Jeudi 25 novembre 2021 :

Après notre extraordinaire voyage en terre inconnue dans le Cirque de Mafate que je vous ai raconté dans les deux derniers articles, nous sommes arrivés hier soir chez nos amis Alexandra et François, à Saint-Pierre dans le Sud-Ouest de l’île de La Réunion.

Ce matin, nous partons pour traverser l’île du Sud-Ouest vers l’Est pour récupérer notre voiture de location. Nous disons au revoir à Alex et François ainsi qu’à Pauline et Thierry qui rentrent en métropole demain et que nous avons hâte de retrouver autour d’une assiette de mogettes en Vendée.

Le Car Jaune qui est vraiment un moyen pratique et économique pour se déplacer sur l’île nous emmène en deux heures à notre destination finale en traversant par l’unique axe transversal de l’île, la Route des Plaines, passant entre les cirques et le volcan par des villages créoles. 58 kilomètres en serpentant par les Hautes Plaines et le Col de Bellevue culminant à 1630 mètres d’altitude. Les panoramas, malgré le brouillard, paraissent superbes mais nous aurons l’occasion d’y revenir en voiture et de prendre notre temps pour visiter et photographier ces paysages rappelant certains pâturages alpins. A ce changement d’altitude correspond un changement de climat dont profite la végétation. Les fougères arborescentes nous rappellent les illustrations de la Préhistoire. On traverse successivement des champs de canne à sucre puis des forêts sur les coteaux montagneux pour atteindre, cerclées de pitons volcaniques, les hautes plaines dénudées. De là, la route chemine vers le littoral Sud-Est. Mais elle chemine tellement que nos enfants ne sont pas loin de remplir les sacs à vomi. Arrivés à Saint-Benoît où nous avons une correspondance pour prendre un autre car vers Saint-André plus au Nord, je laisse finalement le reste de la famille des Mollalpagas trop barbouillée sur le quai de la gare routière et je file seul chez le loueur. Pas facile de louer une voiture sur l’île, surtout en ce moment où le tourisme a repris à fond avec la réouverture des frontières et la levée des contraintes sanitaires. Les loueurs nationaux de renommée louent à prix d’or les rares voitures qui leur restent. Les plus petits loueurs ont un choix limité, avec des véhicules plus anciens mais bon, même en réservant il y a plus d’un mois, on a dû se replier sur ce choix d’un petit loueur.

Je récupère une 308 un peu usée en attendant de récupérer un véhicule plus récent dans quelques jours chez le même loueur. Ça fait bizarre de reconduire une voiture, ce que je n’ai pas fait depuis bientôt un an ! Ça fait surtout bizarre de conduire à droite, ce que je n’ai pas fait depuis aussi bientôt un an ! Et je me fais peur à plusieurs reprises car instinctivement, je choisis la mauvaise voie de circulation et j’ai envie de prendre les ronds-points du mauvais côté, ce qui peut poser problème. Il faut se réhabituer : en France il y a des radars automatiques et un permis à points ! Par contre, c’est cool de ne pas avoir le stress de tomber en panne et de chercher un moyen de s’en sortir comme nous l’avons quand-même fait assez régulièrement dans notre cavale au volant de notre Tiny.

Je récupère Audrey et les enfants et nous filons au supermarché Leclerc pour faire un plein alimentaire. Je vous avoue qu’on craque un peu sur certains produits qu’on achète par gourmandise. Même si les prix sont plus chers qu’en métropole, on pensait que les écarts de prix étaient plus importants que cela. La majorité des produits sont en effet importés sur l’île mais on arrive à trouver quelques produits locaux, y compris en laitage.

On sort du magasin sous de grosses gouttes de pluie. Je démarre. Ah ben non, je ne démarre pas. Je disais quoi deux paragraphes plus haut ? La batterie de la voiture est à plat. Ah ben non, on a juste roulé 10 km… Je cherche à joindre les deux contacts que j’ai chez le loueur qui évidemment ne sont pas joignables. Par chance, nous sommes garés juste devant un garage Midas qui en quelques minutes me remplace la batterie. Pendant ce temps, Audrey et les enfants sont heureux d’aller flâner à la FNAC voisine. Si je n’allais pas les chercher, je crois qu’ils y seraient encore. Nous achetons quelques guides touristiques sur La Réunion.

