm Vu et le Le Khiêm Vu, pavillons réservés aux mandarins civils et militaires de la suite du roi.

À l’arrière du temple, est construit le Théâtre de Minh Khiêm où le roi assistait à des représentations de ses concubines. Ce temple impérial tout en bois est le plus ancien du Vietnam.

Puis, nous arrivons au tombeau de l’empereur. Trois escaliers permettent d’accéder à une première esplanade : celui du milieu pour l’empereur, les deux autres pour les mandarins civils et militaires. Puis, la cour d’honneur est flanquée de deux rangées de statues de mandarins et leurs montures : chevaux et éléphants.

Au-dessus, nous arrivons au Pavillon de la Stèle où sont gravés dans du marbre les idéogrammes glorifiant la mémoire du défunt. 4935 idéogrammes chinois vantent les mérites du souverain. Mais il s’agit d’une autobiographie composée par le roi pour parler de sa vie, de ses péripéties et de son règne, ainsi que des périls qu’il a affrontés. Cette stèle est la plus imposante du pays. Il a fallu quatre ans pour transporter avec des éléphants cette pierre d’une carrière située à 500 kilomètres, tant elle était lourde (20 tonnes).

Encore plus haut, on accède à une arche de terre cuite vernissée et des portes en bronze protégeant le tombeau assez sobre. Un paravent se situe juste après les portes et permet aux mauvais esprits de se cogner dedans… Le symbole du bonheur décore cette séparation.

D’autres édifices s’étendent au nord dont le Mausolée de l’Impératrice Lê Thien Anh, l’épouse principale de l’empereur.

Nous reprenons la Tiny pour faire quelques kilomètres jusqu’à un deuxième tombeau impérial, le Tombeau de Khải Định. Mais avant de commencer la visite, nous allons prendre un petit café à la dame qui propose un parking gratuit devant chez elle. C’est marqué sur le panneau ! Une autre dame arrive et nous demande si elle peut s’asseoir à notre table. Bien entendu. En plus, elle a le sourire. Va-t-elle être notre belle rencontre du jour ? Ce matin, je me suis du coup peut être emporté dans mon coup de gueule… et bien non, à peine assise, elle sort son carnet à souche pour nous faire payer le parking… Grrrr… Nous la renvoyons sans sourire et bien entendu sans payer… Le café a quand même un goût amer. Mais la patronne a elle le sourire et nous donnerait presque envie de goûter à sa soupe s’il n’était pas si tôt.

C’est parti pour la visite du Tombeau de Khải Định, le lieu de sépulture de l’avant-dernier empereur du Vietnam qui régna de 1916 à 1925. Financés par une augmentation de 30% des impôts locaux avant la mort du roi, les travaux commencèrent en 1920 et se poursuivirent pendant 11 ans. Khải Định, qui avait visité la France en 1922, et notamment l’Exposition Coloniale de Marseille, admirait l’architecture occidentale : il fit ainsi construire différents pavillons et palais à la Cité Impériale en mélangeant le style local avec le style Néo Renaissance. L’endroit est donc le résultat du mélange des architectures européennes et asiatiques, modernes et anciennes. Le mausolée dont la structure est en béton, est beaucoup plus petit que ceux des autres souverains Nguyễn construits dans les environs. Il occupe une superficie moindre (117 m par 48,5 m), mais sa construction est particulièrement élaborée. Il se présente sur trois niveaux, sous la forme de terrasses reliées par des escaliers. On accède au mausolée, adossé au Mont Châu Chữ, par de hauts escaliers de 127 marches dont les rampes sont ornées de dragons et de multiples motifs sculptés.

La première terrasse possède des statues d’une garde d’honneur de douze soldats dans le goût chinois avec des mandarins, des éléphants et des chevaux.

C’est ici que se trouve le Pavillon de la Stèle sur laquelle sont inscrits les idéogrammes glorifiant les mérites du roi. Les ardoises du toit viennent d’Angers, ce qui me donne l’occasion de saluer nos cousins, nos amis voyageurs ainsi que mes anciennes et anciens collègues de ce joli pays à la douceur de vivre… Je salive presque à l’idée de boire une Menthe pastille ou un Coteau du Layon…

Un dernier escalier mène à l’endroit le plus élevé et la principale construction de la nécropole, le Palais Khải Thành avec sa façade extrêmement décorée.

