636 km réalisés du 26 juin au 2 juillet 2021

77 401 km parcourus depuis le départ

Samedi 26 juin 2021 :

Je vous avais laissés à la fin du dernier article dans l’agréable ville balnéaire de Swakopmund sur le littoral Atlantique de la Namibie. Avec la bonne nouvelle de la réparation mécanique et de la révision électrique de notre Tiny. Mais aussi avec la triste nouvelle, qui nous a accablés et qu’on a toujours du mal à accepter, de l’annulation de la venue de notre famille prévue dans quelques jours à Windhoek, sur laquelle je reviens une dernière fois. Je ne remue pas le couteau dans la plaie mais nous sommes tellement déçus et contrariés par cette décision gouvernementale de la France classant depuis la semaine dernière la Namibie en pays rouge. C’est ainsi, mais nous avons mal. Les enfants se faisaient une joie, depuis quelques semaines, au fur et à mesure que l’échéance approchait, de travailler encore mieux que d’habitude pour terminer leur programme de l’année scolaire. Ils étaient dans les temps avant l’arrivée de la famille. Mais bon, eux aussi ne comprennent pas mais acceptent. Allez, je n’en parle plus. Juste, je pense très fort à mon papa, ma marraine, ma sœur et mon beau-frère.

Matinée école comme d’hab’. Mais durant cette matinée, Anaïs passe la première épreuve de son Brevet des collèges. Non pas le vrai comme ses copines et copains de 3ème en France à partir de lundi mais celle de ses annales. Anaïs n’aura pas de notes officielles pas plus que de résultats de contrôle continu comme ses camarades mais le Brevet n’est pas un examen obligatoire pour le passage en Seconde. Mais elle tenait à le réaliser comme si c’était le vrai. Elle travaille 2 heures sérieusement pour son épreuve de Mathématiques. A la différence de ses camarades, elle a une jolie vue par la fenêtre sur l’océan et elle écoute Vivaldi dans ses écouteurs.

Nous quittons Swakopmund, cette ville que nous avons beaucoup appréciée. Mais au lieu de reprendre la route vers le Sud comme on prévoyait de le faire encore il y a quelques jours, c’est vers le Nord que nous repartons. Nous avons dû en effet revoir tout notre itinéraire pour les semaines à venir. Au Nord, nous avions mis de côté des visites que nous devions faire avec la famille et nous en avions fait d’autres car nos proches ne venaient « que » un mois et nous ne pouvions pas tout faire avec eux : le pays est immense et les distances longues à parcourir entre chaque point d’intérêt.

Tiens, cette route qui longe le littoral océanique, nous la connaissons déjà mais la dernière fois qu’on l’a prise, on était tracté par un 4×4 Toyota… Bon je préfère la version d’aujourd’hui où j’ai toute possession de la direction, du freinage et là, je ne dois pas avoir la frayeur que le 4×4 ne freine brutalement alors qu’il me remorque à 75 km/h avec une sangle de 5 mètres de long sur 180 km de distance entre le Cratère de Messum et le garage Mercedes de Swakop’ … En même temps, il n’y a pas beaucoup de raisons de freiner brutalement ici car il n’y a rien. La route bitumée est en parfait état jusqu’à Henties Bay. Il n’y a qu’une seule minuscule ville (au nom imprononçable de Wlotzkasbaken) sur les 130 km qu’on parcourt aujourd’hui et encore la route passe à l’écart. La moyenne kilométrique est donc excellente car aucune intersection ne nous ralentit, pas plus que la circulation car il n’y en a pas. Nous sommes rassurés sur le fonctionnement de la Tiny qui ronronne parfaitement.

Nous roulons toujours le long de la Skeleton Coast (la Côte des Squelettes), aux invraisemblables décors minéraux, dont je vous avais déjà parlés dans un précédent article ; cette côte où les épaves de bateaux s’amoncèlent, encore de nos jours. Le Benguela, un courant océanique glacial entraine d’épais brouillards et des vents marins froids qui rendent compliquée la navigation.

Nous faisons la pause pour déjeuner devant l’épave du Zeila qu’on avait aperçue en descendant mais sans pouvoir s’arrêter. Ce chalutier destiné à la casse était en train, en 2008, d’être remorqué vers l’Inde pour y être démantelé quand, alors qu’il avait juste quitté le port voisin de Walvis Bay, ses amarres de traction ont cédé et il est venu s’échouer sur cette plage.

