634 km parcourus du 27 avril au 9 mai 2021
72 575 km parcourus depuis le départ
Du mardi 27 avril au 1er mai 2021 :
10 nuits de suite au même endroit, depuis qu’on voyage en véhicule autour du monde, cela nous est rarement arrivé ! Ah si, une fois pendant une quinzaine de jours dans un paradis caché répondant au délicieux nom de Fint. Ah, heu, aussi dans un garage à Calama au Chili, mais c’était nettement moins paradisiaque… Pourquoi tant de temps au même endroit, comment nous nous occupons ? et bien voilà comment on remplit bien nos journées depuis que nous sommes arrivés dans le joli cadre de l’Eagle’s Rest Lodge sur les rives du Lac Kariba dans le sud de la Zambie.
Tout d’abord, l’endroit est effectivement très sympa et nous apprécions fortement notre solitude dans ce coin de camping où personne ne vient nous voir. Que c’est bon de pouvoir tranquillement s’affaler dans son transat avec une bière à la main ! Que c’est bon pour les enfants de pouvoir jouer aux Lego ou bien dessiner dehors ! Que c’est bon de voir les enfants dormir depuis maintenant plusieurs nuits dans leur hamac ! Que c’est bon de pouvoir cuisiner au feu de bois midi et soir et de terminer chaque journée par un feu de camp tout en profitant d’un magnifique lever de Super Lune puis de Lune rousse dans les jours suivants ! Que c’est bon de pouvoir aller se rafraîchir dans la piscine ! Que c’est bon de pouvoir ne pas se soucier de l’eau à gérer dans la Tiny en allant aux sanitaires du campsite pour prendre nos douches ou faire les lessives ! Que c’est bon de prendre des vacances dans notre cavale et de ne pas avoir à se soucier de la route, des pleins, des courses, des bivouacs ! Que c’est bon de voir Anaïs si à l’aise à parler anglais avec les petits copains de la famille qui gère le camping et de voir Victor de plus en plus à l’aise en compréhension orale et de plus en plus persévérant pour parler ! Bref, que c’est bon… Nous passons aussi une après-midi à inviter Johanna, Tom et leurs enfants (les gérants du campsite) à venir manger des crêpes à la Tiny.
Bon ce qui est un peu moins bon est que nous passons trois grosses journées à nous occuper de notre invasion de punaises de lit qui nous pourrissent nos nuits qu’on passerait bien à autre chose plutôt qu’à éclater une à une des dizaines d’insectes qui sortent une fois qu’on éteint la lumière. On a eu beau faire la semaine dernière un gros nettoyage, démonter les lits des enfants, éliminer de nombreux nids, traiter à l’insecticide naturel à base d’huiles essentielles et à l’insecticide chimique… Rien n’y fait. C’est la catastrophe. Nous sommes véritablement envahis. Les punaises se réfugient derrière le lambris des murs et plafonds, rendant inaccessible l’accès à leurs nids. Merci à vous tous pour vos petits mots de soutien et vos conseils pour nous aider à nous débarrasser de ces fichues bestioles. La terre de Diatomée est une solution pour coller les pattes des insectes mais encore faut-il en trouver ici. La vapeur d’une cocote minute aussi sur laquelle on pourrait brancher un long tuyau de gaz sur la tétine de la soupape pour le diriger dans les interstices et feuillures du lambris mais il faudra qu’on en trouve une. Le fumigène a l’air aussi efficace mais là encore, il faut trouver le moyen d’en acheter en Zambie. Ce sera la solution extrême qu’on aimerait éviter pour des raisons sanitaires et environnementales, d’autant plus qu’elle nous imposera de quitter la Tiny pendant trois jours. La solution paraît efficace mais pas sur les œufs pondus. Il faudrait donc renouveler l’opération 15 jours plus tard et à chaque fois tout relaver… La solution que nous avons trouvée pour l’instant de scotcher les trous et les rainures du lambris semble efficace. Là où nous en avons mis, sur environ 2 m² avant d’arriver au bout du rouleau, les punaises sont effectivement prisonnières et ne peuvent plus sortir et vont donc mourir mais on risque de garder ces scotchs bien longtemps car une fois que les punaises se sont nourries de notre sang, elles peuvent rester sans manger et se mettre en dormance durant plusieurs mois, jusqu’à un an…
La journée, elles nous laissent vraiment tranquilles mais la nuit c’est infernal. On les sent grimper sur nos jambes, dans notre dos. Dès qu’on ouvre l’œil, on en voit ramper sur le lambris. On les éclate, ce qui tache de leur sang (de notre sang !) le bois et les textiles, le tout dans une odeur désagréable de punaise écrasée… Chaque nuit, à tour de rôle, on passe deux, trois ou quatre heures éveillés à ne pas pouvoir fermer l’œil. On chasse. Victor et moi réagissons de manière allergique à leurs piqûres, sous forme de démangeaisons et de cloques qui se forment. Je vous vends du rêve là, non ? Nous étions cependant soulagés qu’il n’y en ait plus dans les chambres des enfants car ils dormaient dehors depuis plusieurs nuits. Mais lorsqu’ils sont revenus dormir dans la Tiny au bout d’une semaine, les punaises sont aussitôt revenues se nourrir de leur sang, attirées par la chaleur, les vibrations et par le Co² qu’ils dégagent. La solution de dormir la lumière allumée depuis deux nuits semble aussi efficace et (un peu) moins de punaises sortent. Bon voilà où nous en sommes, dépités, désespérés mais pas encore abattus car on n’a pas d’autre choix que de trouver une solution avec les moyens du bord et en fonction de ce qu’on pourra acheter à la prochaine grande ville dans quelques jours. Les deux dernières nuits se passent sous la moustiquaire.
