696 km réalisés du 8 au 14 juin 2021
76 437 km parcourus depuis le départ
Mardi 8 juin 2021 :
Notre voyage en terre inconnue dans le nord-ouest de la Namibie chez les Himbas et chez les Héréros touche à sa fin. Nous saluons nos hôtes qui ont accepté qu’on dorme dans leur village. Nous sommes tellement heureux d’avoir passé cette semaine en compagnie de ces peuples tribaux ancestraux de la Namibie.
Roté profite de notre passage par la ville d’Opuwo pour qu’on le dépose à une quinzaine de kilomètres de son petit hameau himba de Ovinjange.
Nous retrouvons l’enrobé mais juste pour quelques tours de roues en ville, le temps d’un plein de courses et de gasoil, avant très longtemps car nous allons à présent nous engager sur une très longue piste de presque 800 km. On l’espère en bon état. Mais avant, nous passons quelques heures sur l’ordinateur à gérer un peu d’administratif, à mettre en ligne le précédent blog et à faire l’école. Et puis aussi à finaliser le choix du meilleur compromis entre les différents billets d’avion pour que notre famille nous rejoigne dans un mois. Nous attendions la levée des restrictions pour voyager hors d’Europe au départ de la France qui sera effective demain. Nous attendions aussi de voir comment évolue l’épidémie de Covid-19 ici en Namibie. La tendance n’est pas bonne mais bien qu’augmentant considérablement depuis quelques semaines, le nombre de malades et de décès reste assez modéré. Il est aussi à mettre en relation avec la faible population de seulement 3 millions d’habitants de la Namibie. Et la moitié des cas reste concentrée sur la capitale Windhoek. C’est donc le jour J pour se lancer et pour oser réserver des billets d’avion !! Trop heureux et trop pressés d’accueillir bientôt ma marraine, mon papa, ma sœur et mon beau-frère… et on va croiser les doigts jusqu’au 9 juillet pour que le voyage ne soit pas annulé à cause de la fermeture des frontières ou de la mise en place d’une quarantaine en Namibie.
Il est donc déjà 16 heures quand nous nous engageons sur cette piste, mais nous avons encore besoin de réseau GSM ce soir et il ne nous faut donc pas trop nous éloigner de la ville. Nous nous arrêtons en plein bush dans un lieu sans rien, à part des cailloux et des buissons.
Mercredi 9 juin 2021 :
Un lieu sans rien mais d’où est-ce que peuvent bien sortir ces jeunes bergers autour de la Tiny ce matin ??
Après l’école, nous ne traînons pas car il y a beaucoup de kilomètres à parcourir et ceux réalisés hier ont été faits sur une désagréable tôle ondulée où on ne dépasse pas les 30 km/h, nous laissant craindre qu’on passe beaucoup de temps pour réaliser ces 800 km. Mais rapidement, l’état de la piste devient meilleur et la tôle ondulée disparait, nous permettant de rouler facilement à 50 voire 60 km/h. Nous soulevons alors un nuage de poussière. Heureusement, notre amélioration de l’étanchéité du plancher au niveau du chauffage et de la fenêtre arrière que nous avons condamnée avec du gros scotch américain est efficace. Le chiffon humide que nous mettons aussi au bas de la porte d’entrée complète l’étanchéité. Bon, c’est mieux mais ce n’est quand-même pas le top mais comme je vous l’ai déjà dit, on a vite appris à lâcher prise sur la poussière… Nous roulons, nous roulons… nous sommes heureux… Les paysages du Kaokoland sont de plus en plus somptueux. C’est le territoire ancestral des Himbas et nous trouvons quelques villages isolés. Mais la majorité de l’immense Kaokoland est inaccessible pour notre Tiny et nécessite un 4×4 et des talents de pilote que nous ne possédons pas. Tant pis et nous sommes déjà tellement fiers de notre Tiny qui nous fait découvrir tant de merveilleux paysages. Nous voyons de superbes baobabs.
Nous ne voyons pas beaucoup de faune bien que le territoire du Kaokoland soit celui des éléphants du désert. Ces éléphants, dont l’espèce est menacée d’extinction, ont de fines pattes qui conviennent parfaitement aux longs trajets que doivent effectuer les pachydermes pour trouver de l’eau, une ressource si rare dans ce désert. Mais pour les observer, il nous faudrait soit beaucoup de chance, soit payer de chères excursions. Nous apercevons juste quelques autruches, singes, springboks mais aussi de rares zèbres de montagne de Hartmann, qui est la plus petite des espèces de zèbres, classée comme vulnérable selon la liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature.
Un mirage ? Non, c’est bien de l’enrobé sur lequel nous arrivons mais le bonheur n’est que de courte durée.
Soudain, panne électrique. Plus aucune alimentation du compteur, des témoins et des jauges… Je remplace le fusible de 15 ampères qui commande aussi l’allumage des feux de stop. Mais quelques dizaines de kilomètres plus tard, dès la première sollicitation de la pédale de stop, le fusible claque de nouveau. Ça attendra quelques kilomètres pour être réparé mais je ne suis pas rassuré de ne pas pouvoir contrôler la température du moteur, bien qu’il n’ait jamais chauffé jusqu’à présent.
La piste continue toujours au milieu des magnifiques paysages du Kaokoland.
