155 km parcourus du 10 au 16 septembre 2021

82 439 km parcourus depuis le départ

Vendredi 10 septembre 2021 :

Notre bivouac isolé sur un parking en bord de la Victoria Road, la route côtière à la sortie de la ville du Cap s’est bien passé, malgré le vacarme des vagues sur les rochers en contrebas de la Tiny. Les 30°C d’hier se sont transformés en 17°C aujourd’hui. Le ciel est gris et les nuages cachent les cimes de la chaîne de montagnes des Douze apôtres en contrebas de la Table Mountain. Ces magnifiques pics surplombent l’Océan Atlantique.

Sur le parking, quelques food-trucks s’installent. Avant de partir, nous allons acheter deux expressos à l’un d’eux qui s’est installé à côté de la Tiny House. Le très sympathique Grec qui tient ce mignon petit camion offre deux glaces à Anaïs et Victor. Trop gentil !

Après la ville de Hout Bay qui entoure une charmante baie, nous empruntons la route panoramique à péage appelée la Chapman’s Peak Drive. Cet itinéraire en corniche de 9 km contourne le sommet du Chapman’s Peak, et suit la côte rocheuse déchiquetée pour dévoiler à chacune des 114 courbes des vues à couper le souffle. La montée serpente jusqu’à Chapman’s Point, révélant une vue imprenable sur les baies sablonneuses en contrebas. Cette route, classée Monument national, fut creusée dans le granit et le grès entre 1915 et 1922 dans le but de développer le tourisme à la pointe sud de l’Afrique. Elle est alors considérée à l’époque comme un exploit majeur d’ingénierie.

Puis nous arrivons à Kommetjie. Nous marquons un arrêt en bord de plage avant l’heure de notre rendez-vous de fin d’après-midi. Une femme sort de sa belle maison surplombant une petite crique. Nous pensons qu’elle va nous dire que nous sommes peut-être garés trop près de chez elle et elle n’aurait pas tort, mais non, elle veut juste parler de notre voyage et nous inviter à profiter de sa salle de bains si on a besoin de prendre une douche !

A 18 heures, nous nous rendons chez Carle et Karl, ce couple que nous avions croisé furtivement la semaine dernière et avec qui nous avions échangé deux mots, mais qui avaient pris le soin de chaleureusement nous inviter chez eux si on passait par Kommetjie. Nous sommes donc accueillis chez ce charmant couple et leurs enfants Adam, Oliver et Thomas. Ils ont invité pour l’occasion leurs amis Gina et Geoff et leur fille Stella, eux aussi impressionnés par notre cavale et désireux de nous rencontrer et d’en savoir plus sur notre vie nomade. A la différence des autres familles qui nous avaient accueillis jusqu’à présent en Afrique du Sud qui étaient des Afrikaners (descendants d’origine néerlandaise, française, allemande ou scandinave), eux sont des descendants de Blancs anglophones. Beau moment de partage et d’échange sur nos vies respectives autour d’un délicieux plat traditionnel appelé waterblommejtie bredie, un succulent ragoût d’agneau mélangé avec des fleurs qui poussent comme des nénuphars, mijoté lentement et longuement avec des légumes. De bons vins sortant de notre cave et de la leur agrémentent ce plat ainsi que le superbe plateau de fromages.

Samedi 11 septembre 2021 :

Nous passons la matinée dans la Tiny à faire l’école comme tous les matins. Mais ce matin c’est un défilé de personnes toutes vraiment délicatement attentionnées à notre égard. Rheece vient nous offrir un sac de moules qu’il vient de collecter à marée basse. Amélia a été appelée par Carle chez qui nous sommes invités ce week-end qui lui a fait part que le levain d’Audrey était mort. Elle nous offre un bocal de levain.

Gérald, un Français installé avec sa famille dans cette ville de Kommetjie, vient nous offrir spontanément un fromage de chèvre de sa fabrication. Il a aussi été contacté par Carle au sujet du levain, mais il n’en avait pas, il est donc venu nous apporter du fromage ! Nous entamons une chouette discussion avec lui qui se transforme en une invitation pour demain soir pour partager un gros filet de bœuf avec sa famille.

Frédéric, également un Français installé ici vient nous saluer et tant d’autres personnes qui nous approchent ce matin juste pour nous souhaiter la bienvenue, pour s’intéresser à notre aventure. Ils n’en reviennent pas qu’on ait traversé une partie de l’Afrique depuis le Kenya. On ne leur dit pas qu’on a fait un détour par Pékin… Mais quel accueil ces Sud-Afs ! Comme je le disais dans notre précédent article, ils risquent de détrôner les Iraniens (ce qui n’est pas facile) qui étaient jusqu’à présent en haut du podium de l’accueil et de la générosité parmi la cinquantaine de pays que nous avons déjà visités ! Il faut absolument qu’on ressorte un agenda pour planifier nos prochaines invitations !

