848 km parcourus du 21 au 29 mars 2021

69 171 km parcourus depuis le départ

Dimanche 21 mars 2021 :

Ça y est, nous en avons fini avec le Kenya que nous allons quitter avec mille agréables souvenirs. Nous sommes sur la route en direction de la Tanzanie. Il ne nous reste plus qu’une centaine de kilomètres. Nous attendons impatiemment nos résultats de tests PCR que nous avons effectués hier dans un hôpital à Nairobi. Comme convenu, ils arrivent par mail vers 15 heures. Ouf, ils sont tous négatifs. De mon côté, je suis toujours un peu patraque mais c’est sur la bonne voie de remise en forme.

Nous prenons la route vers la frontière mais le temps de rouler, de s’arrêter faire deux courses pour solder nos derniers shillings kényans et de trouver un endroit pour imprimer le résultat de nos tests, il est déjà 18 heures quand nous arrivons à la ville frontière de Namanga. Nous estimons qu’il est trop tard pour que nous fassions toutes les formalités et nous ne pourrons pas avoir terminé avant la tombée de la nuit. Nous remettons donc à demain nos formalités administratives et passons la nuit dans une station-service désaffectée sous l’œil protecteur du gardien des locaux déserts.

Lundi 22 mars 2021 :

Le gardien me donne accès à un point d’eau pour qu’on reparte les pleins faits. Sympa. Nous filons vers la frontière à 5 km. Dès qu’on arrive à la première barrière, une dizaine de facilitateurs soit disant officiels, avec des cartes plastifiées accrochées autour du cou, nous proposent leur service pour nous aider dans les démarches douanières. Nous déclinons mais ils s’accrochent. Je suis invité à entrer dans un premier bureau où un gars recopie mon numéro de passeport et celui de la Tiny. Le genre de démarches bien soulantes car inutiles. A quoi ça sert de marquer à la main sur un cahier aux colonnes trop étroites nos noms et nos références…

Le gars a terminé son travail avec nous et nous ouvre la barrière mais me demande de l’argent. Euh, ben non, pas question… Il me demande alors que je lui donne quelque chose à manger… Euh, ben non plus… Puis il m’invite à suivre un gars, cette fois-ci officiel selon lui, qui va m’aider pour les passages dans les différents bureaux. Je sens l’embrouille mais effectivement, ce deuxième gars a été autorisé à entrer dans le bureau et s’est lui-même occupé de référencer la Tiny dans le cahier. Nous le suivons tous ensemble dans un grand immeuble abritant aussi bien les services d’immigrations (démarches douanières pour nous) que les services de customs (démarches douanières pour la Tiny), et ce pour les deux pays, le Kenya et la Tanzanie. C’est assez rare autour du monde mais tellement plus pratique.

Mais avant de continuer, un petit mot sur le Covid en Tanzanie. Un pays où le Covid-19 n’existe pas selon le gouvernement. Les politiques tanzaniens ont toujours nié la présence du Coronavirus sur leur territoire. Ils n’ont enregistré depuis le début de la pandémie que 509 cas déclarés et 21 décès.

Le président tanzanien, John Magufuli, n’a cessé de minimiser l’existence et la dangerosité du virus, estimant que son pays en avait été libéré dès mi-2020. Ce déni total de la pandémie de Covid-19 n’est associé logiquement à aucune mesure de lutte contre la maladie. Le président a douté de l’efficacité des tests et s’est même moqué de l’efficacité des masques et des pays voisins qui ont imposé des mesures sanitaires pour endiguer le virus. Aucun programme de vaccination n’a été prévu. La Tanzanie a même refusé de profiter du mécanisme Covax où les pays riches viennent en aide aux pays plus pauvres en leur délivrant des doses de vaccins contre le Covid-19. Le président a lancé simplement un appel à des prières et à une thérapie à base d’infusions de plantes pour contrer le virus. Il avait annoncé : « Le coronavirus, qui est un démon, ne peut pas survivre dans le corps du Christ… Il brûlera instantanément ». Un premier cas avait été annoncé dès mars 2019 en Tanzanie. Mais malgré l’augmentation des cas, le président se refusait à agir, accusant son ministère de la Santé de « créer la panique ». Il lui imposa alors d’arrêter de diffuser ses statistiques sur le virus dès la fin avril. Dès juillet, le président Magufuli décrétait que le Covid-19 n’existait plus en Tanzanie. Il aura fallu attendre février dernier pour que, soumis à une pression croissante suite à une augmentation des cas de Covid-19, et après le décès du vice-président de Zanzibar, il concède enfin l’existence de la pandémie, près d’un an après le début de la crise. Mais face à la disparition du président de la scène publique depuis le 27 février dernier, les rumeurs avaient enflé autour des raisons de cette absence, et sur son état de santé. Le leader de l’opposition et plusieurs autres sources le soupçonnaient d’être atteint d’une forme grave de Covid-19. Depuis quelques jours, le président tanzanien John Magufuli, réélu il y a quelques mois pour un nouveau mandat jusqu’en 2025, l’un des plus grands sceptiques du coronavirus en Afrique n’est plus. Il est décédé, mercredi dernier, à l’âge de 61 ans, officiellement des suites de problèmes cardiaques, selon sa vice-présidente. Un deuil national de 14 jours a été proclamé dans le pays.