Nous arrivons dans la minuscule ville de Sesfontein, une oasis perdue au milieu du désert dans la région du Damaraland où nous venons d’entrer. Nous y retrouvons presque par hasard nos amis voyageurs belges, An, Peter et leurs enfants, au campsite de la ville. C’est une surprise pour Anaïs et Victor et ils sont enchantés de retrouver leurs copains. Une nouvelle fois, ce camping est désert. Nous nous inscrivons sur le cahier d’enregistrement et nous nous rendons compte que nous ne sommes que les vingtièmes clients de l’année 2021. Les autres campsites de la ville sont fermés, faute de touristes. Ce Covid-19 est une véritable catastrophe pour le tourisme. A peine arrivés, j’isole le feu de stop à l’arrière de la Tiny qui doit mettre en court-circuit le système. On verra demain si ça tient. Je répare aussi la fixation du panneau solaire sur la cabine.
Soirée agréable avec nos amis voyageurs. Anaïs et Victor s’amusent bien avec Eleonoor et Robbert. Le campsite est entouré de carcasses de voitures.
An, qui est conseillère d’éducation en Belgique, avait demandé la veille à Limby, l’adorable gérant du campsite qui travaille aussi à la cantine et à l’entretien de l’internat, s’il était possible de visiter l’école. Il revient nous dire que le principal a accepté et propose à nos quatre enfants de se joindre demain matin aux autres écoliers. Chouette ! C’est drôle mais les enfants préparent leur matinée comme une véritable rentrée scolaire avec le même petit stress que comme chaque année au début du mois de septembre : préparation d’un sac avec de quoi écrire, préparation des vêtements, mauvais sommeil… Pour la première fois depuis 3 ans, Anaïs et Victor vont rentrer dans une classe !
Jeudi 10 juin 2021 :
Dès 7h30, nous emmenons les enfants au portail de l’école. Masque sur le nez, un mètre de distance entre chacun, prise de température, lavage de mains… nous sommes tous invités à rentrer dans l’enceinte de cette grande école primaire et secondaire de 800 élèves. Mais en ce moment, seulement 350 élèves sont scolarisés en raison de l’épidémie. Nous sommes tous les 8 reçus dans le bureau du directeur qui nous souhaite la bienvenue et qui souhaite en savoir plus sur nos voyages respectifs et nos origines. Il fait le point sur l’âge des enfants. Anaïs ira dans la classe du 11ème grade. Victor, Eleonoor et Robbert iront dans celle de 7ème grade pour toute la matinée. Tous les élèves se mettent en rang par classe dans la cour. Le directeur rappelle longuement les consignes sanitaires puis nous présente à l’assemblée. Puis, c’est l’heure de la rentrée dans les classes. Les élèves ont des uniformes, aux couleurs des murs de l’école, rouge en bas, jaune en haut.
Alors que nous pensions partir de l’école, le directeur et son adjoint passent trois heures avec nous à nous faire visiter les locaux. Nous passons dans chacune de la bonne dizaine de classes où ils nous présentent à tous les élèves. Ces derniers se mettent debout et nous saluent dans les différentes langues qu’ils étudient : l’anglais, le damara (une langue incroyable où la langue claque en même temps que sont prononcées les syllabes) et le héréro. Nous posons des questions aux enfants et répondons à leurs interrogations. Le mobilier est vraiment en mauvais état. On se revoit Audrey et moi les années passées à participer aux réunions de conseils d’école où de longs débats s’engageaient parce que les chaises et les tables des élèves n’étaient pas ergonomiques ou mal adaptées pour le dos des enfants. Des devis aux sommes astronomiques étaient discutés pour investir dans du nouveau matériel. Ici, toutes les chaises n’ont même pas de dossier, il y a de gros trous dans les bureaux, le plafond et les néons électriques sont prêts à s’effondrer, les vitres des fenêtres sont cassées, les tableaux sont illisibles… Cependant, les élèves ont du matériel pour écrire, les professeurs ont accès à une photocopieuse, il y a des manuels scolaires. Mais la bibliothèque n’a aucun ouvrage adapté à l’âge des élèves sur ses rayons, la salle informatique n’a plus un seul poste en état. Une dizaine de vieux écrans sont stockés dans une réserve sur une étagère. Le labo de Physique-chimie ne contient qu’un microscope pour 800 élèves et une étagère où s’entassent tout un tas de bouteilles d’acides en tout genre…
Toutes les classes n’ont pas de professeurs. Ces derniers s’occupent à tour de rôle de plusieurs classes. A cause du Covid, les élèves viennent un jour sur deux. Mais en temps normal, ils sont une cinquantaine par classe. Même quand ils sont présents, les élèves les moins motivés ne sont pas interdits de dormir pendant le cours. Mais Anaïs remarque que les plus studieux peuvent vraiment progresser avec des cours construits et intéressants. Victor fait des cours de Maths, d’Anglais et de Sciences. Tous les cours sont dispensés en anglais. Chaque session dure une quarantaine de minutes. Les élèves restent dans leur classe tandis que les professeurs changent.
