954 km parcourus du 26 octobre au 1er novembre 2021
86 928 km parcourus depuis le départ
Mardi 26 octobre 2021 :
La nuit en bivouac sauvage sur un terrain vague à Hazyview s’est bien passée. L’endroit n’est pas glamour, ce n’est pas beau, c’est pollué de déchets mais ça a juste l’avantage d’être pratique. Les voyageurs se reconnaîtront. Des fois, on a juste besoin de ça, même si ça ne fait pas rêver. Juste devant un poste de police, tout près du centre commercial où nous avons fait quelques courses hier, et surtout juste à côté du Parc national du Kruger vers lequel nous nous dirigeons aujourd’hui. Il s’agit de l’une des plus grandes réserves animalières d’Afrique, et l’un des plus grands sanctuaires sauvages du monde, et donc un safari au Kruger est pour nous une étape incontournable de notre voyage en Afrique du Sud.
Je ne sais pas trop comment m’y prendre pour écrire cet article que j’écris pour une fois avec beaucoup de retard tellement nous avons été occupés cette semaine. Une semaine de vacances pour Audrey, Anaïs et Victor. Du coup, comme d’ordinaire, je fais ce blog durant le temps de l’école, je suis vite débordé dès lors que je ne le fais pas au fur et à mesure. Surtout quand nos journées sont si bien remplies du matin au soir et si intenses par nos safaris quotidiens à la recherche des animaux sauvages du Parc national du Kruger. Nous en avons vu tellement que je ne peux vous les présenter par ordre où on les a vus. J’ai donc fait le choix de les regrouper par espèces et je vous les présenterai au fur et à mesure de cet article avec les plus belles photos prises durant nos 7 jours de safaris. Un choix de photos parmi 2760 clichés pas évident à faire tellement on a pu mitrailler avec notre appareil photo… Bon, il y a du déchet car j’en ai conservé 1000 et sélectionné comme dans chaque article environ 300.
Voici tout d’abord quelques mots de présentation. Le Parc national du Kruger a une histoire naturelle et culturelle riche qui remonte au début de l’humanité car les hommes préhistoriques ont parcouru la région il y a environ 100 000 à 500 000 ans de cela. Des habitations de l’âge de pierre (de 30 000 à 100 000 ans) ont été retrouvées. Des peintures et gravures sur rochers des Sans (tribu de chasseurs cueilleurs nomades) figurent aussi sur les sites. Mais ce n’est pas pour de l’archéologie que nous sommes venus découvrir ce parc de réputation mondiale. On ne va même pas avoir le droit de sortir de notre Tiny pendant 5 jours au risque de se faire dévorer par un fauve.
Et oui, nous sommes venus à la rencontre de la vie sauvage animalière dans ce qui est l’un des plus beaux parcs d’Afrique. La première réserve créée date de 1898, grâce à Paul Kruger, alors président de la République du Transvaal et grand amateur de chasse, qui était très soucieux de la diminution de la vie sauvage en raison du braconnage et du commerce croissant des peaux et de l’ivoire. Le Parc national du Kruger fut ouvert au public en 1927. Depuis 2002, le Kruger, le Gonarezhou National Park au Zimbabwe voisin et le Limpopo National Park du Mozambique voisin ont été regroupés afin de former l’immense Great Limpopo Transfrontalier Park. Le Kruger a été reconnu en tant que Réserve de biosphère par l’UNESCO en 2011.
Aujourd’hui, le parc abrite dans un environnement naturel protégé une faune d’une richesse et d’une diversité exceptionnelles. Environ 147 espèces de mammifères, 507 espèces d’oiseaux, 114 espèces de reptiles, 49 espèces de poissons, 34 espèces amphibiennes, 227 espèces de papillons.
De par son étendue géographique (60 km de large sur 350 km de long le long de la frontière du Mozambique), à la rencontre des provinces de Limpopo et de Mpumalanga, le Parc Kruger s’étend majestueusement sur la majeure partie Nord-Est du pays. Le Kruger abrite plusieurs types d’écosystèmes, chacun convenant à un groupe d’espèces spécifiques. Étendu sur 20 000 km², il est aussi grand que le Pays de Galle ou qu’Israël. D’une manière générale, les mammifères se répartissent dans tout le parc mais certains préfèrent certaines zones précises.
Mais le facteur chance est bien entendu déterminant dans l’observation des animaux. Globalement, en écrivant ces lignes à la fin de notre séjour dans le Kruger, on peut dire que deux autres facteurs ont contribué à voir autant d’animaux sauvages, la patience et la persévérance, à rouler très lentement des heures durant sur les bonnes routes asphaltées ou parfois sur des pistes usantes. Nous avons observé 27 espèces différentes de mammifères. Nous nous sommes pris au jeu de marquer chaque animal qu’on voyait et on arrive à un total d’environ 5300 animaux… A ce nombre de mammifères, il faut ajouter tous les oiseaux qu’on a pris plaisir à observer.
Nous nous sommes pris au jeu de débusquer les « Big Five » qui est une appellation originellement utilisée par les chasseurs en faisant référence à cinq des plus grands animaux sauvages d’Afrique ainsi qu’aux cinq plus dangereux à chasser. Aujourd’hui, les touristes avides de game drive ou de safari venant passer quelques jours dans le parc considèrent les Big Five comme les cinq animaux les plus intéressants à voir et nous avons eu cette chance deux fois durant notre séjour de voir tous ces animaux fascinants : l’éléphant, le léopard, le lion, le rhinocéros et le buffle. Nous avions déjà eu la chance de faire leur rencontre au Kenya en début d’année dans le Parc national du Masai Mara.
Revenons-en à notre première journée, mardi 26 octobre. Nous entrons dans le parc par l’un des neufs points d’accès, la porte de Phabeni au Sud-Ouest du parc. Pas besoin de payer ce parc qui est inclus dans notre Wildcard.
Notre game drive commence. Un véritable jeu auquel on va se laisser prendre pendant les 7 prochains jours. Le même jeu où on avait pris tant de plaisir à Etosha en Namibie pendant une dizaine de jours cumulés en deux séjours. La différence est qu’ici, près de 700 km de routes sont goudronnées sur les 2600 km de réseau routier total du parc. Et d’après nos amis nous ayant précédés, on en voit autant depuis les pistes que depuis les routes, et nous allons le vérifier.
Premiers kilomètres et nous avons la surprise de trouver des paysages calcinés. Des kilomètres carrés de végétation brûlée par des incendies maitrisés par les rangers et les pompiers du parc. Ces feux sont déclenchés volontairement par zones pour éviter un embrasement général du parc. Le premier animal qu’on voit est un éléphant mais la vision de celui-ci, avec ses défenses cassées, à la recherche d’herbe verte inexistante au milieu des cendres encore fumantes est un peu désolant.
Mais rapidement, c’est l’extase devant d’autres mammifères en pleine forme en train de se régaler des jeunes pousses vertes sur les arbres. C’est en effet le printemps ici. Nous sommes en fin de saison sèche, ce qui donne l’avantage que l’observation des animaux est facilitée car le feuillage n’est pas encore trop présent sur les arbres et les herbes folles ne sont pas trop hautes. Cependant, beaucoup de points d’eau et de rivières sont à sec et les animaux ne se rassemblent pas pour y boire comme c’était le cas à Etosha en Namibie, ce qui facilitait leur observation. On pouvait passer des heures posés à attendre que les animaux viennent à nous devant un waterhole (trou d’eau artificiel ou non). Ici, il nous faudra plus de chance pour les trouver.