A plusieurs reprises, Carle passe nous voir et nous envoie des messages pour savoir si tout va bien. Elle doit s’occuper de son fils qui n’est pas en forme aujourd’hui. Nous profitons de sa salle de bain qu’elle nous met à disposition. Quant à sa machine à laver dont nous demandons si nous pouvons profiter, elle nous dit que c’est carrément son employée de maison qui va s’en occuper et qui nous ramènera notre linge propre et sec dans la journée. Mais quelle gentillesse !

Puis Raffaella, une autre sympathique Française installée dans le secteur depuis 8 ans, interloquée par notre véhicule, s’arrête discuter un bon moment avec nous. Nous la gardons avec sa fille Soraia et un de ses amis Josh à manger les moules qu’on nous a offertes ce matin. La magie du voyage continue d’opérer en nous offrant encore et encore un beau moment de partage.

Après-midi un peu plus calme. Il y a moins de passage car le temps est plus maussade. Blog pour moi, cuisson de crêpes pour Audrey pour notre invitation ce soir. Les enfants passent un peu de temps dehors à jongler.

Puis vers 18 heures, nous retournons chez Carle et Karl qui de nouveau nous ont invités à passer la soirée ensemble. Ils nous ont préparé un autre plat traditionnel sud-africain, des boerewors, c’est-à-dire des grosses saucisses de bœuf et de porc qu’on mange à la façon d’un hot dog dont le pain est tartiné de beurre, de chutney, de confit d’oignons et de différentes sauces. Parce qu’on est Français, Carle et Karl nous gâtent de nouveau d’un excellent plateau de fromages. Le tout accompagné encore de délicieux vins sud-africains. Ils nous font aussi saliver avec une bonne crème de marrons d’Ardèche pour mettre sur nos crêpes. Karl, qui est apiculteur amateur, nous fait goûter à son succulent miel. Il nous en offre deux bocaux mais nous repartons aussi les bras chargés de spécialités locales qu’ils tiennent à nous faire découvrir : des rusks (biscuit très sec aux graines), des biltongs (viande de bœuf marinée, épicée et séchée), des droewors (un peu comme les biltongs mais sous forme de saucisses séchées fines), des goyaves… Quel accueil !!! Merci Carle et Karl pour votre générosité. Carle nous donne quelques leçons sur son métier à tisser pour ajouter quelques rangs à sa couverture.

Dimanche 12 septembre 2021 :

Nos hôtes nous ont fait part qu’on pouvait profiter ce matin d’une séance d’initiation au surf. Anaïs rêve d’en faire depuis longtemps. Nous rejoignons la sympathique et professionnelle équipe de Salty Hour menée par Brett, sur la plage de Witsands. Des surfeurs affrontent déjà les déferlantes océaniques.

Victor profite de l’occasion et courageusement, brave avec sa sœur les 14,8°C de l’océan et les quelques gouttes de pluie après avoir enfilé sa combinaison intégrale.

D’ordinaire, ces séances d’initiation attirent jusqu’à 25 personnes mais ce matin, il n’y a que 3 enfants débutants pour 3 moniteurs. Anaïs et Victor ont donc le droit à une leçon privée et gratuite de surf durant une bonne heure. Et ils se débrouillent vraiment bien pour une première fois. Évidemment, cela leur donne envie de recommencer quand on aura l’occasion. Ils ont déjà repéré un autre spot sur la côte de l’Océan Indien un peu plus loin. Ils ressortent frigorifiés, épuisés mais tellement heureux de leur découverte.

Nous allons manger sur le parking de Soetwater Enviro Center qui est un centre d’éducation à l’environnement. Anaïs et Victor arrivent juste au bon moment et se joignent à un groupe d’enfants qui commencent une activité de découverte sur les serpents.

Pendant ce temps, Audrey discute avec Phil, qui tient un petit restaurant dans lequel il initie les gens à la cuisine des algues. Bonnie, à qui appartient ce centre éducatif, vient chaleureusement nous saluer.

Puis nous échangeons avec Mark, un voyageur au très long cours au volant d’un énorme Mercedes 911 vieux de 40 ans qui a l’avantage de rouler à l’huile de friture. Il m’explique qu’avec un plein de 1000 litres d’huile alimentaire usagée récupérée dans des restos qui ne savent pas quoi en faire, il a pu relier Dakar à l’Espagne ! Mais en ce moment, du fait de la faible activité des restos en raison du Covid, il a réduit son rythme de voyage.