Anaïs reçoit des cours d’Histoire et de Technologie. Sa leçon d’Histoire traite de l’Apartheid en Afrique du Sud. Une jeune fille souriante vient voir Anaïs à la fin du cours en lui disant de ne pas prendre personnellement les remarques faites sur les Blancs ! Il est aussi question du Génocide des Héréros reconnu récemment par l’Allemagne colonisatrice au début du 20ème siècle de l’actuelle Namibie. Le professeur est absent mais un débat intéressant s’engage entre les adolescents qui sont originaires de différentes ethnies. Il y a dans la classe des Héréros, des Himbas et des Damaras. Les deux derniers se « plaignent » qu’ils ne profiteront pas de l’aide financière que l’Allemagne a, il y a quelques jours, décidé d’allouer aux Héréros, un milliard d’euros pour les 30 prochaines années.
Puis Anaïs assiste aussi à une discussion animée entre les élèves et un professeur. Certains manifestent leur inquiétude car ils iront à l’université l’année prochaine et les formations sur ordinateur qui leur avaient été promises ne peuvent pas avoir lieu, faute de matériel. Ils se sentent démunis et ont peur d’être trop décalés avec les jeunes de la capitale Windhoek où ils iront poursuivre leurs études dans l’unique université du pays, à 750 km de leur village de Sesfontein. Beaucoup resteront ici, et s’arrêteront après cette classe. Mais d’autres ont les yeux qui pétillent en nous disant que l’année prochaine, ils partiront à la capitale avec l’ambition de devenir médecin, pilote ou encore journaliste.
Nous visitons la cuisine et sommes surpris de voir que du matériel de cuisine collective en inox ne soit pas en service. Certainement un don caritatif d’une ONG ou autre qui n’est pas allé au bout de la démarche. Comme peut-être pour les ordinateurs. Nous sommes souvent témoins de dons, dans des villages reculés, de matériel comme des pompes à eaux ou des panneaux solaires qui rapidement ne sont plus productifs faute d’entretien. La semaine dernière, nous voyions des cabines de WC installées dans un village himba, elles-aussi inutilisées car hors-service. Les équipes locales de l’école ne savent donc pas entretenir ce matériel de cuisine collective et la cuisine pour ces quelques centaines d’élèves se fait donc à l’extérieur au feu de bois, dans d’énormes chaudrons en fonte. Je demande un peu naïvement aux cuisinières ce qu’il y a aujourd’hui au menu. La réponse est « comme tous les jours un porridge à base de farine de maïs ». Les élèves internes ont trois portions par jour plus un petit sandwich de pain de mie à la margarine et à la confiture à la pause de 11h. Qu’elle est loin la France où des diététiciennes préparent les menus équilibrés et diversifiés pour les élèves à la cantine… Mais aujourd’hui, les cuisiniers ont reçu du gouvernement du poisson, ce qui apparemment est exceptionnel. D’ordinaire, ils ont du poulet deux fois par semaine. Les élèves externes reçoivent une portion de porridge en fin de matinée, afin de s’assurer que tous aient au moins un repas consistant dans leur journée.
Nous visitons l’internat où les élèves, même ceux n’habitant qu’à 4 kilomètres, ne rentrent chez eux que tous les trois mois. Une somme de 185 dollars namibiens tous les trois mois, soit environ onze euros, est demandée aux familles pour la pension complète de leur enfant. Ils sont fiers de nous montrer le bâtiment tout neuf pour les élèves les plus âgés. Un autre bâtiment est en rénovation. Les classes des plus grands ont également été construites récemment. Le principal est content mais se désole de l’état des autres classes : il faut attendre longtemps pour que des sommes soient allouées par le gouvernement pour entreprendre des travaux.
Avec Peter, nous partons à l’épicerie du coin et revenons offrir à l’école un sac de 10 kg de farine de maïs, 4 litres d’huile, de la soupe et un lot de 20 crayons. L’équipe éducative semble touchée par notre don. Avant de partir, les élèves tiennent à faire des photos avec nos enfants. Il y a bien longtemps qu’Anaïs et Victor n’avaient pas posé sur une photo de classe !
Retour au campsite, puis après avoir partagé le repas avec les Belges, nous prenons la route, enfin la piste… Mais comme hier, elle est bien roulante. Les paysages, déjà beaux hier, le sont encore plus aujourd’hui. Les reliefs subliment la beauté de ces immensités désertiques. Au fur et à mesure de notre descente vers le sud, la végétation devient de plus en plus rase et éparse.
En fin d’après-midi, nous nous arrêtons au milieu de nulle part pour le bivouac. Pas de trace de vie certainement à des kilomètres à la ronde. Il nous reste des œufs et de la viande à cuisiner avant de franchir la Red Line demain à une vingtaine de kilomètres plus au sud où le contenu de notre frigo sera contrôlé par une équipe sanitaire.
De nouveau, je dois me coucher sous la Tiny pour isoler le deuxième feu de stop qui a lui aussi mis en court-circuit le réseau électrique et fait claquer le fusible. Je préfère rouler sans feu de stop que de rouler sans témoin d’alerte au compteur, sans jauge à carburant, sans témoin de température du moteur et sans compte-tours d’autant plus que celui-ci me sert beaucoup car je n’ai plus de compteur de vitesse depuis le début du voyage. Et puis ce n’est pas avec la circulation qu’il y a que cela va être dangereux de rouler sans feux de stop… en attendant de trouver une solution plus convenable.