83 girafes (environ 8300 au total dans le parc)
*le premier chiffre est le nombre de chaque espèce que nous avons vu au total dans le parc sur la semaine de safari et que je vais vous présenter dans ce blog*
C’est le plus haut mammifère du monde, entre 4 et 5 mètres. Les girafes, avec leur cou démesuré, sont les seules à pouvoir profiter des pousses les plus hautes, hors de portée pour toutes les autres espèces. On s’amuse à les voir enrouler avec leur longue langue les fines branches et tirer dessus pour ne récolter que les petites feuilles. Les mâles consomment environ 60 kg de végétaux par jour.
Une girafe pèse de 700 à 1400 kg ! Nous adorons leur motif en treillis, et le joli motif de taches irrégulières sombres séparées de bandes de couleur claire. Plus ou moins claire d’ailleurs selon les espèces. Ce sont les vieux mâles qui sont souvent les plus sombres. Les deux sexes portent une paire de cornes osseuses. Elles semblent marcher au ralenti avec leurs deux jambes du même côté qui avancent en même temps. Au galop, elle peut atteindre la vitesse de 60 km/h.
Nous voyons quelques girafons. A la naissance, ils pèsent déjà 100 kg et peuvent marcher dans l’heure suivant la naissance. Les femelles reviennent toujours au même endroit pour mettre bas.
Malheureusement, la girafe est souvent victime des lions et des hyènes mais aussi des léopards.
Nous restons sur l’asphalte sur la Doispane road (S1) jusqu’à Skukuza, puis nous longeons le lit de la rivière Sabie pendant quelques dizaines de kilomètres (S79) jusqu’à Lower Sabie. Ensuite, la route H4-2 nous mène à la porte de Crocodile Bridge juste avant la fermeture du parc duquel nous sortons.
8 hyènes tachetées (environ 5340 au total dans le parc)
C’est le long de cette rivière que nous voyons la quatrième hyène de la journée. L’allure est particulière avec les épaules plus hautes que la croupe. La robe jaune-fauve avec des taches brun-foncé, les oreilles arrondies et le museau noir sont caractéristiques de cette espèce. La hyène est un chasseur habile et agressif qui n’hésite pas à voler des proies aux autres prédateurs comme les lions. Elle aime manger les gazelles, les buffles et les zèbres.
12 lycaons (environ 120 au total dans le parc)
Le festival continu pour cette première journée intense en découvertes. Nous ne sommes dans le parc que depuis quelques heures et nous sommes très chanceux de pouvoir voir pour la première fois des lycaons. Et pas qu’un peu, pas moins d’une douzaine sur une population totale de 120 lycaons dans tout le parc du Kruger.
Avec son pelage brun jaune tacheté de noir et de blanc, son corps mince, ses pattes longues, sa queue à pointe blanche, ses grandes oreilles arrondies, son museau noir, le lycaon est le plus grand canidé d’Afrique. Il a une hauteur au garrot pouvant atteindre 80 cm. La population totale de cette espèce dans le monde est estimée à 6600 individus et on a la chance d’en avoir une meute de douze juste à côté de nous. La portée d’une femelle peut atteindre 19 petits qui naissent dans des terriers abandonnés par d’autres espèces.
Le taux de réussite à la chasse de ce chien sauvage est de 70%. C’est le taux le plus élevé de tous les grands carnivores. La chasse peut se poursuivre sur plusieurs kilomètres. Le lycaon peut même s’attaquer à un animal aussi gros que le buffle mais il affectionne particulièrement les gazelles comme les impalas.
Quelle chance d’avoir le confort de notre Tiny pour pouvoir prendre tout notre temps pour observer ces animaux autour d’un plat de sushis et d’une bouteille de Shiraz.
84 koudous (environ 13 800 au total dans le parc)
Un autre animal qu’on affectionne particulièrement est l’élégant koudou. On en a vu rien qu’aujourd’hui 37. Le koudou est une antilope si grande et si élégante avec ses très longues cornes torsadées pour le mâle. Elles mesurent en moyenne 120 cm ! Il est aussi reconnaissable avec sa crinière de poils longs sur le cou, ses 6 à 10 bandes verticales blanches sur les flancs gris-brun. Ses grandes oreilles arrondies sont aussi rigolotes. On les voit souvent en groupe de trois à une dizaine d’individus. Le troupeau classique est constitué de femelles et de leurs petits et d’un seul mâle adulte. Les mâles sont solitaires ou forment des groupes de célibataires.
Riche journée pour cette première découverte du Kruger où on a dénombré 20 espèces différentes de mammifères pour un cumul de 946 animaux comptabilisés ! Nous sortons du parc en franchissant la rivière Crocodile qui regorge d’hippopotames.
Nous avons rendez-vous à Komatipoort, la ville frontière avec le Mozambique, avec Gerhard, un Sud-Africain qu’on avait rencontré il y a quelques mois en Namibie. Nous n’étions malheureusement pas très disponibles à l’époque car nous étions en train de tenter de reconstituer le puzzle du bardage de notre Tiny suite à l’attaque barbare dont elle avait été victime par les babouins quelques minutes plus tôt. Seule Audrey avait échangé deux mots avec lui. Depuis, ils continuaient d’échanger régulièrement par WhatsApp et Gerhard suivait de près notre progression en Afrique du Sud tout en espérant qu’on répondrait à sa chaleureuse invitation qu’il ne cessait de nous renouveler. Gerhard habite vraiment à la frontière du parc, juste de l’autre côté de la rivière Crocodile. Nous arrivons chez lui, dans sa belle et luxueuse maison, et nous sommes à peine descendus de la Tiny qu’il nous offre des douceurs Lindt et des barres chocolatées pour les enfants. Il nous présente nos chambres où nous allons dormir car il ne souhaite pas qu’on dorme dans la Tiny.
Puis, avant la nuit, nous nous dirigeons vers un restaurant qui offre une vue panoramique sur le Parc national Kruger. Les lumières qu’on voit sont celles du poste frontière du Mozambique. Pas moyen d’inviter Gerhard, encore moins de payer notre part, il nous invite. OK, à charge de revanche demain soir alors ? OK me répond-il.
Mercredi 27 octobre 2021 :
Nous rentrons dans le parc de bonne heure ce matin pour profiter d’une belle journée dans le Sud-Ouest de celui-ci. Le temps est maussade et la lumière pas très belle pour sublimer les photos mais qu’importe, ces souvenirs d’animaux sauvages que nous débusquons au coin d’un buisson ou qui nous coupent la route juste sous notre nez resteront à jamais gravés dans nos mémoires. Nous sommes tous les 4 installés dans le poste de conduite. La place du milieu sur un tabouret pliant ajouté sur le frein à main n’est pas très confortable mais à tour de rôle, Audrey et les enfants se relaient. Cela nous permet de profiter pleinement de cette recherche des animaux. On n’a pas trop de huit yeux pour scruter les fourrés d’autant plus que les deux miens sont déjà bien occupés à conduire sur la piste, à éviter d’écraser les longs mille-pattes, à éviter de rouler sur les branches d’arbres arrachées et broyées par les pachydermes ainsi que de rouler dans les excréments d’éléphants qui sont sources de nourriture pour les insectes et qui regorgent de biodiversité. Et un caca d’éléphant, ça prend de la place sur la piste. Il me faut donc slalomer entre tout cela. Nous marquons des arrêts sans cesse pour photographier un animal. Nous faisons des marches arrière car on a cru voir un autre animal mais non, en fait, c’était une souche d’arbre…
233 gnous à queue noire (environ 9200 au total dans le parc)
Nous voyons aujourd’hui 85 gnous. Cet animal a une allure étrange avec ses épaules robustes et sa poitrine bien plus large que son arrière-train. Il a de longs poils noirs sous la gorge et une crinière de poils noirs à l’arrière du cou. Selon la lumière, ces gnous appelés aussi gnous bleus ont des reflets argentés. Un mâle territorial peut contrôler entre 2 et 150 femelles accompagnées de leurs petits. Les nouveau-nés, pesant 22 kg, peuvent suivre leur mère quelques minutes après la naissance.
