182 km parcourus du 11 au 18 décembre 2019

45 272 km parcourus depuis le départ

Mercredi 11 décembre 2019 :

Notre deuxième séjour au Laos se poursuit. Après y avoir déjà passé un mois en octobre dans le nord du pays, puis tout le mois de novembre au Vietnam, nous sommes revenus à l’extrême sud du Laos passer environ 3 semaines. Notre dernière semaine passée sur le Plateau des Bolovens nous a enchantés et nous avons rejoint à présent les rives du Mékong que nous allons suivre jusqu’à la sortie du pays en direction du Cambodge.

Nous avons bivouaqué la nuit dernière au pied de la colline sacrée des monts Pasak, au sud de la ville de Champassak, bercés par les vaches qui venaient se frotter à la Tiny et réveillés par le bruit des oies.

Nous commençons notre journée, une fois n’est pas coutume, par un réveil matinal, pour être les premiers à entrer sur le site du temple de Vat Phou (en lao, ວັດພູ). Ce site archéologique est le plus intéressant et le plus important du Laos. Le paysage culturel de Champassak, et l’ensemble du temple, sont classés au Patrimoine mondial par l’UNESCO. Il y a plus de 1000 ans, afin d’exprimer la conception hindoue des rapports entre la nature et l’homme, il a été façonné selon un axe est-ouest, entre le sommet de la montagne et les rives du fleuve, un ensemble géométrique de temples, de sanctuaires et d’ouvrages hydrauliques s’étendant sur environ 10 km. Le site comprend aussi deux villes anciennes, construites sur les rives du Mékong et la montagne de Phou Kao, dont la construction s’est étendue sur plus de mille ans, du 5ème au 6ème siècle. Mais il n’en reste que des ruines de terre cuite et de briques. L’ensemble des constructions visibles aujourd’hui ont été construites par les Khmers qui administrèrent le Laos pendant une grande partie de leur empire (10ème au 12ème siècles).

Par la suite, Vat Phou devint un sanctuaire bouddhiste très vivant et l’est resté jusqu’à nos jours : chaque année, en janvier ou février, le 15ème jour de la lune croissante du 3ème mois, a lieu un pèlerinage qui attire de nombreux fidèles laotiens coïncidant avec la fête bouddhiste du Makha Busa. Mais des récentes recherches ont prouvé que le Bouddhisme cohabitait avec l’Hindouisme dès le 7ème siècle.

La visite du site commence avec deux barays (lacs artificiels) qui servaient aux joutes et défilés nautiques mais aussi pour les ablutions avant d’accéder au complexe religieux. L’eau est symbole de vie et de sacré, d’où l’importance de ces bassins.

Ensuite une grande chaussée de grès longue de 200 mètres est bordée de bornes.

Nous arrivons aux deux palais, celui des femmes au nord et celui des hommes au sud. Ils sont construits en latérite et en grès et sont ornés de sculptures hindoues qui ont survécu à la conversion du temple au Bouddhisme. On voit de superbes fausses portes en pierre décorées de bas-reliefs, et d’imposantes fenêtres à balustres. La fonction, certainement religieuse, de ces deux grandes constructions rectangulaires, à cour intérieure, est mal définie.

De là part une route ancienne qui continuait vers Angkor au Cambodge.

On peut voir les vestiges d’un petit édifice (milieu du 11ème siècle), appelé Temple de Nandi (le taureau sacré, monture de Shiva).

Depuis la plaine, nous escaladons le flanc de la montagne, par une suite d’escaliers et de terrasses. Les volées de hautes marches sont bordées de magnifiques frangipaniers dont les racines s’entremêlent depuis des siècles dans les marches des escaliers. Des terrasses ponctuent toutes les 11 marches notre progression. Des statues faisant l’objet d’un culte assidu sont sur ces terrasses. L’encens y brûle en continu.

Nous arrivons au sanctuaire principal (milieu du 11ème siècle), situé sur une immense terrasse pavée au pied de la falaise. Le temple est en ruine mais est toujours un haut lieu de procession et de vénération de la part des fidèles et de moines vêtus de leurs robes de couleur safran. En cette heure encore matinale, où nous sommes les premiers touristes, c’est magique de découvrir ces lieux et de se plonger dans l’atmosphère particulière de ce temple, berceau de la civilisation khmère, bien avant la fondation d’Angkor. Le sanctuaire est richement orné de sculptures représentant des divinités hindoues. Depuis le 13ème siècle, des statues de bouddhas sont installées à l’intérieur.

