425 km réalisés du 23 au 28 juillet 2021
79 389 km parcourus depuis le départ
Vendredi 23 juillet 2021 :
Notre séjour en Namibie se poursuit depuis 70 jours mais va bientôt toucher à sa fin. Nous commençons à compter les jours qui nous séparent du 12 août, date à laquelle expirera notre visa touristique de 90 jours. Audrey a même préparé jour par jour notre itinéraire car il nous reste encore environ 1300 kilomètres à parcourir sur principalement des pistes avant de filer vers notre prochain pays, l’Afrique du Sud.
Nous avons séjourné, une fois de plus, comme quasiment toujours en Namibie, sur un superbe bivouac en pleine nature, à la sortie du Parc national de Namib-Naukluft. Des vues à couper le souffle. Des ciels d’une pureté incroyable la nuit, d’autant plus que jamais un nuage en cette saison ne masque la voûte stellaire. Une voie lactée vraiment lumineuse. Un silence presque étrange.
Dans cet endroit pourtant si isolé, on se demande bien pourquoi, mais nous arrivons même à capter un peu de réseau sur notre téléphone pour mettre en ligne le précédent blog. Ce n’est pas très rapide mais j’arrive par partage de connexion sur l’ordinateur, avec patience, à télécharger une à une chacune des 300 photos du blog. Il y a beaucoup de zones blanches en Namibie, tellement le territoire est peu peuplé avec sa densité de 3 habitants au km². Mais étonnement, parfois, c’est la surprise.
Nous prenons la route pas trop tard pour essayer de rassembler deux journées du planning en une seule. En effet, il est difficile de prévoir à l’avance combien de kilomètres on peut rouler sur ces gravel road, tellement l’état varie d’une piste à l’autre. Mais cette C14 est en bon état, en très bon état même car la niveleuse est passée il y a peu de temps. Aussi large qu’une autoroute en France pour au mieux le passage d’une voiture à l’heure. Et presque si lisse qu’elle nous permet de rouler entre 60 et 70km/h. Sur des dizaines de kilomètres, nous ne croisons aucun signe de vie. Pas de villes, pas de villages, pas de hameaux, pas de maisons isolées. Ou si peu qu’on se demande bien d’où sortent ces dernières et comment font les habitants pour vivre ici.
Nous franchissons le petit Canyon de Gaub en descendant dans le lit de la rivière.
Puis plus loin, nous franchissons le Tropique du Capricorne. Après avoir déjà franchi le tropique du Cancer dans le sud de la Chine dans la province de Yunnan en septembre 2019, puis l’équateur au pied du Mont Kenya en mars 2021, nous voici à franchir ce troisième cercle imaginaire parmi les cinq parallèles principaux indiqués sur notre sphère terrestre (prochain objectif, le cercle polaire arctique !). 2593 km séparent chacun de ces tropiques de l’équateur. Mais on en a parcouru près de 12 000 depuis le passage de l’équateur et même presque 40 000 depuis le passage du tropique du Cancer.
Ah non, petite blague… cette dernière photo a été prise il y a précisément 2009 jours à 8143 km à vol d’oiseau d’ici, en janvier 2016 quand on franchissait pour la première fois le tropique du Capricorne en Argentine dans la Quebrada de Humahuaca. Anaïs et Victor ont bien grandi !
Aujourd’hui, nous revoyons ces grandes propriétés grillagées où les clôtures longent la piste sur des dizaines de kilomètres. Quelques instants, un oryx coincé entre ces grillages court le long de la route avant de nous couper juste devant. Pas d’élevage ni de culture pour autant tellement la région est aride. Un désert de cailloux et de sable où les couleurs sont merveilleuses.
Nous arrivons dans un lieu portant si bien son nom de Solitaire. En plein désert, au milieu de rien, à un carrefour de deux pistes, se trouve cet alignement de bâtiments entourés de cactus et battus par les vents. On ne pense pas que grand monde y vive mais on y trouve, dans ce repaire de voyageurs collant leurs autocollants sur les vitres, un bar-épicerie, un bureau de poste, un garage, un lodge, une station-service (bienvenue), un petit campsite. Nous apprécions de boire un café dans cette ambiance de bout du monde ainsi que de déguster la spécialité de l’établissement qui vend un bon Apfelstrudel qui est en fait un bon crumble aux pommes recommandé par les voyageurs nous précédant.