Alors que nous partons, une femme en 4×4 arrive et me fait signe qu’elle veut me parler. Elle m’indique qu’elle et son collègue souhaitent absolument que nous venions dans son camping. Je lui explique que c’est très gentil mais que nous ne dormons pas dans les campsites et que nous privilégions des lieux où on ne paye pas pour dormir. Rachel me renouvelle son invitation et on croit comprendre que son collègue a aperçu notre véhicule dans Swakopmund et qu’il en est tombé amoureux et que pour nous, ce sera gratuit ! De plus, il se trouve sur notre itinéraire des prochains jours et surtout à un endroit dans le Damaraland où on espérait avoir une chance d’aller observer les très rares éléphants du désert, capables de survivre dans les milieux les plus arides. Nous échangeons nos WhatsApp et nous nous disons à bientôt.

Nous roulons toujours vers le Nord jusqu’à Cape Cross, le paradis des otaries. Cette réserve héberge la plus importante des 15 colonies d’otaries à fourrure que compte la Namibie, et l’une des plus importantes au monde. Au moment de la reproduction, en décembre, elle abrite 100 000 spécimens sur le million d’individus recensés en Namibie. Cette espèce de la famille des Otariidés se reproduit sur les côtes d’Afrique du Sud, d’Australie et de Tasmanie. Elles ont des pavillons d’oreilles contrairement aux phoques, de la famille des Phocidés. Nous avions déjà eu la chance, lors de notre premier voyage en Amérique du Sud en 2015, d’apercevoir les otaries des Galápagos (Zalophus wollebaeki) sur l’archipel éponyme dans l’Océan Pacifique au large de l’Équateur mais aussi les otaries à fourrure australes (Arctocephalus australis) sur les côtes de l’Atlantique Sud en Argentine. Bien qu’elles étaient déjà nombreuses sur la Péninsule Valdés, ici le spectacle dès qu’on arrive est encore plus impressionnant, mais pas moins odorant. L’océan et les rochers sont envahis d’otaries à fourrure d’Afrique du Sud (Arctocephalus pusillus) qui se prélassent le long de la côte.

Nous pouvons vraiment approcher ces monstres dont les individus mâles peuvent peser jusqu’à 350 kg. Mais on a l’impression qu’il n’y a que des femelles (d’un poids de 75 kg) car les mâles ne reviennent qu’à la saison des amours. Une passerelle en bois est aménagée pour traverser cette colonie sans les déranger. Mais comme il manque des barreaux en bois, du coup, les otaries empruntent aussi la passerelle. Sensations fortes garanties ! Surtout quand elles montrent leurs crocs… et qu’on passe à 50 cm d’elles. Le vacarme de leurs cris sourds masque le bruit de l’océan. Mais il ne masque pas l’odeur pestilentielle que ces mammifères marins dégagent. C’est bien la première fois qu’on porte nos masques anti Covid avec plaisir, alors qu’il n’est même pas obligatoire…

Ces otaries peuvent vivre 25 ans environ et passent le plus clair de leur temps dans l’océan déchaîné. Les mères peuvent rester plusieurs jours en mer pour se nourrir, revenant régulièrement pour alimenter leurs petits. Les otaries mangent des calamars et des poissons pour environ 8 % de leur poids par jour : il leur faut maintenir une température corporelle de 37 °C dans une eau à 10 °C ! Les jeunes mangent quelques cailloux qui leur servent de ballast… Les otaries à fourrure vivent toute l’année ici et elles n’effectuent pas de migration mais accomplissent parfois des longs trajets en mer. On adore leur couleur noire en sortant de l’eau où la fourrure devient noire luisante.

Puis, après la sortie de l’eau, les otaries se prélassent, tètent leur maman et jouent au Soleil.

On aurait bien fait une pause pour boire un coup sur la terrasse mais elle est occupée. De même, pas beaucoup de place pour poser sa serviette sur la plage… Mais bon, l’odeur dégagée à la limite du supportable est tellement nauséabonde entre les excréments et les corps en décomposition de certains malheureux, que nous ne traînons pas trop.

Mais voici l’envers du décor. Bien que le pays soit exemplaire en matière de protection de la faune sauvage comme avec les rhinocéros ou encore les éléphants, la chasse massive des otaries sur les plages est autorisée. La Namibie est pourtant le premier pays au monde à avoir inscrit la défense de l’environnement dans sa Constitution. Mais sur cette question des otaries, elle n’a pas encore trouvé de solution qui fait l’unanimité. Avec une population qui augmente chaque année, elles sont accusées d’appauvrir la ressource en poisson et d’affaiblir le puissant secteur de la pêche. En fait, ce sont plutôt les imposants chalutiers internationaux qui viennent pêcher, parfois illégalement, sur les littoraux des pays d’Afrique du Sud qui sont les premiers responsables de la disparition des poissons, un moyen de subsistance précieux pour les petits pêcheurs locaux.