Nous passons également trois jours à repeindre le bardage extérieur de la Tiny. Nous l’avions déjà peinte il y a trois ans mais avec la rudesse des différents climats qu’on a eus, avec la poussière et les gravillons projetés par les pistes, avec les vibrations des lattes de bardage qui se déforment quand on roule, puis tout simplement avec le temps qui passe, la peinture bien que de qualité, commence à s’écailler par endroit. Lors de notre passage en France l’an dernier, nous avions pris ce qu’il fallait pour faire les travaux mais jusqu’à présent, nous n’avions pas eu le courage ni trouvé le temps de nous lancer dans ce gros boulot. Ici, les conditions sont réunies. Comme déjà on n’arrive pas à faire une beauté à la Tiny à l’intérieur à cause des punaises de lit (bien que tout soit nettoyé dans les moindres petits recoins), on a au moins besoin moralement qu’elle soit belle et saine de l’extérieur. Et puis, nous avons du temps pour entreprendre ce travail sur trois jours successifs entre la journée ponçage et les deux journées suivantes pour les deux couches de peinture. Il fait beau, nous sommes à l’ombre et il n’y a pas de vent. Nous avons aussi accès à un escabeau au camping ainsi qu’à un tuyau d’arrosage pour bien laver et dépoussiérer le bardage après le ponçage. Il nous manque juste une ponceuse pour faire un travail de préparation plus sérieux mais bon, c’est déjà pas mal. Que c’est bon de bricoler, à des fins utiles, et de redonner un coup d’éclat à notre Tiny.
Nous avons aussi le plaisir d’être rejoints par un couple de voyageurs, les A notre tour. Nous avions déjà rencontré en 2018, Isabelle et Manu lors du Salon du Véhicule d’Aventure près de Nantes. Ces voyageurs au long cours ont pris la route au volant d’un vaillant et robuste LT35 et sont aussi confrontés à des remises en question et ajustements de leur itinéraire durant leur tour du monde prévu sur plusieurs continents. Mais comme nous et comme tous les « tourdumondistes » en ce moment, ils doivent avoir une bonne capacité d’adaptation. Nous passons une belle soirée autour du feu en ce vendredi soir à échanger et partager nos différentes expériences de voyage. Du coup, nous prolongeons d’une journée de plus à l’Eagle’s Rest Lodge pour profiter de leur agréable compagnie.
Nous passons une nouvelle fois autour du feu une agréable soirée avec les A notre tour mais aussi en compagnie de Marie-Cat (qui habite à 30 km de chez nous en France) et de Roland, un couple franco-belge voyageant en 4×4 avec remorque aménagée en sens inverse du nôtre en Afrique. Ils ont 70 ans, comme quoi, il n’y a pas d’âge pour voyager autour du monde !
Bon et bien voilà comment se sont écoulés nos derniers jours. Paisiblement la journée. En stress la nuit.
Dimanche 2 mai 2021 :
Il est venu le temps de prendre la route. Pour des raisons sanitaires et de confort tout d’abord pour tenter de pouvoir acheter dans un grand magasin du scotch, voire une cocotte minute. Pour des raisons vitales ensuite, car nos réserves alimentaires s’épuisent. Heureusement qu’Isa et Manu ont pu gentiment nous ravitailler en légumes quand ils sont arrivés samedi soir. Mais là, il nous faut partir car ça fait 10 jours qu’on tape dans les réserves de produits secs et dans la cave. C’est d’ailleurs rigolo de trouver dans les fonds de placards des produits achetés dans plein de pays différents, en particulier d’Asie… Mais nous devons partir avant tout pour des raisons administratives car notre visa zambien de 30 jours arrive à expiration dans 3 jours. Il nous faut donc nous rapprocher de la grande ville de Livingstone encore distante de 550 kilomètres pour y trouver un bureau d’immigration.
Après 10 jours sans rouler, nous voici de nouveau au volant de notre Tiny. Ça fait bizarre de nous retrouver en mouvement. Le premier arrêt n’est pas loin…
Nous nous dirigeons vers le poste de frontière de Kariba. Non pas pour franchir le fleuve Zambèze qui marque la frontière entre la Zambie et le Zimbabwe mais simplement pour voir l’imposant barrage de Kariba qui a donné naissance au lac artificiel éponyme près duquel nous avons passé nos dernières journées. Il a été conçu par un ingénieur français et a été mis en service en 1960 puis inauguré par la reine-mère Elizabeth. Avec un bassin de 5580 km² qui s’étend sur 220 km de long, ce lac artificiel est le 4ème plus grand au monde. Il est aussi grand que le département de la Creuse ou bien des Hautes-Alpes. Avec un volume de 180 km3, c’est la plus grande capacité de stockage au monde !
Mais l’ouvrage est en sale état et des ingénieurs ont averti que les fondations du barrage sont affaiblies et qu’il y avait une possibilité de rupture du barrage. L’Autorité du fleuve Zambèze estime que la vie de 3,5 millions de personnes est en danger. D’importants travaux ont débuté. J’ai eu l’occasion de discuter avec un ouvrier d’une entreprise française qui intervient sur la rénovation du barrage qui m’a effectivement confirmé que l’ouvrage était vraiment dangereux.
Après avoir laissé nos passeports à la douane pour rassurer les douaniers que nous ne franchirons pas la frontière et que nous reviendrons, nous partons marcher le long des 600 mètres de longueur de l’ouvrage de béton. Nous dominons de 128 mètres les Gorges de Kariba. Impressionnant.
De l’autre côté du Zambèze, nous mettons un pied pour la photo au Zimbabwe. Ce pays est l’un des rares en Afrique australe encore fermé à cause du Covid-19 pour les touristes voulant entrer par voie terrestre. Peut-être y reviendrons-nous s’il ouvre en fin d’année, une fois que nous aurons passé 3 mois en Namibie, puis 3 mois en Afrique du Sud.