La piste S25 est en état moyen mais correct pour une piste. Nous longeons la Crocodile River jusqu’à Berg-en-Dal où nous empruntons la Matjulu Loop. Nous faisons une petite boucle dans un décor un peu plus vallonné que les plaines traversées jusqu’à présent.
4 rhinocéros (environ 5 000 rhinocéros blancs et 350 rhinocéros noirs au total dans le parc), Big Five
C’est ici qu’on aperçoit notre premier rhinocéros dans ce parc. Il est loin et un peu caché dans la végétation mais nous sommes heureux car il viendra compléter en fin de journée notre Big Five. Celui-ci est un rhino blanc. C’est la première fois qu’on en voit un. On en a déjà vu des dizaines à Etosha mais ce n’était que des noirs. Bon, il est quand-même assez loin et on ne peut pas clairement distinguer si c’est un noir ou un blanc. C’est en montrant la photo à un passionné qu’on a pu savoir que c’était bien un blanc. Pour les trois autres, on n’a pas pu distinguer de quelle espèce il s’agissait.
L’un des plus grands mammifères d’Afrique peut mesurer plus de 4 mètres avec une hauteur au garrot de 1,60 mètre. Il est vraiment imposant car son poids peut dépasser une tonne. Ses cornes n’ont rien de rassurant non plus.
L’Afrique abrite deux types de rhinocéros : le noir et le blanc. Mais leur nom ne renvoie pas à leur couleur. On les distingue à la largeur de leur bouche et de leur museau et aussi à la présence d’une bosse sur le cou ou pas. Dotées de deux cornes sur le museau, les deux espèces font sensiblement la même taille d’environ 1,60 mètre au garrot, mais le blanc pèse deux fois plus lourd que le noir. Le rhino blanc qui est en réalité gris, broute et a une grande mâchoire large alors que le rhino noir a une mâchoire plus pointue et utilise sa lèvre supérieure pour paître. C’est un animal agressif. Les adultes solitaires ne se rencontrent qu’au moment de la reproduction et les petits naissent au terme d’une gestation de 15 à 16 mois. Ils pèsent de 35 à 50 kg et suivent leur mère dès l’âge de trois heures. Ils restent avec elle durant deux à trois ans, jusqu’à la naissance du petit suivant.
Il est plus facile de voir le rhino blanc car il préfère les espaces ouverts, alors que le rhino noir préfère passer son temps dans les fourrés. Les rhinocéros sont territoriaux. Ils marquent leur territoire en déféquant souvent aux mêmes endroits.
Malheureusement, le rhinocéros a subi des chutes catastrophiques de ses effectifs au cours des 3 dernières décennies. Même dans les zones protégées comme ici, le braconnage continue de sévir et la semaine passée, nous lisions encore dans la presse que des braconniers (parfois même des rangers) étaient arrêtés dans le Kruger.
Pour quelques kilomètres, nous retrouvons la douceur de l’enrobé sur la route H3 en direction du Nord, ce qui nous permet de rouler deux à trois fois plus vite (soit 40 km/h) pour rejoindre le départ d’une nouvelle piste qui nous fera rejoindre la porte du parc. Nous y voilà, nous bifurquons à droite sur la H5, une piste qui coupe le parc dans un triangle assez réputé pour observer des animaux. Mais pas de chance pour nous cet après-midi. Les animaux sont bien cachés dans la végétation plus épaisse. Aujourd’hui, on aura quand-même vu 16 espèces différentes pour un total de 1288 mammifères (le record de notre semaine dans le Kruger) ! C’est énorme mais parmi ces 1288 animaux, on a vu pas moins de 1035 impalas !
3457 impalas (environ 152 000 au total dans le parc)
C’est bien le mammifère qu’on va voir le plus cette semaine ! Il y en a partout, mais beaucoup moins dans le Nord du parc. Cette antilope est mignonne comme tout avec sa silhouette élancée, ses touffes de poils noirs au-dessus des sabots à l’arrière des pattes postérieures, ses grandes oreilles à pointe noire et ses lignes noires verticales sur chaque fesse blanche. Le mâle a de jolies et gracieuses cornes annelées en lyre. Les impalas sont rarement solitaires et vivent en troupeaux importants.
14 nyalas (environ 300 au total dans le parc)
Pour la première fois, on voit des nyalas. Les mâles sont de couleur gris ardoise avec de jolies cornes légèrement torsadées, une longue crinière sur le dos, une frange sous la gorge, des pattes brun-jaune, 8 à 14 bandes blanches verticales sur les flancs, une queue touffue. La femelle de couleur marron est plus petite, a jusqu’à 18 bandes verticales et n’a pas de corne. On dirait deux espèces différentes entre les deux sexes tellement ils sont différents.
341 éléphants de savane (environ 13 750 au total dans le parc), Big Five
C’est aussi la journée où on voit le plus d’éléphants de la semaine (88). Il y a environ 12 000 éléphants dans le parc du Kruger. C’est le plus grand mammifère terrestre vivant. Comment rester insensible et indifférent à la puissance et à la grâce singulière de cet animal ? A la puberté, les mâles quittent le troupeau et forment des petits groupes de célibataires. Un éléphant passe l’essentiel de sa journée à boire et à manger pour atteindre ses quantités quotidiennes nécessaires de 100 à 220 litres d’eau et 150 à 300 kg d’herbes. Mesurant de 2,50 à 4,50 mètres au garrot pour un poids de 2,8 à plus de 6 tonnes pour les plus gros mâles, il se déplace en moyenne à 6 km/h mais peut atteindre 40 km/h lorsqu’il est en colère ou effrayé. Cet animal très intelligent communique à distance avec ses semblables par infrasons qui peuvent porter à plusieurs kilomètres. Avec le temps, ses molaires s’érodent et sont remplacées par de nouvelles dents qu’il conserve jusqu’à l’âge de 60 ans. Une fois cette denture usée, il meurt de faim. Une grande partie des individus (50%) meure avant d’atteindre l’âge de 15 ans. Certains sont attaqués par les lions ou par les hyènes tachetées.
Au sein du troupeau de la même famille et de leurs petits, la prise de décision revient à la matriarche. Les mâles, généralement solitaires, accompagnent très rarement la troupe, ne la rejoignant qu’au moment de la reproduction. Les éléphanteaux (120 kg) qui naissent après 22 mois de gestation peuvent suivre leur congénère juste quelques jours après la naissance.
Tous ceux qu’on voit dans le parc ont leur paire de défenses présentes et quasiment intactes. Elles se développent tout au long de la vie du pachyderme. Les grandes oreilles servent à parader et à communiquer et permettent au sang qui y circule à travers de nombreux vaisseaux de se refroidir. L’animal intensifie ce refroidissement en aspergeant d’eau l’arrière de ses oreilles avec sa trompe. La principale menace pour les éléphants est la perte d’espace et d’habitat mais heureusement que ce genre de parc permet la conservation et la reproduction de ces animaux.