Chaque année, le gouvernement namibien définit un nombre d’otaries à éliminer. Pour 2019, le gouvernement namibien et le ministère des Pêches et des Ressources marines ont délivré les permis de chasse de 80 000 bébés otaries et 6 000 mâles. Les jeunes otaries à fourrure, par dizaines de milliers chaque année entre juillet et septembre, sont massacrées à coup de couteau sur les plages de Cape Cross. L’Afrique du Sud a mis fin à ces pratiques barbares en 1990 mais la Namibie refuse de suivre l’exemple. Aujourd’hui, seuls deux pays dans le monde persistent dans ces pratiques : le Canada et la Namibie, et la chasse dans ce pays d’Afrique australe est la plus importante du monde. Ce massacre immonde d’otaries permet de les vendre en pièces détachées à travers le monde : la graisse est vendue comme complément alimentaire santé, les os sont utilisés pour les bijoux et les peaux et fourrures pour fabriquer des articles de maroquinerie de luxe. Rien ne se perd et même les parties génitales des mâles adultes sont vendues sur le marché asiatique en produits prétendus aphrodisiaques…

Hatem Yavuz, un marchand de fourrures turco-australien, bénéficie d’une exclusivité d’achat sur la peau de chaque otarie tuée. Connu sous le nom de « boucher de Namibie », il est responsable de la mort de centaines de milliers d’otaries. Il contrôle 60 % du marché de la fourrure dans le monde. La Turquie ne faisant pas partie de l’Union européenne (où il est maintenant interdit aux membres d’importer et d’exporter des produits dérivés du phoque), les peaux sont expédiées de Namibie vers son usine de traitement en Turquie où elles sont transformées et vendues à des pays tels que la Chine et la Russie.

Des ONG, comme Harpseal, révèlent les conditions atroces de massacre et de mise à mort de ces animaux à coups de poignards dans le cœur des jeunes otaries. Je vous passe les autres détails macabres des récits que j’ai lus dans des articles spécialisés sur Internet mais ce massacre immonde sans aucun respect de l’animal, fait froid dans le dos. Bon, nous avons eu la chance de pouvoir visiter ce site à la bonne saison et de ne pas être témoins de ce massacre.

Malgré cette boucherie, l’otarie à fourrure d’Afrique du Sud n’est pas encore considérée comme en danger d’extinction selon l’UICN, bien qu’elle soit déjà affectée par l’emmêlement dans les filets de pêche et les tirs illégaux. Outre la mise à mort par l’homme, le nombre d’otaries diminue aussi naturellement lorsque les jeunes sont chassés par leurs parents afin de leur apprendre à se débrouiller seuls en mer, avant la saison des amours. Les chacals et les hyènes brunes, sont alors leurs prédateurs qui viennent manger sur la plage les jeunes otaries.

Nous quittons les lieux avec cette odeur infecte qui reste dans nos nez, mais aussi avec le souvenir de jolies émotions d’avoir pu approcher de si près ces animaux. Demi-tour par la même route de sel empruntée à l’aller. Toujours aussi roulante et on roule à 90 km/h.

Nous bivouaquons sur un chouette site inscrit par les Un tour à cinq sur l’appli iOverlander. Merci les amis ! L’accès est correct mais nous préférons prendre la piste parallèle à la tôle ondulée, bien qu’un peu sablonneuse. Nous sommes juste à côté de la petite ville d’Henties Bay sur le haut d’une dune surplombant les rouleaux déchainés de l’Océan Atlantique. Anaïs et Victor s’en donnent à cœur joie en se roulant dans le sable. Tant pis, on balaiera encore ce soir (comme plusieurs fois par jour) une pelle de sable dans la Tiny avant de monter dans nos lits.

Certainement le dernier bivouac bercé par le vacarme nocturne des vagues avant plusieurs semaines. Apéro bien agréable mais le froid, dès le Soleil couché, nous rapatrie rapidement au chaud dans la Tiny.

Dimanche 27 juin 2021 :

Petite séance d’école aujourd’hui où les enfants ne font qu’écrire leur journée d’hier car le programme de la journée est chargé et nous aimerions arriver ce soir au camping où nous sommes invités par Rachel. Nous filons vers l’intérieur des terres sur une magnifique route asphaltée se transformant assez vite en bonne piste bien roulante puis en petite tôle ondulée. Nous apprécions grandement le changement de nos amortisseurs à l’avant. C’est incomparable par rapport à avant. Nous avons tellement gagné en confort que je regrette de ne pas les avoir remplacés avant. Nous pouvons rouler un peu plus vite sur la tôle ondulée. On a moins l’impression que la Tiny va se démanteler à chaque ondulation de la piste.

La piste prend doucement de l’altitude et nous commençons à apercevoir le massif du Brandberg. Nous ne croisons quasiment aucun véhicule. Wouahou, quelle sensation d’isolement ! C’est vraiment particulier, mais on aime ça, sauf quand on tombe en panne.