J’en reviens à notre bureau de douane. La différence est flagrante car on voit, dans cet immense espace partagé entre les fonctionnaires des deux pays, ceux qui travaillent pour le Kenya et ceux qui travaillent pour la Tanzanie. Les premiers portent les masques, pas les seconds.

Deuxième bureau, le contrôle sanitaire pour la sortie du Kenya. Comme je vous l’expliquais dans le dernier article, le Kenya est peut-être le seul pays au monde à exiger un test PCR pour sortir de son territoire. Avec une procédure bien spéciale car on a dû passer par un laboratoire agréé délivrant en plus du résultat classique un flash code (TT Code) indispensable pour sortir du pays. Notre résultat est bien regardé par la préposée qui en plus nous demande de voir sur notre téléphone le mail du labo pour s’assurer que ce n’est pas un faux document qu’on présente. Finalement, elle se fout du TT code. Prise de température. Nous devons aussi fournir notre certificat de vaccination international prouvant que nous sommes bien vaccinés contre la fièvre jaune. Nous avions déjà ce vaccin depuis notre voyage en Amérique du sud où le vaccin était obligatoire pour entrer au Brésil et recommandé pour la Bolivie.

Troisième bureau à l’immigration du Kenya pour se faire tamponner nos passeports de la sortie du pays.

Quatrième bureau aux customs du Kenya pour sortir à présent le véhicule du pays. Notre Carnet de passages en douane est tamponné comme il se doit. Ce passeport pour le véhicule nous permet de faciliter l’importation temporaire pour le véhicule. Mais nous devons nous acquitter de la Tax-road que personne ne nous avait demandé de payer en entrant à Mombasa. On le sait car elle est obligatoire. On connait aussi son montant, 4300 shillings. On a d’ailleurs conservé ce montant pour la payer. Mais là, le douanier, que je vois venir, commence à me demander quelle route j’ai emprunté au Kenya, pour calculer la taxe au kilomètre. Je ne lui dis pas effectivement tous les détours qu’on a effectués dans son pays (3000 km) et je lui dis qu’on est venu directement de Mombasa par la route la plus courte. OK, ça fait donc 1000 km me dit-il. Je le reprends, preuve à l’appui sur mon téléphone (il ne sait pas que Google est mon ami) que le distance n’est que de 650 km. Je le vois venir à me calculer une taxe au km alors que je sais bien que la taxe est forfaitaire. OK, il sort son téléphone et calcule que la taxe est de 16 000 shillings !!! Euh ben non, toujours pas, je lui réponds que je ne paierai que 4000 shillings. Il insiste mais il ne connait pas mon caractère têtu. Puis il me demande si la Tiny, avant d’être une cabane, était déjà une cabane ou un utilitaire. Je lui réponds qu’elle était un utilitaire avant sa transformation. Ah mais ça change tout me dit-il et d’un coup, la taxe descend à 6000 shillings. Euh, c’est gentil mais non, je ne paierai que 4000 shillings. Bon, d’accord me dit-il, c’est 4300 shillings. Il prend mes billets qu’il met en boule dans sa poche. Euh, il me faudrait une facture svp monsieur… Ah bon, me répond-il… Il me la fait.

Cinquième bureau à l’immigration côté Tanzanie. Les employés ne portent plus du tout de masque. Nous remplissons nos formulaires de demandes de visas. Nous allons payer au guichet de la banque 50 dollars par personne puis revenons au même bureau pour valider nos visas et faire tamponner nos passeports. Nous voici dans le 31ème pays de notre cavale.