Nous sommes donc sur la piste de graviers et là, la galère commence. Une terrible tôle ondulée qui m’épuise, qui nous épuise, qui épuise la Tiny. On roule à 15 km/h pour ne pas prendre le risque de voir se disloquer notre maison. C’est usant. Mes pneus avant sont aussi un peu trop gonflés mais je ne peux descendre pour enlever de la pression. Plus ça va, moins ça va. La fatigue des heures de conduite accumulées aujourd’hui n’arrange rien. Le bruit métallique que nous commençons à entendre non plus. Nous le repérons au niveau du réservoir de gasoil. Je ne peux pas m’arrêter car il est formellement interdit de descendre du véhicule dans le parc pour ne pas finir croqué par un félin ou une hyène. Audrey prend le volant et conduit, pendant que je me couche à plat ventre sur le plancher au pied des sièges, en sortant la tête par la porte entrouverte et là, j’entends un bruit vraiment anormal. Pas le choix. Tant pis pour les lions à qui je vais peut-être servir de goûter mais il me faut voir si je ne suis pas en train de perdre le réservoir. Je descends furtivement constater les dégâts. Le réservoir principal tient bien en place mais je décèle une très importante fuite de gasoil au niveau de la réparation que j’avais faite il y a quelques semaines. Elle tenait bien jusque-là, mais la piste de cet après-midi en a eu raison. Je comprends mieux pourquoi ma jauge de carburant se rapproche du zéro plus vite que d’habitude, car vu la fuite, j’ai bien dû perdre 5 litres de gasoil. Je ne sais toujours pas d’où vient le bruit métallique. On verra ça plus tard. Je reprends le volant, scrutant et faisant la grimace à chaque ondulation de la piste, soit tous les 10 cm environ. Il reste plusieurs kilomètres de tôle ondulée avant de retrouver l’asphalte. Si on tombe en panne de gasoil ici, on aura bien un bidon de secours, mais il nous faudra sortir tous les deux avec Audrey pour le vider dans le réservoir, au risque de faire deux pupilles de la nation.
Finalement, exténués, nous arrivons sur la route H4-2. Ouf, la sortie du parc n’est plus qu’à une quinzaine de kilomètres. Et là, il se met à pleuvoir comme vache qui pisse, ou éléphant qui pisse, réduisant à néant mon espoir d’intervenir ce soir pour réparer cette fuite. Le problème est que nous avons déjà réservé et payé nos 4 prochaines nuits de camping à partir de demain. Il nous faut donc absolument reprendre la route demain matin au risque de devoir annuler notre traversée du Kruger du Sud vers le Nord que nous attendons depuis si longtemps.
Sur la réserve de carburant, nous arrivons comme hier soir chez Gerhard, bien occupé de son côté à finaliser son travail de la journée. Nous nous mettons avec Audrey, sous la pluie, éclairés par la torche du téléphone, à démonter le réservoir après avoir vidangé les quelques litres qu’il restait dedans. La fuite est très importante. Les deux trous qu’il y avait et qui étaient séparés de plusieurs centimètres se sont rejoints et le gasoil s’écoule par une fissure d’une quinzaine de centimètres. Je crains qu’il ne soit pas réparable. Mais Gerhard me rassure en appelant un de ses contacts. Le rendez-vous est pris pour demain matin dès 7 heures pour le réparer. Ouf.
Alors que nous proposons à Gerhard de l’inviter à notre tour au resto, il nous explique qu’il a tout acheté pour nous régaler ce soir d’un délicieux et copieux braai chez lui. Mais quelle gentillesse, quelle sens de l’hospitalité ces Sud-Africains !
Jeudi 28 octobre 2021 :
Gerhard m’emmène avec mon réservoir chez son mécano. Rapidement, il se met au travail et ressoude à l’oxygène-acétylène la tôle du réservoir.
Deux heures plus tard, nous voici de retour à la Tiny. Rapidement, je repose le réservoir. La réparation semble efficace et il n’y a plus de fuite. Je trouve également d’où vient le bruit d’hier. C’est un tuyau métallique de la mise à l’air du deuxième réservoir additionnel qui s’est dessoudé et qui tremble contre le châssis. Ce n’est pas grave car on ne se sert pas de ce deuxième réservoir déjà plus opérationnel depuis longtemps. Je consolide.
Nous sommes tristes mais déjà, nous devons dire au revoir à Gerhard avec qui nous avons passé peu de temps mais il fait partie de ces belles rencontres de notre cavale que nous n’oublierons pas. Et Gerhard fait aussi partie des personnes qu’on sait qu’on aura l’occasion de revoir un jour en France.
Nous prenons la route en fin de matinée et de nouveau un problème sur la Tiny. Un fusible qui commande entre autre le fonctionnement du tableau de bord claque trois fois en quelques kilomètres. Du coup, plus d’aiguilles, plus de jauge, plus de voyants de sécurité alors qu’on doit s’engager dans le Parc Kruger pour plusieurs centaines de kilomètres, sans aucune assistance mécanique. Rapidement, je diagnostique que c’est lorsque je mets la marche arrière que le fusible claque. Nous allons passer la journée à enlever le fusible à chaque marche arrière. Et des marches arrière, on en fait dans un safari, pour reculer sans cesse car on a cru voir un animal. Et je ne peux me permettre de rouler sans ce fusible car il commande aussi l’éclairage des voyants et des jauges du tableau de bord.
Nous décidons d’entrer quand même dans le parc. Depuis Crocodile Bridge, nous roulons vers Lower Sabie puis nous nous engageons pour un aller-retour sur la H4-1 le long de la rivière Sabie près de laquelle on a déjà vu plusieurs animaux.
212 hippopotames amphibies (environ 3100 au total dans le parc)
C’est là qu’on voit le plus d’hippopotames, l’un des animaux les plus dangereux d’Afrique car ses attaques sont souvent mortelles. Qu’ils sont impressionnants ces animaux en forme de tonneau, montés sur des pattes courtes et épaisses. Leur tête avec un large museau est vraiment massive. Quand ils sont dans l’eau, seuls sont visibles leurs yeux, leurs narines et leurs minuscules oreilles arrondies. On les voit également brouter les pâturages ou faire la sieste sur le sable ou dans la vase.
26 crocodiles (environ 4420 au total dans le parc)
C’est aussi le long de la rivière que nous voyons une vingtaine de crocodiles sortant juste leur gueule de l’eau ou bronzant au Soleil. Certains spécimens sont énormes. D’autres comme ce nouveau-né à côté duquel nous nous sommes retrouvés garés sans faire attention, sont tout aussi impressionnants.
12 lions (environ 1700 au total dans le parc), Big Five
Et là, le moment qui restera l’un des plus merveilleux arrive. Un bouchon de plusieurs voitures sur la route est bon signe. En général, quand il y a un attroupement, ce n’est pas pour rien. On se met dans la file et par chance, les voitures devant nous ne trainent pas et nous nous retrouvons en première ligne d’un spectacle, comment dire, un peu gênant. Les acteurs manquent de pudeur !
Incroyable de voir ce couple de lions en pleine action sur le bitume. Des voitures passent à un mètre d’eux et cela ne les perturbe même pas. Ils ne montrent aucun signe d’agressivité.
Quant à nous, nous sommes à trois ou quatre mètres d’eux. Et cela va durer deux heures ! Deux heures à les observer se reproduire durant environ une minute toutes les 15 à 20 minutes… Une femelle réceptive peut ainsi répéter jusqu’à 50 actes quotidiens. Quelle santé ! Je vous passe les détails et les différentes étapes que les spécialistes et amateurs reconnaitront sur les images suivantes. La phase où le mâle se retire de la lionne est impressionnante. Le lion a en effet des sortes d’épines à l’extrémité de son pénis qui ont pour fonction de stimuler l’ovulation de la femelle. L’acte est donc extrêmement douloureux pour la femelle mais certainement aussi pour le mâle vu les rugissements qu’émettent les deux fauves. Cela ne les empêche pas de recommencer après une petite sieste récupératrice.