En route à présent vers l’appartement AirBnb que nous avons loué pour les 5 prochaines nuits. Comme d’habitude, nous nous sommes fiés aux commentaires laissés par les précédents locataires. C’est donc sans aucune crainte que nous y allons. Mais alors que d’ordinaire, c’est la propriétaire Geneviève qui fait l’accueil, nous sommes accueillis par son mari Gérard, un monsieur désagréable, râleur, qui nous aboie dessus à chaque consigne qu’il donne sur l’équipement de la location, qui multiplie des remarques racistes… Oui tout ça, ça existe en une seule personne. Nous ne manquons pas de lui faire part notre mécontentement. Heureusement, l’appartement est bien conforme à l’annonce et plus que confortable, propre et bien équipé. Mais nous sommes quand-même consternés par cet accueil. Nous posons nos valises. Que ça nous fait bizarre d’emménager dans un appart’ de 70 m² doublé d’un rez-de-chaussée de la même superficie ! On se cherche. Les couloirs et les pas nous semblent interminables entre deux pièces. Une télé oui, avec des centaines de chaînes même, mais les enfants n’ont même pas le réflexe de vouloir l’allumer et préfèrent ouvrir un bel ouvrage qu’on vient d’acheter sur l’île de La Réunion pour s’intéresser à son Histoire, ses traditions, sa géographie, sa culture, son habitat…

Geneviève, la proprio, vient frapper à la porte et se confondre en excuses de ne pas avoir été là pour nous accueillir. Elle nous offre un saladier de chips de bananes qu’elle vient de faire pour nous. Elle est adorable.

Vendredi 26 novembre 2021 :

Qu’elle a été bonne cette nuit dans un bon lit ! Mais c’est presque trop de confort cet appartement pour nous qui nous sommes habitués à vivre avec si peu de choses matérielles depuis plus de trois ans. Geneviève nous offre cette fois une salade de bananes et de papayes qu’elle vient juste de cueillir ce matin dans son jardin luxuriant.

Aujourd’hui est prévue la reprise de l’école après ces belles vacances que nous venons de passer. Mais déjà avant notre séjour dans Mafate, il y avait eu quelques jours sans école en Afrique du Sud entre la préparation des bagages et le voyage. Bref, plus de 10 consécutifs, il est temps de s’y remettre.

Mais sur l’île de La Réunion, surtout à la période où nous arrivons, il faut jouer avec la météo. Et la météo sur l’île, on va vite apprendre ici que c’est une science encore moins exacte qu’ailleurs. Nous décidons aujourd’hui de repousser l’école à cet après-midi et de profiter de quelques éclaircies ce matin. Nous sommes dans le secteur le plus arrosé de l’île.

Nous partons en voiture, pour aller au début d’un sentier qui va nous permettre de découvrir deux belles cascades. Mais arrivés sur place au Bassin La Paix, nous découvrons que son accès est désormais interdit pour des raisons de sécurité. On ne devine que quelques chutes d’eau en amont du bassin mais pas la grosse cascade qui se déverse dedans.

Tant pis, nous prenons le sentier qui mène vers d’autres cascades. Après avoir traversé quelques plantations de canne à sucre, nous passons dans une forêt tropicale à la végétation très dense. Le taux d’humidité est très important et nous en souffrons d’autant plus que la température est déjà élevée. On sue à grosses gouttes. Nous surplombons la Rivière des Roches qui s’écoule dans la cascade du Bassin Jeunesse.

Puis un peu plus loin, c’est le superbe Bassin La Mer alimenté par la même rivière mais aussi par une autre cascade du nom de Grand Bras.