Le Soleil est enfin là et Audrey revient seule à Kommetjie à pieds le long du front de mer en passant devant le phare de Slangkop. Sur les conseils de Carle, elle poursuit sa balade par un chemin qui monte dans la montagne et lui offre des vues magnifiques.

Nous nous rejoignons deux heures plus tard devant chez Carle qui nous rejoint avec ses enfants Adam et Thomas pour passer un moment à dessiner avec Anaïs autour d’un Rooibos. Que c’est passionnant de pouvoir parler longuement avec Carle de tant de sujets. Il est parfois difficile d’aborder certaines conversations avec des locaux quand on ne fait que passer une soirée avec eux mais le fait d’être là depuis quelques jours installe une confiance réciproque et permet de poser beaucoup de questions auxquelles Carle répond sans tabous. Cette relation Noirs-Blancs nous intrigue toujours autant mais nous prenons conscience que les Anglophones d’Afrique du Sud (ceux qui habitent majoritairement dans la région du Cap) ont un profond respect pour les travailleurs noirs qui travaillent pour eux. Beaucoup de familles adoptent des enfants noirs ou font partie d’associations qui apportent une aide dans les townships.

Puis en fin d’après-midi, Gérald, le Français qui était passé nous offrir généreusement hier un fromage passe avec son épouse sud-africaine Jenny pour lui faire visiter la Tiny. Puis, nous sommes invités à manger chez eux. Quel beau moment encore avec ce charmant couple vivant en Afrique du Sud depuis 27 ans. Jenny et Gérald ont le même respect pour le personnel noir qu’ils embauchent pour l’entretien de leur maison. Ils nous expliquent aussi la grande solidarité lors des confinements liés au Covid où une grande partie des Noirs et des Métis vivant dans le township de la ville s’est retrouvé dans une encore plus grande détresse que d’habitude car ils n’avaient plus de petits boulots. La population blanche plus aisée de leur quartier a donc réalisé des collectes et des distributions de denrées alimentaires. Jenny et Gérald nous gâtent d’un bon repas que l’on termine avec un succulent plateau de fromages de chèvres de la production de Gérald. Merci « Pépé » de nous avoir expliqué avec passion ton travail en visitant ta fromagerie et merci pour les bûches de chèvre que nous savourerons avec autant de délicatesse et de plaisir que de vin rouge dans les jours à venir…

Nous rentrons à la Tiny et découvrons sur notre messagerie WhatsApp, deux nouvelles invitations dans le secteur. Désolé Emilene. Désolé Nik. Mais nous ne pourrons pas venir à vos invitations de venir passer quelques jours chez vous car sinon à ce rythme-là, nous allons passer nos trois mois de visa sud-africain juste autour du Cap. Sachant qu’on a déjà au moins trois autres familles où on s’est déjà engagé, avec un immense plaisir, à passer.

Lundi 13 septembre 2021 :

Pendant l’école de ce matin, nous avons le plaisir de partager un café avec Gérald qui nous a invités hier soir. Tellement généreux, il arrive avec des croissants ( les enfants sont ravis de cette récréation !) et un roman documentaire qu’il a écrit il y a quelques années. « Destination Afrique du Sud » (Editions Persée) que l’auteur décrit comme un « mélange de guide historique contemporain et de roman touristique humoristique » va très bientôt faire partie de nos prochaines lectures. Merci Gérald et Jenny pour votre touchant et sincère accueil. Vous faites partie des belles rencontres de notre voyage.

Puis nous visitons le dépôt où travaille Carle. Elle fait de l’import-export dans le monde entier de fil de coton teinté, de fil de bambou, de feutrine, de métiers à tisser et de rouets. Tellement généreuse, elle offre du matériel aux enfants pour qu’ils puissent réaliser des petits bricolages en feutrine.

Maintenant, ce sont les aurevoirs avec Carle et Karl. C’est toujours émouvant de quitter des personnes qui nous ont ouvert leurs cœurs et leurs maisons, des personnes avec qui on se sent bien, des personnes qu’on n’a pas envie de quitter. Des personnes avec qui on n’a passé que quelques heures ou quelques jours mais qu’on a l’impression de connaître depuis si longtemps. Mais c’est aussi ça le voyage, des rencontres éphémères. Oui, on vit une aventure formidable mais certains aurevoirs sont difficiles. Même si on espère qu’on pourra rendre l’invitation à certaines de ces touchantes personnes en France.