Sixième bureau aux customs pour faire entrer la Tiny en Tanzanie. Le préposé, longtemps distrait par la diffusion en direct à la télé des obsèques du président, me remplit un TIP comme nous en avons à chaque frontière. La taxe à payer à la banque pour ce certificat d’importation temporaire est de 25 dollars (pour maxi un mois, à renouveler si besoin). Mais quand nous revenons, il me donne le TIP et je m’aperçois qu’il a fait une faute dans la plaque d’immatriculation. Il griffonne au stylo le TIP mais nous exigeons un nouveau document. Car on se doute que cela posera des problèmes à la sortie du territoire quand son collègue ne retrouvera pas l’immatriculation de la Tiny dans son système informatique. On commence à avoir l’habitude de ce genre de problème. Impossible nous répond-il. Nous insistons. Nous faisons même intervenir l’Ambassade de France que j’appelle à Dar Es Salaam. Un gentil fonctionnaire français fait tout son possible pour appuyer ma demande en parlant au douanier mais en vain. Pas moyen de corriger cette plaque dans le système informatique sauf si nous acceptons de faire immédiatement la sortie du véhicule pour enregistrer une nouvelle entrée. Et donc si nous acceptons de repayer 25 dollars. C’est bon, on a assez payé comme ça et pas question de payer pour une erreur qu’on n’a pas commise. On croise les doigts pour la sortie.

Septième bureau toujours aux customs car en plus du TIP, ils nous demandent à tamponner notre Carnet de passage en douane.

Ouf, au bout de 2h15, nous en avons fini avec ces démarches jamais agréables. Le gars qu’on nous avait demandé de suivre depuis le début ne nous a jamais lâché. On se doute bien qu’il va nous demander de l’argent pour son boulot de facilitateur. Mais rien du tout, il nous demande juste un verre d’eau une fois qu’il nous a ramenés à la Tiny. C’était donc bien un agent officiel. Pas facile de savoir… On avait déjà eu ce service rendu à la frontière entre le Cambodge et la Thaïlande mais jamais ailleurs.

Plusieurs rabatteurs nous tombent dessus à présent pour nous vendre des assurances pour le véhicule. Pas la peine car notre assurance française nous couvre encore pour nos 90 premiers jours en Afrique.

Nous filons et nous nous attendons à un contrôle du véhicule comme à quasiment chaque frontière mais non, personne ne nous demande quoi que ce soit.

Nous faisons nos premiers kilomètres en Tanzanie. Premières impressions : un réseau routier en parfait état, un parc automobile également avec des voitures en bon état, des dalla-dalla (minibus) ou des poids-lourds à la cabine peinte et personnalisée par les routiers, des ralentisseurs beaucoup moins réguliers et surtout beaucoup moins pénibles à franchir (on verra si ce plaisir continuera), des conducteurs qui respectent les limites de vitesse et les lignes blanches… Ce qui ne change pas : on conduit toujours à gauche.

Les paysages sont dominés par le bush typique de l’Afrique de l’Est et ces quelques arbustes épineux poussant dans des plaines sèches. Au loin, le Mont Kilimandjaro et le Mont Meru que nous allons contourner. Mais ils ont la tête dans les nuages.

Nous prenons doucement de l’altitude. Les paysages verdissent. Sur le bord des routes et dans les petits hameaux traversés, de nombreux Maasaïs comme on en voyait déjà beaucoup dans le sud du Kenya. Toujours avec des couvertures et vêtements aux couleurs chatoyantes. Premiers échanges agréables avec des Tanzaniens lors d’un petit arrêt à la recherche en vain d’une carte SIM. Les maisons sont en planches pour certaines comme on avait pu en voir sur les pentes du Mont Kenya. Les petits villages sont beaucoup moins colorés de teintes vives comme l’étaient au Kenya beaucoup de maisons peintes aux couleurs de l’opérateur téléphonique Safaricom.

En quelques kilomètres, déjà trois arrêts de policiers, juste curieux de voir une nyumba (maison en swahili) sur la route.

Nous voyons plus de mosquées qu’au Kenya car 35% de la population est musulmane. 35% sont chrétiens et 30% sont animistes.

Nous nous arrêtons dormir en bord de route à une centaine de mètres après un poste de police. La route n’est pas très passagère et ça fera l’affaire pour notre première nuit en Tanzanie. Autre impression différente de celle du Kenya. Les locaux restent assez discrets et n’approchent pas trop de la Tiny. De l’autre côté de la frontière, déjà plein de Kényans seraient venus à notre rencontre. La langue est clairement une barrière. Ici, beaucoup moins de gens parlent anglais et ils osent moins venir à notre rencontre. Ce qui n’empêche pas les sourires et les gestes amicaux.