Nous récupérons nos passeports. Comme il s’agit d’un bureau d’immigration officiel, nous en avons profité du coup pour faire étendre nos visas d’un mois supplémentaire. Nous sommes donc moins pressés d’aller vers Livingstone pour faire cette démarche.
Nous prenons la route en suivant nos amis les A notre tour jusqu’à la ville de Kafue vers laquelle nous devons faire un détour avant de nous engager sur la grande route en direction de Livingstone. En effet, de nombreuses stations-service sont actuellement en rupture de gasoil en Zambie et nous devons nous assurer de pouvoir arriver à destination sans panne sèche.
Nous profitons aussi de cette grande ville pour aller dévaliser le rayon de fournitures scolaires d’un supermarché en rouleaux de scotch. Il nous faut absolument scotcher tous les interstices du lambris de la Tiny derrière lesquels se réfugient les punaises de lit qui ont encore pourri notre dernière nuit bien qu’on ait dormi sous nos moustiquaires…
Nous bivouaquons sur le parking d’un relais pour routiers et sommes accueillis par la pétillante Racheal qui s’occupe de tenir l’affaire. Pour quelques poignées de kwachas, nous pouvons dormir sous l’œil du gardien, profiter des sanitaires, jouer au billard et consommer des boissons à des prix dérisoires. Nous commençons à scotcher les lattes de bois. Quel boulot ! J’ai estimé à presque 300 mètres linéaires la quantité de scotch nécessaire.
Deuxième nuit sous nos moustiquaires mais cette nuit, nous dormons en plus tout habillés avec nos pantalons qui rentrent dans nos chaussettes et nos tee-shirts qui rentrent dans nos pantalons… Sexy… Quelle galère…
Lundi 3 mai 2021 :
Il y a l’air d’y avoir moins de bêtes qui rampent cette nuit. Mais elles me maintiennent éveillé durant plus de deux heures en pleine nuit. J’en tue une bonne quinzaine. Mais c’est moins que la nuit précédente et cela nous encourage à continuer notre scotchage aujourd’hui. Nous passons la journée avec Audrey à dérouler 14 rouleaux de 20 mètres linéaires. Nous masquons chaque petit trou de vis, chaque fente dans le bois. Quel travail chiant mais qu’on espère utile… La prochaine nuit le dira. On espère que le scotch tiendra dans le temps afin que les punaises de lit soient prisonnières et ne puissent sortir pour se nourrir de notre sang la nuit et donc qu’elles meurent de faim dans les prochains mois.
Nous sommes malades de voir notre si jolie Tiny et si chaleureuse avec son bois recouvert de plastique brillant. Mais tant pis, si c’est la solution…
Les enfants pendant ce temps font l’école, dessinent et jouent à plusieurs parties de billard au resto routier.
Mais en fin de journée, je déprime en me rendant compte que nous ne pourrons jamais tout masquer. Et si les punaises allaient nicher dans les coffres à linge, dans nos réserves alimentaires ou bien là où nous stockons nos affaires sous les lits des enfants… Ce serait encore plus catastrophique. Je me relance une énième fois dans des recherches sur Internet à la recherche d’un magasin qui pourrait nous vendre des fumigènes. Et je tombe sur une entreprise locale spécialisée dans l’éradication des indésirables, en particulier des bedbugs, le terme anglais qui désigne les punaises de lit. J’appelle et semble avoir affaire à un gars qui connait son métier. Il me propose d’intervenir dès demain matin pour seulement 30€ et de traiter l’ensemble de la Tiny. Et pour 7€ de plus, il se déplace même, ce qui nous évite d’avoir à nous rendre à la capitale Lusaka distante de plus de 50km. Il nous garantit même qu’on pourra dormir dans notre Tiny le soir. On croise les doigts car certains scotchs se décollent déjà.
Un apéro clôture cette journée qu’on aurait bien passée à faire autre chose que de scotcher pour rien notre Tiny car demain, on va devoir certainement tout enlever pour que l’entreprise traite l’ensemble.
Nous restons une nouvelle fois tout habillés pour dormir sous nos moustiquaires. Nous gardons un œil ouvert une bonne partie de la nuit pour observer le comportement des punaises de lit.
Mardi 4 mai 2021 :
Le scotch semble efficace car nous n’en tuons que 5 ou 6. Mais bon ça veut bien dire qu’elles continuent à passer et cela confirme que nous devons passer à l’étape supérieure… Une nouvelle fois, la nuit a été peu reposante.
En fin de matinée, Arthur de l’entreprise de désinfection, arrive. Il semble avoir l’habitude d’éradiquer les punaises de lit. Il commence par ausculter méticuleusement les coutures et les ourlets des matelas, des housses de coussins, des rideaux. Il va dans les moindres recoins de la Tiny. Bien entendu, il nous faut enlever tous les scotchs qu’on a mis hier… En quelques minutes, tout le méticuleux et fastidieux travail d’hier est anéanti. Avec ma grosse boule de scotch, j’ai le sourire mais ce n’est que pour la photo…
Puis Arthur prépare sa potion magique de produits concentrés à base de Chlopyrifos et de Dichlorvos pour les connaisseurs. Ces deux substances n’ont plus le droit d’entrer dans la composition des insecticides domestiques en France car considérées comme « hautement dangereuses pour l’homme ». Sur les emballages, il y a des pictogrammes de têtes de mort et d’arbres morts. Ce n’est pas rassurant pour notre santé mais ça l’est pour le sort jeté aux insectes. Arthur prépare 10 litres de produits dans un pulvérisateur et s’équipe de longs gants et d’un masque à cartouches. Mon seul équipement est un masque en tissu mais je dois l’accompagner car il traite la Tiny par zone et je dois l’aider à bouger au fur et à mesure les affaires et je dois aussi lui indiquer les endroits cachés, les petits coffres. Tout y passe. Il traite consciencieusement chaque endroit en insistant particulièrement autour de nos lits.