Nous sommes envoûtés par les fleurs odorantes des frangipaniers et par la superbe vue qui s’étend jusqu’au Mékong.

Une source sacrée, qui a vraisemblablement incité les anciens rois de la région à installer là un sanctuaire shivaïte, se situe en bas de la falaise et alimentait originellement l’arrière du sanctuaire. De nombreux éléments sculptés et gravés dans la falaise sont visibles aux alentours du temple : énorme éléphant, trinité hindouiste sacrée (Shiva au milieu, Brahma à gauche, Vishnu à droite), crocodile…

Un peu plus loin, nous voyons ce que certains historiens supposent être une table de sacrifices de jeunes filles vierges, taillée dans une pierre en forme de crocodile.

Nous redescendons et nous visitons le (poussiéreux) musée, qui contient de nombreux objets, éléments d’architecture et sculptures issus des fouilles archéologiques réalisées notamment par des missions françaises effectuant des travaux de restauration, d’aménagement, de formation du personnel, de promotion et de mise en valeur du site.

Juste le temps de prendre un café vietnamien au goût vanillé à la Tiny et c’est parti pour l’école quotidienne. En ce moment, au programme du CM2 de Victor, les divisions, l’évolution de la société au 19ème siècle, les aventures d’Huckleberry Finn… Au programme de la quatrième d’Anaïs, les molécules et les atomes, Voltaire, les équations, la mise en place des régimes politiques après la Révolution…

Puis, nous reprenons comme souvent en fin de matinée ou tout début d’après-midi notre cavale en passant par Champassak, ce qui nous laisse le temps de finaliser notre réflexion sur la suite de l’itinéraire des prochains kilomètres.

La raison et le bon sens devraient nous faire faire demi-tour vers le nord et franchir le Mékong par un pont à Paksé pour le longer en sens inverse sur l’autre rive. Mais cela nous impose un détour de plus de 60 km. L’excitation et la soif d’aventures et de défis nous pousse à emprunter une petite embarcation pour traverser ce large fleuve de 1100 mètres d’une rive à l’autre, au niveau de Champassak.

Nous arrivons face au bateau. Il n’inspire pas confiance. Son accès non plus car la pente sablonneuse est vraiment raide et je crains que le porte-à-faux ne frotte. J’apprends que d’autres voyageurs ont fait demi-tour. Je descends voir et ajouter quelques planches avec les deux gars du navire. Je me lance… ça passe !

L’embarcation est d’un autre âge. Elle est composée de 3 bateaux assemblés les uns aux autres sur lesquels ont été fixées des planches, trouées par les années de service… Le capitaine dirige l’embarcation du haut d’une tourelle fabriquée artisanalement. Je me dis qu’au pire, si le même sort que le Titanic s’abattait sur cette frêle embarcation, la Tiny en bois devrait flotter sur le Mékong… En même temps, tomber sur un iceberg avec cette température de 30° serait comble de malchance.

Contre toute attente, la traversée du Mékong se passe finalement bien, en naviguant entre les nombreuses îles. Puis, c’est l’arrivée sur l’autre rive. Là encore, je positionne dans l’axe des roues les planches qui sont dans un état pitoyable. Je crains la montée sablonneuse mais en prenant un peu d’élan, je parviens à grimper sans m’arrêter le dénivelé d’une dizaine de mètres. Ouf. Nous avons eu du courage et peut-être de la chance…

Sortis du ferry, on prend à droite comme indique notre GPS. Ben fallait pas, on aurait dû suivre les panneaux indicateurs qui indiquaient de tourner à gauche pour récupérer la grande route. On se retrouve dans un étroit chemin poussiéreux et nous sommes obligés de faire demi-tour. Audrey sort la tête dehors pour voir si on n’emporte pas un câble électrique.

La belle route asphaltée n°13 s’offre alors à nous. Elle file droit vers le Cambodge tout en longeant le Mékong. Un policier nous fait signe de nous arrêter. J’obéis. Il bugue devant la Tiny, bouche grande ouverte de laquelle ne sortent que des onomatopées « hunnnnn, hunnnnn, hunnnnn »… ça dure 30 secondes. Et il ne dit rien d’autre. Je tente un CTRL+ALT+SUP. Rien ne se passe. Je refais aussitôt un CTRL+ALT+SUP. Il ne redémarre même pas et continue à faire des « hunnnnn, hunnnnn »… Je reprends la route le laissant bouche ouverte sur le bas-côté.