21h30, nous dormons déjà bien profondément et deux policiers viennent frapper à la porte. J’ouvre la fenêtre. Ils me demandent de descendre. Je réponds que non car je suis en train de dormir. L’un d’eux me demande mes passeports. Je réponds que non et qu’on verra cela demain matin. Il me dit qu’on est dans une zone militaire et qu’on n’a demandé la permission à personne pour dormir ici. OK, mais comment savoir qu’on est dans une zone militaire alors qu’on dort devant une école. Il insiste pour voir les papiers. Audrey sort pour lui montrer les photocopies plastifiées de nos passeports. Pas question de montrer les originaux en pleine nuit à un inconnu, même en treillis. Il précise que ce ne sont pas les originaux. Audrey ne se démonte pas et insiste en disant qu’il n’aura pas mieux pour le moment. OK, bonne nuit.

Mardi 23 mars 2021 :

Pendant qu’on fait l’école, le policier d’hier soir termine son travail de nuit et passe nous saluer en nous souhaitant une bonne journée. 11 heures, deux autres militaires arrivent et nous questionnent pour savoir pourquoi nous sommes encore là. On leur explique et on leur montre que les enfants sont sérieusement en train de faire l’école et que promis, on sera partis à midi. Bon cette fois-ci, on ne va pas jouer… Même si dans cette soit disant zone militaire, les villageois travaillent dans les champs, les bergers conduisent leurs troupeaux et les enfants jouent dans la cour de l’école.

Nous arrivons à Arusha qui est la première ville que nous voyons en Tanzanie.

Achat de cartes SIM pour nos deux téléphones, change d’euros en shillings tanzaniens (on est millionnaire car le taux est de 1€ = 130TZS !) puis change d’euros en dollars américains pour refaire un peu de réserve dans cette devise nécessaire pour payer nos visas aux prochaines frontières ou certains parcs nationaux. D’habitude, on retire avec notre carte bancaire, mais la principale que nous utilisons (car notre banque allemande ne facture pas de frais de paiements ni de retraits en devises étrangères) a été piratée au Kenya (on est toujours dans l’attente du remboursement d’un très gros retrait…) et la carte a été bloquée. On attend la livraison de la nouvelle.

Premier plein de gasoil en Tanzanie à 1965 shillings soit environ 0,70€ le litre, toujours dans des stations-service Total, comme au Kenya. Le gasoil m’y semble de meilleure qualité que dans les petites stations sans marque et toutes poussiéreuses. Le pot d’échappement fume plus noir qu’en Europe mais cela est normal car ce ne sont pas les mêmes qualités de carburant. C’était pareil en Amérique du sud ou en Asie.

Nous trouvons un grand mall commercial où en entrant je négocie mal le virage et j’abîme un peu le capot de la Tiny. J’en suis vexé. Audrey part faire un plein de courses au supermarché et va à la pharmacie pour racheter quelques médicaments dont nous étions en rupture. Comme dans toutes les grandes villes au Kenya, on trouve ces grandes enseignes aux rayons bien achalandés où on voit beaucoup de Blancs. Bon, on va un peu se calmer sur les produits laitiers. Les yaourts et le lait (vendu à 1,50€ le litre) sont plus chers qu’au Kenya mais restent encore raisonnables mais les 500 grammes de beurre sont vendus à plus de 9€ et ne parlons même pas du fromage…

Je reste sur le parking à (encore) refixer ma tôle de protection sous le moteur qui m’agace et à refixer une petite trappe du bardage…

Nous ne traînons pas dans cette ville et filons vers l’Est. Nous contournons le Mont Meru, culminant à 4565 mètres d’altitude, ce qui en fait le deuxième plus haut sommet de Tanzanie et le quatrième plus haut d’Afrique. La dernière éruption de ce volcan remonte à 1910.

Le bivouac ne va pas être évident à trouver car la région bien fertile ne laisse pas beaucoup d’espaces inhabités ou non cultivés. On tente au hasard une petite route perpendiculaire. Par chance, on trouve un petit coin bien agréable, sans bruit, avec de l’ombre.

Mercredi 24 mars 2021 :

Matinée tranquille à l’ombre des arbres. Notre première impression se confirme : les Tanzaniens sont beaucoup plus discrets que les Kényans. Ils passent, nous offrent de larges sourires, des « Karibu » et des signes de la main, mais plus rares sont ceux qui s’approchent de la Tiny. C’est fou comme les différences culturelles changent d’un côté et de l’autre d’une frontière. On avait déjà rencontré cela, notamment entre le Laos et le Vietnam.