L’odeur du produit est très forte bien qu’il nous avait rassuré en nous disant qu’il sentirait le bubble-gum. Mais son bubble-gum sent plutôt le désherbant Roundup de chez nous. Qu’importe, on n’a pas le choix. Il nous rassure cependant qu’on pourra dormir dans la Tiny ce soir après avoir bu un verre de lait qui atténuera les effets néfastes du produit… Mouais…
Arthur, après avoir travaillé durant plus de 4 heures, a fini son travail. Il garantit le résultat 6 mois et nous promet d’intervenir une deuxième fois gratuitement si ce n’est pas concluant. Mais nous ne serons plus là et nous allons dès demain trop nous éloigner de Lusaka. J’ai (un peu) confiance mais je lui demande qu’il nous laisse un peu de produit concentré pour qu’on renouvelle nous-même l’opération dans quelques temps si toutes les punaises n’ont pas été décimées. Il nous faudra juste acheter un pulvérisateur et un masque. Nous avons aussi déjà repéré une entreprise du même style à Windhoek, la capitale de la Namibie où nous serons d’ici environ une vingtaine de jours.
Quant à nous, nous n’avons pas fini notre travail… La Tiny est sens dessus dessous. La moitié de ses affaires est dehors. Il faut tout ranger de nouveau, raccrocher tous les rideaux, remettre les housses sur tous les coussins… Mais avant de tout remettre à l’intérieur, nous scrutons chaque objet pour veiller à ne pas remettre des bébêtes dans la Tiny. Et nous faisons bien car nous trouvons quelques insectes dans les draps.
A la nuit tombée, nous sommes exténués, mais tout est en place quand nous rejoignent nos amis les Kaquet que nous n’avions pas vus depuis un mois au nord de la Zambie. C’est toujours avec plaisir que nous retrouvons Noémie, Julien et leurs enfants. Nous nous suivons depuis l’Albanie et arrivons à nous voir une à deux fois par pays car nous suivons le même parcours pour l’instant. Ils nous redonnent notre bouchon de réservoir qu’on avait oublié dans une station-service sur la route et qu’ils avaient récupéré durant leur transhumance vers le sud quelques jours plus tard. Nous mangeons au routier des plats à 2€ la portion.
Au lit, et nous ne tuons que deux récalcitrantes avant de tomber dans les bras de Morphée. L’odeur des produits nous incommode un peu mais nous dormons toutes les fenêtres grandes ouvertes.
Mercredi 5 mai 2021 :
Enfin une nuit reposante, sans dormir tout habillés et sans la moustiquaire. Nous n’avons pas vu d’insectes mais à vrai dire nous étions tellement crevés que nous n’avons pas ouvert l’œil de la nuit (et il faut avouer que quelques verres de bière et de whisky partagés avec nos amis ont contribué à notre profond sommeil…). Mais bon, pas de piqûres ni de démangeaisons au réveil. C’est prometteur ! On y croit.
Nous prenons la route en milieu de matinée alors que les enfants continuent l’école tout en roulant. Mais avant, il nous faut faire le plein de gasoil. Et en ce moment en Zambie, c’est compliqué car beaucoup de stations-services sont en rupture sans que nous comprenions pourquoi. L’une d’elle, dans Kafue, est approvisionnée mais aussi apparemment bientôt en panne sèche. Aussi, je négocie pour qu’ils me vendent 40 litres. Mais un des pompistes me demande de lui donner personnellement 100 kwachas car il me rend service. Je lui réponds que non et qu’il ne fait que son travail.
Sur la longue route vers la prochaine grande ville de Livingstone, je m’arrête à deux reprises pour tenter de remplir de nouveau le réservoir bien qu’il ne soit pas vide mais toutes les stations sont à sec. Tant pis et notre bidon de secours de 20 litres (avec du gasoil acheté en Autriche il y a 9 mois) nous permettra au pire d’arriver à Kasane au Botswana dans quelques jours.
La route d’aujourd’hui est assez monotone. Les paysages sont plats. Mais nous nous régalons toujours des petits hameaux traversés, des femmes aux tenues colorées, des petits achats de légumes qu’on fait au fur et à mesure en bord de route, de ces nombreux signes de sympathie et de ces immenses sourires qu’on nous offre généreusement… La police continue de nous arrêter assez régulièrement, la plupart du temps par simple curiosité. Ils ont souvent un large sourire et nous lancent des blagues : « oh a moving house », « I want to sleep inside », « oh, you travel with your house ? »… Aujourd’hui, par deux fois, on nous contrôle le bon fonctionnement de nos clignotants ainsi que la présence des bandes réfléchissantes à l’avant et à l’arrière du véhicule. Tout est en règle.
Nous battons une nouvelle fois notre record quotidien en Afrique avec 313 km parcourus sur une route en bon état. Nous trouvons un chouette bivouac en retrait de la route. L’entraineur d’une équipe de foot jouant à côté de la Tiny nous souhaite la bienvenue et nous dit qu’il n’y a aucun problème pour que nous restions là. Quelques jeunes viennent discuter après leur entraînement puis rejoignent leur maison à la nuit tombée, à travers le bush.
Jeudi 6 mai 2021 :
De nouveau, quelques punaises sortent se suicider en pleine nuit. Je les éclate. Juste 5 ou 6 au-dessus de notre lit. J’envoie un message à Arthur ce matin qui me rassure en me répondant que le produit a un effet rémanent et que les récalcitrantes vont finir par mourir. Je reste perplexe mais j’ose (de moins en moins) croire en l’efficacité du traitement chimique.
