1705 km parcourus 10 au 13 mars 2020

52 094 km parcourus depuis le départ

Mardi 10 mars 2020 :

Nous venons de passer notre dernier bivouac en Thaïlande à Mae Sot. Nous sommes depuis deux jours en bonne compagnie de nouveaux compagnons de route avec qui nous allons traverser le Myanmar (Birmanie) durant les 14 prochains jours. Malgré l’incertitude, compte tenu de l’évolution de la pandémie du Covid-19, et de la fermeture éventuelle de la frontière Myanmar-Inde qui ne saurait être qu’une question de jours, nous avons tous décidé de tenter le pari de passer. Bien que nous ayons reçu hier soir, un dernier article de presse indien pas très rassurant. Comme je vous l’expliquais dans le précédent article, nous n’avons pas d’autre choix que de traverser le Myanmar pour rejoindre l’Inde et la suite de notre parcours.

6h40, les moteurs du Ducato de Sidonie et Sylvain, de l’UAZ de Rada et Henning, de la moto de Stuart et des deux Mercedes de Roxana et Adi et notre vaillante Tiny tournent déjà et nous arrivons une vingtaine de minutes plus tard au poste de frontière de Mae Sot, côté Thaï. Notre guide Myint, avec qui nous échangeons par WhatsApp depuis quelques jours nous attend côté birman. Comme d’habitude, nous commençons les démarches douanières par l’immigration en faisant la queue pour attendre notre tour pour se faire tamponner notre passeport du timbre de sortie de Thaïlande.

J’ai déjà coupé mon téléphone, car notre opérateur Free ne couvre pas le Myanmar. Plus qu’une personne devant nous au guichet quand soudain, Adi nous dit « Stop !!! ». On vient de recevoir un mail de l’agence :

« It is not a good news to tell you, Just a few minute ago, Ministry Of Health Department is Close Border ( Myawaddy – Measot ). And our Guide is at Myawaddy and we are ready for the trip and we put all tax for your 5 vehicle and we are ready to start the trip today. But just now Doctor call me by phone and their department is not allow to enter your group. SORRY to you. »

L’agence annule le convoi !!! Branle-bas de combat. La confusion est importante car le douanier face à nous contredit l’agence en nous disant que la frontière n’est pas fermée. Finalement, après échange avec l’agence, nous apprenons que le Gouvernement de Myanmar vient d’interdire notre convoi.

Demi-tour. Enfin, je me prépare à faire demi-tour dans cet étroit passage à la douane. Les douaniers commencent à m’aider à manœuvrer mais soudain, m’interpellent en me disant de stopper. Je ne comprends par car Audrey me fait signe que c’est bon, ça passe. Je continue ma manœuvre, quand nous comprenons qu’il est 8h et que tout le monde autour de nous s’est arrêté de rouler, de marcher, de bouger, de travailler pour écouter l’hymne national. J’en fait de même puis je peux terminer ma manœuvre. Nous nous posons pour faire le point.

Une chose est certaine, nous ne pourrons pas transiter par le Myanmar. Nous sommes donc obligés de rester en Thaïlande et de trouver un plan B. Chacun de nous est dans une délicate situation administrative car nous sommes tous à J-1 ou J-2 de l’expiration de nos visas. Il en est de même pour nos véhicules qui, nous concernant, à partir d’après-demain n’aura plus le droit de circuler en Thaïlande… Hors, la porte de sortie pour la Malaisie est à 1500 km. Irréalisable en deux jours. Celle du Laos n’est qu’à 600 km mais avec le trop gros risque de ne pas pouvoir entrer de nouveau en Thaïlande à cause de l’interdiction de circuler aux camping-car dont je vous ai déjà parlée.

Nous décidons de faire un visa run au Myanmar. Cela consiste à faire un aller-retour express dans le pays voisin pour, dans notre cas, avoir un nouveau visa Thaï d’une durée de 30 jours. La frontière n’étant pas fermée, nous avons la possibilité de le faire, sans le véhicule que nous laissons côté thaï, le temps de notre aller-retour à pied au Myanmar. Mais avant cela, je m’assure auprès du chef des douanes qu’il me laissera entrer de nouveau en Thaïlande à notre retour, même si celui-ci est dans une heure, car sinon, on serait vraiment dans la mouise… car on n’aurait même plus notre Tiny. Il me rassure qu’il n’y a aucun souci.