Mais on rencontre aussi tellement de personnes, la majorité d’ailleurs de notre tour du monde, qui elles, n’auront jamais la chance de voyager, car elles n’ont pas l’aisance financière ou tout simplement n’auront jamais la possibilité d’obtenir un visa Schengen pour venir en France. Je n’en parle pas souvent dans le blog, mais nous avons cette incroyable chance en tant que Français de pouvoir aller quasiment partout dans le monde. Durant notre cavale, les visas nous ont été à chaque fois délivrés avec une grande facilité (à part pour la Chine et le Turkménistan), mais tout de même avec une lourdeur administrative dans certains pays. Mais savez-vous que la France demande une quantité invraisemblable de documents à n’importe quel touriste étranger qui souhaite venir visiter notre pays : contrat de travail, 3 derniers bulletins de salaire, attestation de mise en congés, preuve du lien marital et justificatifs financiers de l’époux pour les femmes sans activité professionnelle, relevé bancaire des trois derniers mois, lettre expliquant les motifs du voyage, billet d’avion retour, justificatifs d’hébergement sur place, preuve de ne pas avoir de passé judiciaire, preuve de ressources financières de 65€ par jour pour le séjour en France… Et en plus, le visa coûte 80€ soit parmi les plus chers qu’on ait eu à payer lors de notre cavale. Jamais en tant que Français, nous n’avons eu à fournir une seule de ces preuves pour entrer dans un pays (à part pour la Chine et le Myanmar). Autant de pièces que ne pourront jamais réunir nombre de personnes qu’on a croisées sur les routes et qui n’auront jamais le laissez-passer. Alors, n’oublions pas la chance que nous avons d’être Français car même si on n’a pas le passeport le plus passe-partout, on peut voyager déjà sans visa dans 156 pays ! Seuls les Singapouriens nous dépassent avec 159 pays. Et quasiment tous les autres pays nous ouvrent les portes avec l’obtention d’un visa, comme on en a dû payer et fournir pour l’Iran, le Turkménistan (visa de transit de 5 jours), le Tadjikistan, la Russie, la Mongolie, la Chine, le Laos, le Vietnam, le Cambodge, la Thaïlande, le Myanmar (non utilisé à cause de la fermeture des frontières en mars 2020), l’Inde (non utilisé également), le Kenya, la Tanzanie, la Zambie. Dans tous les autres pays, un simple permis de transit ou de séjour allant de 30 à 90 jours nous a été délivré à la frontière gratuitement.

Nous traversons d’Ouest en Est la Péninsule du Cap qui ne fait qu’à peine 7 km de largeur. Petite pause à Simon’s Town pour faire quelques courses. La rue principale aligne de jolies maisons victoriennes qui datent de l’époque où la base navale britannique à proximité complétait la flotte anglaise qui contrôlait toutes les mers du monde et où les bateaux empruntant la route des Indes faisaient l’objet d’une protection rapprochée.

Dans la même ville, nous visitons la Boulders Beach Penguin Colony, une colonie de manchots du Cap. En plein ville, une zone abritée et protégée, parsemée de rochers arrondis spectaculaires, baignés par le turquoise de l’océan, abrite des dizaines de manchots africains, dans des criques sablonneuses.

Ce n’est pas la meilleure période pour profiter au maximum de la colonie de manchots de Boulders Beach car les oiseaux sont encore en mer en septembre et octobre. En ce moment, ils sont en train de plonger à des profondeurs considérables, jusqu’à 35 mètres, de manger énormément pour prendre environ 30 % de graisse en plus. Viendra ensuite en novembre la période de mue où ils resteront 21 jours sur cette plage sans aller en mer. Ils perdront alors la moitié de leur poids. La plage de Boulders est l’un des trois seuls sites d’Afrique qui abrite la seule espèce de manchot à habiter le continent africain. Leur apparence et comportement sont très semblables à ceux qu’on avait pu observer autour de l’île d’Isabella aux Galápagos (manchots des Galápagos), autour de l’archipel des îles Ballestas au Pérou (manchots de Humboldt) ou sur la Péninsule Valdès ou à Punta Tombo en Argentine (manchots de Magellan) mais beaucoup plus petits que les manchots royaux qu’on avait vus en Terre de feu au Chili.

Tous les manchots sont des oiseaux aquatiques incapables de voler et vivent uniquement dans les océans du Sud sous des climats aussi variés que l’Antarctique et les îles Galápagos au large des côtes de l’Équateur. Mais le manchot du Cap ne verra jamais les paysages enneigés, les icebergs et la glace de l’Antarctique car il vit uniquement sur les côtes Sud-Ouest de l’Afrique, en Afrique du Sud et en Namibie.