Mais cet endroit est particulièrement photogénique avec son décor de western et ces quelques épaves de vieilles voitures réparties autour de la station-service. Un petit air de Route 66 au plus profond de la Namibie. Anaïs qui s’est découvert un nouveau plaisir et talent de photographe, me prend mon appareil photo quelques instants.
C’est ici que nous avions prévu notre étape de ce soir mais nous ne sommes qu’en début d’après-midi. Du coup, nous avons le temps de poursuivre vers notre prochaine étape, celle juste avant l’entrée dans le Parc national de Naukluft-Mountain Zebra.
Les paysages sont encore différents de ce matin car il y a un peu plus de verdure. De simples graminées et même quelques arbres ajoutent un peu de vert à ce patchwork de teintes minérales que prennent les reliefs. La piste est toujours aussi belle que ce matin, ce que nous apprécions grandement. La Tiny aussi… Doucement, nous prenons de l’altitude pour arriver à presque 1500 mètres au-dessus du niveau de la mer.
C’est en bord de piste que nous nous installons pour le bivouac juste avant l’entrée du parc. On ne devrait pas être dérangés par la circulation car juste trois voitures passent dans l’après-midi !
Samedi 24 juillet 2021 :
-4°C dehors, 12°C à l’intérieur de la Tiny au réveil… L’hiver austral se fait sentir et bien qu’on soit en Afrique où on pourrait penser qu’il fait toujours chaud, les nuits sont bien fraîches en altitude en plein désert dans l’hémisphère sud. Mais juste le fait d’ouvrir les rideaux occultants, le Soleil qui tape sur les fenêtres réchauffe en quelques minutes l’air intérieur à 15°C, ce qui est tout de suite plus confortable pour sortir de dessous la couette. Les quelques degrés manquant sont vite rattrapés en faisant chauffer l’eau pour le café. Mais même à 12°C, nous n’avons pas froid la nuit. Par contre un ou deux degrés de moins, et là c’est moins agréable. Mais dans ce cas, on a aussi nos grosses couvertures polaires qu’on ajoute par-dessus les couettes.
Nous entrons dans le Parc national de Namib-Naukluft Mountain Zebra et nous nous dirigeons vers le point de départ de la randonnée de l’Olive trail.
C’est parti pour 10 km à travers de superbes paysages.
Mais notre grande Anaïs est patraque aujourd’hui et ne se sent vraiment pas en forme pour poursuivre la rando au-delà les 200 premiers mètres d’altitude pris depuis le parking où on a laissé la Tiny. Audrey continue avec Victor alors que je rentre avec Anaïs dans notre maison. Je laisse donc le clavier à mon grand Victor qui va vous raconter sa rando de 4 heures.
« Moi j’ai continué avec maman. Au bout d’un moment, on est descendus dans un canyon et c’est devenu encore plus magnifique.
Il y avait des oliviers, des arbres à carquois et des arbres qui grimpaient le long des falaises comme des vignes.
Dans le canyon, il n’y avait pas de rivière. Juste des flaques par-ci, par-là. Il y a eu trois passages un peu techniques, dont un où il fallait s’accrocher à une chaîne.
C’était trop cool. On est rentrés à la Tiny vers 14 heures et papa nous avait préparé des pâtes avec de la tomate et des poivrons ».