Retour de cette petite et agréable marche de 4 km avec 160 mètres de dénivelé positif. Nous reprenons la voiture et nous rendons sur le littoral de Saint-Benoît à l’endroit où fut construite et inaugurée en 1882 la première ligne de chemin de fer réunionnais. Essentiellement empruntée pour le transport de canne à sucre, la vocation de cette ligne consistait à desservir les terres agricoles et les grandes villes côtières. Longue de 126 km reliant Saint-Benoît à Saint-Pierre par le Nord de l’île, les rails ne sont écartés que de 1 mètre au lieu de 1,40 mètre en métropole, pour répondre à un relief plus accidenté. Durant les campagnes sucrières, des convois transportaient les productions des usines de Sainte-Rose plus au Sud jusqu’à Saint- Benoît avant de prendre le train sur la « Ligne au vent » vers le port de la Pointe des Galets. Cette ligne a aussi rendu les habitants plus mobiles. Mais elle a été concurrencée par le développement de l’automobile et l’arrivée de l’autocar en 1911 desservant les Hauts. Elle a disparu en 1962. Nous découvrons la belle plage de sable noir à la Pointe du Bourbier.

Retour chez nous. Pas de bivouac à chercher ce soir. On rentre à la maison. Ça nous fait quand-même bizarre de retrouver une vie de sédentaire. Une si grande maison qui nous confirme qu’on ne sera dans l’avenir définitivement pas plus heureux à vivre dans autant de mètres carrés. La télé reste éteinte. Victor a tenté de zapper mais ça n’a duré que 3 minutes et demi et il a fini par dire « c’est nul »… Anaïs ne s’est même pas posé la question.

Puis, nous nous mettons tout l’après-midi à l’école et à l’écriture des deux derniers articles de blog consacrés à notre séjour dans le Cirque de Mafate.

Samedi 27 novembre 2021 :

Ce matin, Geneviève la proprio nous apporte des bananes fraichement cueillies. Quel accueil. Elle est adorable. On ne voit plus son mari et on ne s’en porte pas plus mal.

Nous partons, une nouvelle fois le matin pour randonner. La météo était annoncée mauvaise mais finalement il ne pleut pas, enfin pas pour l’instant. Nous roulons vers le site du Barrage de Takamaka à une petite heure de route. Ce n’est pas si loin mais la route de montagne qui nous fait prendre quelques centaines de mètres de dénivelé ne nous permet pas une progression rapide. Arrivés sur place à 763 mètres d’altitude, il fait beau. Du coup, en bon touriste zoreil fraichement débarqué sur l’île, nous partons sans nos vêtements de pluie. Du belvédère, vue majestueuse sur les montagnes. Je vous avais parlé dans le précédent article de la formation des trois cirques (Mafate, Salazie, et Cilaos) autour du Piton des Neiges suite à l’effondrement de ce dernier. En fait, il y avait un quatrième cirque. Il y a environ 200 000 ans, l’érosion avait creusé conjointement au Cirque de Salazie, un quatrième cirque au niveau de Bébour. Ainsi, de l’endroit où nous nous trouvons aujourd’hui, la vallée s’élargissait en un vaste cirque profond de 1500 mètres en moyenne. C’est alors que l’activité volcanique reprit. De 200 000 ans à 20 000 ans environ, coulées de lave et projections s’empilent au fond du Cirque de Bébour, le fossilisant sur plusieurs centaines de mètres de hauteur. La Forêt de Bébour, où nous irons dans quelques temps, recouvre aujourd’hui le haut de cette majestueuse montagne face à nous.

Tout au fond de la vallée, s’écoule paisiblement la Rivière des Marsouins. Cette vallée abrite depuis plus de 50 ans, deux barrages hydroélectriques : le Barrage de Gingembre et le Barrage des Hirondelles. L’énergie hydraulique produite par ces deux centrales de Takamaka alimente l’équivalent de 35 000 foyers. Elle constitue la première des énergies renouvelables de l’île. Construit en 1968, la première centrale est bâtie à plus de 300 mètres sous terre et l’eau transite par un puits de chute verticale de 270 mètres vers les turbines.

C’est parti pour une rando. Peut-être une grosse rando si les conditions le permettent mais comme c’est un aller-retour par le même sentier, on verra jusqu’où on va car elle est annoncée difficile avec un bon dénivelé. Un joli sentier nous permet de crapahuter dans cette forêt humide. Mais au bout de 3 kilomètres, la fatigue accumulée ces derniers jours dans Mafate se fait un peu ressentir et nous trouvons plus prudent de faire demi-tour. Et nous faisons bien car 5 minutes après, il se met à pleuvoir. Et quand il pleut à La Réunion, et plus particulièrement dans ce secteur de l’île où nous sommes (7 mètres de pluviométrie par an !), et bien il pleut. Incroyable. Une pluie tropicale qui nous trempe jusqu’aux os. Mais une pluie chaude et nous n’avons pas froid. Retour à la voiture avec 6 kilomètres dans les pattes et quand même 523 mètres de dénivelé positif… Obligés de se déshabiller et d’essorer nos vêtements avant d’entrer dans le voiture.