Par rapport au Kenya, nous croisons donc beaucoup moins de personnes parlant anglais. C’est pourtant une langue officielle au même titre que le swahili parlé par 95% de la population. Les médias diffusent dans la presse et à la télévision en swahili et non en anglais comme au Kenya voisin. Cette timidité, vis-à-vis de l’anglais qu’ils maitrisent moins, peut aussi expliquer le fait qu’ils viennent moins à nous.

Nous sommes en contact depuis hier avec une famille française de voyageurs en back pack (en sac à dos et se déplaçant en transports en commun) qui est dans le secteur. Nous retrouvons Nolwenn, Aurélien et leurs quatre enfants Noé, Gaspard, Blanche et Célestine. Leur nom de voyageurs si bien adapté en cette période compliquée et troublée pour les Tourdumondistes est bien trouvé ; ils s’appellent les « Je ne sais pas mais on y va » ! On adore ! Nous nous fixons rendez-vous à Moshi, non loin de leur hôtel, sur un terrain vague près d’une voie de chemin de fer. Mais bien qu’on soit en ville, personne ne vient nous déranger. Nous pouvons même sortir notre matériel de camping. Tout de suite, nous nous entendons super bien avec cette nouvelle famille, aussi bien les adultes que les enfants qui ont l’âge des nôtres. Pendant que nous nous désaltérons avec quelques bières répondant au nom de Kilimandjaro ou Serengeti, nos six enfants enchaînent les parties de jeux de société et les fous rires dans la Tiny. Et comme ce sont des Bretons, nous leur sortons même la Krampouz !

Nous passons un bon moment en leur compagnie et décidons de prolonger le plaisir le lendemain en passant la journée ensemble.

Jeudi 25 mars 2021 :

De bon matin, nous voici en route vers la petite oasis idyllique de Kikuletwa aussi connue sous le nom de Maji Moto. Nous avons en chemin une belle vue sur le Kilimandjaro avant d’emprunter une piste d’une quinzaine de kilomètres. Nous traversons des parcelles agricoles où les terres sont en train d’être préparées pour être semées avant l’arrivée des pluies. Elles devraient d’ailleurs être là depuis une dizaine de jours mais elles nous épargnent encore. On sent bien que le temps commence cependant à changer : on entend quelquefois l’orage gronder au loin et nous avons quelques épisodes pluvieux en soirée.

Mais aujourd’hui est encore une belle journée ensoleillée avec de nouveau une trentaine de degrés. Il n’y a encore personne d’autre quand nous arrivons sur les lieux où nous retrouvons les Je ne sais pas mais on y va. Tout le monde saute dans cette eau agréablement chaude, à l’ombre des immenses arbres dans lesquels grimpent des singes. Les racines nous rappellent celles des fromagers au Cambodge sur les ruines d’Angkor.

Durant plusieurs heures, tout au long de la journée, les enfants (petits et grands) enchainent les sauts les plus acrobatiques dans ces eaux profondes. Il y a bien quelques touristes étrangers (des Russes et des Français) mais cela n’est pas dérangeant. Nous adorons cette escapade, à côté de laquelle nous serions passés si nous n’avions pas rencontré Nolwenn et Aurélien.

Longue séance de Fish-pédicure. Des petits poissons, des Garra Rufa par dizaines, aspirent les peaux mortes de nos pieds. Ça chatouille mais ce n’est pas désagréable et nous ressortons avec une peau de bébé.

Les locaux font des sauts spectaculaires dans l’eau.

Autour de nous, des varans, des lézard agama-agama et des singes vervets bleus qui sont venus piquer dans notre panier de pique-nique un sachet de pain…

Retour en fin d’après-midi sur notre bivouac de Moshi. Nous serions bien restés pour le bivouac près de l’oasis mais nous préférons passer la soirée avec nos compagnons, quitte à avoir un bivouac moins agréable. De nouveau, une belle soirée de partage entre voyageurs. Petits et grands s’éclatent malgré la fatigue de la journée. Nous ne nous reverrons pas en Afrique, car Nolwenn et Aurélien rentrent dans 15 jours en France pour poursuivre leur belle aventure encore quelques mois en camping-car en Europe après avoir voyagé plusieurs mois en Afrique en back-pack.