En début d’après-midi, nous reprenons la piste bien caillouteuse pour rouler quelques petits kilomètres vers le camping du parc national. Nous nous garons non pas sur un des emplacements prévus à cet effet trop à l’ombre pour nos panneaux solaires mais un peu plus loin en plein soleil. Une nouvelle fois, c’est grâce à la générosité de nos amis voyageurs Marion et Daniel qui nous ont offert du crédit leur restant auprès des campings gérés par la NWR que nous pouvons nous permettre de dormir au milieu de ces parcs nationaux. Même au tarif promotionnel « Covid », les emplacements sont à 23€ par nuitée. Sinon, en temps normal, c’est 22€ par personne, autant dire hors de prix pour des campings avec des prestations correctes mais pas non plus dignes d’un camping au même tarif en France. Mais même au tarif promotionnel, nous ne sommes que 3 véhicules à dormir ici ce soir.
Dimanche 25 juillet 2021 :
De bonne heure, nous partons pour une belle et grande randonnée donnée pour 17 km sur le Waterkloof Wasserlauf trail. Pendant la première partie, nous marchons dans le lit de la rivière parfois asséchée. Que c’est bon de voir du vert de la végétation et surtout d’entendre le bruit de l’eau car la rivière ne court pas en souterrain. La progression n’est pas facile car nous marchons soit sur des cailloux instables soit dans du sable. Encore moins facile pour Audrey qui a entendu sa cheville craquer hier lors de sa rando avec Victor et qui est devenue bleue et gonflée aujourd’hui.
Soudain, alors que je mène la marche dans une étroite gorge, je tombe nez à nez avec un magnifique oryx que je n’ai pas le temps de photographier.
Puis nous quittons temporairement le court de la rivière pour prendre de l’altitude, près de 500 mètres de dénivelé positif, pour arriver à 1912 mètres d’altitude au point le plus haut de notre randonnée. Superbe panorama pour reprendre des forces autour de quelques sandwiches.
Nous redescendons de nouveau au bord de la rivière dans des paysages très différents de ceux de ce matin. Nous avons la chance d’apercevoir de loin un troupeau de zèbres des montagnes (zèbres de Hartmann, cette fois pas en kit) avec leur ventre blanc et des rayures tout le long de leurs pattes jusqu’aux sabots. Cet animal classé comme vulnérable par les scientifiques a su s’adapter aux territoires rocheux et arides de la Namibie.
La marche est toute aussi difficile que ce matin sur ce revêtement très scabreux, d’autant plus que la fatigue commence à se faire sentir. Mais la cheville tient bon. Nous adorons cette rando, vraiment magnifique, surtout quand la rivière devient plus encaissée dans des gorges où quand l’eau remplit des piscines naturelles.
Enfin, exténués par ces finalement 18 km parcourus, alors que nous ne rêvons que d’une bonne bière rafraichissante et d’une bonne douche, nous arrivons à la Tiny. Mais là, c’est une sacrée douche froide que nous prenons en y arrivant. Notre Tiny a été la cible de vandales et est détruite ! Un cauchemar… Plusieurs mètres carrés de bardage en bois ont été volontairement arrachés. Qu’a-t-il bien pu se passer ? Un accrochage avec un autre véhicule, une explosion d’une bouteille de gaz ?
Mais l’antenne aussi est arrachée de même que les feux arrière. Nous comprenons rapidement avoir été victimes de l’attaque de babouins. On en a bien vu un ce matin en quittant le camping, mais bien loin de s’imaginer qu’ils auraient pu ainsi s’attaquer à notre Tiny. Le personnel du parc nous a mis en garde et dit de faire attention à ces singes et de ne pas les nourrir. Mais on en a pourtant vu à tant d’autres endroits et même si on les a déjà surpris à grimper sur la Tiny, voire même à rentrer dedans par une porte ouverte et en ressortir avec des fruits, jamais on ne les avait vus agressifs. Et là pour de l’agression, c’en est une belle. Partout sur le bardage, sur les panneaux solaires, à chaque fenêtre, on voit des traces de leurs doigts comme s’ils avaient voulu entrer par ces ouvertures. Mais comme ils n’avaient pas de prise, ils n’ont pu les ouvrir de l’extérieur. Ils ont grignoté avec leurs dents le bois d’une des baies vitrées. Ils ont pissé et chié sur le capot. Puis, ils sont montés sur la cabine, là où il y a une petite fenêtre carrée de 30 cm de côté qui donne dans la chambre de Victor. Et là, du coup, elle était à leur hauteur. Ils ont réussi à arracher l’encadrement et le bardage autour mais ils n’ont pu entrer. De colère, on comprend alors qu’ils ont arraché, saccagé, détruit le bardage pourtant fixé avec des pointes annelées dans des tasseaux, déchiré le pare pluie servant d’étanchéité, enlevé l’isolation en laine de bois. Ils sont aussi montés sur le toit et ont arraché quelques tuiles.