Wouahou, quel bivouac ! D’agréables souvenirs surgissent comme ceux des bivouacs dans les steppes de Mongolie, sur l’Altiplano bolivien ou bien encore en Patagonie argentine avec ce sentiment de total isolement.
Alors que nous avons allumé le feu de camp pour cuisiner, un 4×4 arrive et le gentil ranger du parc national voisin nous annonce qu’il est interdit de faire du feu car nous sommes en limite d’un espace protégé. Je m’excuse et je lui dis qu’on va l’éteindre mais il nous répond que certainement pas et qu’il faut que nous profitions de notre instant en famille autour du feu. Il nous conseille de nous asseoir de l’autre côté du feu pour qu’il ne soit pas visible depuis la route… Il nous met en garde cependant sur la présence de très nombreux lions dans le secteur. Il y a quelques jours, un touriste dormant dans sa tente de toit sur son 4×4 s’est fait agressé et a été blessé par un lion en pleine nuit. Bon OK, on ne remet pas de bois sur les braises et on rentre dans la Tiny…
Vendredi 11 juin 2021 :
Audrey qui avait la bonne intention d’enfiler ses chaussures de running ce matin pour aller courir sur la piste prend conscience qu’elle n’est peut-être pas aussi rapide à la course qu’un lion et décide de rester à l’abri dans la Tiny… Du coup, alors que tout le monde dort encore, elle cuit des pancakes pour le petit déjeuner en admirant par la fenêtre de la cuisine les montagnes ocres qui s’embrasent dans le soleil levant.
Nous prenons la route jusqu’au hameau isolé de Palmwag perdu au milieu du désert. Difficile de décrire un pareil lieu tellement il est improbable par son isolement. Quelques habitations en dur entourées de clôtures grillagées réparties autour de la station-service avec des carcasses de vieilles voitures autour d’elles et du poste sanitaire marquant la frontière entre le nord et le sud du pays. Je vous en ai déjà parlé parce que ce n’est pas la première fois qu’on le franchit. Dans ce sens-là, le contenu de notre frigo et de notre congélateur est scrupuleusement analysé par les fonctionnaires. Ils s’inquiètent de savoir si les œufs sont bien cuits et s’il n’y a pas de viande crue dans les petites boites plastiques contenant des restes de repas. Le vent assez fort en cette saison donne à ce lieu une dimension encore plus étonnante, une atmosphère de fin du monde. Mais comment font les quelques familles pour vivre ici ? Aucun commerce, aucune école à plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde…
Nous poursuivons sur la route C43 jusqu’à Bersig de la même taille que le hameau précédent où nous bifurquons à droite sur la C39 qui file droit vers l’océan. Nous roulons au sein de paysages minéraux fabuleux. Les couleurs sont splendides en cette fin d’après-midi.
Puis nous arrivons à l’entrée du Parc national de la Skeleton Coast à Springbokwasser où nous nous posons pour le bivouac sur le petit terrain de camping pour moins de 5€ la nuitée. Les paysages environnants sont époustouflants. Nous y retrouvons la famille de Belges qui a changé son itinéraire. Les enfants rayonnent à l’idée de passer un nouveau moment ensemble qui n’était pas prévu. Et qu’est-ce qu’on fait avec des Belges ? et bien on boit des bières… Bon la Windhoek ne vaut pas une Chimay bleue mais ça dépanne…
Petite séance d’entretien mécanique : niveaux des fluides et surtout graissage à la pompe à graisse des axes de pivots et de l’arbre de transmission.
Samedi 12 juin 2021 :
Dès 8 heures du matin, nous sommes tous les 4 installés dans le poste de conduite de la Tiny pour entrer dans le parc. Le transit de celui-ci est gratuit, mais nous devons absolument en sortir avant 19 heures ce soir et il est interdit d’y bivouaquer, avant d’en sortir à l’autre porte de Ugabmond à 140 km. Ne connaissant pas l’état de la piste, nous préférons prendre la route de bonne heure. Les paysages de ces immensités sauvages, avec la lumière du lever du jour, sont sublimes. Nous sommes en plein désert. Le lever du Soleil dans notre dos crée une superbe ombre de la Tiny devant nous.
Nous nous arrêtons pour observer une des curiosités végétales de la Namibie, la Welwitschia. D’un aspect ébouriffé, cette plante ne comporte que deux longues feuilles épaisses de part et d’autre d’une tige ressemblant à du liège. Au fil des ans, ses feuilles sont lacérées par le vent lui donnant l’aspect d’une énorme laitue flétrie. Cette plante, à la croissante lente, vit pendant 2000 ans, jusqu’à atteindre 2 mètres de diamètre. Une telle longévité s’explique par le fait qu’elle contient des composants non comestibles par les herbivores.
Nous ne sommes plus qu’à une vingtaine de kilomètres de l’océan mais encore à 400 mètres d’altitude. Plus nous avançons, plus nous distinguons les nuages recouvrant le littoral.
Le Parc national de la Skeleton Coast est une vaste zone protégée de deux millions d’hectares de dunes et de plaines couvertes de graviers, formant l’un des territoires les plus inhospitaliers au monde. Il s’étend sur 500 km de côte au nord du Désert du Namib, le plus vieux et le plus sec désert du monde.