Il nous reste un peu plus de 100 km aujourd’hui pour atteindre Livingstone, la ville qui porte le nom du médecin et explorateur écossais des fameuses Chutes Victoria que nous partons visiter cet après-midi. Bien qu’elles fussent déjà connues des populations locales sous le nom de Mosi-oa-Tunya, la « fumée qui gronde », David Livingstone fut le premier Européen à observer les chutes en 1855 puis les renomma en l’honneur de la reine Victoria du Royaume-Uni. Le parc national en Zambie a d’ailleurs pris le nom de Mosi-oa-Tunya.
Elles font partie des cascades les plus importantes au monde et elles sont l’une des principales destinations touristiques en Afrique australe. Elles sont classées parmi les plus belles avec celles d’Iguazú que nous avions eu la chance de voir à la frontière entre l’Argentine et le Brésil en 2015 et celles de Niagara que nous n’avons pas encore vues aux États-Unis. Mais ces dernières sont deux fois moins hautes que celles de Victoria.
Les Chutes Victoria, inscrites au Patrimoine mondial de l’UNESCO, sont situées sur le fleuve Zambèze qui marque à cet endroit la frontière géographique entre la Zambie et le Zimbabwe. Ce paysage à couper le souffle est constitué par un mur d’eau d’une hauteur de plus de 100 mètres, sur une longueur de 1700 mètres, ce qui en fait en période humide, les chutes les plus larges du monde. Le fleuve d’une largeur de plus de deux kilomètres en amont des chutes se jette dans une longue faille pour s’échapper par un étroit canyon.
Le Zambèze coule aujourd’hui à travers des failles formées lors du refroidissement de la lave qui a formé un plateau basaltique il y a 150 millions d’années. Suite à des soulèvements des terres entre le Zimbabwe et le Désert du Kalahari, il y a environ deux millions d’années, l’écoulement du fleuve s’est retrouvé bloqué créant le grand Lac Makgadikgadi entre le Kalahari et le plateau basaltique Batoka où se trouvent les actuels Zimbabwe et Zambie. Ce lac n’avait alors pas d’exutoire. Mais suite à un changement climatique, il y a environ vingt mille ans, le fleuve s’est finalement remis à couler vers l’est à travers le plateau basaltique, creusant ainsi les Gorges de Batoka, plus ou moins parallèles.
Le fleuve arrive perpendiculairement à cette succession de failles, l’eau tombant dans la première faille située au nord formant ainsi les Chutes Victoria.
Nous commençons la visite en descendant au point de vue Boiling Point, dans le profond canyon. Une petite zone de forêt tropicale humide s’est formée en raison des embruns et du nuage d’eau tombant sur la végétation éclaboussée en continu.
A cet endroit, en cette fin de saison des pluies, le Zambèze est une véritable marmite bouillonnante. Nous voyons déjà le curieux nuage d’écume blanche au niveau des chutes.
Nous sommes au pied du Pont des Chutes Victoria long de 198 mètres et s’élevant à 128 mètres au-dessus des eaux tumultueuses et déchaînées. C’est l’un des quatre ponts franchissant le fleuve. Il permet ici l’accès au Zimbabwe. Des personnes sautent à l’élastique d’une hauteur de 111 mètres. Ce pont du début du 20ème siècle faisait partie de l’ambitieux projet de construction d’une ligne de chemin de fer reliant les colonies africaines britanniques du Cap au Caire.
Nous remontons et la végétation redevient typique du bush africain, de plus en plus jaunie en ce début de période sèche. Nous nous approchons du pont enjambant le Zambèze mais nous ne pouvons le franchir car il s’agit de la frontière avec le Zimbabwe.
Nous contournons l’extrémité de la gorge par un sentier d’où nous avons des points de vue de plus en plus merveilleux sur le site naturel.
Nous arrivons en surplomb des chutes, là où le Zambèze mesure deux kilomètres de largeur. Il s’écoule dans des petits rapides avant de plonger bruyamment de 100 mètres de hauteur dans les gorges basaltiques.
Puis, nous empruntons un passage vertigineux en passant sur une passerelle longue de 40 mètres et suspendue au-dessus du vide, le Knife Edge Bridge (« lame de couteau »). Ce passage nous offre une douche naturelle mémorable.
Nous arrivons face au plus grand rideau d’eau au monde. De nombreux îlots (dont Cataract Island ou l’île Livingstone) au sommet des chutes divisent le flot en une série de cascades distinctes. Ces dernières répondent côté Zimbabwe au nom de Devil’s Falls (70 mètres de hauteur), Main Falls (83 mètres). Côté Zambie, ce même mur d’eau est recouvert des Horse Shoe Falls (92 mètres), Rainbow Falls (99 mètres), Armchair Falls et enfin Eastern Cataract (98 mètres). C’est ici, sur la rive zambienne, que les chutes atteignent leur hauteur maximale avec une chute d’eau de 109 mètres. Le spectacle est saisissant. Le moment est indescriptible tellement le nuage d’embruns est dense. Malgré nos vêtements de pluie, nous sommes trempés. Un déferlement de gigantesques trombes d’eau s’abat sur nous. On se prend des seaux d’eau sur la tête. Le nuage d’eau pulvérisée produit par les chutes peut s’élever à quatre cents mètres de haut, et parfois plus et peut être visible jusqu’à une distance de quarante à cinquante kilomètres. Nous sentons de temps en temps d’étonnants courants d’air chaud. Par moments, les déferlantes de retombées se calment nous baignant dans un simple nuage de gouttelettes tournoyantes.
Le débit du fleuve Zambèze varie considérablement au fil des saisons. Le débit maximum est atteint en avril ou mai et varie en fonction des années entre 1000 m3 par seconde et un peu plus de 6000 m3 par seconde mais il est en moyenne de 5000 m3 par seconde. Incroyable 500 millions de litres par minute ! Actuellement en début de période sèche, nous sommes donc en période où le débit maximal est atteint. Quelle chance d’être là au bon moment !