Nous sommes effondrés, abasourdis, étourdis. Nous sommes démolis autant que notre Tiny de voir comment ils ont pu s’acharner avec tant de haine sur notre bébé. Les larmes ne sont pas loin, mais malgré notre angoisse, nous nous « consolons » en nous disant que ça aurait été 100 fois pire s’ils avaient réussi à entrer à l’intérieur.
Nous ramassons à terre, une quarantaine de fragments de notre bardage, quand tout à coup, un énorme babouin du gabarit de Victor, arrive en courant et en sautant dans notre soute dont le tiroir coulissant est ouvert. Il prend un sac en plastique et s’enfuit à une dizaine de mètres. Je cours vers lui mais il n’a peur de rien et revient à la charge vers la Tiny. C’est la panique et nous avons vraiment peur à cet instant de l’agressivité de ce singe qui montre les crocs et qui pousse des cris en s’approchant à deux mètres de nous. Nous n’avons pas eu peur des lions, des guépards, des éléphants que nous avons eu l’occasion de croiser mais là, c’est une épouvantable frayeur.
On ramasse en catastrophe toutes nos affaires et on file se réfugier sur le parking de la réception du camping à quelques centaines de mètres. Nous faisons constater les dégâts auprès du personnel qui nous dit que quand on entre dans un parc national, c’est à nos risques et périls… Bon OK… L’un d’entre eux prend quand-même des photos et notre adresse mail mais évidemment, on ne s’attend à aucun dédommagement financier. En circulant hors Europe, nous n’avons pas moyen non plus de nous assurer pour ce genre de dégâts.
Que faire à présent ? Comment réparer ? Comment reconstituer ce puzzle géant ? Comment reconstruire ce bardage réduit en miettes ? Nous commençons à réunir les pièces de bardage. Je demande alors à un des employés s’il a des chutes de bois quelque part et par chance, il revient avec deux mètres carrés de lambris dont les lattes font pile poil la bonne dimension des liteaux qui ont été détruits et qui servent à fixer le bardage. Nous nous mettons donc jusqu’à la nuit tombée à reconstruire une nouvelle ossature avec ces lattes après avoir réparé le pare pluie du mieux qu’on pouvait.
Lundi 26 juillet 2021 :
Seulement 5 heures de sommeil pour Audrey et moi, tellement nous avons été choqués par la destruction de notre nid. Oui la Tiny est vraiment notre nid protecteur, notre cocon, notre refuge en toutes circonstances depuis le début de notre cavale il y a bientôt trois ans. Et la voir dans cet état nous blesse au plus profond de nous-même. Notre Tiny est en fait le seul repère que nous avons. Chaque jour, on vit des choses extraordinaires, dans des cadres grandioses. Mais chaque jour, c’est de l’inconnu, des incertitudes, de l’aventure, des nouvelles rencontres, des nouvelles émotions, et donc la Tiny est notre petit refuge, notre coquille d’escargot dans laquelle on aime se réfugier.
Dès l’aube, nous nous mettons au travail pour tenter de reconstruire le bardage, sous le regard des babouins vidant les poubelles autour de nous mais ils ne sont pas agressifs autour de la réception.
Mais comme quand on fait un vrai puzzle, on ne sait jamais jusqu’à la fin s’il va être complet et s’il ne manquera pas une pièce pour le terminer ! Les heures passent et on arrive à reconstituer une à une chacune des planches. Avec de la colle à bois que j’avais tout juste achetée ces derniers jours (au cas où on en ait besoin un jour…) dans une quincaillerie à Swakopmund. Nous ajoutons des dizaines de vis, de pointes. Heureusement que nous avons ce lambris qui nous sert à tout refixer les fragments de bardage. Sur le toit, nous remplaçons quelques tuiles arrachées. Je répare les feux arrière qui heureusement fonctionnent encore.