Nous roulons quelques kilomètres et retrouvons le littoral sous un grand ciel bleu. C’est ça La Réunion… Retour à la maison où cette fois Geneviève nous offre un achard de fruit jack (fruit du jacquier) ou plutôt un achard ti jaque comme on dit en créole…

Après-midi avec le même programme qu’hier, entre école et blog.

Dimanche 28 novembre 2021 :

Le temps est vraiment trop pluvieux aujourd’hui et pas moyen de sortir. Ce n’est pas grave et ça fait aussi du bien une journée à buller. Je viens à bout de la parution de mes deux articles précédents et du tri des photos… J’ai bientôt récupéré mon retard des derniers jours.

Les enfants apprécient aussi d’avoir du temps pour eux, pour dessiner, pour cuisiner en profitant d’un four, pour se détendre dans une baignoire XL pleine de mousse, pour écrire, pour trainer un peu sur Internet avec du wifi à volonté ce qui les change de leur accès qu’on leur restreint à 300 Mo par jour (les jours où on a du réseau…) d’ordinaire en voyage. On lâche un peu prise alors aujourd’hui.

Puis, nous faisons connaissance dans les médias avec B.1.1.529, plus connu sous son nom d’Omnicron, un énième variant du Sars-CoV-2… Oui encore un. Alors qu’on se croyait sortis d’affaire pour la suite de notre cavale dans les mois à venir, voici que ce fichu Covid-19 refait des siennes. En quelques heures, c’est la panique générale et, alors qu’aucun scientifique ne connait encore la dangerosité de ce nouveau variant, le monde entier ferme ses frontières avec l’Afrique australe. Plus moyen de prendre un vol vers l’Afrique du Sud. Quel bol on a eu de pouvoir en sortir avec l’un des trois seuls vols qu’il y ait eu entre les deux destinations. Les vols n’ont repris, alors qu’ils étaient fermés depuis mars 2020, que le 7 novembre. On a pris l’avion suivant le 14. Il y a eu un autre vol et voilà que de nouveau, le vol suivant de demain est annulé. On est donc chanceux. Mais… notre Tiny est en Afrique du Sud… et on doit la récupérer en reprenant un avion le 18 janvier, un vol qui déjà n’est plus en vente sur les sites de la compagnie Air Austral. On pense donc qu’on va rester quelques temps sans retrouver notre Tiny. Par chance, elle est entre de bonnes mains à Pretoria et nous n’avons aucune inquiétude à ce sujet. Par chance également, nous sommes en France et donc nous ne sommes pas contraints par des durées maxi de visa. Au pire, si la panique doit durer, nous pourrons toujours louer un appart’ pour un ou deux mois de plus à La Réunion, ce qui n’est pas une punition. Au pire, au pire, ce sera la fin de notre cavale si la situation devait durer au-delà du premier trimestre 2022. Auquel cas, ce serait un retour vers la métropole en avion pour nous 4 et, moi seul, quand la situation le permettra, je ferai un aller-retour express en Afrique du Sud pour préparer et amener la Tiny au port de Durban pour qu’elle embarque sur un bateau à destination de l’Europe. On n’en est pas là et ça ne nous fait pas du tout stresser. On a appris à gérer ce genre d’imprévus maintenant et on vit au jour le jour.

Et voilà que Geneviève est de nouveau là avec un saladier de chips de bananes qui arrivent juste à temps pour accompagner la petite bière Dodo… Elle repart avec un broyé du Poitou qu’Audrey et Victor lui ont préparé selon la recette de papi Daniel !