Nous traversons une petite ville dans laquelle nous voyons pour la première fois une opération de nettoyage de la nature en cours. Quelle belle façon de montrer à ces jeunes collégiens qu’il faut en prendre soin ! Car comme je vous l’ai déjà raconté, rares sont les pays propres que nous ayons traversés depuis notre sortie de la France, mises à part quelques belles surprises comme en Ouzbékistan ou au Tadjikistan. Le Laos ne fait malheureusement pas exception mais un petit brin d’espoir nous encourage à espérer que la prochaine génération sera plus respectueuse de l’environnement. Mais il y a un encore un énorme chemin à parcourir ! Vraiment énorme.

Nous arrivons dans l’archipel fluvial des 4000 îles, appelé aussi Si Phan Don (ສີ່ພັນດອນ). Le Mékong traverse la province de Champassak. Ces nombreuses îles, en fait quelques centaines, sont pour la plupart petites et inhabitées, seulement 45 auraient des habitants. Seulement 2 ont des voitures qui y circulent. Nous nous rendons sur l’île de Khong, la plus importante mesurant 18 km de long sur 8 km de large. Elle est la seule reliée au continent par un viaduc.

Pour la petite histoire, c’est la deuxième fois que la Tiny s’y rend. Nos amis et anciens propriétaires de ce véhicule étaient déjà venus ici en 2014. A l’époque, le pont n’existait pas encore et ils avaient accéder sur l’île en bateau… On le voit d’ailleurs en travaux en arrière-plan sur la photo de La Cabane en Cavale.

http://lacabaneencavale.blogspot.com/2014/04/les-4000-iles.html

Nous traversons le sud de l’île en passant dans des petits villages où vivent des pêcheurs.

Dans le hameau de Ban Hinsiou, les habitants vivent de l’exploitation du sucre de palme. Ils montent en haut des palmiers à sucre, ramasser les fruits au moyen d’échelles en bambous fixées le long du tronc. Les fruits sont ensuite pressés, le jus est alors chauffé pendant 3 heures jusqu’à obtention d’une pâte épaisse. Les petits pavés de 200g sont ensuite vendus sur les marchés de la région.

Nous trouvons un bivouac de rêve (abstraction faite des déchets) à Muang Sen sur une plage du Mékong. Face à nous, une autre île de l’archipel, Don Kamao. Et déjà on voit les côtes du Cambodge à un kilomètre au large.

La nuit ne va pas tarder à tomber. Juste le temps de sortir les transats et deux bières. Le coucher du soleil est à couper le souffle. Magnifique. On kiffe la life.

Soirée bercée par le karaoké sur l’autre rive et nuit bercée par le clapotis des vagues formées par le passage des pirogues de pêcheurs qui travaillent toute la nuit au clair de lune.Du haut de notre lit, nous les observons progresser sur le Mékong à la lueur de leur lampe frontale.

Jeudi 12 décembre 2019 :

Journée au calme, sans bouger, juste à profiter des rives du Mékong et de l’activité débordante des locaux qui passent d’une berge à l’autre en empruntant des pirogues, des barques ou des ferrys. Tout y passe, scooters, matériaux, frigos, cercueils…

Les enfants profitent de se poser, de faire des bricolages de Noël, de lire, de jouer, de ranger leur chambre. De notre côté, nous passons du temps à gérer de l’administratif, et à préparer l’arrivée de nos amis pour Noël au Cambodge et de notre famille fin janvier en Thaïlande. Il faut affiner l’itinéraire, faire les réservations. On a hâte.

Nous avons le passage régulier de locaux qui viennent nous saluer. L’un d’eux, Soubanh, parle français depuis qu’il l’a appris à l’école il y a 40 ans. Nous discutons un moment avec lui. Après être parti, il revient quelques instants plus tard pour nous inviter chez lui demain après-midi. Chouette !

Je pars faire le tour des quincailleries du port et trouve à acheter une pompe à eau à immerger dans un bassin, une source, un puits afin de pouvoir faire le plein des réserves d’eau ou de laver le camion quand l’occasion se présentera.

Puis, déjà 17h15 arrive, et nous avons juste le temps d’aller acheter deux bières avant que le soleil n’illumine de mille feux le ciel qui prend des couleurs différentes d’hier et c’est encore superbe ! au même moment, lever de quasi pleine lune derrière nous.