Pendant ce temps, Anaïs et Victor sont encore plus adorables que d’habitude et gèrent l’intendance de la Tiny et des repas. Ils nous aident aussi aux travaux de restauration.
Nous nous consolons juste en nous disant qu’ils auraient pu arracher les panneaux solaires, les rétroviseurs, les essuie-glaces… Et surtout encore une fois, vu leur détermination à tout casser on se dit qu’on a évité le pire car s’ils étaient entrés dans la Tiny, cela aurait été un encore plus gros carnage.
Le moral remonte déjà en voyant le puzzle qui est presque terminé après 8 heures de travail. On est à cours de colle à bois mais il semble qu’on ait tous les morceaux du puzzle pour le finir.
Allez, on passe à autre chose. On reprend la cavale après cette nouvelle péripétie de notre aventure. Mais celle-là, c’en fut une belle. Mais les plaies sont rebouchées et notre chagrin sera bientôt atténué avec un nouveau coup de peinture. Et la Tiny aura le droit à un bardage tout neuf à son retour en France. Ce n’est déjà plus qu’un mauvais souvenir.
Elle aurait pourtant mérité autre chose aujourd’hui pour son passage de compteur à 200 000 kilomètres dont bientôt 80 000 depuis le début de notre cavale !
Nous quittons le parc et nous roulons vers notre prochaine destination Sesriem à une petite centaine de kilomètres. Par chance, la piste qu’on redoutait mauvaise est un véritable billard qui nous permet même de rouler en cinquième ! C’est toujours un coup de poker avec ces pistes qu’on voit sur nos cartes car on ne sait jamais à quoi s’attendre ni combien de kilomètres on pourra parcourir dans une journée. Les routes en Namibie sont classés B, C ou D selon leur état. Les B et quelques rares C sont goudronnées mais ne relient que les grandes villes entre elles. Les autres sont des gravel road, c’est-à-dire des pistes de graviers. Et là, c’est donc la surprise à chaque intersection et changement de piste. Tout dépend si la niveleuse est passée il y a longtemps ou pas. Car même s’il y a peu de circulation, les pistes redeviennent très vite de la tôle ondulée infernale. Mais bon, ce qui est pris est pris et aujourd’hui, c’est une bonne surprise. Par contre qui dit vitesse plus élevée, dit aussi poussière plus importante qui se soulève mais on ne peut pas tout avoir non plus… Tant pis, la Tiny sera de nouveau ce soir recouverte à l’intérieur d’une fine pellicule de sable fin. L’avantage, c’est que le passage plusieurs fois par jour de la balayette n’est pas monotone car cette fine pellicule n’est jamais de la même couleur. Selon l’état de la piste, on a une pelle remplie de sable blanc ou rouge… Bon, j’exagère un peu car on arrive maintenant à bien étanchéifier tous les trous. Mais quand-même, les enfants viennent nous voir aujourd’hui alors qu’on roule à 70 km/h en nous disant que l’air est irrespirable à l’arrière… Les paysages sont encore jolis aujourd’hui mais des kilomètres de clôtures encadrent d’immenses propriétés de centaines ou de milliers d’hectares.
Puis, alors que nous approchons de notre destination finale, nous croisons un véhicule bien connu désormais… Ce sont nos amis les Kaquet qui bivouaquent sur le bord de la piste. Du coup, voilà encore un joli moment improvisé, fruit du hasard. Une belle soirée en leur compagnie qui termine de nous remonter le moral après ce qui nous est arrivé hier soir. Nous sommes regonflés à bloc.
Mardi 27 juillet 2021 :
Je vous assure que la nuit a été meilleure que la précédente ! Enfin, un vrai sommeil réparateur. Sans punaises de lit, ce qui n’est pas le cas de toutes les nuits en ce moment. Nous roulons vers le Parc national de Namib-Naukluft sur une route asphaltée qui apparaît tel un mirage au bout de la piste.