Lundi 29 novembre 2021 :

Le mauvais temps semble se calmer. En début d’après-midi, nous nous dirigeons vers la Route des Laves sur le littoral Sud-Est de l’île. Mais au fur et à mesure que nous approchons de la ville de Sainte-Rose, les nuages de plus en plus menaçants déversent des trombes d’eau ! C’est dans cette région de l’île à l’Est du volcan du Piton de la Fournaise qu’on enregistre les valeurs les plus élevées de pluviométrie, plus de 11 mètres par an sur les Hauts de Sainte-Rose ! La saison des pluies s’étale entre janvier et mars, mais le mois de février est de loin le plus arrosé comme sur toute l’île. On devrait donc y échapper, quoique… On apprend que les vols vers l’Afrique du Sud vont finalement reprendre dès le week-end prochain mais le pays est désormais classé en rouge écarlate par la France et il faut un motif impérieux pour s’y rendre… Grrr… Comment va-t-on faire pour récupérer la Tiny ? Petite idée derrière la tête, en faisant escale à… Bangkok, on devrait arriver à sortir de France et à rejoindre l’Afrique du Sud…

Retour à notre épisode météo. Même en saison sèche, au cours du mois le moins arrosé, il pleut tout de même plus de 700 mm sur le volcan, c’est à dire plus qu’à Paris en une année ! Bon tant pis, on est en plein dedans : ça va être un peu difficile de profiter des paysages qu’on est venus voir.

Nous poursuivons malgré la pluie qui redouble vers le Grand brûlé. J’aurai l’occasion à plusieurs reprises de vous parler du Piton de la Fournaise, le volcan actif de l’île de La Réunion. Et l’un des plus actifs au monde d’ailleurs. Mais un volcan pas dangereux pour les habitants car (quasiment) toutes les éruptions du volcan se font sous forme de coulées à l’intérieur de l’Enclos Fouqué, un enclos en forme de fer à cheval ouvert sur l’Océan Indien. Situé en aval des Grandes Pentes, cet enclos naturel est délimité par le Rempart de Bois Blanc au Nord et par celui du Tremblet au Sud. Les parois sont hautes de cent à quatre cents mètres et protègent donc naturellement les villages hors de cet enclos. Il est évidemment interdit à l’habitation.

Certaines des coulées dévalant les Grandes Pentes atteignent le littoral et coupent la route nationale 2 (appelée la Route des Laves), qu’il faut ensuite refaire à chaque fois. Cela a été le cas en 2001, 2002, 2004, 2005, 2007. À la suite de l’éruption de 2007 (140 millions de mètres cubes !), il a fallu 7 mois de travaux pour la rouvrir à la circulation. La route était en effet recouverte par endroit d’une épaisseur de lave atteignant plusieurs mètres, et le terrain était truffé de cavités et de tunnels. Les coulées atteignant la mer agrandissent l’île. Celle de 1986 a augmenté la superficie de La Réunion de 25 hectares ! Celle de 2002 de 2,4 hectares. Celle de 2007, l’éruption du siècle, de 30 hectares de nouveau. Mais déjà, la végétation reprend vite ses droits sur ce sol de lave : trois années seulement après la dernière éruption, apparaissent d’abord des lichens, puis des fougères, des bois de chapelet et enfin des filaos. La forêt recouvre certaines parties plus en hauteur de l’Enclos Fouqué.

Le temps est vraiment exécrable pour pleinement profiter et pour prendre des photos, mais nous reviendrons. Cependant, nous sommes tellement excités de fouler de nos pas ce paysage lunaire que nous bravons la pluie pour marcher un peu sur ces coulées faites de grattons ou bien de laves cordées. Juste superbe.

Nous nous dirigeons vers le point d’entrée d’un tunnel de lave formé suite à l’éruption volcanique de 2004. Nous ne sommes pas équipés de lampe puissante, de casque, de genouillères, de gants et surtout d’un guide donc nous ne nous enfonçons pas trop dans ce boyau souterrain mais juste les quelques dizaines de mètres que nous explorons sous terre sont étonnants et fascinants.

Un tunnel de lave (que nous avions déjà observé sur l’île Santa Cruz aux Galápagos en Équateur et sur l’île de Pâques au Chili) est formé par une coulée volcanique qui s’est refroidie en surface en formant une croûte solide mais dont le cœur est resté fluide, permettant à la lave de continuer à s’écouler. Lorsque la coulée cesse d’être alimentée par la lave en fusion, elle se vide et laisse une cavité en forme de galerie. Les dimensions sont très variables et les plus longs tunnels peuvent atteindre plusieurs kilomètres. La coulée de 2004 a créé 6,5 kilomètres de tunnels de lave.