Le débit minimum est quant à lui atteint en octobre ou novembre et se situe entre 100 m3 par seconde et 300 m3 par seconde en fonction des années. Pendant les périodes de faible débit, les chutes ne coulent que sur leur partie ouest (côté Zimbabwe) et peuvent même être occasionnellement réduites à quelques cascades, le grondement et le brouillard pouvant alors disparaître. On a du mal à imaginer que ce mur d’eau est asséché en période sèche. Cela s’explique par le fait que la partie ouest des chutes est légèrement plus basse que la partie est. Du coup, l’eau ne coule pas sur la partie orientale quand le niveau d’eau est trop bas en saison sèche.
Cependant, comme le débit est à son maximum en ce moment, nous n’avons pas accès à l’île Livingstone, depuis laquelle jusqu’en décembre, janvier, on peut se baigner dans Devil’s Pool, la « piscine du diable », un petit bassin naturel protégé, juste en amont des chutes. On ne peut pas tout avoir !
Le fracas que les chutes génèrent en s’engouffrant de façon brutale dans les gorges est indescriptible. L’incroyable vacarme résonnant dans la gorge fait qu’on peine à s’entendre et nous devons crier pour nous parler. Ce lieu est vraiment fascinant. Baignés par les embruns, on se perd dans la brume.
Nous sommes subjugués par la beauté des arcs-en-ciel éphémères qui subliment l’instant déjà magique que nous vivons. Nous n’en avions jamais vus d’aussi beaux car depuis la passerelle, on peut en apercevoir de forme presque circulaire. Trois quarts de cercles se forment. Alors certes, la vue est brouillée et on ne distingue pas toutes les chutes ni la profondeur des gorges mais ce spectacle de puissance de l’eau dans ce gouffre est magique. Anaïs écrira dans son carnet de voyage « j’ai été gagnée par une sorte d’étrange euphorie qui a fait que j’ai profité à 200% ». Nous sommes, il est vrai, dans un tel état d’excitation !
Nous espérons que d’ici la fin de l’année, le Zimbabwe aujourd’hui encore fermé à cause du Covid, rouvrira ses frontières terrestres aux touristes. Peut-être alors que nous pourrons revenir pour visiter les deux tiers des chutes qui sont sur le territoire zimbabwéen. Ce sera aussi l’occasion de voir le site avec moins de volume d’eau et de mieux voir les profondes gorges.
Après trois heures bien intenses, nous roulons vers un bivouac repéré vers un parking près du Zambèze. Mais en chemin, nous sommes interpelés par un gars, parlant bien anglais. Il nous explique que là où nous nous dirigeons, ce n’est pas très sûr pour y passer la nuit. Nous lui demandons si nous pouvons dormir près de chez lui dans son petit village si typique de la Zambie, avec ses cases en terre recouvertes de toits de végétaux. Le village porte le nom de Nsongwe. Notre hôte s’appelle Gift et il nous présente ses jeunes enfants Marta et Charles. Le plus petit qui doit avoir 2 ans nous regarde apeuré. Son papa nous explique que c’est la première fois qu’il voit des gens comme nous (c’est-à-dire des Blancs…). Son neveu, tout aussi sympathique, s’appelle Fortune. Sa maman, Alice nous permet de dormir sur le terrain familial. Puis d’autres adultes (Dickens, Siwanda, Sipo, Philip) de la même famille viennent nous souhaiter aussi la bienvenue. Nous sortons les boules de pétanque et Anaïs sort son bâton du diable.
Vendredi 7 mai 2021 :
Mauvaise nuit, trois bonnes heures éveillés à éclater une dizaine de punaises de lit dans notre chambre. Il ne semble pas y en avoir dans les chambres d’Anaïs et de Victor. Je m’endors mais quelques minutes après, je sens une punaise qui tombe du plafond sur ma joue. Par réflexe, je me donne une claque et tue la punaise dans une odeur pestilentielle. Ô rage, ô désespoir.
J’envoie un message à Arthur, le professionnel qui est intervenu pour traiter la Tiny. Il reconnait que son travail n’a pas été entièrement efficace et qu’il faudrait renouveler l’opération… Mais 500 km nous séparent…
Très grasse matinée pour que je récupère de mes longues insomnies. Pas trop d’énergie aujourd’hui. Peut-être le contre coup de l’intense journée d’hier. Le moral est moyen avec nos punaises qui font partie de notre vie désormais. École. Tri des très nombreuses photos des chutes. Écriture du blog et préparation de la parution du prochain article à paraître. Anaïs décore une nouvelle fois sa chambre après qu’on ait tout enlevé pour traiter les murs. Victor dessine sa frise. Audrey prépare encore plus précisément l’itinéraire namibien en vue de l’arrivée de plus en plus certaine de la famille début juillet.
Dans l’après-midi, nous partons marcher le long de la piste en direction du fleuve Zambèze. Fortune et Gift nous accompagnent et nous passons un très agréable moment à discuter avec eux le long de cette balade de 7 km aller-retour. Fortune nous interroge sur la France, nous demande si on voit aussi le Soleil chez nous et semble bien étonné quand Audrey lui explique que les saisons sont inversées entre les deux hémisphères. Les conversations sont riches, chacun étant avide de découvrir et de mieux comprendre la vie et la culture de l’autre.
Gift nous avoue avoir mal dormi la nuit dernière car c’est la première fois qu’il accueillait quelqu’un à dormir sur son terrain. Il avait peur qu’il nous arrive quelque chose.
Nous adorons ces maisons traditionnelles et typiques de la Zambie. Bien que modestes, elles sont si bien arrangées, si bien entretenues, si propres. Pas un déchet ne traine au sol. La terre est balayée autour de la maison.
Nous arrivons et surplombons le Zambèze au Rapid 10, soit le rapide 10 km en aval des Chutes Victoria. Le fleuve s’écoule avec un très fort débit dans le fond des gorges.