C’est donc à pied, que nous franchissons le Pont de l’Amitié et arrivons au poste de frontière de Myawaddy. Les douaniers de l’immigration nous accueillent avec le sourire. Ils nous demandent combien de temps nous allons passer dans leur pays. Nous leur répondons « une heure ». Ils nous lancent « Ah OK, visa run ? ». « Yes » je réponds. Cela ne semble pas leur poser de problème mais ils nous demandent 500 baths par personne pour le visa run. Le principe du visa run, est que comme on fait juste l’aller-retour, on n’a pas besoin de visa pour entrer dans le pays dans lequel on ne passe juste qu’un court instant mais pour cela les douaniers font du « black » et demandent entre 10 et 15€ par personne. Mais, dans notre cas, nous avons déjà de vrais e-visas que nous avions achetés à l’avance sur internet dans l’intention de traverser le Myanmar.  Autant les utiliser car ils seront perdus et pas remboursés. Et donc, dans ce cas, nous n’avons pas à payer les douaniers. Du coup, les formalités sont un peu plus longues car on doit faire une véritable entrée administrative sur le territoire birman avec cartes d’immigrations à remplir (à l’entrée et à la sortie), photos et prise d’empreintes. Mais cela se fait dans la bonne humeur et en rigolant avec les douaniers. Ça y est, nous sommes officiellement au Myanmar. Nous passons dans le bureau d’à côté pour en sortir aussitôt. Initialement, on était un peu déçu de ne pouvoir passer que 14 jours au Myanmar. Mais c’est finalement environ 2 minutes que nous y aurons passé. Retour à pied en Thaïlande. Le poste de frontière n’est qu’à quelques centaines de mètres. Juste le temps d’enjamber par le même pont la rivière marquant la frontière naturelle entre les deux pays. Des dizaines de personnes la franchissent sur des barques dans un réseau apparemment très bien organisé, sous les yeux des policiers et des douaniers qui ne réagissent pas. Une grande misère règne autour de ce poste de frontière.

Nous arrivons à l’immigration thaï. Compte tenu, de notre physique occidental et de notre nationalité, nous sommes invités à ne pas faire la queue avec tous les locaux mais nous sommes dirigés vers un comptoir spécialisé par rapport au Coronavirus. Nous sommes filmés par une caméra thermique et la température nous est prise. Pas de problème pour les enfants et moi mais le thermomètre affiche… 38°C pour Audrey. Les agents font les yeux tout ronds, craignant une infection… Il recommence l’opération. 38°C de nouveau. Il se prend sa propre température pour vérifier son thermomètre, mais il affiche visiblement moins de 38°C. Il prend un autre thermomètre qui affiche 38°C. Nous les sentons bien ennuyés. Nous aussi. Il prend un troisième thermomètre qui affiche 37,7° et il nous fait signe, visiblement soulagé, que c’est bon… Ouf, il ne manquait plus que ça, qu’Audrey ne puisse pas entrer en Thaïlande et qu’elle soit placée en quarantaine ! Oh, mais quel stress aujourd’hui ! Nous avons donc droit à un nouveau visa thaï gratuit pour 30 jours. Nous parvenons à faire renouveler le TIP (permis d’importation temporaire) pour la Tiny pour 28 jours. L’assurance nous couvre encore pour 21 jours. Nous voilà soulagés et en règle pour au moins 3 semaines !