Nous bifurquons à gauche vers le Brandberg, ce massif de granit rose posé sur le plateau. Son nom signifie « montagne de feu » en raison de la couleur qu’il prend avec la lumière du Soleil. C’est juste splendide. Le Königstein est le point culminant du Brandberg mais aussi du pays à 2573 mètres. C’est de l’autre côté de ce massif que nous sommes tombés en panne il y a une quinzaine de jours. Les couleurs sont superbes, du rouge, du noir, de l’ocre le tout avec un tout petit brun de végétation verte et un magnifique ciel bleu. Le Soleil est d’ailleurs torride, maintenant que nous n’avons plus la fraicheur de l’océan, et ce malgré les plus de 800 mètres d’altitude qu’on a pris.

Nous arrivons au bout d’environ 20 km au pied de cette montagne au lieu Tsisab Ravine qui est l’épicentre des merveilles rupestres qui font la réputation du Brandberg. L’après-midi est déjà bien avancée et nous ne sommes pourtant que les deuxièmes visiteurs de la journée. Nous marchons 2,5 km au cœur de paysages à couper le souffle sous une température qui ne doit pas être loin des 35°C et Timo, notre guide obligatoire pour visiter le site, nous explique les différentes variétés de faune et de flore locales. Pas de léopards en vue mais nous voyons leurs traces au sol. Nous voyons aussi différentes espèces de geckos et aussi un daman (rongeur ressemblant à une grosse marmotte).

Puis, nous parvenons au bout d’une heure de marche au Maack’s shelter. Cet abri de Maack renferme la célèbre White Lady, la Dame blanche du Brandberg, un personnage d’une quarantaine de centimètres peint sur la roche qui fait partie d’un ensemble représentant une procession de chasse. Mais le doute subsiste quant au sexe de ce célèbre personnage. Le préhistorien français Henri Breuil a conduit une mission en 1948 qui avança l’idée d’une femme originaire de la Méditerranée. Mais de nouvelles recherches de scientifiques concluent que la Dame blanche pourrait être un garçon de l’ethnie des chasseurs cueilleurs San dont le corps a été enduit d’argile dans le cadre d’une cérémonie d’initiation. D’autres hypothèses privilégient l’idée d’une cérémonie religieuse. Cette Dame blanche pourrait plus vraisemblablement être un chaman. De nombreux animaux sont peints. Ceux en tons monochromes ont 5000 ans. Les plus récents polychromiques ont 2000 ans. On y reconnait des oryx, des zèbres, des gnous, des rhinocéros…

Retour à la Tiny. D’habitude à cette heure déjà bien avancée dans l’après-midi, nous nous posons pour le bivouac. Ici, le parking d’entrée du site aurait pu en faire un merveilleux au pied de ces montagnes rougeoyantes. Mais nous avons dit à Rachel que nous arriverions ce soir. Il nous reste un petit 65 km à parcourir, ce qui nous fera plus de 230 km de route aujourd’hui, principalement sur piste. Alors que le Soleil décline, c’est pourtant l’heure où les lumières sont les plus belles ; nous roulons au sein de paysages de roches rouges. C’est magique.

Nous franchissons la rivière Ugab, que nous avions déjà franchie au niveau de son estuaire dans l’océan entre les parcs nationaux de la Skeleton Coast et celui de Dorob. Elle est à sec en ce moment mais elle est réputée pour être un bon endroit pour observer les rares éléphants déserticoles que nous rêvons de voir mais qu’on sait compliqués à observer sans une bonne dose de chance ou sans payer des excursions trop onéreuses pour notre bourse de voyageurs au long-cours. Mais nous avons donc eu la chance de recevoir l’invitation de Rachel, la responsable de l’organisation EHRA. Une piste sablonneuse nous permet d’accéder au bout de 6 km dans un endroit paradisiaque.

Rachel n’est pas là et Fabio le responsable local non plus mais nous sommes attendus et accueillis par le personnel qui travaille ici. Nous discutons avec Colin, Mathias et Andreas. Trois volontaires étrangers sont aussi là pour travailler pour la fondation mais en raison de mesures anti-Covid, le personnel nous demande de ne pas trop nous mélanger à eux. Les temps sont durs aussi en ce moment pour cette organisation qui vit du soutien des volontaires venant du monde entier pour des missions de 2 à 12 semaines. D’ordinaire, ils accueillent 15 à 20 volontaires. Avec les restrictions de déplacements en ce moment, seulement 3 la semaine dernière, quelques-uns sont attendus la semaine prochaine mais aucune certitude qu’ils soient là car la majorité viennent d’Europe d’où il est de plus en plus compliqué de sortir.