Vendredi 26 mars 2021 :

Grasse matinée ce matin. Anaïs et Victor se réveillent avec des courbatures. Ce n’est pas étonnant tellement ils se sont donnés à fond durant plusieurs heures hier à escalader les arbres, sauter et nager dans l’eau.

900ème jour de voyage aujourd’hui ! Jour anniversaire également car il y a un an, jour pour jour, nous prenions l’avion de rapatriement depuis la Malaisie. Nous n’oublions pas la gentillesse avec laquelle nous avait accueillis Marie-Anne et Bruno en Vendée et notre famille en Poitou-Charentes. Tous nous avaient permis d’encaisser la frustration de notre retour prématuré et de cette fin de voyage peut-être annoncée. Ce sentiment ambivalent entre la joie des retrouvailles pas prévues et notre soif pas encore étanchée de voyage et de rencontres… Mais c’est du passé. Que de rebondissements depuis ! Qui aurait dit que nous serions en Tanzanie 365 jours plus tard…

Nous faisons l’école et en début d’après-midi, après quelques courses de légumes au marché local, nous prenons la route. On nous l’avait dit mais effectivement, nous devons négocier nos achats sur le bord de la route. Alors qu’au Kenya, et dans tant d’autres pays dans le monde, c’est rare de devoir discuter le prix de la nourriture, le gros avocat crémeux qu’on nous propose à 2000 shillings est rendu en quelques secondes à 1000 shillings (0,35€), il est délicieux. Tous les légumes ne valent vraiment pas très cher. Le kilo de tomates est à 0,70€, le kilo de pommes de terre est à 0,35€, les 4 aubergines sont aussi à 0,35€, les 7 grosses carottes à moins de 0,20€. En fait, les légumes ne se vendent généralement pas au poids mais au petit tas valant chacun 500 shillings. Les fruits se font plus rares, juste des bananes (en quantité), des oranges, quelques fruits de la passion et papayes. La saison des si délicieuses mangues est terminée.

Cet axe qui descend vers la côte est en moins bon état sur certaines portions. De nouveau, comme au Kenya, des ralentisseurs à répétition font trembler de peur la Tiny.

Nous quittons l’axe principal et nous enfonçons de quelques kilomètres sur une piste où nous trouvons un bivouac sympathique au bord d’une petite rivière. Nous ne sommes pas loin d’un hameau mais une nouvelle fois, à part quelques gamins curieux et mignons et deux pêcheurs, personne ne vient nous voir. De l’autre côté de la frontière, on aurait été entouré par beaucoup de monde !

Samedi 27 mars 2021 :

Nous ouvrons la porte et les fenêtres et pouvons profiter, avant que la vue ne se bouche assez rapidement, d’un panorama magnifique sur le toit de l’Afrique. Le Kilimandjaro est face à nous ! Nous aurons vraiment eu de la chance de pouvoir le voir sous toutes ses coutures en en faisant entièrement le tour entre le Kenya et la Tanzanie. Mais ce matin est certainement la dernière fois qu’on voit ses neiges éternelles et ses glaciers. On se gardera son ascension pour une autre fois, car à plus de 2500€ par personne, ce n’est pas pour nous ! (Et avouons que depuis que nous sommes en Afrique, nous manquons d’entraînement !)

Matinée tranquille avec l’école. Les enfants terminent leur période en cours. Ils ont de nouveau bien travaillé. Un homme du village voisin nous a aperçus de loin et nous explique être venu à notre rencontre juste pour nous souhaiter la bienvenue mais aussi pour nous dire de faire attention aux crocodiles et aux hippopotames dans la rivière.

Quelques enfants viennent chercher de l’eau dans ce cours d’eau à la couleur sombre et trouble. Ils ne parlent pas anglais comme leurs voisins kényans mais certains connaissent déjà « give me money », sans être trop insistants non plus. On entend aussi, comme au Kenya, beaucoup de « mzungu » à notre passage. Ce terme en swahili signifie « Blanc ». Mais ce n’est pas dit avec méchanceté et c’est souvent accompagné de sourires.

Nous reprenons la cavale en passant sous un énorme baobab où la Tiny paraît bien minuscule à son pied.

Nous roulons dans le nord-est de la Tanzanie, non loin de la frontière du Kenya, en longeant le massif des Monts Usambara. La région alentour fut parmi les premières de l’Afrique de l’Est à être colonisée par des fermiers européens en 1902 du temps de l’Afrique orientale allemande.