Au retour, Gift nous fait visiter sa maison. Annie sa femme s’occupe de cuisiner à l’extérieur. Ils n’ont pas grand-chose pour vivre mais tout est vraiment très mignon. La propriété est clôturée d’une haie en végétaux. Un petit jardin potager est planté de tomates, d’aubergines, de patates douces. Un puits dans le village permet l’accès à l’eau mais il est à une centaine de mètres. Il n’y a pas d’électricité mise à part celle fournie par un petit panneau solaire. Pas de réseau GSM non plus. Pas de parabole. Quelques chèvres sont élevées par le couple.
Nous demandons à Gift si nous pouvons rester une nuit de plus et il nous répond « Welcome, feel at home » !
Au menu du dîner, nous ouvrons la dernière boite d’Huguette qu’on conserve pour des occasions particulières (la boîte, pas Huguette). Bon ce soir, il n’y en a pas mais c’était juste pour le plaisir de déguster des aiguillettes de canard avec des pommes de terre cuisinées dans la graisse de canard. Hummm…
Ce soir, c’est au tour d’Audrey de rester éveillée à partir de 23 heures, là où les punaises commencent à sortir. Juste deux finiront leurs vies écrasées sous ses doigts délicats. Toujours rien dans les chambres des enfants.
Samedi 8 mai 2021 :
Audrey enfile pour la troisième fois en Afrique ses chaussures de running et part se défouler : la reprise est dure mais elle arrive cependant à courir 6,5 km.
Je vais saluer Gift et lui demander si je peux aller remplir mes deux bidons de 5 litres au puits. En sa compagnie, nous passons devant des cases dont l’ossature est faite de troncs d’arbres. Les murs sont ensuite enduits de terre. La couverture est faite de branchages ou bien pour les plus aisés de tôles métalliques, mais chacune d’entre elles coûte 200 shillings soit 7,40€. Une fortune pour eux mais Gift a réussi à en acheter 8 pour recouvrir sa case. Il prévoit cette année de se fabriquer une nouvelle et grande maison en briques de terre cuites. Ce matériau est gratuit car ils se fabriquent eux-mêmes ces briques avec la terre qu’ils ramassent sur place. Ou bien ils peuvent les acheter mais chaque brique coûte 2 kwachas soit pour 3000 briques nécessaires à la construction environ 220€. Ce qui coûte cher, c’est aussi le ciment pour faire les linteaux, les liens entre les briques ainsi que les chapes, mais aussi ces tôles. Il lui en faudra entre 20 et 30 mais il récupèrera les 8 qu’il a déjà. Gift a des yeux qui pétillent quand il m’explique son projet de construction. Il me montre le moule en bois avec lequel il va construire ses 3000 briques, et le gros trou qu’il a commencé à creuser pour ramasser de la terre.
Nous arrivons au puits, où les habitants du hameau viennent remplir leurs bidons ou leurs seaux qu’ils ramènent sur leur tête. Une belle pompe manuelle puise l’eau à quelques dizaines de mètres de profondeur. Les enfants participent aussi à la tâche et ramènent l’eau dans leurs cases à une centaine de mètres du puits.
En fin de matinée, Gift répond à notre invitation de venir boire un café. Il est accompagné de ses deux enfants Marta et Charles ainsi que d’une nièce Yvonne. Moment sympathique dans la Tiny. Nous apprécions les échanges avec Gift qui parle bien anglais. Du coup, nous les gardons à manger et le petit Charles déguste le repas d’Audrey avec une gourmandise qui nous fait rire. Il ne perd pas une miette du dalh au lait de coco.
Puis nous partons ensemble visiter le village de Nsongwe. Nous sommes accompagnés de son neveu Fortune et de son frère Philip. Ils sont fiers de nous montrer chacune des infrastructures du village, comme l’école, le marché, quelques-unes des 13 églises, le dispensaire… De nombreuses phrases sont peintes sur les murs de l’école rappelant les dangers du Covid et du SIDA mais aussi des mariages précoces.
Nous nous régalons de l’architecture des cases africaines. On nous explique que certaines pièces sont rondes pour ne pas que les serpents se cachent dans les coins. Ainsi, si un serpent entre, il fait le tour de la case en longeant le mur puis ressort par où il est entré. Chaque maison a un joli jardin potager. Les maisons sont fleuries. Des petites allées en cailloux bordent les espaces. Les maisons sont clôturées pour empêcher l’accès aux animaux comme les vaches, les chèvres, les singes qui viennent manger leur culture. Les maisons rassemblées dans le village ont accès à l’électricité.
Philip nous fait rentrer dans sa maison construite en briques de terre. L’intérieur est très rudimentaire avec juste un lit coiffé d’une moustiquaire et un vieux canapé.
Puis nous sommes invités chez l’ainé du village, Greaves, qui est donc le chef du village. Il est extrêmement heureux de nous accueillir chez lui. Nous nous asseyons sur des petits tabourets en bois. Gift m’avait fait part de la tradition d’offrir à ce vieux monsieur de 67 ans un peu d’argent (50 kwachas, soit 1,80€) et un peu de sucre. Quand nous sortons cela de notre sac, Greaves ne retient plus son sourire. Il tend son billet pour la photo ! Il nous remercie plusieurs fois.
Petit passage devant le joli baobab du village.
Nous nous arrêtons au minuscule marché comprenant un étalage d’un mètre carré de nourriture et une petite boucherie avec un congélateur rempli de viande. Nous achetons quatre bons kilos de viande pour le braai (barbecue) que nous organisent ce soir nos hôtes, sans trop savoir combien de personnes il y aura à table. J’achète aussi un gros sac de 25 kg de charbon.
Puis, c’est au tour de Fortune de nous montrer avec une grande fierté sa maison et son potager.