Nous arrivons face à l’océan que nous ne distinguons pas encore mais nous bifurquons sur la C34 à gauche en longeant l’océan qu’on entend gronder au loin. Il nous est interdit d’aller à droite vers Torra Bay et Terrace Bay sans avoir acheté un permis et surtout sans un véhicule 4×4. Nous sommes vraiment dans un épais brouillard et nous ne voyons qu’à une cinquantaine de mètres. Nous mettons même le chauffage en route pour nous réchauffer. Puis, c’est la pause pour prendre le petit-déjeuner dans un environnement époustouflant. Le brouillard rend encore plus mystérieuse cette impression d’isolement. Aucune trace de vie humaine ou animale. Pas de réseau GSM bien entendu. Deux heures que nous roulons et nous n’avons vu qu’une seule voiture.
Puis, le brouillard se lève, ce qui nous permet d’enfin voir les quelques dunes de sable.
La Côte des Squelettes tient son nom du nombre de bateaux qui se sont échoués ici. C’est un véritable cimetière de navires qui se sont approchés trop imprudemment de cette côte désolée. Ce littoral est très périlleux car les fonds sont très rocheux et sablonneux et de plus, la côte est souvent noyée de brouillard. Ce brouillard est créé par la rencontre des eaux très froides du courant Benguela, remontant le long des côtes de l’Afrique australe, avec les vents chauds venant de l’intérieur des terres que nous venons de traverser. Les navigateurs portugais la surnommaient au 15ème siècle « les sables de l’enfer ».
Une épave échouée est justement repérée sur notre GPS, à un kilomètre de la piste. Nous nous garons le long de celle-ci et nous dirigeons à pied à travers les dunes vers le littoral. Quand tout à coup, nous repérons des traces de pas de félin qui nous paraissent bien récentes. Nous continuons tout de même jusqu’à notre objectif qui n’est plus très loin.
Nous arrivons sur la plage et revoyons enfin l’Océan Atlantique que nous n’avions plus revu depuis le mois de décembre 2018 à Foum Assaka au Maroc. 70 639 km parcourus sur trois continents différents depuis !! Ce n’est pas faute d’avoir été confinés pendant 3 semaines à Saint Michel en l’Herm à quelques tous petits kilomètres de cet océan suite à notre rapatriement de Malaisie en mars 2020. Mais à l’époque, nous étions confinés et limités à un déplacement au maximum d’un kilomètre autour de chez nous… Ce n’est pas faute non plus d’avoir retrouvé notre maison en Charente-Maritime le mois suivant à seulement 30 km de l’océan, mais ce n’était pas non plus la priorité… Le dernier océan que nous ayons donc vu, c’était l’Océan Indien en Tanzanie à Peponi beach il y a deux mois et demi. 3300 km à vol d’oiseau mais plus du double parcourus par la route pour traverser le continent d’Est en Ouest.
Bon par contre, la température de l’eau a chuté de 15°C en changeant d’océan. Pas question de se baigner sur cette plage s’étendant à l’infini d’autant plus que les déferlantes sont extrêmement puissantes. Et puis les lions rodant dans le secteur, il n’est peut-être pas très prudent de trop trainer ici. L’épave du Montrose échoué en 1973 que l’on cherche n’est plus. Certainement ensevelie sous le sable. Nous regagnons rapidement notre Tiny, gagnés par une dose d’adrénaline quant à la présence des félins, pour ne pas finir dévoré par un lion et nos os rongés pas les vautours.
Puis nous continuons la piste jusqu’à un nouvel arrêt près de Toscanini devant une ancienne plateforme pétrolière dont il ne reste que des amas de structures métalliques rongées par la rouille et par l’air salin et en partie ensablés. Elle date des années 60 et 70. Comment ne pas penser à cet autre endroit improbable près du Salar d’Uyuni en Bolivie avec ce cimetière de trains où nous étions en 2016.
En plein milieu de ce désert, il y a aussi quelques vestiges de mines de diamants.
Au niveau du lagon de la rivière Huab, nous trouvons un peu de verdure. Et cette fois, il y a un panneau comme quoi, de par la présence d’eau douce, il est interdit de sortir de son véhicule car nous sommes sur le territoire des lions.
Nous nous arrêtons pour manger en face d’un magnifique panorama. Sur le sable, des restes osseux de lions de mer et de baleines mais aussi ce qu’il reste de l’épave du Vinte e Oite de Maio échouée en 1966. Il n’en reste pas grand-chose mis à part sa proue en bois et son gros moteur 12 cylindres. Victor s’amuse à désensabler un gros filin métallique entouré autour d’une bobine. Et Anaïs s’amuse à faire un puzzle.
Nous reprenons la piste qui est excellente. Il s’agit d’une route très dure, construite avec du sel, bien damée, qui ne dégage aucune poussière, mais qui n’est pas très bonne pour le châssis. Nous pouvons y rouler à 80 km/h aisément. Les paysages sont toujours éblouissants de beauté. On adore ce lieu désolé. On ne croise au mieux qu’une voiture par heure, et encore pas toutes les heures. Il ne faut vraiment pas tomber en panne ici…
Sortie du parc, après avoir franchi la rivière éphémère Ugab à sec en ce moment, par la porte de Ugabmond où nous livrons au personnel un colis que leurs collègues de l’autre porte nous avaient confié et demandé de déposer ici.