Nous ressortons de l’enclos et nous marquons un court arrêt à l’Église Notre-Dame-des-Laves à Piton Sainte-Rose. Exceptionnellement, il arrive qu’il y ait des coulées de lave hors enclos. Cela a été le cas en 1977 où la lave a englouti des dizaines de maisons et une station-service, mais s’est miraculeusement arrêtée autour de l’église. Elle n’est entrée dans la nef que sur 3 mètres, le reste de la coulée ayant contourné l’édifice sans le toucher.

Un peu plus loin, nouvel arrêt pour découvrir l’Église de Sainte-Anne. Il s’agissait d’une église classique construite en 1857. Mais de 1922 à 1946, un prêtre alsacien s’est mis en tête de décorer l’église et d’orner la façade de motifs floraux, d’angelots, de coquillages. Un petit air de Gaudi ou du Facteur cheval, mais qui aurait besoin d’un bon coup de fraîcheur.

Retour à la maison à Saint-Benoît. Ça me fait drôle d’ailleurs car cette commune porte le même nom que celle où j’ai passé les 21 premières années de ma vie en Vienne. Dernière soirée dans cette agréable logement que nous avons loué dans l’Est de l’île.

Mardi 30 novembre 2021 :

Matinée rangement et ménage. Que ça fait bizarre de passer l’aspirateur, chose qui nous était pas arrivée depuis aussi des mois et des mois. Bon en fait, ça ne nous manquait pas et on adore notre petite Tiny et ses 10 m² où juste quelques minutes quotidiennes de ménage suffisent.

Nous rendons l’appartement puis quelques instants plus tard, nous échangeons notre véhicule de location à Saint-André contre une Clio en meilleur état que la 308 chez le même loueur.

A Saint-André, nous nous arrêtons observer la Maison du Docteur Martin Valliamé, une prestigieuse maison chargée d’histoire. Construite en 1925 elle reflète admirablement la beauté de l’architecture réunionnaise. Du haut de ses 3 étages et composée de 24 pièces, elle est entièrement construite en bois. Une petite restauration lui ferait du bien.

Toujours dans la même ville, dans le Quartier de Champ Borne, nous découvrons le Temple du Colosse, dédié à la déesse Pandialé. La religion tamoule fait partie intégrante du paysage culturel réunionnais. En effet, si dans la plupart des communes de La Réunion se trouvent des temples, c’est à Saint-André qu’ils y sont les plus nombreux et divers, de la petite chapelle familiale aux plus imposants et monumentaux temples. Ce temple hindou multicolore, orné de divinités, fut construit par les engagés indiens au 19ème siècle. La cérémonie du 1er janvier est dédiée à la déesse Pandialé et consiste à marcher sur un brasier après un carême végétalien de 20 jours. Nous essaierons d’y venir. Les Tamouls sont un peuple vivant majoritairement en Inde et au Sri Lanka mais il existe des communautés d’origine tamoule dans plusieurs parties du globe. Les Tamouls sont principalement hindous, mais comptent d’importantes minorités chrétiennes et musulmanes. Cette communauté indo-réunionnaise (25% de la population totale de l’île) porte aussi le nom de Malbar.

Nous poursuivons sur le littoral jusqu’à Sainte-Suzanne où nous nous arrêtons pique-niquer au pied du Phare de Bel Air. Construit en 1845, il est l’unique phare de l’île, les deux autres n’existant plus. Haut de 20 mètres et situé à 40 mètres au-dessus de la mer, il a longtemps servi de repère aux marins cherchant à gagner la rade de Saint-Denis et aussi pour éviter les naufrages sur les côtes dangereuses de l’île.