Nous nous donnons rendez-vous avec l’australien Stuart, et les allemands Rada et Henning, pour un bivouac en commun alors que les français Sidonie et Sylvain roulent vers la Malaisie et que les roumains Roxana et Adi décident de rouler vers le Laos. Nous avons besoin de souffler et de nous poser pour réfléchir à la suite du voyage car nos plans sont sérieusement modifiés. Au-delà de la frustration de ne pas visiter le Myanmar, l’Inde et le Népal, c’est plus le rendez-vous déjà prévu avec notre neveu Mattéo que nous ne pourrons pas voir au Népal qui nous attriste. Et c’est aussi du coup, notre rendez-vous avec Émilie, Boris et Ethan sur l’île de La Réunion qu’on voit aussi peut-être s’envoler. Le coup est dur. On le sait qu’un voyage est fait d’imprévus mais jamais nous n’aurions pensé devoir modifier nos projets à cause d’un fichu  virus. Nous avions pensé aux tensions géo-politiques mais pas à cela. Mais bon, nous relativisons car nous avons la chance d’avoir un plan B et de pouvoir shipper depuis la Malaisie. Ce qui n’est pas le cas de nombreux voyageurs autour du monde actuellement. Certains de nos amis en voyage au long cours se voient bloqués au Népal ou en Inde, contraints d’abandonner leur véhicule et de rentrer en avion en France. Donc oui nous relativisons, nous sommes en parfaite santé, notre Tiny est fidèle et robuste, et nous avons le moyen de poursuivre notre passionnante aventure !

Au-delà de toutes ces frustrations « affectives », il y a aussi le côté financier qui en prend un coup car nos visas du Myanmar et de l’Inde ne nous seront pas remboursés. Heureusement, nous n’avions encore rien payé pour l’agence au Myanmar et nous avons réussi à nous faire rembourser nos nuits d’hôtels où nous avions l’obligation de dormir. De plus, le shipping depuis la Malaisie pour rejoindre l’Afrique du Sud sera au moins 50% plus cher que celui depuis l’Inde (sachant qu’on en avait déjà pour quelques milliers d’euros). Nos billets d’avion pour rejoindre La Réunion et l’Afrique du Sud étaient déjà payés mais on devrait arriver à se les faire rembourser. Le billet du vol interne en Inde est quant à lui perdu.

La frontière de Mae Sot n’est donc pas officiellement fermée mais nous apprenons dans la journée de source officielle que l’Inde vient d’interdire à partir d’aujourd’hui l’entrée sur son territoire à tous les étrangers. Nos visas déjà obtenus et payés sont tout simplement invalidés et ne seront bien entendu pas remboursés. Nous relativisons en nous disant qu’on a quand même de la chance de ne pas être entrés au Myanmar car comme je vous l’expliquais, en sortir et entrer de nouveau en Thaïlande aurait été très compliqué et très cher. A quelques minutes près, on aurait pu être au Myanmar et devoir en sortir mais par une autre frontière (à Mae Sai), et se voir refouler l’accès à la Thaïlande qui impose un guide et un permis spécial pour traverser en deux jours vers le Laos. Bref, nous sommes très chanceux. Et il en faut plus pour nous abattre, mise à part ce rendez-vous avec Mattéo que nous allons louper.

Nous roulons vers la ville de Tak, à environ 140 km de la frontière. La route est montagneuse. Il fait une chaleur terrible. Entre 42 et 45° dans l’habitacle. C’est donc avec plaisir que nous sautons dans l’eau arrivés sur le bivouac installé près de la rivière. Les discussions vont bon train avec nos compagnons quant à la suite de nos parcours respectifs.

Audrey résume bien la situation qu’on vit on la comparant à une partie de jeu d’échec où chacun des joueurs serait le Coronavirus et les Mollalpagas en cavale. Comme dans ce jeu de stratégie, chaque changement de place d’une des pièces peut mettre en péril la suite de la partie. Le Coronavirus nous a mis en échec à la frontière du Myanmar. Nous allons trouver la solution pour qu’il ne nous mette pas en échec et mat ! Mais comme une partie d’échec, il faut anticiper ce que peut faire notre adversaire, il faut étudier chaque changement de stratégie…

Nous hésitons entre profiter de ces 3 semaines supplémentaires que nous pouvons utiliser pour visiter des régions de Thaïlande où nous ne sommes pas allés, en particulier dans l’est, ou bien filer droit vers la Malaisie. Nous stressons sur le fait qu’elle ferme à son tour et qu’on reste bloqués en Thaïlande. Une fois en Malaisie, on a le droit d’y rester 90 jours et la Tiny, n’est pas limitée si ce n’est par la date de validité de notre Carnet de Passage en Douane, soit encore 11 mois. Donc, en fonction de l’évolution de la situation internationale quant à ce virus, nous aurons une fois sur place le temps de prendre les dispositions nécessaires. Au pire, nous avons même l’adresse d’un lieu de gardiennage sécurisé où nous pourrions laisser la Tiny pendant que nous irions faire du back pack (voyage en sac à dos) ailleurs sur la planète. De la Malaisie enfin, on peut shipper la Tiny vers n’importe quel continent, voire la France si la situation s’empire. La sage décision est donc rapidement prise avec Audrey de sortir au plus vite de Thaïlande.