Victor nous prépare des petits pancakes et fait fondre dedans le reste du fromage à raclette qu’il nous restait au congélateur ! Un régal accompagné de rondelles de saucissons que notre famille nous avait également amenés au Laos. Que ça sent bon dans cette Tiny !

Vendredi 13 décembre 2019 :

1h45, nous allons nous coucher après avoir travaillé toute la soirée à finaliser l’itinéraire et à réserver les hôtels de Liliane, Daniel et Alexandre (mes beaux-parents et mon beau-frère) qui nous rejoindront à la fin du mois de janvier.

Réveil matinal par le bruit des nombreuses pirogues des habitants de la berge opposée. Les habitants n’ont pas d’autre solution que de traverser le Mékong pour venir s’approvisionner car ils sont bloqués par la frontière cambodgienne et ne sont desservis que par une piste sur la rive droite du fleuve. Je file sur le marché me noyer au milieu de ces locaux qui me sourient tous et répondent à mes Sabaidi. Ils sont un peu étonnés de voir un blanc au milieu d’eux en cette heure matinale. Je parviens à acheter du pain pour le petit déjeuner des enfants affamés. Je reviens même avec des gaufres à la Tiny.

Matinée avec un peu de bricolage pour refixer mes toilettes qui se faisaient la malle. Puis encore quelques heures sur le net à finaliser les réservations et quelques commandes que nous emporteront nos amis à Noël au Cambodge. Venant à 8, on espère qu’ils auront aussi un peu de place pour du fromage et du saucisson… (de préférence aux noisettes svp).

Audrey file au petit magasin acheter des tongs car elle se retrouve avec une paire dépareillée. Au Laos, on se déchausse sans arrêt avant d’entrer dans une pagode ou chez quelqu’un et du coup, elle a dû échanger avec une autre personne. Elle a quand même beaucoup de chance car elle a toujours une droite et une gauche mais de deux couleurs différentes et avec 4 pointures d’écart…

Puis l’heure est venue de quitter notre super bivouac. Nous prenons une route qui traverse l’île de Khong dans sa diagonale. Bon ce n’était pas le meilleur choix pour rejoindre la principale ville de Muang Khong car la route est défoncée et pleine de profonds nids de poules. Cela nous laisse tout le temps de profiter des paysages de rizières.

Nous avons rendez-vous avec Soubanh. On le suit jusqu’à son domicile. Sa femme Malaythong nous accueille avec quelques mots de français. Ce charmant couple de 70 ans est rayonnant. Un de leurs amis nous rejoint, Khamphai. Lui aussi, parle bien français. Nous passons un long moment à échanger avec eux. C’est passionnant. On échange sur nos cultures, nos traditions. Ils nous questionnent sur notre voyage qui les impressionne. Je leur montre les photos de nos amis de la Cabane en Cavale qui était venus sur cette même île en 2014 et n’en reviennent pas que la Tiny soit déjà venue ici, puis retournée en France, puis de nouveau ici aujourd’hui !

Nous passons à table à 16h30… De nombreux plats nous sont servis arrosés de nombreuses bières. A chaque fois qu’on reprend notre verre pour boire une gorgée, la coutume veut de trinquer de nouveau. La tradition veut aussi de terminer le dernier verre cul-sec. Heureusement que ce n’est que de la bière.

Nous faisons visiter la Tiny et ils hallucinent de voir tant de confort à l’intérieur bien qu’ils habitent une maison assez cossue de par leurs anciennes professions de médecin et d’institutrice. Mais bien que touchant une retraite depuis l’âge de 60 ans, Soubanh est obligé de continuer à travailler en tant que pharmacien sur le petit port où nous avons bivouaqué les nuits passées, pour financer les études supérieures à Vientiane d’un de ses 5 enfants.

Échanges de sourires, d’embrassades, de coordonnées Facebook (avec la promesse d’envoyer des photos de la mer quand on la verra car Khamphai ne l’a jamais vue) … Nous quittons nos hôtes après avoir écouté Malaythong nous chantonner dans un bon français « à la claire fontaine… jamais je ne t’oublierai » … Une chose est certaine, nous n’oublierons pas cette rencontre… L’instant partagé avec cette famille est court mais intense. Il fera partie des belles rencontres de notre voyage et restera un bon souvenir du Laos.