En revenant chez Gift, son ami Elias a étalé quelques articles artisanaux qu’il fabrique et qu’il vend. En ces temps de Covid, les touristes se font rares dans la région des chutes, et ces artisans n’ont plus rien pour nourrir leur famille. Ici, l’endroit n’est pas du tout touristique mais tous ces artisans vont d’ordinaire autour des Chutes Victoria vendre leurs produits ou bien ils travaillent dans les lodges aujourd’hui encore vides de touristes. Nous achetons un hippopotame en bois de fer et un rhinocéros en bois de chigomier.
Nous avons vu d’autres artisans vendant des statues en bois sculpté mais nos compagnons nous ont expliqué qu’elles ne sont pas traditionnelles de la région. C’est simplement pour les touristes en quête de souvenirs typiquement africains, mais pas de cette partie du continent.
De retour à la Tiny, nous allons porter la portion du repas de ce midi que nous avions gardée pour Alice, la maman de Gift. Elle se régale du dalh. Puis, c’est à notre tour de lui faire visiter la Tiny.
Après un petit temps de repos, nos hôtes reviennent et commencent le braai. Puis rapidement, c’est au son des drums que nous allons passer quelques heures. Trois percussions creusées dans un fût de bois résonnent et entraînent nos danses. Nous vivons notre plus beau moment humain en Afrique. Je vous avais raconté dans le précédent article notre petit manque de rencontres en Zambie et que nous étions un peu sur notre faim. Et bien là, nous sommes en plein dedans. Que d’émotions ! Les habitants de Nsongwe approchent et dansent, nous remercient de notre venue, nous souhaitent la bienvenue encore et encore. Nous sommes les rois de la fête. Une bonne cinquantaine de personnes sont autour de la Tiny. De plus en plus de monde arrive. Les femmes dansent et sautent, faisant rebondir leurs bébés qu’elles portent sur leurs dos mais qui ne se réveillent pas.
Après deux bonnes heures de musique, Gift me demande si je peux offrir des boissons aux musiciens mais nos réserves sont à sec. Il me demande alors un peu d’argent pour aller en acheter. Avec les 300 kwachas, Gift revient quelques instants après en ayant acheté 20 sodas et un fut de 20 litres de bière, non pas pour les seuls musiciens mais pour toute l’assemblée. Quel beau partage alors qu’ils auraient pu partager cette dizaine d’euros à eux trois !
Bon par contre je me souviendrai de cette expérience de cette bière locale à base de maïs fermenté qui est aussi mauvaise que la chicha qu’on avait partagée en Amazonie équatorienne dans la communauté de Sarayaku.
La viande est cuite mais les 4 kilos, une fois enlevés le gras et les os, sont un peu juste pour nourrir une cinquantaine de personnes. Là encore, le partage est de rigueur et deux ou trois petits dés sont offerts à chacun. Tout le monde semble heureux et se délecte de ces petites bouchées. Gift prend la parole devant l’assemblée pour nous remercier d’avoir offert la viande et les boissons à tout le monde. Allez organiser une soirée pour cinquante personnes en France pour à peine 25€ !! Et quel plaisir de voir tout ce monde tellement heureux de danser, de chanter, de taper sur ces drums, de profiter du feu de camp… Nous comprenons que ce moment n’est simplement organisé que pour les grandes occasions juste quelques fois par an. Nous sommes émus. Bon je ne vous cache pas que la distanciation sociale est difficile à respecter ! Et dire que nous avons un test Covid à faire dans 48 heures !!
Plusieurs fois, on vient nous voir pour nous dire que dès que nous serons fatigués, il suffira de le dire et qu’ils arrêteront aussitôt de jouer de la musique. Les heures passent mais difficile pour nous de décider d’arrêter cette belle fête. Mais la fatigue commence à se faire sentir et la bière coule à flot (le fût déjà vide a été remplacé par un nouveau). Nous faisons signe à Gift que nous allons bientôt aller nous coucher et en même pas 5 minutes, tout est rangé, et tout le monde s’en va ! Incroyable, ils se déplacent d’une cinquantaine de mètres pour terminer leur soirée et déménagent même le feu ! Les gamins partent chacun avec une branche incandescente…
Quelle soirée ! Nous qui cherchions à avoir un moment privilégié dans une famille, et bien, on a été généreusement servi !
Dimanche 9 mai 2021 :
Comme souvent quand nous partageons tant d’émotion dans une famille, les au-revoirs sont difficiles mais cela fait partie du voyage. Merci Gift et Annie pour votre accueil et merci à toute votre famille et vos amis ! Nous ne vous oublierons pas. Encore une fois, le hasard a bien mieux valu qu’un rendez-vous… juste la veille de quitter la Zambie !
Nous roulons sur la piste vers Livingstone et voyons encore plus que les autres jours l’énorme panache de gouttelettes d’eau au-dessus des Chutes Victoria montant à plusieurs centaines de mètres alors que nous sommes à plus de 4 kilomètres des chutes.
La mission du jour est de réaliser des tests PCR pour changer de pays demain. Nous nous rendons à l’hôpital de la ville et pour 37€ par personne, nous avons une nouvelle fois le bonheur de nous voir enfoncer dans le nez ce coton tige que je ne supporte pas. Anaïs et Audrey ont même le droit à deux cotons tiges car l’infirmier a fait une erreur en mélangeant les tubes et il lui a fallu recommencer. Grrrr… Nous attendons les résultats demain matin avant d’entrer pour quelques petits jours au Botswana, avant d’entrer en Namibie en fin de semaine.
Incroyable, sur le parking, nous rencontrons Achim, un voyageur allemand que nous avions déjà croisé à la frontière entre l’Ouzbékistan et le Tadjikistan, à presque 8000 km à vol d’oiseau de là où nous sommes. Que le monde est petit !
Le reste de la journée se passe tranquillement dans le camion à mettre en ligne ce blog, à bricoler, à dessiner, à préparer la Namibie puis à faire quelques courses…
@ bientôt au Botswana !