De nouveau, nous nous faisons souvent interpeller par la police, rarement pour des contrôles de papiers mais juste pour la curiosité. Je suis en Tanzanie plus vigilant sur les règles de code de la route et conduis sagement comme les autres usagers de la route. Plus question, comme au Kenya, de doubler sur les lignes continues ou de ne pas respecter scrupuleusement les limites de vitesse.

Au pied des montagnes, les terres sont plus fertiles et de petites oasis alternent avec des parcelles plus arides.

Les plaines sont cultivées à outrance de plants d’agaves. Des hectares et des hectares de monoculture. Le principal produit du sisal est la longue fibre des feuilles principalement utilisée pour faire de la ficelle, des cordes, des fils, des filets de pêche, du tissu à lustrer, des cibles de jeux de fléchettes, des hamacs, des tapis, des sacs, des rembourrages dans l’industrie automobile, des panneaux de construction mais aussi des types de papiers particuliers, tels que le papier à cigarettes, le papier journal, le papier d’emballage, le papier carbone, le papier infalsifiable pour billets de banque, le papier filtre et les sachets de thé. Et tout un tas d’autres usages… Incroyable.

Nous quittons l’axe principal filant vers la côte pour nous enfoncer sur une petite route montagneuse. Les axes secondaires goudronnés sont vraiment très rares en Tanzanie. Aussi Audrey l’a repérée et outre la beauté des paysages, nous aurons accès à des départs de randonnées, chose encore plus rare en Afrique de l’Est ! Rapidement, nous prenons de l’altitude. La route est parfois étroite mais nous arrivons à croiser assez facilement les camions et les minibus très nombreux.

Toutes les pentes des montagnes sont cultivées, sans aucune mécanisation, parfois de façon vertigineuse jusqu’aux sommets. La saison des pluies arrive et les parcelles sont prêtes.

Avant d’arriver à Lushoto, où il sera difficile de bivouaquer sans aller au camping, nous nous arrêtons en bord de route pour passer la nuit. Il n’y a pas tant de circulation que cela et en général, ça se calme bien la nuit.

Dimanche 28 mars 2021 :

Il ne nous faut que quelques minutes pour arriver à Lushoto, mais malheureusement, l’accès au camping où on avait prévu d’aller n’est pas praticable pour nous : les pluies ont détrempé la piste en terre rouge. Un homme accepte qu’on stationne devant sa boutique.

Pour la première fois depuis deux mois, nous pouvons enfin mettre à nos pieds nos chaussures de rando ! La rando repérée sur notre GPS n’est pas bien longue, juste 5 km, mais va nous permettre de nous dégourdir les jambes. Ce versant des Monts Usambara assez proche de la côte de l’Océan Indien reçoit beaucoup de précipitations. Ces pluies permettent l’établissement d’une forêt tropicale, cas assez rare en Afrique de l’Est car on retrouve ce type de formation végétale plutôt dans le centre du continent. Le taux d’humidité dans l’air associé aux plus de 25°C rendent notre progression compliquée. La rando n’a rien de difficile, juste un petit 300 mètres de dénivelé, mais nous peinons. Comme dit Audrey, on a l’impression qu’il pleut mais que la pluie vient de notre corps ! Qu’importe, nous sommes récompensés par de superbes paysages, par cette forêt tropicale, et par la vue une fois arrivée au sommet du Kigulu Hakwewa à 1840 mètres d’altitude, à la moitié de la balade.

Mais par contre, nous sommes interpellés au sommet par un ranger qui nous tombe dessus et nous demande de payer l’entrée de la Réserve naturelle de la forêt de Magamba, 10 dollars par personne ! Comment ça, il faut payer pour marcher 5 km ? Alors oui, le cadre est joli, la vue au sommet est chouette, la forêt était plus que sympa mais on a marché 2,5 km ! Et puis, on n’est tellement pas habitué à payer pour marcher. On a fait en Europe tellement de randos avec des points de vue beaucoup plus incroyables sans débourser un centime !