La nuit tombe. Bivouac sur les bords du Mékong sur la place centrale de Muang Khong pour cette dernière nuit sur cette île. La lune est superbe ce soir et se reflète dans les eaux sombres du fleuve.

Samedi 14 décembre 2019 :

Réveil comme souvent à 6h50. Audrey et moi savourons notre petit café parmi cet archipel aux îlots innombrables.

Avant de prendre la route de bonne heure, je pars faire un petit tour au temple Wat Phouang Keo où un bouddha gigantesque veille à l’extérieur avec sa tête couronnée d’un naga à sept têtes.

Il n’y a pas beaucoup de route prévue aujourd’hui, juste une vingtaine de kilomètres pour aller à l’embarcadère des îles de Don Khon et de Don Det. Nous avions prévu d’y arriver tranquillement dans la journée mais nous avons appris hier qu’une course de pirogues se déroule aujourd’hui dans ce petit village de Ban Nakasang dès 8 heures ce matin. C’est donc la raison pour laquelle nous partons de bonne heure. Arrivés sur place, nous trouvons une vive effervescence sur les rives du Mékong. Fête foraine, vendeurs de nourriture, musique à fond. Les manèges de fabrication artisanale sont entraînés à la force des bras d’un adulte. Mais pas de pirogues. Nous demandons à un lao. Il nous répond que ça commence à 15 heures. Je demande à un deuxième lao. Il me répond que ça commence à 10 heures. Audrey demande à un troisième lao, il lui répond que ça commence à 12 heures. Nous décidons de faire une moyenne, de revenir faire l’école aux enfants et de revenir plus tard voir (peut-être) la course.

École à la Tiny, blog, petites courses à la quincaillerie. Puis nous vidons le frigo car nous allons partir demain pour une excursion de quelques jours.

Tout début d’après-midi, nous allons sur les bords du Mékong et avons la chance de pouvoir assister à cette fameuse course de pirogues qui a lieu les jours de pleine lune. Nous n’avions pu encore voir sur l’eau des immenses bateaux souvent stockés dans les cours des temples. C’est impressionnant de voir la coordination et la puissance de tous ces rameurs, parfois plus de 30.

Nous restons un long moment à les observer tout en trempant un peu dans le Mékong pour nous rafraîchir. Puis, nous profitons de nous promener dans le petit village le long des maisons construites sur pilotis.

Malheureusement, nous sommes de nouveau consternés par la pollution. Rien qu’à voir les étalages de certains vendeurs de fruits sur emballés de plastique, et à savoir qu’il n’y a pas de ramassage d’ordures ménagères et encore moins de tri sélectif comme chez nous, on se dit que tout ce qui n’est pas brûlé terminera dans le fond du Mékong dans quelques semaines. C’est déprimant.

La fête se poursuit sur les berges dans le petit village de Ban Nakasang. La bière coule à flots. Et je me vois par trois fois invité à boire un verre de Beer Lao. La musique s’écoute à fond. D’énormes enceintes ou des véhicules 4×4 suréquipés dégagent des watts par centaines !

Retour des habitants chez eux avec les jouets en plastique gagnés sur la fête foraine.

Retour à la Tiny où nous commençons les décorations de Noël. Les journées passées en short et tee-shirt, les températures de 30°, et le fait surtout d’être si loin de la société de consommation et des magasins et autres pubs télé ne nous donnent pas du tout l’impression que dans 10 jours, c’est Noël. Atelier des filles : petites étoiles en origami à accrocher dans le sapin en bambou fait par les garçons.

Petite pause café lao avec Audrey avec toujours autant de lait concentré sucré dedans !

En fin d’après-midi, nous retrouvons les BAAM avec qui nous allons partir demain sur les îles de Don Khon et de Don Det. Retrouvailles avec Pascal et Cléo que nous n’avions pas vus depuis bientôt deux mois. Anaïs est ravie de retrouver un copain adolescent car les enfants des familles voyageuses que nous croisons sont souvent dans une tranche d’âge de 6-10 ans.

Dimanche 15 décembre 2019 :

En fin de matinée, nous fermons nos camping-cars pour quelques jours et partons prendre des vacances sur l’île de Don Det. La pirogue navigue doucement sur le Mékong entre les îlots et à cause des fonds affleurant. Nous comprenons vite que l’archipel des 4000 îles compte autant de terres émergées. Le Mékong atteint 14 km de large pendant la saison des pluies. À la saison sèche, une grande partie des eaux du fleuve se retire et des milliers d’îles et îlots apparaissent.