Nous sommes vraiment aux premières loges en place VIP ! Nous pouvons admirer ces animaux de si près…
Allez à présent un petit mot sur le lion. Le roi des animaux, le redoutable prédateur, le carnivore le plus grand et le plus puissant d’Afrique, le plus imposant des trois grands félins d’Afrique, le célèbre chat au pelage brun roux nous fascine. Il est si fort qu’il peut porter deux fois son poids dans sa gueule. Les lions sont des animaux très sociaux et vivent en groupe pouvant atteindre 30 individus ou plus. Un lion peut manger l’équivalent du quart de son poids en un repas et peut rester des jours sans manger. Il vit jusqu’à l’âge de 14 ans. Les groupes comprennent des femelles de la même famille et leurs petits, et quelques mâles dominants. Chassant dès l’âge de deux ans, ils s’attaquent aux différents types de gazelles mais aussi aux buffles, aux girafes, aux phacochères, voire même aux hippopotames. Les femelles chassent en bande, encerclant un troupeau et isolant la proie la plus vulnérable, mais les mâles se nourrissent en priorité. Nous n’aurons pas le privilège d’assister à ce moment. L’attaque, courte et rapide, se termine par un puissant assaut meurtrier. La plupart des mâles restent dominants pendant deux ou trois ans et lorsque de nouveaux mâles prennent le contrôle du groupe, ils tuent généralement tous les lionceaux présents.
Les lionnes procréent dès leur deuxième année, donnant naissance à des portées d’un à quatre individus pesant seulement 1,5 kg au terme de 105 jours de gestation. Les femelles adultes d’un même groupe mettent bas en même temps. Elles élèvent leurs petits qui peuvent téter toute femelle du groupe. Mais la compétition pour la nourriture est féroce, plus des trois quarts des lionceaux meurent dans les deux ans suivant leur naissance.
Voici quelques photos des autres lions vus dans le parc.
Au bout de deux heures, nous devons partir car le parc va fermer dans dix minutes et il nous faut absolument avoir rejoint notre camping dans ce laps de temps. C’est à celui de Lower Sabie que nous passons notre première nuit. C’est en fait un zoo inversé ! Les humains rentrent en cage et l’immense espace du Kruger revient pour la nuit aux animaux en totale liberté. On adore cette sensation. J’ai d’ailleurs une confidence à vous faire. Plus jamais, nous ne pourrons visiter un zoo avec des animaux en cage après avoir eu la chance de voir depuis le début de notre cavale et en particulier sur le continent africain tous ces animaux en liberté. C’est une semi-liberté cependant car ce parc est clos mais le Kruger est gigantesque et a une superficie de deux millions d’hectares de nature sauvage !
Aujourd’hui, ce sont 13 espèces de mammifères qui nous ont régalés avec un total de 690 animaux.
Vendredi 29 octobre 2021 :
La réparation du réservoir de carburant a l’air de tenir mais je suis encore craintif quant à prendre des pistes de tôle ondulée dans le parc. Si cela venait à lâcher de nouveau, nous serions bien dans l’embarras car nous sommes à présent loin de tout réparateur et nous devrions faire appel à un dépannage et renoncer à la suite de notre découverte du Kruger. J’ai résolu temporairement mon problème de fusible en déconnectant le feu de marche arrière qui doit mettre en court-circuit le faisceau. Du coup, Audrey n’aura pas à enlever et remettre le fusible une vingtaine de fois dans la journée…
C’est avec sagesse pour une fois que nous renonçons à la piste et que nous envisageons la suite de notre parcours en restant sur la route asphaltée depuis laquelle nous continuons à chercher les animaux. Après tout, l’odeur du goudron n’a pas eu l’air de déranger les lions hier… Et puis sur les derniers jours, on a vu les plus beaux animaux depuis les routes et non depuis les pistes.
Nous roulons de bonne heure (pas d’école cette semaine) vers le Nord du parc par la route H10 puis H1-3. Une nouvelle fois, nous apprécions les paysages variant selon les endroits où nous roulons. Des espaces naturels d’une immensité sauvage offrant des panoramas grandioses : du veld arbustif, des étendues boisées, des prairies vierges, des forêts bordant les rivières… 336 espèces d’arbres et 2000 espèces de plantes dans le Kruger Park.
Le parc se compose de plusieurs écosystèmes. La région entre les rivières Olifants et Limpopo est la plus chaude et la plus aride du parc et la végétation est dominée par le mopane, le chigomier et le baobab. Au Sud-Est de la rivière Olifants, on trouve de nombreux acacias. Les précipitations y sont plus abondantes et la verdure a donc plus de capacité à se développer. Le Sud-Ouest de la rivière Olifants et jusqu’à la rivière Crocodile est recouvert d’herbes propices à l’alimentation des antilopes. La région entre les rivières Sabie et Crocodile est soumise à de plus fortes précipitations qui favorisent le développement du marula et du muninga. Enfin, l’extrême nord du parc Kruger est recouvert d’une forêt tropicale composée de baobab, d’ébène, de mahogany… Voici quelques photos des différents paysages qu’on voit cette semaine.
18 espèces de mammifères seront dénombrées aujourd’hui dont les Big Five ! Victor, bien patient, fait un petit trait sur sa feuille dès qu’on voit un nouveau mammifère. Pour ce quatrième jour dans le parc, il fera 715 traits !
Et un de ces traits concerne un des animaux le plus difficile à observer. On ne fera d’ailleurs qu’un deuxième trait dans la semaine sur la ligne de ce félin incroyable : le léopard. Malheureusement, on ne verra pas de guépards comme on avait eu la chance d’en voir au Kenya.
2 léopards (environ 1000 au total dans le parc), Big Five
Il n’est pas facile de voir les léopards car ils sont insaisissables et bien camouflés et surtout ce sont des animaux nocturnes. Les deux qu’on aura vus étaient comme souvent bien cachés dans la végétation mais on a eu la chance de les deviner grâce à d’autres voitures qui étaient déjà arrêtées en train de les observer aux jumelles. Quelle chance nous avons eue ! Mais rien ne remplacera ce moment magique au Masai Mara où on était resté une heure à deux mètres d’un léopard faisant sa sieste à l’ombre d’un fourré. C’est le prédateur terrestre le plus efficace avec ses muscles puissants, ses griffes acérées, ses canines solides et incurvées. Gracieux, élégant et agile, à la fourrure magnifiquement ornée de jaune-roux tacheté de noir, il mesure entre 70 cm et 90 cm au garrot. Le mâle peut peser jusqu’à 90 kg. Le léopard est un habile nageur et grimpeur. Il chasse furtivement en se rapprochant de sa proie avant de donner l’assaut en la prenant à la gorge et en l’étouffant entre ses griffes. Mais il n’engage pas de course à grande vitesse comme le guépard.
2 chacals à chabraque
Beaucoup moins féroces, nous avons aussi observé quelques chacals. On en a vu par dizaines dans d’autres parcs mais seulement deux ici. Ce carnivore d’une hauteur au garrot de 30 à 50 cm est assez craintif et ne se laisse guère approcher. Il est bien reconnaissable avec son allure de chien, le dessus de son dos foncé tacheté de blanc et ses grandes oreilles pointues. Sa face et ses flancs sont brun roussâtre. Sa gorge et sa poitrine sont blanches. Le chacal à chabraque enterre souvent des restes d’aliments dans des trous peu profonds pour les manger plus tard.
Les oiseaux du Kruger
On ne dénombre pas les oiseaux mais on tente de repérer et de trouver le nom de chaque nouvelle espèce. Et là encore, on se régale. Voici quelques-uns de plus beaux spécimens qu’on a vus et qu’on a réussis à photographier. Chose pas évidente car nous ne sommes pas des pros de la photographie animalière et surtout les oiseaux, c’est super difficile à immortaliser. On n’a pas le matériel approprié ni le talent de quelques-uns de nos amis photographes animaliers.
Nous dormons ce soir au camp de Satara. Ce sont des grands terrains de camping qu’on a dû réserver il y a plus d’un mois pour être sûr d’avoir de la place et encore on a un peu peiné à faire les réservations tellement ces campings sont demandés. C’est là que Max vient à notre rencontre. Lui aussi voyage autour du monde depuis un bon bout de temps et c’est fort agréable d’échanger sur nos expériences autour d’une petite bière.