Mais aussitôt sortis du Parc national de la Skeleton Coast, nous entrons dans celui de Dorob. Il s’étend sur 200 km de long jusqu’à Sandwich Harbour au sud. La même route de sel en parfait état se poursuit et nous la quittons par une piste réservée aux 4×4 en direction de l’océan pendant 3,5 km. Une rude tôle ondulée très dure, mais au pas nous arrivons à avancer jusqu’au moment où nous n’osons pas rouler dans du sable trop mou 200 mètres avant l’océan. Qu’importe, l’endroit est fabuleux pour y poser notre bivouac ! On ne devrait pas être dérangés par les voisins ce soir…
Nous sortons de la Tiny et à 5 mètres, nous voyons des traces de pas de lion… Audrey qui venait juste de se dire qu’elle aurait pu aller courir demain matin se décourage de nouveau… Nous voyons aussi de nombreuses traces de chacal.
Nous allons tout de même marcher sur la plage face à la baie de Durissa baignée par les rouleaux déchainés de l’Atlantique. Nous voyons deux squelettes de bateaux dont celui enfoncé dans le sable du Winston échoué ici en 1970. Mais de nouveau, des traces de lion vraiment fraiches dans le sable humide dégagé par la marée descendante nous incitent à allonger le pas jusqu’à la Tiny… Au mieux, elles n’ont que quelques heures car la précédente marée les aurait sinon recouverts.
En soirée, pendant qu’Audrey brode le planisphère des pays déjà visités puis prépare des popcorns et fait griller des cacahuètes fraiches, je trie mes photos de la journée et j’écris ces quelques lignes. Sur le panneau d’entrée du Skeleton Coast Park que j’ai photographié ce matin, je lis (pour la première fois ce soir) les consignes de sécurité. Et je vois qu’il est formellement interdit de quitter son véhicule… Ce n’est pourtant pas faute qu’Audrey répète tous les matins aux enfants de bien lire les consignes avant de commencer un exercice !
Euh… on a donc marché deux kilomètres ce matin au milieu des traces fraiches de lions pour aller voir une épave de navire échouée qu’on n’a même pas vue. Et on a recommencé ce soir sur la plage… Et zut, malgré mes 41 ans, mon papa va encore me fâcher en lisant le blog… Promis on essaiera d’être plus vigilants la prochaine fois.
Nous terminons la journée en regardant justement un reportage animalier sur les lions du désert de Namibie. Nous avons un œil sur l’écran d’ordinateur et un autre sur l’extérieur pour essayer d’en voir un en vrai. Magique…
Dimanche 13 juin 2021 :
Nous n’avons pas été dérangés par les voisins cette nuit, même pas par les félins ou par les chacals. Après l’école dans un cadre paradisiaque, nous prenons le café dehors et laissons un peu les enfants jouer dehors tout en regardant bien au loin si un lion déserticole n’arrive pas…
La piste qui nous ramène à la route de sel est à faire tomber les tétons et nous roulons à la vitesse d’un piéton. C’est l’une des pires tôles ondulées qu’on n’ait jamais empruntées. Quel bonheur de retrouver ensuite la platitude de la route de sel aussi lisse qu’une autoroute…
Puis, alors que nous roulons à bonne allure, nous voyons une autre piste filant vers l’océan à environ 3 km du point de notre bivouac précédent. Hors, nous distinguions depuis ce dernier un autre gros bateau échoué mais il était trop loin pour y aller à pied à cause des lions. Si nous prenons cette piste, nous ne devrions pas en arriver trop loin. De nouveau, cette piste est infernale, comme sa petite sœur parallèle. Je pense que je dois perdre de temps en temps des morceaux de la Tiny. Je viens d’ailleurs de me rendre compte que j’ai perdu mes deux klaxons dont la patte de fixation s’est brisée net. Il va falloir que je revois mes organes de sécurité : plus de feux de stop, plus de clignotant à l’avant gauche, plus de klaxon, plus de compteur de vitesse, plus de caméra de recul…
Nous arrivons face à l’océan juste en face de l’épave échouée. Le bateau est encore tout équipé de ses vitrages, de ses organes de navigation (radars…). Il n’est même pas encore rouillé. Il s’agit d’un bateau japonais de pêche au thon, le Fuseki Maru No 7, qui suite à une erreur de navigation, s’est échoué sur les rochers côtiers en mars 2018. La Côte des Squelettes continue donc de faire des victimes malgré l’amélioration des données météos, et des outils de navigation par rapport à il y a quelques décennies.
La route reprend sur la route de sel filant vers le sud tout en continuant de traverser le Parc national Dorob. Nouvel arrêt pour voir une épave de bateau mais elle aussi a disparu ou bien la marée est trop haute et la recouvre. La côte est ici le paradis pour les pêcheurs qui viennent d’Afrique du Sud.