Nous débarquons dans le village de Hua Det. Nous louons des vélos pour moins d’un euro par jour par personne. Puis nous traversons l’île du nord au sud d’abord en longeant la côte puis à travers les rizières. 3 km plus loin, nous arrivons devant la Mekong Dream Guesthouse où ont déjà séjourné nos amis les PLEM, la Smalaventure et les Gali il y a quelques jours, en espérant qu’il y ait des chambres libres, car nous n’avons pas pu réserver à l’avance. Par chance, il y en a, à l’étage. Une grande terrasse avec une vue d’enfer sur le Mékong s’offre à nous. Nous passons une partie de l’après-midi à boire des bières dans des hamacs. Merci la vie !

Nous faisons face à l’île de Don Khon à laquelle on accède en empruntant le Pont des Français. C’est à vélo que nous le franchissons à l’heure où il fait un peu moins chaud. Ce pont a été construit à la fin du 19ème siècle afin de relier la voie ferrée traversant du sud au nord ces deux îles. Les Français utilisaient le Mékong comme transport fluvial pour les marchandises. Mais les chutes d’eau de Khon Phapheng constituaient un obstacle infranchissable pour naviguer. Ils construisirent alors des rails entre Don Det et Don Khon. Les voies ferrées ont été démantelées : le bois est utilisé pour fabriquer les portes des maisons, et le fer est refondu et récupéré pour diverses constructions. Certains morceaux sont transformés en clôture. Une vieille locomotive est en train de rouiller.

C’est à travers les rizières et les forêts de tecks que nous nous rendons tout au sud de l’île. Après ces 5 km parcourus à vélo, il est temps de faire une pause, de boire une bière et d’admirer le soleil se coucher sur la rive opposée qui appartient au Cambodge.

C’est à l’extrémité sud de l’île que nous découvrons l’étonnant ascenseur à bateau qui permettait à l’aide d’un treuil (on imagine) de monter les embarcations sur la voie ferrée.

Retour de nuit sur le chemin jusqu’à notre guesthouse. Puis petit resto en bord de Mékong avec nos amis Pascal et Cléo. Nous observons des pêcheurs plonger en apnée.

Lundi 16 décembre 2019 :

Rythme cool aujourd’hui, donc pas bien différent des autres jours… On s’adapte bien à la vie des laotiens. Partout, on les voit faire la sieste dans leur hamac. Cette île est un véritable havre de paix où l’atmosphère rime avec détente. On adore cette vie insulaire où les seuls bruits sont ceux du coq ou de quelques pirogues à moteur. Pas de voiture. Juste quelques scooters. Et beaucoup de vélos quoique nous sommes surpris que l’île ne soit pas blindée de touristes. On s’attendait, à la lecture de nos guides, à un endroit très prisé des touristes mais franchement, il n’y a pas foule. Tant mieux…

Bien que nous soyons en « vacances » sur cet archipel fluvial, l’école continue. Les vraies vacances seront pour Noël quand nos amis nous rejoindront. On ne peut pas se permettre de prendre du retard dans le programme car on va déjà s’arrêter une douzaine de jours à la fin du mois et autant fin janvier pour recevoir la famille. Mais le cadre est quand-même sympa pour travailler !

32àç0333333333333331 »éd=)’e. Oui, ça ne veut rien dire mais c’est le chat qui vient de marcher sur mon clavier alors que j’étais tranquille dans mon hamac en train de vous raconter notre cavale…

Nous allons manger de l’autre côté du vestige colonial du Pont des Français juste face à notre guesthouse. Bien que l’endroit soit touristique, on arrive à manger un plat pour 2 à 3€. Les prix au Laos sont vraiment doux. D’ailleurs, on ne paye la chambre pour deux personnes que 5€ par nuit ! C’est donc pour un tout petit budget que nous arrivons à nous offrir cet agréable séjour. Et puis, ça fait aussi du bien de ne pas avoir à gérer l’intendance de la Tiny et de ne pas rouler.

En milieu d’après-midi, après une sieste laotienne, nous allons nous émerveiller devant les rapides du Mékong. Un de ses bras se faufile entre l’île de Don Sanlat et Don Khon, et ses rapides viennent s’écraser sur d’énormes rochers en créant une série de cascades, les Li Phi Waterfalls, sur des centaines de mètres. Le paysage est somptueux. Le puissance et le débit des chutes sont incroyables. La largeur des chutes également. Plusieurs sentiers traversent un joli parc arboré et un sentier principal longe la petite falaise qui borde le Mékong avec différents points de vue sur les rapides du fleuve.