Des promenades en bois et des plateformes permettent, sans les déranger, d’observer ces quelques dizaines d’animaux, parfois abusivement appelés pingouins, jouer, nager, prendre soin de leurs petits. Ces créatures sont de par leur maladresse tellement charmantes et comiques. Nous voyons les terriers creusés dans le sable.

Pour info, les pingouins ne vivent que dans l’hémisphère Nord dans des régions allant de l’Arctique jusqu’au Nord de la France voire même jusqu’au Maroc. Il n’existe qu’une seule espèce de pingouin. À la différence des manchots, les pingouins volent. La confusion vient aussi du fait que le mot « manchot » en français se traduit dans un dérivé de « pingouin » en anglais, en espagnol, en allemand, en italien, en russe, en portugais, en néerlandais. Voilà, on se couchera un peu moins bête ce soir.

C’est magique de voir ces manchots braver les vagues et en sortir maladroitement.

Nous nous régalons des quelques jeunes manchots au dos bleu-gris et au front blanc, sans les marques noires et blanches de leurs parents. Les plus jeunes sont nés en mai. Les parents régurgitent des poissons partiellement digérés dans leur bouche pour nourrir les petits.

Cette colonie est assez récente. Un premier couple de manchots est arrivé sur la plage voisine de Foxy Beach en 1983 et la première ponte a eu lieu en 1985. Depuis, la colonie s’est développée rapidement également du résultat de l’immigration de l’île Dyer. En 1997, il y avait 2350 oiseaux adultes. Les oiseaux sont probablement venus à False Bay en raison de la bonne pêche disponible depuis que la pêche commerciale à la senne a été interdite dans la baie.

Malgré cela, le manchot du Cap est confronté à un avenir incertain. La population a considérablement baissé en raison de la pénurie alimentaire locale et l’espèce est considérée comme une espèce en danger d’extinction par l’UICN depuis 2010. La population de manchots du Cap, qui se comptait par millions, a été réduite à seulement 1% de sa taille des années 1900. En 1930, il y avait encore plus d’un million d’oiseaux.

Cette baisse s’explique par une collecte historique d’œufs entre 1900 et 1930 qui a entraîné l’enlèvement de 13 millions d’œufs dans les îles de l’Afrique australe. Dans le même temps, la ruée vers l’or blanc pour le guano, récolté comme engrais, a entraîné une altération généralisée de l’habitat car c’est dans ce guano accumulé depuis des milliers d’années que les oiseaux creusaient leur terrier. Depuis les manchots du Cap sont forcés de nicher en surface, laissant les œufs et les poussins exposés aux éléments et aux prédateurs. Ces deux pratiques dévastatrices ont été arrêtées dans les années 1960, mais la population de manchots avait déjà été réduite à seulement 300 000 oiseaux.

Peu de temps après, une nouvelle menace est apparue sous la forme de la pêche industrialisée à la sardine, la proie préférée des manchots du Cap, puis 20 ans plus tard, la pêche à l’anchois allait continuer de décimer la population. Comme si les conditions de vie des manchots n’étaient pas assez mauvaises, dans les années 1990, certainement en raison du changement climatique et de la surpêche, les stocks restants de sardine et anchois ont commencé à se déplacer loin de leurs zones d’abondance historique, et donc hors de zones d’alimentation en période de reproduction des manchots, limitées à un rayon de 40 km. Les manchots ne seraient plus que 50 000 aujourd’hui. Parmi eux, environ 3000 peuplent au plus haut de la saison la colonie où nous sommes.

Les manchots du Cap sont également confrontés à un certain nombre d’autres menaces, de la prédation aux déversements d’hydrocarbures et de quelques marées noires ainsi que du manque d’habitat de nidification. Un dispositif d’interventions de conservation est mis en place pour y remédier. Des nichoirs artificiels sont installés autour de la colonie pour améliorer la réussite de l’élevage et des centres ont été mis en place pour soigner les oiseaux mazoutés et blessés. Mais le manque de nourriture reste le plus grand défi. Nous observons dans la végétation ces nichoirs artificiels autour desquels se plaisent aussi à se promener les manchots.

Nous roulons vers le Sud de la Péninsule du Cap et nous trouvons (encore) un incroyable bivouac face à la False Bay, cette immense baie où on peut avoir la chance d’apercevoir des baleines. La False Bay intègre la Réserve de biosphère de Kogelberg protégée par l’UNESCO. Cinq orques ont été exceptionnellement observés hier près de la côte. Nous scrutons les vagues mais nous ne voyons pas de gros animaux marins.