Depuis 2003, Elephant-Human Relations Aid (EHRA) aide à établir des relations pacifiques entre les éléphants du désert en liberté et les communautés locales. Le conflit entre les deux espèces animale et humaine existe en raison du partage des terres, des ressources et d’une sécheresse continue dans la région, qui laisse les communautés et les animaux sans beaucoup de nourriture ou d’eau. Les éléphants, le bétail et les humains partagent les mêmes points d’eau, ce qui non seulement déclenche des conflits, mais entraîne également la mort d’humains et d’éléphants. Un troupeau de 10 éléphants peut facilement vider un réservoir d’eau destiné aux besoins du bétail et de la famille. Parfois, les éléphants se nourrissent dans les jardins, ce qui laisse les familles sans nourriture, ou ils brisent les clôtures et dispersent le bétail, les moutons et les chèvres, blessant ou même tuant le bétail. Des dommages peuvent également être causés aux frêles habitations construites en bois et en terre. La proximité des éléphants dérange ainsi les fermiers locaux qui ont tendance à les chasser voire les tuer. Des pièges installés pour se protéger des félins blessent parfois mortellement les jeunes éléphants.

La mission de l’EHRA est donc de mettre en œuvre des solutions qui aident à combattre le conflit entre les éléphants et les humains et ainsi à assurer un avenir aux éléphants du désert de Namibie. Cela passe par la construction de murs de protection autour des points d’eau, autour des pompes à eau et des panneaux solaires alimentant ces dernières. Ils installent aussi ces systèmes de production d’énergie renouvelable pour remplacer les anciens groupes électrogènes installés auparavant pour alimenter ces pompes. Ils sont en effet trop bruyants pour les animaux et demandent aux fermiers de remettre régulièrement du carburant pour leur fonctionnement, ce qu’ils ne font pas en raison du coût. Les autres missions de EHRA sont l’éducation des habitants sur les solutions d’atténuation des conflits ainsi que la surveillance en continu des différentes hardes d’éléphants qui vivent dans les rivières Huab et Ugab.

Les éléphants du désert de Namibie sont l’une des deux seules populations au monde (en plus de celle du Mali) à s’être adaptées pour vivre dans un environnement désertique. Les éléphants étaient absents de la région sud de Kunene en Namibie pendant plus de 30 ans alors qu’ils fuyaient en raison de l’augmentation du braconnage des éléphants et de la guerre d’indépendance namibienne en cours. Les éléphants du désert sont revenus dans la région à la fin des années 1990 et la compétition pour la terre et l’eau a entraîné des situations de conflits entre les éléphants du désert et les communautés vivant à leurs côtés.

Lundi 28 juin 2021 :

Nous nous réveillons au pied de ces rochers magnifiques, rougeoyant avec le Soleil levant. Alors que nous prenons notre petit-déjeuner, Fabio vient à notre rencontre pour se présenter en même temps que Philip qui s’occupe de l’entretien du site, et pour nous signaler qu’un éléphant du désert est en train d’approcher dans le lit de la rivière. Il souligne la chance que nous avons car en ce moment, les éléphants sont censés être plus loin.

Nous sommes invités à respecter des distances de sécurité importantes avec l’éléphant qui vit ici à l’état sauvage et qui est donc potentiellement dangereux si on l’approche. Nous l’observons passer à une vingtaine de mètres. Il file vers un des points d’eau artificiels construit par EHRA. Puis il continue sa progression dans le lit de la rivière.

Nous sommes invités en VIP aujourd’hui une fois que les volontaires sont partis pour plusieurs jours. On nous met tous les lieux à disposition. Et quels lieux ! Le type d’endroit paradisiaque où on se verrait bien vivre. Un endroit pour vivre en extérieur, proche de la nature. L’environnement est tout juste incroyable dans ce lit de rivière entouré de tous ces rochers qui nous rappellent des lieux comme Tafraoute dans l’Anti-Atlas au Maroc ou comme Baga Gazarlin Chuluu dans le Désert de Gobi en Mongolie. Mais aussi et surtout tout l’équipement construit par les équipes d’EHRA. Bon en fait, il ne s’agit pas du tout d’un camping ouvert au public mais plutôt d’un lieu d’accueil et de logement pour les volontaires venant apporter leur aide ici. On adore ces petites maisons circulaires construites en pierres. On adore les petits salons, les terrasses suspendues dans les arbres avec une vue donnant sur le rivière Ugab. On adore les cuisines, les toilettes sèches, les douches extérieures. On adore cette sensibilisation rappelant les notions élémentaires de préservation des ressources de l’eau et de l’électricité. Oui, on se verrait vraiment bien se construire un lieu comme celui-ci à notre retour en France sur un terrain où on pourrait construire des espaces de vie extérieurs et aussi y poser notre Tiny pour y vivre quand il fait plus froid.