A l’endroit où le fleuve se calme, nous nous rafraîchissons dans une eau à 25°. Selon les Laotiens, ces cascades renfermeraient des esprits. C’est pourquoi les villageois ne s’y aventurent jamais.

Retour à notre guesthouse et au resto avec un coucher de soleil pas vilain du tout.

Mardi 17 décembre 2019 :

Réveil matinal avec nos amis. Dès 7 heures, nous enfourchons nos 6 vélos pour nous rendre dans un petit resto prendre un copieux petit déj et puis nous traversons l’île de Don Khon, jusqu’au point le plus au sud.

Nous embarquons sur un catamaran composé de deux barques reliées par des planches sur lesquelles sont disposées 6 chaises en plastique. C’est parti pour une grosse heure de navigation où outre les jolis paysages, cambodgien rive droite et laotien rive gauche, nous allons tenter d’admirer d’un peu plus près les quelques rares dauphins de l’Irrawaddy qui subsistent encore dans la région !

Le moteur de l’embarcation est coupé et nous avons la chance de pouvoir longuement observer deux dauphins jouant à 10 ou 20 mètres de nous.

Cette espèce se trouve près des côtes et dans les estuaires de l’Asie du Sud-Est. Il est similaire au béluga en apparence mais génétiquement, il est proche de l’orque. Il a une large tête ronde mais que nous voyons que furtivement. Nous voyons beaucoup ses courtes nageoires dorsales triangulaires. Son poids à l’âge adulte atteint 130 kg. Voici à quoi il ressemble.

Les dauphins de l’Irrawaddy du fleuve Mékong sont inscrits sur la liste des espèces en danger critique. Beaucoup ont été auparavant chassés pour leur huile mais ils ont également été victimes d’étranglements par les filets de pêche ou de chasse à l’explosif par des braconniers. Les individus vivant ici risquent d’être victimes des conséquences de la construction de l’immense barrage de Don Sahong, un énième en construction par les chinois, sur ce méga fleuve. Une soixantaine de barrages sont en cours de construction sur le cours du Mékong et celui de ses affluents. Mais ce dernier est situé à quelques centaines de mètres de là, sur l’un des principaux axes migratoires du Mékong, et en chantier depuis 2016. L’écosystème risque de bien souffrir de ce nouveau barrage. Sans compter les risques d’accident comme la récente rupture d’un barrage en juillet 2018 à Atapeu sur le Plateau des Bolovens ayant fait des centaines de morts et de disparus.

Retour au port d’embarquement au rythme laotien, c’est-à-dire tout doucement, ce qui nous permet de profiter des beaux paysages et de voir deux autres dauphins d’eau douce de l’Irrawaddy. Ce qui fait qu’on en a vu 4 sur une population de 4 à 5 selon les spécialistes du WWF !

Pour récupérer de cette excursion en bateau, une pause s’impose au bar d’où nous jouissons d’une jolie vue sur le Cambodge et le Mékong.

C’est reparti en vélo pour traverser l’île en prenant cette fois un étroit chemin à travers les tecks, les bambous, les bananeraies et les rizières.

Nous nous baignons dans la discrète petite plage de Bo Hu avant de manger sur place dans un petit resto, des rouleaux de printemps et du fried-rice, la spécialité économique sud-asiatique, pour moins de 2€ le plat. Le tout arrosé de Beer Lao, et de jus de fruits frais pour 1€ la conso !

Retour pour se reposer et faire l’école à la guesthouse alors que les enfants laotiens sont également sur le chemin de l’école au milieu des buffles. Dans la cour de leur école, dépérit l’ancienne école datant de l’époque coloniale. Curieux de voir les enfants jouer au pied de ce bâtiment en ruines.

En milieu d’après-midi, avec Audrey, nous partons nous faire masser durant une heure sur la rive opposée alors que les enfants restent sagement sur la terrasse surplombant le fleuve, observant le patron de l’auberge pêcher debout sur une des tables du resto.

Nous retrouvons les enfants à qui on avait donné rendez-vous sur le Pont des Français afin d’y admirer notre dernier coucher de soleil sur cette île. Merveilleux.