Nous allons marcher dans le Canyon de Sesriem, long de 3 kilomètres. Très étonnant de voir sur cet immense plateau, une profonde gorge étroite de 3 à 50 mètres et profonde d’une quarantaine de mètres. Nous marchons, ma chérie toujours avec une cheville bleue et gonflée mais pas excessivement douloureuse, dans ce canyon creusé par la rivière Tsauchab dans un agglomérat de sable et de cailloux il y a 15 millions d’années. Nous nous régalons des formations naturelles érodées par le temps, le vent et l’eau.
Puis nous nous installons encore dans un campsite NWR à l’entrée du Parc national de Namib-Naukluft. Encore de beaux emplacements, ombragés, avec une table et comme toujours en Afrique australe un espace pour le braai (barbecue). Ça tombe bien, on est remontés du canyon avec du bois mort et il y a des saucisses au frigo… Et aussi de la bière… Nous profitons du camping et de l’eau à disposition pour savourer des douches un peu plus chaudes et plus longues que d’habitude dans la Tiny, pour nous mettre à jour dans les lessives. Mais aussi surtout pour laver la Tiny et la débarrasser de toutes ces traces grasses de doigts de babouins, histoire d’oublier pour de bon cette triste mésaventure vécue il y a quelques jours.
Belle et douce après-midi avant de ressortir vers 17 heures pour nous rendre à Elim Dune à quelques kilomètres de piste du campsite. Une belle dune rouge que nous commençons à monter pour aller y observer le coucher du Soleil mais nous renonçons à atteindre le sommet car derrière chaque ondulation de dune qu’on croit être la dernière, il y en a une nouvelle et c’est bien fatiguant de marcher dans le sable. Et puis, on veut surtout garder nos forces pour demain où nous aurons besoin de toute notre énergie… Nous nous arrêtons pour savourer une bonne bière avec une vue sur les plaines superbes à cette heure où le Soleil décline.
Mercredi 28 juillet 2021 :
Une belle journée devant nous. Notre guide Lonely Planet nous la présente ainsi « Vaste étendue de paysages d’une beauté saisissante, Sossusvlei, l’un des sites les plus visités de Namibie. Les dunes, qui semblent parfois appartenir à un autre monde, en particulier lorsque la lumière les effleure au lever du Soleil… ». Voici une bonne motivation pour se lever de bonne heure. 6h30, une heure avant l’aube, nous sommes déjà au volant de notre Tiny car nous avons une heure de belle route asphaltée pour parcourir la distance nous séparant de ce majestueux site qui nous fait rêver depuis si longtemps. Anaïs et Victor terminent leur nuit alors que nous roulons.
Arrivés au bout de l’asphalte, nous réservons les services d’une navette taxi 4×4 pour parcourir les 4 derniers kilomètres impraticables pour un véhicule non équipé de quatre roues motrices. Cela a un coût (que je parviens à négocier à 25€ pour nous 4) mais ça va nous épargner aujourd’hui 10 km à pied dans le sable et nous permettre de garder nos forces pour arpenter les pentes de sable. C’est cher pour faire si peu de distance, certes, mais nous ne payons vraiment pas cher les entrées de parc en Namibie. Une journée comme aujourd’hui nous revient à 20€, aussi parce qu’on dit que nous sommes Malgaches (oups…) et du coup, on paye 50% de moins chacune de nos entrées en Namibie…
Le 4×4 nous dépose au pied de l’imposante dune orange Big Daddy, la plus haute du secteur, vers laquelle nous nous empressons de nous approcher. Un kilomètre tout d’abord dans un vlei, une vaste cuvette asséchée. Puis ce sont les premiers pas dans ce sable si fin et rouge. Le Soleil apparaît derrière les dunes de sable. Bel endroit pour prendre le petit déjeuner pour prendre des forces avant de gravir Big Daddy qui nous domine du haut de ses 325 mètres de hauteur, ce qui en fait l’une des plus grandes du monde.