Le temple se compose de 5 salles adjacentes et de 2 salles latérales. La salle d’accès est réservée aux soldats gardiens de tombeau. La salle centrale renferme l’autel du culte et le portrait du monarque. Au milieu, se trouve le tombeau de Khải Định, la statue du roi en bronze fondue à Marseille en 1922 et l’autel du culte avec la tablette funéraire du défunt. L’intérieur doré de ce palais mélange des incrustations de morceaux de bols et d’assiettes en porcelaine (les artistes auraient cassé des pièces de grande valeur), de tessons de bouteilles et des miroirs avec des dragons au plafond que l’on retrouve aussi sur la toiture. Un impressionnant étalage de richesse…

Ce tombeau n’a rien à voir avec le précédent. Pas de parc paysager mais une époustouflante construction de béton, un chef-d’œuvre de l’art Kitsch, édifiée par un mégalo. Mais par contre, chose commune à tous les mausolées, ce sont les mêmes chinois qui posent des heures…

La journée se poursuit en Tiny en direction d’un… troisième tombeau… Mais avant d’enchaîner, nous faisons l’école une partie de l’après-midi dans un agréable coin au bord de la rivière.

A l’heure où le soleil décline et où repartent les cars de touristes européens et asiatiques, nous entrons dans le Mausolée de l’empereur Minh Mạng, encore très différent des deux autres vus ce matin. C’est la dernière demeure du deuxième empereur de la dynastie Nguyễn qui régna de 1820 à 1841. Il dessina lui-même les plans mais mourut avant le début des travaux. Cet ensemble architectural est construit sur 28 hectares et compte 40 monuments (palais, pavillons, temples, etc.) disposés symétriquement sur un axe de 700 mètres. La porte d’entrée principale Dai Hong du site aux 24 toits merveilleusement décorés, n’a été ouverte qu’une seule fois, pour laisser passer le cercueil royal. Depuis, elle est restée définitivement close. Nous entrons par une porte latérale. Comme dans les autres mausolées, on voit deux rangées de statues de pierre représentant des mandarins, des éléphants et des chevaux, des escaliers décorés de dragons puis le traditionnel Pavillon de la Stèle.

On passe ensuite dans la cour à 4 niveaux.

La Porte de la Vertu (Hiệu Đức) en bois peint de rouge et de jaune, donne accès à une esplanade bordée des bâtiments pour les mandarins et du Temple du Culte du Roi (ou Temple de la Grâce Immense, Sùng Ân) qui renferme les tablettes de culte du roi et de la reine Tá Thiên Nhân. Magnifique charpente en bois laqué de rouge et piliers peints de dragons couverts d’or.

La Porte Hoang Thach termine la zone de culte, puis trois ponts traversent le Lac Truong Minh (Lac de la Pure Clarté) pour arriver au Pavillon Minh Lầu, lieu de détente du roi. De chaque côté se trouvent deux grands obélisques en pierre noyés dans la végétation qui symbolisent la puissance du souverain. Deux jardins esquissent la forme du caractère Tho (longévité), symétriquement étendus de part et d’autre de l’allée.

Au fond, séparant le monde des vivants de celui des morts, les Ponts de l’Intelligence et de la Droiture, enjambent le lac Tan Nguyet en forme de croissant de lune, et donnent accès à l’enceinte sacrée. 333 marches de pierre derrière une porte en bronze mènent à la tombe funéraire du roi adossée au flanc du mont Tam Đại Sơn. Mais l’accès est interdit au public.

En voilà une nouvelle journée bien remplie ! Une nouvelle fois, Anaïs et Victor nous suivent sans rechigner dans toutes ces visites culturelles. Ils s’intéressent à tout, écoutent Audrey qui lit les guides touristiques au fur et à mesure des visites et posent des questions.

Retour à la Tiny. Victor passe un long moment à nettoyer le petit autel religieux à côté de notre bivouac.

Et pendant ce temps avec Audrey, nous nous disons que nous avons de la chance d’avoir de beaux enfants et savourons une bonne bière fraîche sur le bord de la Rivière des Parfums…