Soirée au petit resto à côté de notre auberge qui est devenu notre cantine. Tous les plats que nous avons goûtés sont succulents, que ce soient des stir fried avec noix de cajou, des fried rice, des chicken lap, des masamam curry au porc… Tout cela avec le sourire de la patronne et un joli point de vue sur le Mékong.

Mercredi 18 décembre 2019 :

De bon matin, je retourne seul au salon de massage d’hier. Hier, j’ai bien vu qu’un truc coinçait encore autour de mes cervicales et de mon dos que je mets quand-même à rude épreuve avec les nombreuses heures de conduite. Plus qu’un moment de bien-être, nous avons eu affaire à deux professionnels aux gestes très techniques dignes d’un très bon ostéopathe français. Pendant 1h15, je me fais soigner mon dos, qui ne me faisait pas souffrir mais qui était un peu raide. 10€, donc un peu moins cher qu’une séance d’ostéopathie en France !

Nous quittons en fin de matinée à regret ces deux îles où nous avons passé un merveilleux séjour entourés de nos amis Pascal et Cléo. Retour en vélo en longeant la côte ouest de l’île de Don Det. Puis une pirogue nous ramène à Nakasang. Et c’est avec plaisir que nous retrouvons notre petite Tiny qui a bien supporté notre absence.

Je m’arrête remettre de l’eau dans les réservoirs en voyant en chantier de maçonnerie en cours dans un hôtel. Nous sommes accueillis par une jeune fille qui nous offre un de nos derniers sourires laotiens. Jusqu’au bout, le Laos tient ses promesses !

Route vers le sud, toujours avec les BAAM, pour aller visiter les plus grandes chutes d’eau d’Asie du Sud-est. Les chutes de Khon Phapheng sont surnommées « les chutes du Niagara du Mékong » en raison de leurs dimensions vertigineuses. 21 mètres de chute sur plusieurs centaines de mètres de longueur et de largeur. Elles font partie de la série de cascades que nous avons vues hier sur un autre bras du Mékong. En tout, le fleuve est large de 10 kilomètres ici et ça en fait les chutes les plus larges au monde ! Elles ont aussi l’un des débits les plus importants au monde (presque 11 000 mètres cubes par seconde en moyenne et plus de 49 000 mètres cubes par seconde au maximum). Elles sont impressionnantes pour leurs rapides et leur intensité.

Le bruit est énorme et nous pouvons les approcher. Notre escaladeur préféré Cléo les approche même de plus près que nous ! Des pêcheurs bravent également les éléments pour jeter leurs filets dans les remous. L’atmosphère est spectaculaire avec la vapeur d’eau en suspension dans l’air. Victor passe un long moment à faire des cairns de pierres.

Retour au bivouac pour une dernière soirée avec nos amis voyageurs. Pour l’occasion, nous sortons un dernier saucisson et un dernier morceau de délicieux fromage qu’il nous restait de notre famille et nos amis nous gâtent avec une dernière bouteille de vin de Bordeaux… En espérant vous revoir en Thaïlande en janvier ou février Pascal et Cléo !

Dernière soirée également au Laos, pays qui nous aura vraiment enchantés et restera dans l’une de nos plus belles découvertes, au même titre que l’Iran ou la Mongolie. En même temps, ce sont les 3 seuls pays où nous avons passé deux mois complets. C’est aussi l’un des pays où nous avons eu la plus faible moyenne kilométrique : 2 659 km en 55 jours soit 48 km par jour. Forcément, ça change de la Chine avec ses quasiment 250 km par jour de moyenne ! Depuis le début de notre aventure, il y a 438 jours, nous avons une moyenne quotidienne de 103 km par jour.

Nous avons aimé les laotiens, leur accueil, leurs sourires, la Beerlao, partager des moments forts avec notre famille et tous nos amis voyageurs, le coût de la vie, les randonnées dans une végétation luxuriante, la nonchalance des habitants, les murmures des moines récitant des prières, les paysages, nous baigner dans des cascades spectaculaires, cette impression de sérénité, ces instants privilégiés avec les éléphants, voir des couchers de soleil somptueux… Merci le Laos. Bref, je n’aime pas trop faire des bilans mais une chose est sûre, nous reviendrons au Laos.

Demain, nous allons découvrir un nouveau pays de la péninsule indochinoise, le Cambodge en espérant pouvoir passer facilement cette frontière très corrompue… Et puis, nous avons surtout hâte de retrouver nos 8 amis qui prennent l’avion aujourd’hui pour venir passer les fêtes de fin d’année avec nous !