Mardi 14 septembre 2021 :

La matinée se passe à observer à l’horizon et juste quelques minutes avant de quitter le bivouac après le déjeuner, la patience paye et nous avons l’incroyable chance de pouvoir observer un orque dans la baie. Il est un peu loin mais nous distinguons bien sa forme particulière et ses taches blanches caractéristiques.

Route vers le Cap de Bonne-Espérance. Cette réserve naturelle est intégrée au Parc National de Table Mountain. Le Cap de Bonne-Espérance est le plus connu du secteur mais l’extrémité de la Péninsule du Cap se termine par deux autres promontoires rocheux que sont Cape Point et Cape Maclear.

Le Cap de Bonne-Espérance est situé à la jonction de deux courants maritimes très différents, un courant froid Benguela remontant de l’Atlantique-Sud à l’ouest et un courant chaud, le courant des Aiguilles, à environ 150 km à l’Est. Mais contrairement à ce qu’on pense, le Cap de Bonne-Espérance n’est pas le point le plus austral de l’Afrique, le point le plus au Sud de ce continent étant le Cap des Aiguilles plus au Sud-Est. C’est aussi à ce dernier cap, où nous irons dans quelques semaines, que revient le point de division entre les océans Atlantique et Indien. Mais si ce Cap de Bonne-Espérance est plus connu que le Cap des Aiguilles, c’est qu’il a une grande importance pour la navigation. Lorsque l’on suit la côte depuis le Nord, le Cap de Bonne-Espérance marque le point où les marins commencent à voyager plus vers l’Est que vers le Sud.

Ce sont les Portugais qui, grâce aux progrès dans la navigation, furent les premiers explorateurs européens en 1488 à contourner le cap dans le but d’établir des relations commerciales directes avec l’Extrême-Orient. Le navigateur Bartolomeu Dias nomma ce cap le Cap des tourmentes. Mais d’autres navigateurs, marchands et explorateurs chinois, arabes ou indiens auraient aussi pu l’avoir visité. Al Biruni, un savant persan du 11ème siècle, est le premier à préfigurer l’existence d’une route permettant de contourner l’Afrique pour rejoindre l’Océan Atlantique. Les Portugais construisirent deux balises pour la navigation, la Croix de Dias et la Croix de Gama . Dias fut le premier explorateur européen à avoir atteint le cap et Vasco de Gama fut le premier à atteindre les Indes en contournant ce cap en 1498. Quand elles sont alignées, les croix pointent vers le Whittle Rock, un grand danger toujours submergé pour les bateaux dans la False Bay.

Le cap ferme à l’Ouest la False Bay et est longé par l’Atlantique à l’Est. L’eau déchainée de l’océan contraste avec les eaux calmes de la baie.

Ce promontoire rocheux se termine à Cape Point, à 2 km du Cap de Bonne-Espérance proprement dit. C’est une réserve naturelle parcourue de sentiers côtiers. Nous commençons par monter au Cap de la pointe (Cape Point). Tout en haut, le phare historique du Cap de Bonne-Espérance a été en service de 1860 à 1919. Mais il a été érigé à 249 mètres d’altitude. Son signal était visible à 67 kilomètres par les marins mais trop inefficace car souvent caché par les nuages. Le naufrage du Lusitania, un navire portugais en 1911, allait donner suite à la construction d’un nouveau phare au Dias Point, 87 mètres au-dessus du niveau de la mer. Ce phare est le plus puissant de la côte Sud-africaine et son signal de trois clignotements toutes les 30 secondes prévient les marins jusqu’à 63 km des eaux et des rochers traitres du secteur.

Nous atteignons ce nouveau phare Dias après avoir emprunté à flanc de falaise une crête rocheuse impressionnante, dominant de 200 mètres de hauteur l’océan et les plages léchées d’eau turquoise. Le nouveau phare y est construit accroché à la falaise plongeant à pic dans l’océan.

La crête est aussi plantée de quelques bunkers en béton de la seconde Guerre mondiale.

Nous observons des cormorans nicher dans les falaises. Avec ses divers habitats, allant de montagnes rocheuses à des plages, le Cap de Bonne-Espérance est habité par plus de 250 espèces. Nous assistons d’ailleurs avec intérêt à la reproduction d’un couple de Rufipenne morio, une espèce de passereau.