Soirée très sympathique autour de la crêpière et des superbes pâtes carbo préparées par Henning qui est chef cuisinier !

Mercredi 11 mars 2020 :

C’est donc décidé, on rejoint la Malaisie au plus vite. D’autant plus que les mauvaises nouvelles tombent au fur et à mesure que les heures passent quant à la fermeture des frontières. En Asie, certaines interdisent désormais tout simplement l’entrée sur le territoire (Inde, Chine), d’autres mettent en auto-quarantaine (Laos), d’autres imposent un certificat médical, d’autres ne délivrent plus de visas à l’arrivée (Laos, Népal). Certains pays restreignent les entrées sur beaucoup de sites touristiques (Vietnam). Autant dire que la Malaisie va peut-être également se protéger dans les jours à venir. Il faut qu’on se dépêche.

Nous roulons plein sud. Heureusement, ce n’est que de l’autoroute gratuite où nous sommes simplement juste ralentis par quelques feux tricolores. Les enfants restent patients, d’autant plus qu’ils ressentent notre stress. Ils  savent que ce genre de journées entières consacrées à la route n’ont rien d’agréable. La chaleur n’arrange rien. Pour moi non plus qui enchaîne les heures de conduite sans faire de pause si ce n’est pour remettre du gasoil ou pour manger, ce que j’essaye de faire coïncider pour gagner du temps. En temps de crise, nous avons toujours un stock alimentaire de survie.

Nous échangeons avec nos amis les Hakuna Matata qui sont sur notre route mais encore loin devant, encore 495 km. Mais voici un bel objectif pour bien rouler aujourd’hui et les rejoindre ce soir au bord de la mer.

Puis soudain, je craque, on passe devant un Mac Do. Deuxième fois depuis notre sortie de France où nous entrons dans un fast food où nous nous goinfrons de malbouffe et où nous bourrons les poubelles de déchets d’emballages et de suremballage plastique mais je craque… Et puis, franchement, un peu de clim durant 40 minutes, ça fait du bien !

Le contournement de Bangkok se passe assez bien et notre objectif de rejoindre nos amis ce soir devient réalisable.

La nuit tombe, mais nous approchons du but quand soudain (je n’ai jamais autant employé ce mot dans mes articles !), les enfants me signalent un bruit anormal dans la roue arrière gauche. Je contrôle mais avec la nuit, je ne vois rien d’anormal. On touche au but. Plus que 3 km.

Après plus de 600 km parcourus aujourd’hui, nous retrouvons Erika, Sylvain, Illan et Tibo que nous n’avions plus vus depuis le nord du Vietnam. Belle soirée en leur compagnie à échanger sur nos belles aventures respectives. Nous nous réjouissons pour eux de la tournure que prend leur voyage et de leur magnifique projet !

Nous venons donc de retrouver sur la plage de Chaosamran le Golfe de Thaïlande que nous ne devions plus revoir. Mais le voyage est fait d’imprévus ! Pas le temps de profiter de la plage mais nous apprécions l’air marin rafraîchissant bien le camion.

Jeudi 12 mars 2020 :

Pas le temps non plus de faire l’école ce matin. De bon matin, nous quittons notre bivouac. Mais le bruit de frottement accompagné d’un « clac-clac-clac » est toujours là quand je roule. Audrey qui passe à l’arrière me confirme que ce n’est pas normal. Je m’arrête aussitôt, me couche sous le camion et je m’aperçois que je suis en train de perdre un étrier de frein ! Celui-ci a mal été remonté quand j’ai fait remplacer le disque il y a 3991 km et une des deux vis de fixation est tombée ! Il ne tient plus que par une vis qui est aussi déjà dévissée. La catastrophe a été évitée de justesse. Au pire, l’accident surtout avec toute la montagne que nous avons faite et tous ces kilomètres enchainés depuis deux jours sur l’autoroute. Au mieux, la détérioration du disque, des plaquettes et de l’étrier s’il était venu à se décrocher entièrement dans les kilomètres suivants. Sans compter la non-disponibilité des pièces ici et qu’on aurait dû faire venir de France…