Samedi 30 octobre 2021 :
Route toujours vers le Nord, toujours à une petite vitesse d’au maximum 40 km/h pour se laisser un maximum de chance de voir des animaux. Parfois des pointes à 50 km/h mais à cette vitesse là, ça va trop vite et notre regard n’a plus le temps de se poser partout.
90 cobes à croissants
Plus on monte, moins on voit d’impalas, ces petites gazelles qui sont un des mets préférés du roi des animaux. Mais aujourd’hui est la journée où on voit le plus de cobes à croissants. Plus de 40. De la famille des ongulés, il est assez reconnaissable avec son anneau blanc autour de la croupe. Il a un pelage assez grossier et deux belles cornes annelées d’environ 75 cm de longueur.
388 zèbres de Burchell (environ 28 000 au total dans le parc)
C’est aussi la journée où on voit le plus de zèbres (plus de 140). On adore aussi cet animal emblématique des plaines d’Afrique, avec sa longue crinière rayée de noir et de blanc suivant élégamment les rayures du cou. Cette sous-espèce est caractérisée par l’alternance de rayures sombres intercalées entre les rayures noires et blanches, contrairement au zèbre des plaines qu’on voyait en Afrique de l’Est. Assez sociables, on les voit souvent en groupe de plusieurs individus broutant la savane, mais aussi en compagnie des gnous, des impalas, des buffles. Ce n’est pas bon signe de les voir en compagnie des hyènes ou des lions.
1 zèbre des montagnes du Cap
Il n’a pas de raies intermédiaires comme son cousin décrit ci-dessus et ses pattes sont rayées jusqu’aux sabots. On dirait qu’il a mis 4 chaussettes. Il ne reste en Afrique qu’environ 1500 individus de cette espèce et on en a vu qu’un seul dans le parc. Il était d’ailleurs en compagnie d’un zèbre des plaines. On voit bien sur la photo leurs différents pelages.
Nous arrivons de bonne heure cet après-midi pour nous poser au camp de Letaba avec tout de même un total de 773 mammifères répertoriés aujourd’hui (à travers 11 espèces différentes). La fatigue accumulée durant ces heures de conduite enchainées ces derniers jours se fait un peu sentir. Il nous faut faire une pause. Il fait de plus 36°C à l’extérieur aujourd’hui et quelques degrés de plus dans la cabine où on n’arrive pas à avoir de l’air frais car on ne roule pas assez vite. Autant dire qu’Anaïs et Victor se font un plaisir de sauter dans la piscine du camping et de jouer avec Bastien et Thomas, deux enfants habitant l’île de Ré.
Un violent orage arrive subitement sur le camping ce soir mais pas de dégât.
Dimanche 31 octobre 2021 :
Nous quittons le camp toujours en direction du Nord du Kruger par la route H1-6.
85 babouins
Aujourd’hui ce sont les babouins qui se comptent par dizaines. Presque 70 nous coupent la route. Mais aucun ne s’attaque sauvagement à la Tiny.
28 grivets
63 phacochères (environ 4000 au total dans le parc)
Ces cochons sauvages sont tellement drôles quand ils courent la queue dressée à la verticale (les autres cochons africains courent avec la queue abaissée). Ils ont une longue crinière de longs crins sur le cou et sur le dos, des excroissances de peau sur la face ressemblant à des verrues et des longues canines qui forment des défenses recourbées vers le haut. Ils n’ont pas très fière allure ! Ils consomment les herbes et les racines en se mettant à genoux.
Route tranquille toujours en faisant des petites pauses où on passe tous les 4 à l’arrière pour observer un joli point de vue ou des animaux en ouvrant en grand les fenêtres, ou boire un petit café.
Encore une journée bien remplie avec 15 espèces différentes et 335 animaux comptés ! Le Nord du parc est moins peuplé que le Sud. C’est notre plus petite journée en nombre d’animaux vus.
Nuit au petit camp de brousse de Tsendze. Un tout petit camping intimiste, celui qu’on préfère, bien agréable car perdu au milieu du Kruger. Ce soir encore, à 18 heures, nous voici enfermés dans notre cage grillagée. Nous nous installons pour préparer ce blog et la suite de notre itinéraire en Afrique du Sud. Nous voyons des éléphants passer derrière le grillage le long du camp. Quel bonheur. Mais aussi quelques écureuils de Smith.
3 écureuils de Smith
Ce petit écureuil de brousse se déplace au sol à la quête de nourriture. Sa fourrure varie de gris clair à marron, sa poitrine de jaune à chamois. Son ventre est blanc.
2 mangoustes fines et 12 mangoustes naines
Dans le même gabarit, nous voyons aussi dans le parc quelques mangoustes.
Échange sympathique avec nos voisins sud-africains qui nous offrent des gâteaux, du coca, des chocolats, des gâteaux apéros… Anaïs qui part les remercier revient avec des koek sisters, des petites douceurs fourrées au miel. Audrey leur confectionne un pain pour leur petit déjeuner.
La nuit est tombée dès 18h15. Après notre dîner, nous partons marcher avec la torche pour éclairer la clôture du camp. Il n’y a pas d’électricité dans ce campsite. Quelle sensation magique de se sentir au milieu de cet immense parc ! Pas de lumières mises à part celles des Sud-Africains toujours accrocs au braai qui éclairent leurs emplacements. Mais nous ne voyons aucun animal de l’autre côté de la clôture. On aurait bien espéré voir un porc-épic mais non. Au lit de bonne heure car nous sommes fatigués de nos longues journées dans le Kruger. De plus, elles commencent de bonne heure car le Soleil se lève dès 5 heures du matin et la lumière nous réveille dans la Tiny. Mais bon, on n’a que ça comme problème.
Lundi 1er novembre 2021 :
Dernier réveil dans le parc. Nous partons pour notre dernière journée tenter de débusquer les animaux dans la végétation. Sans se lasser, nous continuons patiemment à inspecter le haut des arbres pour voir si un léopard n’est pas en train de faire la sieste sur une branche. Nous scrutons aussi le pied des arbres et des arbustes où les animaux cherchent de l’ombre car le Soleil tape fort aujourd’hui. Encore 35°C et demain 7°C de plus sont annoncés !
La route H1-6 puis H1-7 est toujours en parfait état mais nous prenons toujours notre temps pour nous laisser le maximum de chance de voir le maximum d’animaux.
101 buffles du Cap (environ 37 000 au total dans le parc), Big Five
Aujourd’hui est notre record en comptage de buffles, le cinquième animal qui vient compléter notre Big Five. Ces créatures grandes et puissantes sont extrêmement dangereuses lorsqu’elles sont menacées. Ils atteignent 1,40 mètre de haut et peuvent peser jusqu’à 700 kg. Ils sont vraiment impressionnants et n’ont rien de rassurant avec leur carrure massive bien qu’ils aient de courtes pattes. Leurs cornes noires et leur peau grise anthracite renforcent cette sensation de puissance. Même les lions les traitent avec respect. Si les lions jettent leur dévolu sur un buffle, ils doivent s’y mettre à plusieurs pour en venir à bout.
Ils sont sociaux et forment des troupeaux comprenant parfois des centaines de buffles, principalement des femelles et leurs petits. Les jeunes mâles se réunissent entre eux et les plus vieux buffles sont solitaires. Ils ont tendance à vivre près de l’eau dans des zones d’herbes mais on peut les trouver dans d’autres types de végétation. Après 11 mois de gestation, les femelles cachent leurs petits de 40 kg dans les fourrés, jusqu’à ce qu’ils soient capables d’être au milieu du troupeau, où ils sont protégés par les adultes qui les entourent. Les bébés marchent quelques heures après la naissance. Deux ans plus tard, les jeunes mâles quittent leur mère et rejoignent des groupes de célibataires plus âgés.