Anaïs, au même moment que les autres collégiens en France, passe la deuxième épreuve de son Brevet, celle de Français. La journée se passe ainsi tranquillement, en savourant la quiétude de ces lieux vraiment inspirants. Nous ne voyons pas d’autres éléphants passer. Audrey s’installe sur une des plateformes et bouquine. Dans ce décor sublime, Victor et Anaïs filment leurs performances en diabolo, jonglage et bâton du diable et font des petits montages vidéos. Nous nous sentons bien dans ce lieu.

Le soir, un feu nous est allumé pour la soirée. Nous y faisons cuire le pain qu’Audrey a préparé pour la fondue (oui encore une, on abuse un peu du fromage depuis notre arrivée en Namibie !) prévue au dîner.

Anaïs et Victor accrochent leur hamac sur la plateforme dans les arbres pour y passer la nuit. On demande quand-même à Fabio si les léopards qui marchent dans le lit de la rivière dont on voit beaucoup d’empreintes ne risquent pas d’attaquer la nuit. Il nous rassure en nous disant qu’il n’y a pas de soucis normalement et que c’est l’endroit où dorment les volontaires la nuit dans des tentes. Il prévient juste les enfants de ne pas s’inquiéter durant la nuit si des éléphants viennent se frotter et faire trembler la plateforme.

Mardi 29 juin 2021 :

Les enfants ont bien dormi malgré les cris assez forts des babouins qui les ont réveillés cette nuit. Encore une séance de Brevet ce matin pour Anaïs avec une épreuve d’Histoire-Géo-EMC. Mais au moment de partir en fin de matinée, nous décidons de prolonger le plaisir dans cet endroit paradisiaque et de ne bouger que demain. Il faut dire qu’on a la jouissance totale de toutes les installations : sanitaire, cuisine, plateforme dans les arbres… Et le contact et les échanges avec le personnel sont très sympathiques.

Avec Audrey, l’après-midi, nous partons marcher dans le lit de la rivière Ugab avec l’espoir de voir des éléphants. Mais il fait très chaud et on n’a pris qu’un litre d’eau, du coup il nous faut faire demi-tour assez rapidement. Nous profitons des paysages extraordinaires de ces rochers rouges plongeant dans le cours de la rivière à sec.

Nous prêtons attention aux traces laissées dans le sable par les babouins, par les léopards et par les éléphants. Les empreintes de ces derniers sont énormes et plus grosses que celles qu’on a observées jusqu’à présent car les éléphants déserticoles, à force de marcher sur ces sols sablonneux, ont leurs coussinets de pieds qui se sont élargis. On distingue bien dans les empreintes les veines, uniques à chaque pied, comme nos empreintes digitales humaines. On voit aussi des trous creusés par les animaux et on est surpris de voir que l’eau n’est pas profonde, seulement à une vingtaine de centimètres de la surface.

Nous retrouvons nos enfants restés au camp qui eux ont vu deux éléphants venir boire dans le réservoir fabriqué par EHRA. Bon ben dommage pour nous mais la balade était vraiment agréable.

Puis, la chance nous sourit. Au loin, nous voyons des éléphants venir boire d’abord au premier réservoir qu’on voit environ à une centaine de mètres. Mais le spectacle est déjà magique de voir ces éléphants déserticoles arriver, d’autant plus qu’ils sont très peu nombreux au monde.

Les éléphants du désert ne sont pas une espèce d’éléphant génétiquement distincte, mais sont des éléphants de savane comme on en voit depuis plusieurs mois en Afrique. Ils ont cependant des caractéristiques uniques pour s’adapter aux températures extrêmes et aux plaines rocheuses de la région nord-ouest de Kunene. Ils sont plus petits, leurs jambes sont plus longues et leurs pieds plus larges. La population d’éléphants vivant dans le désert du Damaraland en Namibie dans les principaux lits des rivières (Ugab, Huab, Hoarusib, Hoanib et Uniab) est estimée à seulement environ 150 éléphants.

Ensuite, non pas un, ni deux, ni trois mais pas moins de 17 éléphants arrivent droit vers nous. Ils viennent boire au trou d’eau à 5 mètres de nous. INCROYABLE. Durant 30 minutes, ils nous offrent un moment magique. Fabio, les reconnait. Ils ont tous un prénom, de la matriarche jusqu’aux éléphanteaux. La vieille dame a recueilli les éléphants d’une autre harde dont la matriarche est morte. C’est la raison pour laquelle ils sont si nombreux. Il nous explique que les pachydermes sont habitués à sa voix et même au bruit du moteur de son 4×4. Ils savent également qu’ils sont en sécurité en s’approchant de ces maisons et de ces humains de l’équipe EHRA.