Évidemment, c’est une vis spécifique de gros diamètre et au pas fin et je n’en ai pas dans ma caisse à outils… L’urgence est de rouler au pas vers un garage. Notre bonne étoile veut que nous soyons tout près d’une grande ville. Je ne cherche pas forcément un garage très gros mais plutôt un bricoleur qui aurait une grosse caisse à boulons. Les deux premiers essais sont infructueux et les deux mécanos ne souhaitent pas m’aider. L’arrêt chez un troisième est concluant. Aussitôt, le véhicule est pris en charge et par chance, le mécano a la bonne vis au bon diamètre et au bon pas pour refixer l’étrier qui n’est pas endommagé. Ouf. Nous avons perdu deux heures mais les conséquences auraient pu être bien pires.

Nous roulons toujours plein sud. C’est la troisième fois que nous empruntons la même route ! Et elle est longue cette route de plusieurs centaines de kilomètres de 4 voies. Elle en devient pénible mais il nous faut tracer.

On l’apprécie d’autant moins cette route que nous sommes bien stressés par la situation. Les enfants restent beaucoup à l’arrière car nous avons besoin de parler avec Audrey de la suite de l’itinéraire. Je ne vous cache pas que ça fuse dans tous les sens… Et si l’Afrique qui commence aussi à être touchée par le virus fermait aussi ses frontières ? Et si on repartait en Amérique ? Et si on rentrait en France pour faire un grand tour d’Europe ? Et si… ? Une chose est certaine, on va tout faire pour poursuivre notre aventure. Mais bon, c’est encore trop de questions auxquelles nous n’avons pas de réponse avant d’être pour de bon en Malaisie.

Le bel objectif de la journée est de parcourir plus de 550 km pour rejoindre nos amis les BAAM. Et oui, on a donc pleuré pour rien au moment de se séparer la dernière fois qu’on les a vus il y a quelques semaines ! Ce demi-tour a au moins cet avantage de pouvoir revoir les amis sur la route ! C’est en fin de journée, sur un bivouac très agréable en bord de rivière, au milieu des plantations d’hévéas et de palmiers à huile, que nous nous posons à la tombée de la nuit.

Comme d’habitude, la joie des retrouvailles est forte. Une fois de plus, Pascal et Cléo nous sortent de bonnes bouteilles de Saint Emilion et de Tariquet. A chaque fois, ils nous disent que c’est la dernière ! On ne les croit plus. Joli feu de bois préparé par Victor sur lequel nous cuisinons de bonnes coques puis un bon mélange de viandes marinées alors que les patates enveloppées d’alu cuisent dans les braises. Le moine du temple voisin descend nous voir et discuter. Il revient quelques instants plus tard en nous offrant un carton de 30 sachets de nouilles instantanées et 12 bouteilles d’eau !

La nuit va être courte car le réveil va sonner dans 4h30 mais qu’importe, nous avons profité de nos amis qu’on espère croiser de nouveau en Malaisie. Et je suis sûr qu’ils seront encore capables de nous sortir une bouteille de Bordeaux

Vendredi 13 mars 2020 :

6 heures, nous quittons le bivouac pas encore bien remis de la courte nuit et de la longue soirée. Mais il ne nous reste plus que 400 km avant la frontière. Les enfants dorment la moitié de la route. C’est toujours ça de gagné pour eux pour cette troisième journée consécutive de route.

Midi, nous arrivons au poste frontalier de Padang Besar avec l’espoir que tout se passe bien. Nous sortons vraiment très facilement de Thaïlande. Nous avions une appréhension concernant la Tiny car son Carnet de Passage en Douanes (CPD) est périmé depuis un mois. Mais cela ne pose pas de problème aux douaniers qui ne savent même pas le remplir.