28 raciphères champêtres (steenbok)
Voici une toute petite antilope très élégante de 50 cm de hauteur au garrot assez farouche avec des toutes petites cornes verticales et lisses de 9 cm pour le mâle. Les oreilles sont assez grandes par rapport à la taille de la tête, le ventre est blanc et le reste du corps brun-fauve.
3 oréotragues
Cette toute petite gazelle ne mesure que 60 cm au garrot, et le poids du mâle n’est que de 10 kg alors que celui de la femelle est d’environ 13 kg. Seuls les mâles possèdent des cornes droites de 8 cm en moyenne. Cette petite antilope très agile est perchée sur des petits sabots très pointus adaptés aux parois rocheuses.
tortues
des bousiers
On voit quelques bousiers sur la route, ces insectes qui poussent les crottes d’éléphants dans leurs terriers.
1 topi (sassabi)
Ils ont la silhouette du bubale. Leurs épaules sont plus hautes que la croupe. Ils ont un blason sombre sur le front. Leur tête est allongée. Ils sont de couleur brun-roux foncé avec des taches sombres. Leurs cornes de 34 cm sont légèrement en lyre. Les jeunes mâles forment des groupes de célibataires avant de pouvoir établir leur propre territoire et de former un harem. Le nouveau-né d’une dizaine de kilos suit également sa mère peu après sa naissance.
Cette dernière journée nous a permis de voir 553 animaux différents (15 espèces de mammifères).
Voilà, nous en avons fini avec le Kruger duquel nous sortons en ce lundi 1er novembre 2021 par la Porte Punda Maria. Nous avons roulé 875 km dans le parc ! Nous arrivons à un cumul de 5300 animaux (27 espèces de mammifères différentes) tout rond sur nos 7 jours de safaris.
26-oct | 27-oct | 28-oct | 29-oct | 30-oct | 31-oct | 01-nov | vus | ||
1 | impala | 665 | 1035 | 512 | 370 | 449 | 166 | 260 | 3457 |
2 | zèbre des plaines | 17 | 7 | 9 | 81 | 142 | 10 | 122 | 388 |
3 | éléphant | 17 | 88 | 33 | 70 | 46 | 26 | 61 | 341 |
4 | gnou | 12 | 85 | 1 | 69 | 60 | 5 | 1 | 233 |
5 | hippo | 75 | 13 | 96 | 7 | 15 | 6 | 212 | |
6 | buffle | 16 | 3 | 4 | 13 | 21 | 44 | 101 | |
7 | cobe à croissants | 1 | 14 | 41 | 11 | 23 | 90 | ||
8 | babouin | 5 | 10 | 68 | 2 | 85 | |||
9 | koudou | 37 | 3 | 12 | 25 | 2 | 1 | 4 | 84 |
10 | girafe | 25 | 17 | 11 | 13 | 8 | 9 | 83 | |
11 | phacochère | 18 | 6 | 6 | 17 | 2 | 4 | 10 | 63 |
12 | grivet | 9 | 12 | 3 | 2 | 2 | 28 | ||
13 | raciphère | 2 | 6 | 1 | 14 | 4 | 3 | 30 | |
14 | crocodile | 21 | 1 | 4 | 26 | ||||
15 | nyala | 1 | 5 | 8 | 14 | ||||
16 | lion | 1 | 6 | 5 | 12 | ||||
17 | lycaon | 12 | 12 | ||||||
18 | mangouste naine | 12 | 12 | ||||||
19 | hyène | 4 | 2 | 1 | 1 | 8 | |||
20 | écureuil | 3 | 3 | 6 | |||||
21 | rhino | 3 | 1 | 4 | |||||
22 | oréotrague | 3 | 3 | ||||||
23 | chacal | 2 | 2 | ||||||
24 | léopard | 1 | 1 | 2 | |||||
25 | mangouste fine | 1 | 1 | 2 | |||||
26 | zèbre des montagnes | 1 | 1 | ||||||
27 | topi | 1 | 1 | ||||||
946 | 1288 | 690 | 715 | 773 | 335 | 553 | 5300 |
Bravo mon grand Victor pour ta patience et tes 5300 petits traits…
Je laisse à présent le clavier à ma chérie qui va vous raconter notre merveilleuse rencontre :
Nous sortons du parc la tête pleine d’images inoubliables. Les kilomètres s’enchaînent. Nous traversons des petits villages, bouillonnants de vie. C’est une autre Afrique du Sud qui s’offre à nous. On retrouve les marchands de fruits et légumes sur les bords des routes, les écoliers qui nous saluent en riant, les femmes portant des charges diverses sur la tête, les boutiques faites de bric et de broc, les pouces levés à notre passage, les déchets s’éparpillant un peu partout, les vaches et les chèvres errant dans les fossés, les éclats de rire sonore devant notre maison roulante qui surprend et qui amuse.
La fatigue commence à se faire sentir et il est temps de trouver un bivouac. A Saselamani, nous nous engageons dans une rue en terre, et nous arrêtons devant une maison devant laquelle sont assises trois femmes et des enfants. Je descends pour expliquer qui nous sommes et demander s’il serait possible de se garer devant leur maison. La jeune femme ne comprend tout d’abord pas pourquoi, elle souhaiterait pour nous un meilleur endroit. Finalement, quand je lui explique que cet endroit serait parfait, que c’est l’occasion pour nous de rencontrer des gens, d’échanger, son visage s’illumine. Nous sommes les bienvenus. Immédiatement, Anaïs et Victor sortent jongler et faire du diabolo avec les enfants. Anaïs confectionne des oiseaux et des papillons en origami devant les yeux admiratifs de nos jeunes hôtes.
Nous sommes dans une communauté Tsonga, l’une des neuf ethnies noires d’Afrique du Sud. L’anglais étant appris à l’école mais pas la langue parlée au quotidien, seuls les enfants à partir d’une dizaine d’années et Tiyi, la jeune femme qui nous a accueillis, le parlent couramment. Dans cette famille vivent cinq générations. L’arrière-grand-mère, qui a atteint l’âge honorable de 100 ans, est allongée sur une couverture sur la terrasse. Quand plus tard dans l’après-midi, nous lui demandons si elle accepte que nous la prenions en photo, elle s’assoit et pose fièrement, parée d’une multitude de bracelets et de colliers. Elle porte également une sorte de foulard avec un logo de l’ANC, le parti politique hérité de Nelson Mandela. La grand-mère va et vient dans la cour, nous gratifiant de nombreux sourires.
Tiyi nous montre les poudres et plantes que sa grand-mère utilise pour soigner les gens. C’est une guérisseuse traditionnelle, mêlant usage de plantes du bush et prières. Elle sait interpréter les rêves. Mais Tiyi, tout en m’expliquant cela, prend beaucoup de distance. Fervente chrétienne, elle n’y croit pas beaucoup, aux méthodes ancestrales de guérison qui font appel à d’autres croyances religieuses.
Pendant que nous discutons à l’ombre d’un manguier, la mère de Tiyi, qui comprend et parle un peu anglais, tape sur des canettes pour les aplatir. Quelques sous seront ainsi gagnés en revendant l’aluminium à des filières de recyclage.