Les éléphants du désert peuvent survivre sans eau potable pendant plusieurs jours. Ils survivent en mangeant la végétation chargée d’humidité qui pousse dans les lits des rivières. Parfois, ils doivent parcourir de longues distances pour atteindre une source d’eau. Les éléphants ont une poche dans leur gorge qui retient l’eau. Les éléphants peuvent être observés par temps chaud lorsqu’il n’y a pas d’eau à proximité, insérant leur trompe dans leur bouche, puisant de l’eau et l’utilisant principalement pour se vaporiser pour se rafraîchir. Quand ils ont de l’eau à disposition, ils peuvent boire plus de 200 litres par jour.

Les éléphants du désert se nourrissent d’une grande variété de flore, notamment des feuilles, des pousses, de l’écorce, des fleurs, des fruits, des bulbes, des racines et des herbes. Pendant la saison des pluies, les éléphants ont tendance à manger plus d’herbe, qui devient abondamment disponible, et pendant la saison sèche, ils se concentrent sur le broutage des arbres. Un mâle de 6 à 8 tonnes mange 200 à 300 kg de matière végétale fraîche par jour alors qu’une femelle de trois tonnes peut manger jusqu’à 170 kg par jour. Avec leur trompe, ils peuvent atteindre des végétaux à 6 ou 7 mètres de hauteur.

Nous savourons la chance que nous avons d’assister à ce spectacle. Mais sans savoir pourquoi, ils détalent dans un nuage de poussière en quelques secondes. Mieux vaut ne pas être sur leur passage.

Puis dans la soirée, de nouveau, nous en voyons passer quelques-uns dans le lit de l’Ugab au pied des rochers rougeoyants.

Nous passons cette dernière soirée en compagnie de Fabio, Mathias, Colin et Philippe, et pour les remercier de leur accueil, nous leur faisons des crêpes. Ce moment tellement agréable se poursuit autour de jeux de société, non loin du feu.

Mercredi 30 juin 2021 :

Ce matin, je mets le réveil pour aller au boulot. Et oui, vous avez bien lu. Hier soir, j’ai proposé mon aide à Fabio pour aller l’aider à la construction de bâtiments qu’il construit avec le personnel d’EHRA. Ce sont trois très grands halls prévus pour recevoir du public local, national et international pour les sensibiliser à la protection des éléphants déserticoles, mais aussi à l’environnement en général. Un centre d’information et d’éducation est prévu pour accueillir les écoliers locaux. Ces bâtiments s’intègrent à merveille dans le paysage car ils sont construits en métal et en pierres. Et justement, le travail de ce matin consiste à aller chercher dans le bush du Damaraland des pierres, larges mais peu épaisses pour faire le pavement. Nous partons en 4×4 avec Mathias et Fabio collecter toute la matinée ces pierres. Je suis content de pouvoir leur filer un petit coup de main pour les remercier de nous avoir accueillis.

Durant ce moment, Anaïs termine son Brevet avec l’épreuve de Techno et SVT. Ça y est, elle a terminé son examen. Audrey qui a corrigé toutes les épreuves lui donne une note moyenne de plus de 17/20 ! Tellement fier de ma fille. Mais aussi de mon fils qui pendant ce temps, fait de son mieux pour terminer son programme scolaire de son année de 6ème. Et également d’Audrey qui avec tant de patience, a passé des heures chaque jour de notre voyage à leur transmettre toutes les notions qu’ils ont acquises. Les vacances qui approchent vont être bien méritées.

C’est l’heure des au-revoirs. Nous avons eu la chance de passer ici des moments extraordinaires auprès de gens adorables et passionnés ! Merci !

Nous prenons la route, enfin plutôt la piste, qui n’est pas en super état car c’est une belle tôle ondulée. Puis après avoir changé d’axe sur une piste censée être encore moins bonne, elle devient finalement un peu moins rebondissante mais très poussiéreuse. Les enfants nous demandent même de nous arrêter car ils n’arrivent plus à respirer à l’arrière. Nous nous régalons encore des paysages époustouflants de cette région désolée du Damaraland qu’on affectionne particulièrement.

L’état de la piste redevient pourri, et on roule à 30 km/h, et malgré tout c’est inconfortable au possible, même avec nos amortisseurs neufs. Mais nous traversons un tronçon au sable très mou pour retrouver après les engins de chantier une piste toute neuve digne d’une autoroute !

Nous bifurquons en direction de Twyfelfontein mais le camping sauvage est interdit dans cette réserve naturelle protégée. Nous arrivons quand même à négocier avec les gardiens du site que nous visiterons demain, de dormir sur le parking. Nous apprécions l’architecture du centre des visiteurs construit avec des pierres locales et des fûts métalliques réutilisés.

En voici un joli cadre pour boire un petit whisky…

Jeudi 1er juillet 2021 :

Le nouveau défi de ce mois devrait être facile à réaliser « Faire une pyramide humaine en forme de Tour Eiffel dans un lieu insolite et la prendre en photo »… On va faire de notre mieux Manu !