A quelques mètres, un panneau « Welcome to Malaysia » nous accueille mais nous n’y sommes pas encore ! Et bien finalement, ce sera certainement la plus rapide des frontières depuis le début de notre aventure… En 30 minutes, nous avons passé les deux douanes ! Pas besoin de visa pour nous et nous avons le droit de rester 90 jours en Malaisie. Nous faisons tamponner notre nouveau CPD pour la Tiny qui a donc le droit de rester jusqu’à fin février 2021 !

C’est un grand OUF de soulagement que nous poussons car soudain (oui, encore soudain…), la nouvelle vient de tomber. La Malaisie interdit à partir d’aujourd’hui l’entrée sur son territoire aux ressortissants des pays les plus touchés par la propagation du virus dont l’Italie. La France est certes encore loin du triste bilan italien mais nous avons eu de la chance car beaucoup d’autres pays avec restrictions à l’entrée mettent en ce moment l’Allemagne, la France, et l’Espagne dans le même lot que l’Italie, l’Iran…

Je m’occupe de souscrire à une assurance pour la Tiny pour les deux mois à venir ainsi que l’ICP (Permis de Circulation International). On ne sait pas si ce macaron apposé sur le pare-brise est obligatoire ou pas, car beaucoup de voyageurs ne le prennent pas, mais autant ne pas s’en priver car il est gratuit et s’obtient en quelques instants. Il ne nous restera plus qu’à acheter une carte de télépéage obligatoire pour emprunter le réseau autoroutier.

Nous voici en règle, je retire des Ringgit Malais au taux de 1€ = 4,77 MYR.

Notre carte SIM de notre opérateur Free couvre la Malaisie. Il n’y a plus qu’à changer d’heure. Alors qu’en Birmanie, on aurait dû retarder nos montres d’une demi-heure, et bien nous voici à nous éloigner encore un peu plus et à changer de fuseau horaire dans l’autre sens. on avance nos montres d’une heure. Nous voici avec 7 heures de décalage avec la France. Je vous avais dit au sud du Cambodge qu’on était au point le plus éloigné géographiquement de notre domicile. Et bien non, nous voici de nouveau à plus de 10 300 km à vol d’oiseau de chez nous !

Nous nous arrêtons sur un charmant bivouac au pied du lac de Timah-Tasoh et je pense bien qu’on va s’y poser pour se reposer après cette folle semaine.

Mais déjà, je peux vous en dire un peu plus sur ce que l’on pense faire. Ben en fait, on ne sait pas. Il nous est impossible, à la vitesse où les frontières se ferment, de prendre une décision. Il ne serait pas raisonnable d’envoyer tout de suite la Tiny en Afrique du Sud sans savoir si nous pourrons traverser ce continent comme on avait prévu. Il nous faut juste patienter et voir l’évolution de la situation au niveau international. L’idée est donc de visiter pendant 4 à 6 semaines la Malaisie, d’y laisser en gardiennage la Tiny sur le port puis de partir nous poser sur l’île de la Réunion pendant environ 2 mois. Nous pourrions y louer un petit appart’ meublé et une voiture. Nous pourrions ainsi voir Émilie, Boris et Ethan et peut-être Mattéo s’il parvient à se faire rembourser son billet pour le Népal…

Cela nous pousse donc à début ou à la mi-juin. D’ici là, la situation se sera on l’espère améliorée. Au pire, nous envisagerons un envoi de la Tiny directement au port du Havre. Et nous terminerons notre voyage en Europe… Mais on n’en est pas là !

J’en ai fini avec cet article, un peu différent des autres. Ce sera le plus court en nombre de jours et celui qui aura eu le moins de photos mais celui où nous aurons fait le plus de kilomètres. Et il termine notre aventure thaï et vous donne des nouvelles fraîches sur notre situation.

Mais bon, nous ne sommes pas malheureux et même plutôt très heureux ! A chaque problème, une solution. En rentrant en France dans 18 mois, quand nous rédigerons notre CV pour chercher du boulot, on marquera « capacité d’adaptation, capacité de décision, prise de recul, sens de l’organisation, persévérance »…

Allez, je vous laisse et je file rejoindre Audrey dans nos transats pour partager une bière fraîche… et lire un peu !