Tiyi a 31 ans. Elle a vécu quelques années à Johannesburg avec le papa de ses deux filles. Mais, séparée depuis un an, elle est revenue vivre dans ce village, avec sa famille. Ici, elle se sent plus heureuse. Elle me montre avec fierté leur terrain. Quelques poules, chèvres et vaches leurs apportent des œufs et de la viande. Tiyi fait la grimace quand je lui dis que nous utilisons en France le lait de chèvre pour faire des fromages. Elle se demande comment c’est possible car ça sent vraiment trop mauvais ! Dans le jardin poussent des manguiers, des avocats, du raisin, des orangers, des bananiers. Bientôt il sera temps de planter le maïs, qui sera transformé en farine pour la fabrication du pap, qui est semblable à la polenta, base de l’alimentation quotidienne pour la majorité des gens. Déjà, au Kenya, nous mangions ce même plat, sous le nom d’ugali. « Tu vois, ici, on a tout ce qu’il nous faut », me dit Tiyi avec fierté.
Comme les autres femmes de la famille, elle n’a pas de travail. Mais alors que nous discutons, un jeune homme lui tend un billet par-dessus le grillage. Elle s’empresse d’aller lui chercher un flacon dans sa maison. Elle est heureuse de son petit « business » qui lui permet de gagner quelques sous : elle achète à la ville des flacons de parfum et de lotions hydratantes qu’elle revend ici, en se faisant une petite marge. Trois autres jeunes enfants vivent ici. Ce sont les enfants de sa sœur, vivant à Johannesburg et qui ne peut les garder avec elle. Un seul homme est présent dans cette famille : le frère de sa mère, qui n’est pas marié. Il s’occupe des animaux et vit dans une des deux maisons de forme traditionnelle tandis que les femmes et les enfants occupent la grande maison.
Dans cette communauté Tsonga, malgré la construction de cette grande maison, des modes de vie traditionnels subsistent. La cuisine est dans une maison à part. On y fait un feu de bois pour cuisiner, les murs sont noirs de suie, la fumée pique les yeux. On trouve aussi deux maisonnettes de forme traditionnelle, l’une occupée par l’oncle, l’autre utilisée pour stocker du matériel et pour recevoir les gens avec lesquels la grand-mère pratique la médecine traditionnelle. Traditionnellement, ces cases en murs de terre et au toit de chaume sont rondes. Quand les propriétaires ont un peu plus d’argent, les murs sont en briques, d’où la forme octogonale. Les toits sont alors en tôle ou même en tuiles. Il n’y a pas l’eau courante dans la maison, mais un robinet dans le jardin permet d’avoir l’eau nécessaire sans aller très loin.
Une voiture arrive, de laquelle descendent trois des tantes de Tiyi, appelées par sa maman. Elles viennent nous rencontrer : la présence d’une famille blanche est un évènement ! Nous nous prêtons aux jeux des photos, faisons visiter notre petite maison. La tante de Tiyi a une belle énergie et nous fait beaucoup rire. Elle embarquerait bien avec nous, en tant que seconde épouse de mon chéri ! D’ailleurs, ici, la polygamie est pratiquée, même si les jeunes femmes comme Tiyi sont farouchement contre. Une telle situation semble inenvisageable pour elle. Elle me parle du chef du village, mort depuis peu, qui aurait eu 22 épouses. Sa grand-mère, quant-à elle, était la seconde épouse de son grand-père décédé.
De retour dans la cour, Tiyi sort du pain et un plat à base de haricots blancs et de pommes de terre. Il est 15h00. Elle m’explique qu’elle a toujours faim, qu’il n’y a pas vraiment d’heure pour manger. Sa dynamique tante me dit en plaisantant que ce serait chouette que je leur cuisine un petit plat. Sous son regard joyeux et étonné, je la prends au mot. Direction ma petite cuisine dans ma petite maison où me suit Tiyi. Je cuisine un dahl, avec des ingrédients qu’elle connait (des oignons, de l’ail, des tomates, des carottes), et des ingrédients qu’elle ne connait pas et qui l’intrigue (lentilles roses, lait de coco, épices de garam masala). Une demi-heure plus tard, tout le monde est assis dans la cour pour déguster mon petit plat, à grand renfort de mimiques et d’exclamations devant ce plat « so delicious ».
Puis, alors que son oncle est installé dans la Tiny à côté de Sylvain pour regarder le livre des animaux d’Afrique, que les tantes repartent et que les enfants continuent de jouer ensemble, Tiyi me propose de faire le tour du village. Clairement, elle a grand plaisir à « parader » avec la Blanche qui est venue chez elle ! Elle s’amuse des coups de klaxon et des grands signes de la main amicaux, liés d’après elle au fait que les Blancs ne se promènent pas dans ce village habituellement. Si les rues ne sont pas particulièrement propres, les propriétés clôturées sont bien entretenues. En plus de l’habitation principale, on retrouve l’emplacement pour la cuisine et une ou deux cases traditionnelles. Les gamins jouent dans la rue. De jeunes ados ont récupéré une vieille voiture et c’est dans un joyeux brouhaha qu’une dizaine d’enfants poussent l’engin roulant dans la rue. Des tables sont installées avec des représentants des différents partis politiques. L’école, en ce lundi exceptionnellement férié, est fermée car ce sont les élections locales en Afrique du Sud et les classes sont occupées pour le vote. Tiyi m’apprend à dire bonjour en langue tsonga « minjhani », et malicieusement, me donne un petit coup de coude à chaque personne croisée pour que je n’oublie pas de prononcer ce petit mot qui provoque des sourires immenses. A chacune de ses voisines, elle raconte avec fierté que je viens de France, que je voyage autour du monde et que maintenant, je suis chez elle ! Je ne comprends pas le tsonga, mais je perçois le mot « dahl ». Bon, ce petit plat a vraiment fait plaisir.
De retour à la maison, elle me dit que ce soir, nous sommes invités à manger chez elle. La nuit est tombée. Je m’assois avec elle dans la pièce principale. Sa mère et sa grand-mère sont assises sur le canapé devant une série à l’eau de rose indienne, doublée en anglais. Elles ne comprennent pas ou très peu l’anglais, mais de toutes façons, aucune série ou émission télévisée n’est doublée en langue tsonga. Elles sont contentes quand il y a un film en langue zoulou (le zoulou et le xhosa sont les deux langues des ethnies noires majoritaires) car c’est suffisamment proche du tsonga pour qu’elles comprennent le sens global. Pendant ce temps, les enfants ramènent des seaux d’eau qui a été chauffée sur le feu de bois dans la cuisine à l’extérieur. C’est l’heure du bain dans de grandes bassines qu’ils installent dans une des chambres. Pendant ce temps, Tiyi répond aux nombreux messages de ses amies intriguées par les photos de nous qu’elle a déjà postées sur Facebook. J’ai même au téléphone sa sœur qui habite à Johannesburg.
La toilette des enfants terminée, Sylvain, Anaïs et Victor nous rejoignent pour le repas. La maman a cuisiné une énorme quantité de pap qu’elle a conservé au chaud dans une glacière. Elle nous en sert une grosse portion qu’elle accompagne de feuilles de kale (sorte de blettes), cuites dans un liquide gluant. Le tout se mange à la main. On est beaucoup moins doués qu’eux. Ça nous glisse entre les doigts. Finalement, tant bien que mal, on vient à bout de notre assiette. On est calé pour la nuit.
Il est l’heure d’aller se coucher car demain matin, les enfants partent dès 7h00 à l’école. Nous retrouvons notre petite cabane. Après avoir été accueillis si chaleureusement dans des familles blanches anglophones et afrikaners, c’est la première fois que nous pénétrons en Afrique du Sud dans une famille d’une ethnie noire. Nous en sommes d’autant plus heureux que nous pensions que ces rencontres seraient difficilement possibles dans ce pays à l’Histoire si tourmentée. Malgré les recommandations de Tiyi de nous enfermer dans notre cabane pour notre sécurité, nous gardons les fenêtres ouvertes car il fait encore très chaud. Nous nous endormons dans cette rue paisible, heureux de cette belle rencontre et de cet accueil si enthousiaste.