Le site de Twyfelfontein est classé au Patrimoine mondial de l’UNESCO pour abriter l’une des plus grandes galeries d’art pariétal du continent africain. Le site est absolument incroyable. On adore la vue sur la vallée herbeuse de l’Aba Huab.

A ce jour, plus de 2500 pétroglyphes (gravures sur pierre) ont été découverts. Ils remontent pour la plupart au moins à 6000 ans, la fin de l’Âge de Pierre. Mais d’autres plus récents datent de 2000 ans. Tous ces motifs ont été gravés avec du quartz dans le tendre grès local par les chasseurs-cueilleurs de l’ethnie San. Ces peuples étaient nomades et gravaient donc dans la pierre pour signaler aux autres familles la présence d’animaux qu’ils chassaient ou bien la présence de points d’eau. Le site est parfaitement aménagé et se visite avec un guide obligatoirement.

On voit très nettement les animaux : gnous, zèbres, éléphants, girafes, autruches, gazelles, lions, rhinocéros… mais aussi des animaux marins, comme les otaries ou les manchots, signe que les San étaient des peuples nomades qui pouvaient se déplacer jusqu’à l’océan à plus de 120 kilomètres de là. On voit aussi de nombreuses empreintes humaines ou animales et des motifs géométriques gravés sur les parois rocheuses. Certaines formes sont moitié humaines, moitié animales, ce qui laisse imaginer l’action de chamanes. Les différentes représentations étaient reliées aux croyances des chasseurs-cueilleurs qui dominaient cette région jusque vers 1000 ap. J.-C.

Quelques kilomètres plus loin, nous arrivons sur le site des Organ Pipes. Sur un sentier d’une centaine de mètres de long dans le cours d’une rivière, des colonnes de dolérite de 4 mètres de hauteur se dressent tels des tuyaux d’orgues. Très joli.

Un peu plus loin, la Montagne brûlée fait partie d’un ensemble d’une chaine volcanique dénudée d’une douzaine de kilomètres. Il s’agit d’un amas de scories qui semblent avoir été exposées au feu. Cet ensemble de schiste a en fait été carbonisé par du magma. Rien ne pousse dans cet environnement hostile. Les mélanges de couleurs sont superbes.

Nous retrouvons nos amis les Kaquet avec qui nous avions shippé depuis l’Italie jusqu’au Kenya en janvier. Nous n’avions pas revu nos amis Noémie, Julien et leurs enfants depuis le sud de la Zambie et prenons plaisir à partager ce ravissant bivouac au pied de la Burnt Mountain, normalement interdit mais toléré par le personnel de l’entrée du site (contre un paquet de gâteaux…). Agréable soirée une nouvelle fois en leur compagnie à échanger sur nos aventures et nos ressentis de nos différentes expériences africaines, mais aussi à faire des plans sur la suite de notre voyage… Et nous voilà de nouveau à imaginer un nouvel itinéraire pour rentrer à la maison en début d’année prochaine !

Vendredi 2 juillet 2021 :

Malgré un apéritif qui s’est un peu prolongé, Audrey enfile de bonne heure ses baskets pour aller courir 10 km au cœur de ces paysages somptueux, sur un chemin rocailleux, sans croiser la moindre présence humaine… ni animale.

Puis, nous prenons la route toujours au sein de cet incroyable Damaraland.

Nous nous arrêtons visiter une forêt pétrifiée. Sur une vaste étendue de veld s’étendent des troncs d’arbres pétrifiés dont certains atteignent 34 mètres de long et 6 mètres de circonférence. La forêt pétrifiée d’acacias remonterait à quelques 280 millions d’années. Tous ces arbres auraient été charriés par les flots, en provenance d’Afrique centrale ou d’Angola. Le bois a ensuite été pétrifié à la suite de la couverture des troncs par des sédiments, et le remplacement des matières organiques par de la silice au cours de quelques millions d’années. L’érosion a fait réapparaître les troncs à la lumière. Le site comprend une cinquantaine d’arbres fossiles pour certains à moitié enfouis dans le grès. De nombreux troncs sont encore enfouis. Le fabuleux processus de pétrification dans la silice a laissé les arbres, les troncs, les écorces, les cernes, les nœuds de branches intacts.

Autour de ces troncs et de ces milliers de fragments d’arbres fossilisés gisant au sol, de rares Welwitschia mirabilis dont je vous avais parlé dans un précédent blog poussent.

C’est à Khorixas que nous terminons cette semaine. Ce petit détour vers cette petite ville sans intérêt n’est justifié que pour se réapprovisionner en gasoil et pour faire quelques courses mais aussi pour avoir un bon réseau Internet pour mettre en ligne ce blog et réaliser différentes démarches car nous avons passé plusieurs jours dans le Damaraland avec un réseau quasi inexistant. C’est notre 999ème jour de voyage. Apéro.