C’est parti, avec nos sacs remplis de bouteilles d’eau pour accomplir un bel effort. Trois fois la hauteur de la Dune du Pilat, la plus grande dune d’Europe. Plus haute que la Tour Eiffel. Chaque pas dans le sable est difficile car nos pieds s’enfoncent profondément. Nous marchons sur la crête d’une dune, en suivant sur notre GPS le chemin le plus court pour rejoindre le sommet. C’est peut-être le plus court mais il est bien pentu. Je ne sais pas pourquoi mais j’adore ce sentiment de fouler ces crêtes à l’aube ou au crépuscule. Un côté de la dune est froid. L’autre est chaud. Aucun bruit à part celui des grains de sable glissant sur les pentes. Les lumières sont splendides et changent chaque minute à cette heure-ci.
Au fur et à mesure de notre prise d’altitude, nous commençons à observer l’immensité de ce champ de dunes du Désert de Namib. Une mer de sable allant jusqu’à l’océan à environ 50 km à vol d’oiseau. Mais l’Erg du Namib, classé par l’UNESCO au Patrimoine mondial, s’étend sur une superficie de plus de trois millions d’hectares. Les dunes se sont formées il y a 3 à 5 millions d’années par des matériaux provenant de plusieurs milliers de kilomètres, du Désert de Kalahari (la plus vaste étendue de sable de la planète) puis charriés par le Fleuve Orange jusqu’à l’océan, avant de, sous l’impulsion du courant de Benguela, venir créer ce désert côtier, plus au nord.
Puis après 1h30 d’effort, nous sommes récompensés par le fait d’arriver au plus haut de Big Daddy. Whouah ! Nous surplombons tout cet immense désert de sable et ces vlei (étendues de basses terres). Magique. Envoûtant. Ces dunes de sables du Namib, les plus anciennes de la planète, sont de forme parabolique. Se déplaçant avec le vent, elles sont en perpétuel mouvement. La sensation de cette immensité qui s’étend à l’infini est encore décuplée par rapport aux Dunes de Khongor dans le Désert de Gobi (deux fois moins étendu que le Désert du Namib) en Mongolie où nous étions il y a deux ans tout juste, qui elles ne couvraient que 900 km² au lieu de 32 000 km² ici. Elles sont aussi hautes avec leurs 300 mètres de hauteur mais ici, la vue ne porte à l’horizon que sur du sable. Incroyable d’être témoin de ce paysage d’une rare beauté. Et ce sentiment de contemplation est lui aussi décuplé car une fois arrivés en haut de Big Daddy, nous ne sommes qu’à peine une dizaine de touristes.
Comme dernièrement lors de notre excursion près de l’océan en 4×4 dans les dunes de ce même désert à Sandwich Harbour, nous arrivons à observer le phénomène des « dunes chantantes ». Du côté frais encore dans l’ombre de la dune, dans la pente assez prononcée, nous glissons et emmenons avec nous une vague de sable, telle une petite avalanche de neige. L’effet produit une vibration et un bourdonnement assez surprenant. Déjà Charles Darwin ou Marco Polo décrivaient cet étrange phénomène unique qu’on entend dans quelques déserts du monde. Nous avions déjà eu la chance de l’observer en Mongolie.
Puis en dix fois moins de temps qu’on a mis à la gravir, nous dévalons les 325 mètres de dénivelés jusqu’au Deadvlei, réputé pour être l’une des plus étonnantes curiosités d’Afrique australe. Cette cuvette s’est formée lorsque des inondations y ont détourné une rivière, créant alors un marais permettant à des acacias du désert d’y pousser. Cette blancheur est éclatante au pied de ces dunes rougeoyantes. A sec, la boue blanche est toute craquelée.