La végétation de la péninsule est composée de fynbos (buissons fins) caractéristique de la région du Cap. Le Cap de Bonne-Espérance est une partie intégrale des Aires protégée de la région florale du Cap (classée au Patrimoine mondial de l’UNESCO). Cette région riche en fleurs comprend 1100 espèces de plantes indigènes dont un bon nombre sont endémiques à ce « royaume floral ». Le fynbos de la péninsule est composé principalement de plantes répondant au nom scientifique de Euclea racemosa, Cussonia thyrsiflora, Tylecodon paniculatus, Tarchonanthus camphoratus, Eriocephalus Africanus et bien entendu comme vous pouvez le voir des Ruschia promentorii !

Nous marchons vers le Cape Maclear que nous atteignons juste après avoir surplombé la plage Dias.

Puis, nous continuons et arrivons à la pointe la plus au Sud-Ouest du continent, le mythique Cap de Bonne-Espérance.

De retour sur le parking, encore un échange sympathique avec un autre Français, Jacquie, né en Charente Inférieure à côté d’où on habite, il y a de nombreuses décennies , qui apprécie la douceur de vivre de la région du Cap qu’il n’a plus quittée alors qu’il n’était venu y travailler que pour une courte mission il y a une quarantaine d’années. Ce monsieur âgé est pétillant et on apprécie de discuter un peu avec lui de l’Histoire du pays, de ses trois rencontres avec Nelson Mandela…

En fin de journée, nous roulons le long de la baie jusqu’à Millers Point où nous retrouvons les Ubuntu Overland, une nouvelle famille de voyageurs français commençant depuis quelques jours leur voyage en Afrique, en empruntant le chemin inverse du nôtre. Perrine, Arnaud et leurs jeunes enfants Mahaut et Abel voyagent à bord d’un 4×4 attelé d’une remorque tout terrain superbement équipée. Bien serrés et abrités du vent glacial à l’extérieur, nous nous réchauffons tous les 8 autour d’un repas dans la Tiny.

Mercredi 15 septembre 2021 :

La vue depuis mon bureau ce matin pour écrire le blog est encore paradisiaque.

Aujourd’hui, pas d’orque à l’horizon. Un local nous souligne la chance exceptionnelle que nous avons eue d’en apercevoir un hier car ce n’est pas leur habitude de venir dans cette baie. Nous allons marcher un peu sur ce chouette bivouac sur la côte. La couleur de l’eau autour de ces rochers arrondis est incroyablement belle. Avec Audrey, nous nous plongeons dans une piscine d’eau de mer cristalline dont la température ne doit pas dépasser les 15°C. Gérald, qui va chaque jour avec son épouse dans l’océan, nous avait détaillé les bienfaits de l’eau froide et il avait raison. C’est vivifiant !

Dans l’eau s’épanouissent des espèces de géantes algues brunes très curieuses répondant au nom de Kelp. Mesurant jusqu’à 30 mètres de longueur, elles sont accrochées sur le fond rocheux, et à leur extrémité, elles portent des sortes de flotteurs remplis de gaz. Sur les conseils de Carle, nous regardons ce soir « My octopus teacher », un film documentaire sud-africain primé « Meilleur film documentaire » aux Oscars 2021 et qui a justement été tourné là où nous sommes. D’incroyables images subaquatiques mettent en vedette Craig Foster qui a passé une année à suivre et à nouer une relation de confiance incroyable avec une pieuvre sauvage en plongeant en apnée dans une forêt sous-marine de Kelp.

Nous retrouvons les voyageurs Destination inconnue que nous sommes ravis de pouvoir dépanner en leur donnant tous les manuels scolaires de 6ème de Victor, et la Tiny qui se trouve allégée ne s’en porte pas plus mal. Les enfants sont contents de se retrouver pour jouer sur les rochers.

La Tiny va avoir besoin d’un peu d’entretien d’ailleurs car son réservoir de carburant fuit toujours mais j’ai réussi à localiser d’où vient la fuite. Et une nouvelle fuite vient d’être trouvée au niveau du boitier de direction. Mais j’ai en stock le joint spi pour réparer.

Route de l’autre côté de la péninsule jusqu’à Kommetjie où nous répondons à l’invitation de Gina et Geoff, les amis de Carle et Karl qu’on avait rencontrés chez ces derniers il y a quelques jours. Ils ont invité Carle, Karl et leurs enfants, que nous sommes très heureux de retrouver. Chaleureuse soirée tous ensemble autour d’une délicieuse limande à queue jaune accompagnée de succulents légumes et agrémentée de bons vins sud-africains. Anaïs et Victor passent un agréable moment avec Stella, Adam, Oliver et Thomas. Nous avons hâte à notre (re)tour en France d’accueillir ces deux belles familles chez nous, ce qui aura très certainement l’occasion de se faire, car ils ont l’habitude de voyager régulièrement autour du monde et ils sont déjà venus plusieurs fois en France.