Alors oui, on a bien vu qu’on est passé devant un panneau indiquant le coût de l’entrée du parc national et on est passé quand-même car personne n’était là pour faire payer, alors difficile de négocier maintenant qu’on est au sommet. Mais bon, on essaye de discuter avec le ranger qui nous dit qu’il fait juste son métier (qu’il n’aime d’ailleurs pas car il se trouve visiblement régulièrement dans cette même situation) et qu’il fait payer les visiteurs en échange d’un reçu en bonne et due forme. On lui répond qu’on ne passe pas la journée dans le parc, que sur notre GPS, on n’est pas dans le parc, mais seulement en bordure et que ce tarif pour les deux kilomètres (sur les 5 km de notre balade) qui passent finalement dans le parc, c’est cher payé. Dans ce cas, on préfère faire demi-tour et ne pas faire notre boucle initialement prévue. Mais il se met à nous suivre et à appeler soi-disant la police qui sera en bas pour nous cueillir. D’ailleurs, je ne sais pas comment il est courant mais il sait déjà que nous sommes venus avec notre petite maison sur le dos… Bon, Audrey, autant agacée mais plus patiente que moi, discute longuement, sourit, et parvient à négocier la gratuité pour les enfants. Le gars nous suit jusqu’à la Tiny pour se faire payer. Ce n’est pas la fin du monde, mais c’est quand-même rageant.

Nous allons, on pense, passer assez vite en Tanzanie, car la moindre activité est payante, la moindre cascade, la moindre petite marche, la moindre petite grotte et on ne peut pas se permettre de dépenser quelques dizaines de dollars à chaque sortie. Les parcs nationaux animaliers ont l’air magnifiques mais nous nous sommes déjà fait plaisir au Kenya. De plus, beaucoup de lieux sont un peu inaccessibles pour notre Tiny. Seuls les grands axes principaux sont asphaltés et contrairement au Kenya voisin, nous tombons sur de longues pistes pour aller visiter certains sites. De plus, la saison des pluies arrivant, nous ne sommes pas à l’abri d’un orage dans la nuit qui rende la piste vite impraticable.

Vexés par ce moment et par le fait qu’on ne pourra pas faire la deuxième rando qu’on avait prévue demain car inaccessible en véhicule, nous reprenons le volant de notre Tiny et redescendons la longue route vers l’axe principal. Juste 35 km mais deux heures sont nécessaires car je limite l’utilisation des freins et je descends au frein moteur sur cette longue descente. C’est l’occasion pour profiter encore plus des mêmes paysages qu’à l’aller. Nous nous régalons, comme lors de la montée, de ces parcelles de terres délimitées par des haies et cultivées sur les montagnes.

Nous roulons sur un bitume en parfait état une fois rejoint l’axe B1 qui nous mène vers la côte. Au niveau de Segera, nous nous arrêtons bivouaquer dans un ensemble hôtelier désaffecté mais bien entretenu. Le gardien, contre quelques dizaines de centimes d’euros, accepte qu’on dorme ici, dans un cadre assez agréable.

Lundi 29 Mars 2021 :

Pas d’école ce matin car les enfants et Audrey ont mérité quelques jours de vacances après cette nouvelle période scolaire de 4 semaines qu’ils viennent de terminer. Nous roulons vers l’Océan Indien. La route est au départ bien asphaltée en direction de Tanga mais les derniers 30 km se font sur une piste en état assez moyen. Nous traversons des petits villages bien isolés en prenant une déviation de la piste principale en travaux. Les maisons sont construites en briques d’adobe ou bien en treillis de bois recouvert de terre rouge et couvertes en tôles qui une fois rouillées, prennent la couleur de la terre et des murs. Puis entre deux plantations d’agave ou de manioc, nous voyons des forêts de tecks comme on en voyait en Asie du Sud-est.

Sur les bons conseils des Un tour à cinq, qui connaissent bien les lieux pour y avoir passé plusieurs semaines lors de leur confinement il y a pile un an, nous arrivons au Peponi Resort Lodge. Bon c’est sûr que ça fait un peu plus rêver que le parking de la mosquée où nous étions confinés en Malaisie ! Nous posons notre bivouac dans un endroit paradisiaque, les pieds dans le sable, à l’ombre des arbres avec une vue magnifique sur l’Océan Indien. Anaïs et Victor ne tardent pas à suspendre leurs hamacs dans les arbres et à sauter dans la piscine avant que la marée ne remonte ! Ce genre de bivouac luxueux est rare et nous devons débourser plus de 27€ par nuit de camping mais là encore, même si on n’a jamais payé aussi cher pour bivouaquer, ça va être nos seules dépenses des prochains jours. A moins qu’on ajoute une bière ou deux au bar du lodge… et puis les enfants sont tellement heureux de sauter dans l’eau, de jouer dans le sable… Et puis, c’est aussi la dernière fois que nous voyons l’Océan Indien avant bien longtemps. Le prochain océan sera l’Océan Atlantique à 4000 km de là, en Namibie ! Alors, on profite de vacances dans notre voyage…