Par la suite, des dunes ont entouré la zone et bloqué l’arrivée d’eau, entraînant la mort des arbres par manque d’eau. Ils sont toujours là et se dressent à l’extrémité de cette cuvette d’argile immaculée. Ces acacias morts il y a environ 900 ans jettent des ombres noires magnifiques et désolées sur le sol blanc, le tout sous un ciel d’un bleu profond. Les troncs des arbres morts sont désormais de couleur noire du fait qu’ils ont été brûlés par le Soleil. Bien que n’étant pas pétrifié, leur bois ne se décompose pas du fait de la trop grande sécheresse.
Nous adorons et nous apprécions ce paysage irréel d’autant plus que là encore, les touristes se comptent sur les doigts des deux mains alors qu’il est l’un des endroits les plus visités de Namibie. En cette haute période touristique, il devrait y avoir des centaines de touristes. Nous savourons donc d’autant plus notre chance de découvrir ces paysages mythiques dans ces conditions.
Alors que nous nous dirigeons vers le parking pour rejoindre le 4×4, nous discutons un moment avec un guide argentin qui nous conseille de faire un petit détour de quelques centaines de mètres vers un autre vlei caché. Effectivement, il est tout près mais bien caché. Nous sommes les premiers de la journée à marquer le sable de nos pas. Ce vlei est différent du précédent car son sol blanc est érodé créant de surprenantes formes de petits canyons.
Nous devons escalader une nouvelle dune pour rejoindre le parking mais nous avons la chance de voir pour la première fois une étonnante créature répondant au nom de Pachydactylus rongei, un gecko endémique du Namib.
Déjà plus de 7 kilomètres de parcourus dans le sable quand nous rejoignons le 4×4 qui nous amène un kilomètre plus loin, où il y a encore moins de touristes. Juste deux. Incroyable. Nous arrivons au Sossusvlei, un vaste salar inondé en ce moment car cette année, la rivière Tsauchab, a réussi à réunir assez de volume et de force pour atteindre cette mer de sable. Autrefois, cette rivière atteignait l’océan mais elle meure aujourd’hui au creux de ces dunes. Quand le niveau de l’eau du lac alimenté par des pluies abondantes baisse, il laisse un paysage désolé de boue craquelée.
Pour mieux nous rendre compte de la beauté de ce lieu, nous trouvons quelques forces après un pique-nique tiré du sac, pour affronter la chaleur et le sable brûlant et monter en haut de la Dune Big Mama. Et nous avons bien fait car arrivés en haut après avoir gravi une centaine de mètres de dénivelé, nous savourons encore mieux ce merveilleux lac bleu-vert cerné de végétation.
Et la chance nous sourit encore : nous pouvons observer des oryx surgissant au milieu des dunes rougeoyantes du Namib.
De nouveau, nous dévalons les pentes de cette dune jusqu’au vlei où nous observons plusieurs oryx.
Le 4×4, dont nous ne regrettons en aucun cas d’avoir payé le service, nous ramène à notre Tiny en parcourant les 5 km nous séparant du parking. En chemin nous observons des cigognes.
Puis, après une petite sieste réparatrice, je ne sais comment, nous puisons encore quelques forces pour aller à pied à un peu plus de 2 km en pleine chaleur pour aller à Hidden Vlei, un autre salar bien caché parmi les dunes. Un décor irréel et desséché où nous voyons quelques acacias morts.
C’est de nouveau sur la crête d’une dune vierge de traces de pas que nous revenons à notre Tiny. Nous avons encore la chance d’observer un petit gecko transparent.
Nous sommes exténués par les 14 km parcourus dans le sable avec environ 500 mètres de dénivelé positif aujourd’hui depuis 7h30 ce matin mais tellement heureux d’avoir pu observer dans ces conditions ces paysages extraordinaires, qui sont parmi les plus beaux de notre tour du monde.
Retour à Sesriem à 60 km par la même route que ce matin. Mais cette fois-ci, il fait jour et nous pouvons apprécier le champ de dunes que nous traversons. En cette fin d’après-midi, c’est la meilleure heure pour en observer les magnifiques couleurs.
Nous rejoignons le campsite juste à l’heure de boire une bière. Nous tomberons rapidement dans les bras de Morphée ce soir !