Jeudi 16 septembre 2021 :

Petite séance d’école ce matin puis nous disons au revoir à nos charmants hôtes et nous allons marcher un peu autour de l’agréable lagune Wildevoelvlei.

Une nouvelle fois, nous traversons en quelques minutes en Tiny la Péninsule du Cap dans son étroite largeur et nous découvrons l’agréable petite ville de Kalk Bay organisée autour de son port de pêche pittoresque. La rue principale est bordée de jolies maisons et de beaucoup de boutiques d’artisanat, de cafés, de restaurants, de librairies, de boutiques de créateurs, d’antiquaires et de bric-à-brac chez qui je trouve un rabot qui viendra s’ajouter aux quelques centaines de la collection de mon papa… C’est ici que Geoff, qui nous a accueillis hier, tient dans l’ancienne Railway House, une boutique d’antiquités et sa société Copper Bath de vente de magnifiques objets en cuivre, en laiton, en bronze destinés aux salles de bains et aux cuisines (robinetterie, vasque, baignoire).

Pendant que nous savourons de délicieux jus de fruits frais et que nous mangeons dans le petit restaurant attenant à sa boutique, tout en observant le souffle de deux baleines dans la baie, Geoff prend le temps de s’asseoir et de discuter avec nous. Que d’agréables moments nous passons ici !

Pas de requin à l’horizon. Nous venons d’apprendre, après notre séance de surf d’il y a quelques jours, que les grands requins blancs nageaient autour de la baie de False Bay. Certaines plages (mais pas celle où on a surfé) sont surveillées 365 jours par an par des équipes d’observateurs, des Shark spotters, qui préviennent avec des sirènes et des drapeaux blancs les baigneurs si un requin s’approche de la côte. Ces rorquals viennent dans cette baie pour se nourrir d’otaries à fourrure du Cap, se protéger ou mettre bas. Mais bon, la dernière observation remonte à quelques mois ou bien alors effectivement le gars qui les compte s’est fait manger par un requin… Cependant, le drapeau hissé est noir, soit le 2ème stade sur les 4 niveaux. Aujourd’hui, nous n’irons donc pas nager ou surfer…

Discussion agréable avec Christian, un Congolais immigré en Afrique du Sud pour travailler. Il s’occupe d’aider au stationnement et à la sécurité de quelques emplacements de parking le long de la rue en échange de quelques rands. Il nous explique qu’il envoie de l’argent à sa femme et ses deux enfants qu’il n’a revus que trois fois en dix ans. Il gagne bien sa vie mais les conditions de vie ici sont difficiles. Le racisme est toujours présent. Il lui est impossible de louer un logement dans la ville car il est Noir. Même s’il avait beaucoup d’argent, il ne pourrait pas investir dans un commerce dans la rue parce qu’il est Noir. Il est cependant fier de nous expliquer qu’une femme noire vient d’acheter une boutique dans cette rue. Il ajoute, ce que des Blancs nous ont maintes fois confirmé, qu’il est très difficilement concevable que des couples mixtes se composent ici. En dehors des liens créés dans le cadre du travail où donc existe une hiérarchie (même si les employés sont traités avec beaucoup de respect et de bienveillance dans les familles que nous avons rencontrées), les liens sociaux et d’autant plus ceux amicaux, qui impliquent une relation d’égal à égal, sont rares.

Quelques kilomètres plus loin, le petit village de Muizenberg a lui aussi quelques belles maisons mais il est surtout réputé pour son alignement de rangées de cabines de bains victoriens hautes en couleurs vives sur la longue plage de sable blanc.

Audrey part avec Anaïs passer un long moment dans une librairie de livres d’occasion. Elles reviennent les bras chargés de romans en anglais. En passant devant une terrasse de café, elles observent quatre jeunes adultes buvant un verre et riant aux éclats. Deux ont la peau noire. Deux ont la peau blanche. Image d’espoir que la jeune génération réussisse à dépasser les clivages.

Encore des échanges sympathiques avec une agréable équipe de travailleurs ramassant des déchets dans la rue. Merci à tous les Sud-Africains qui depuis un mois que nous sommes arrivés, nous comblent de signes de sympathie, de marques d’affection, de cadeaux, de discussions instructives et passionnantes, d’invitations, de sourires, de pouces levés…