Nous approchons de Cape Cross où nous avions pensé aller visiter la colonie d’otaries. Mais c’est un endroit où le tarif d’entrée a augmenté et où nous reviendrons dans un mois avec la famille donc on décide ne va pas la visiter deux fois de suite. Au même moment, nous récupérons nos messages sur nos téléphones car nous n’avions plus de réseau depuis quelques jours. L’un d’eux est de nos amis les A notre tour qui reviennent de visiter le Messum Crater et qui pensent que la Tiny aurait les capacités pour y accéder. Pour nous et d’après les dires d’autres voyageurs croisés sur les routes ou ce qu’on a pu lire dans les guides, ce point d’intérêt est exclusivement réservé aux véhicules 4×4. Mais Manu commence à connaitre les capacités de la Tiny et nous décidons donc de relever le défi d’emprunter cette piste de 50 km prenant 440 mètres d’altitude. Il nous faut par contre être en totale autonomie car nous n’allons pas croiser grand monde. Nous faisons le point sur nos réserves. En eau, il nous reste une centaine de litres. En nourriture, ça devrait le faire aussi. En bière, ça sera trop juste mais il nous reste du whisky. En gasoil, avec notre bidon de réserve de 20 litres, ça devrait juste le faire pour effectuer l’aller-retour depuis Cape Cross puis descendre ensuite faire le plein à Henties Bay. La décision est rapidement prise. On tente l’aventure avec une pointe d’excitation.
Nous quittons donc la jolie piste de sel pour nous engager sur une terrible piste en tôle ondulée, mais vraiment infernale. Heureusement, le passage répété des 4×4 a créé une deuxième piste parallèle à celle-ci en meilleur état. La progression se fait donc lentement mais sûrement.
Rapidement, toute la plaine du Dorob national Park est recouverte de superbes lichens.
Puis en prenant un peu d’altitude, bien que n’étant qu’à environ 300 mètres au-dessus du niveau de la mer, quasiment plus aucune végétation ne pousse. Le sol est noir ou rouge. Il ne reste plus beaucoup de kilomètres mais j’ai envie d’arriver au sommet. Nous arrivons dans le Cratère de Messum qui figure parmi les sites naturels les plus reculés du Damaraland. Née de l’effondrement d’un volcan des Gaboboseb Mountains, cette cuvette désolée de 25 km de diamètre est entourée de collines formant deux cercles concentriques. Le point culminant est en vue. Depuis quatre heures que nous roulons à travers ces paysages martiens, nous n’avons croisé aucune voiture, aucune trace de vie humaine. Incroyable. La lumière décline sublimant les reliefs.
Puis alors que la nuit tombe, nous distinguons au loin une silhouette de 4×4 aménagé avec des tentes de toit. Il semble être stationné sur l’un des endroits où l’on peut bivouaquer car le camping est autrement interdit dans le cratère. Une piste qui nous paraît bien pentue et accidentée y mène. Je m’y engage mais elle est vraiment trop difficile pour notre Tiny qui s’arrête au milieu de la pente. Je suis alors obligé de faire une périlleuse marche arrière sur des gros cailloux qui roulent sous les roues dès que je freine. Une autre piste contournant le sommet est tracée sur notre GPS Tracks4Africa. Nous la prenons et une piste plus facile mène au point de vue. Et le 4×4, devinez qui c’est ? et bien ce sont nos amis belges !!!
Nous ne veillons pas tard ce soir, car la conduite a été éprouvante mais en aucun cas nous ne regrettons d’avoir suivi les conseils d’Isa et Manu. Nous sommes tellement heureux d’avoir atteint ce cratère…
Lundi 14 juin 2021 :
Il fait plein jour et nous pouvons profiter pleinement de l’environnement inhospitalier dans lequel nous venons de passer la nuit. A part les Belges et ce petit oiseau noir et blanc qui lutte contre le vent, il n’y a aucune trace de vie. Nous distinguons nettement les collines au loin marquant les limites du cratère. Et dire qu’on a dormi en plein dans la cheminée d’un volcan actif !! Je sens que mon papa va encore me fâcher… Nous grimpons dans les rochers, à la découverte des rares traces de vie. Les enfants sont aux anges de pouvoir escalader. Les points de vue sont incroyables.
Puis nos compagnons quittent le bivouac par une piste pour le coup inaccessible pour nous pour rejoindre le Brandberg où nous reviendrons aussi dans un mois, par une route moins difficile. Nous faisons l’école, l’écriture du blog, le tri des photos et la cuisine dans un cadre époustouflant. Les heures passent et toujours aucun passage d’une voiture à l’horizon… Je ne sais pas à combien de kilomètres habitent les plus proches Namibiens mais certainement à plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde… Il faut que rien ne nous arrive ici…
Nous prenons le chemin du retour. Deux chemins s’offrent à nous, celui que nous connaissons déjà et qui est long de 50 km avant de retrouver la bonne route à Cape Cross. On bien un autre de 73 km mais dont seulement 34 sur piste et le reste sur une bonne piste de gravier puis sur la bonne route de sel du littoral. On privilégie donc le deuxième qui nous fera moins souffrir sur la piste. Et puis ça nous fait ainsi prendre un chemin différent qu’à l’aller. Mais on ne connaît pas son état.
Nous commençons par rouler dans le fond du cratère cerné de collines. Les couleurs sont magnifiques. La piste principale est pourrie mais les pistes parallèles le sont un peu moins, bien qu’elles soient assez sablonneuses. Mais c’est un sable mélangé à du gravier donc qui ne se creuse pas de trop quand on roule dessus.
Mais plus on avance, plus la piste longe le fond d’une rivière éphémère où le fond est bien meuble. Mais notre vaillante Tiny s’en sort bien. Nous voyons les mêmes plantes déserticoles qu’il y a quelques jours, les fameuses Welwitschia Mirabilis. Elles ne sont pas forcément très belles mais l’idée de se dire qu’elles ont plusieurs centaines d’années voire jusqu’à deux millénaires est juste incroyable. C’est une espèce endémique de Namibie et d’Angola.
Nous arrivons au pied d’une bonne petite montée nous faisant sortir du cratère. Puis enfin le sol devient plus dur et le gravier dur n’est plus mélangé à du sable. Nous faisons la pause du déjeuner au milieu de nulle part.
Puis je suis pressé d’en terminer avec cette piste. Depuis ce matin, j’ai un mauvais pressentiment et je ne suis pas vraiment dans mon assiette. Nous faisons 4 km sur une excellente piste quand soudain, le moteur de la Tiny a des ratés, comme une panne de carburant. Mais il se relance. Puis le voyant de préchauffage et le fameux voyant EDC qui nous a donné bien des soucis durant 6 mois de voyage entre la Grèce et la Mongolie clignotent. Le moteur cale. Mais j’arrive à le relancer. Puis de nouveau des ratés. Le stress monte… Accélérant à fond, j’arrive à faire quelques centaines de mètres de plus. Puis, plus rien, nada, que tchi, que dalle, walou, peau de zob, des nèfles, que pouic… Le moteur ne veut plus repartir.
Nous sommes au milieu de nulle part, mais vraiment au milieu de nulle part. Décidément, à chaque fois, on tombe en panne dans les endroits les plus reculés de la planète : à la Cueva de los Manos dans le fond d’un canyon en Argentine, aux Geysers del Tatio à 4300 mètres d’altitude dans le Désert d’Atacama au Chili, sur la Pamir Highway à 4560 mètres d’altitude au Tadjikistan ou bien dans le fin fond de la Mongolie à 1800 km du premier garage… On pourra ajouter maintenant à cette liste, le Cratère de Messum dans le désert inhospitalier du Damaraland en Namibie…
Bon, l’avantage, c’est qu’on a un peu d’expérience dans ce domaine maintenant. On n’est plus des puceaux des pannes… Mais il va falloir trouver une solution… Je sors la caisse à outils et je mets le nez dans le moteur. Audrey m’assiste, me tend les outils et tente comme moi de se souvenir des dernières recherches de pannes. Les enfants lisent sans un bruit, attendant patiemment. Remplacement du filtre à gasoil, vérification de l’arrivée de gasoil aux injecteurs, remplacement du capteur PMH, remplacement des valves de dépression d’air, contrôle des fusibles… Je cale… Le voyant de préchauffage reste allumé en permanence. Je tente de connecter ma valise au calculateur de la Tiny pour en lire les défauts mais elle n’est pas à jour…
Évidemment, nous sommes dans un des endroits les plus reculés du Damaraland. Pas de réseau GSM pour faire des recherches sur Internet ou bien pour joindre mon ami Joaquim. Aucun passage de voiture, nous n’avons croisé aujourd’hui aucune voiture, absolument aucune… La première présence humaine avec une ligne téléphonique est un relais de pêcheurs au Mile 108 sur la piste longeant l’océan. Nous y sommes passés il y a deux jours et on se souvient y avoir eu un maigre filet de réseau. Mais elle est à 15 km devant nous… Et il est trop tard et il fait surtout trop chaud (plus de 30°C) pour que je marche en plein désert en ce milieu d’après-midi.
Dans notre malheur, nous avons quand-même la chance de ne pas être tombés en panne ce matin, car là, ça aurait été bien plus compliqué de faire 50 km à pied en plein désert et on aurait peut-être fait partie des prochains repas des vautours. La nuit tombe mais pas le moral qui reste bon. On a appris dans ce voyage qu’on trouve toujours une solution ou une alternative à tout problème. Nous sommes garés en plein sur la piste mais vu la circulation, on ne risque pas de gêner grand monde cette nuit. Nous mettons tout de même les triangles de signalisation 100 mètres devant et derrière la Tiny et nous y accrochons des gilets fluo.
Il y avait bien longtemps que la Tiny ne nous avait pas donné des soucis. Les derniers remontent à la Mongolie le 19 août 2019 où nous étions réparés de notre mode dégradé qui nous tenait depuis la Grèce. On a depuis roulé plus de 44 000 km sans passer par la case garage… Ce n’est pas si mal car ce sont des kilomètres qui comptent double ou triple dans les conditions où on roule…
Ce n’est pas une raison pour se laisser abattre et nous buvons l’apéro dans ce cadre extraordinaire…
Demain matin, à l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, je partirai… ah non, ici la campagne ne blanchira pas mais je partirai quand-même dès le lever du jour avant les fortes chaleurs avec ma grande Anaïs pour aller chercher une dépanneuse ou un 4×4… Au moins 15 km à pied au milieu d’un désert aride (espérons qu’on ne croisera pas de lion) avant d’arriver sur la grande piste où il y aura un peu plus de passage. Et peut-être 180 de plus en stop pour aller chercher un mécano à Swakopmund… Pas sûr qu’on soit de retour demain soir pour retrouver Audrey et Victor, qui nous attendront seuls dans ce désert, sans aucun moyen de nous contacter…