Nous marchons sur un sentier côtier au départ de Sainte-Suzanne. Alors que nous cherchons notre chemin, nous demandons à un villageois par où passer. Josselin nous autorise à passer sur le terrain de sa propriété pour retrouver notre bon chemin et nous offre une branche de litchis (qu’il vient de casser de l’arbre comme on dit à La Réunion). Il nous fait aussi visiter son potager. Il nous explique que plus jeune, il parcourait les rues avec son vélo chargé de paniers remplis de samoussas.  Aujourd’hui, les gens viennent à son domicile pour lui en acheter. Nous prenons rendez-vous avec lui pour le retour de notre balade après lui avoir commandé quelques samoussas.

Nous marchons sur le sentier littoral jusqu’au petit Temple du front de mer. Un temple tamoul tout coloré en bord de mer.

Nous revenons chercher nos samoussas et Josselin nous invite à nous asseoir dans sa salle à manger pour boire un rhum arrangé au litchi. Mais il est vraiment super fort et une petite gorgée nous suffira… Mais c’est trop sympa à lui.

Petit détour par la Cascade Niagara, une chute d’eau formée par les eaux de la Rivière de Sainte-Suzanne au milieu des champs de canne à sucre. D’une hauteur d’environ 25 mètres, elle est quasiment à sec en ce moment. Peut-être pourrons nous y revenir plus tard car la saison des pluies est en train de commencer. Un tournage de film à lieu à côté de la cascade et nous restons quelques instants à observer les multiples prises d’une même scène de fuite d’esclaves au milieu de la végétation bien dense.

Deux heures de route (et de bouchons !) nous sont nécessaires pour rejoindre Saint-Pierre, ou plus précisément La Ravine des Cabris, où habitent nos amis Alexandra et François, dont je vous avais déjà parlé dans mes deux précédents articles. Ils habitent un petit (très grand) havre de paix et nous ont proposé il y a quelques semaines de venir nous installer chez eux et de nous héberger dans leur splendide maison. Nous allons donc habiter pendant quelques semaines dans un magnifique endroit. Notre chambre, ou plutôt notre suite royale, est un très joli bungalow en bois construit au bord de la piscine et avec vue sur l’océan ! Anaïs et Victor dorment à l’étage de la maison dans la chambre d’Enora. Merci les Amis pour votre générosité et votre extraordinaire accueil… Les retrouvailles avec Alex, François, Enora et Titouan se passent une nouvelle fois de manière tellement conviviale, simple et naturelle, à discuter des heures autour de quelques verres. Les enfants accrochent bien également et c’est un plaisir de les voir jouer ensemble.

Mercredi 1er décembre 2021 :

École en bonne compagnie de Loulou et de Lila dans un cadre paradisiaque au bord de la piscine dans laquelle les enfants sautent pour se rafraîchir pendant la récréation du matin.

Plein de courses au supermarché avec Audrey, alors que les enfants restent à barboter dans la piscine avec Enora et Titouan. De nouveau, je me fais peur sur la route à m’engager instinctivement et à rouler sur la mauvaise voie. Encore des réflexes d’Afrique où on a roulé à gauche pendant près d’un an, après avoir déjà roulé du même côté presque 7 mois en Asie du Sud-Est. Curieusement, je m’étais plus vite fait à rouler à gauche à notre arrivée au Kenya après 6 mois en Europe qu’ici où je dois m’habituer à rouler à droite.

On s’installe doucement, on vide nos valises sur les étagères, on s’habitue à notre nouvelle vie sédentaire pour les quelques semaines à venir. Franchement, c’est super confortable mais ça fait bizarre. Mais étonnement, on se réhabitue vite au confort d’une bonne et spacieuse douche, d’un bon café expresso, d’une bonne connexion wifi, d’un lave-vaisselle, de la proximité d’une boulangerie pour acheter une bonne baguette… et puis aussi, la Tiny nous manque certes, mais ça fait aussi du bien de ne plus avoir à s’occuper du quotidien d’une vie nomade avec des pleins d’eau, des toilettes sèches à vider, des pannes à gérer, des bivouacs à chercher, un forfait Internet à ne pas dépasser…

Bref, petite journée tranquilou qui fait du bien à profiter des amis, à se remémorer des souvenirs communs des mêmes endroits où nous avons voyagé à deux ans d’intervalle en Amérique du Sud.

Jeudi 2 décembre 2021 :

Ce matin, nous sommes les invités de l’Ecole des Créateurs, cette école alternative qu’ont montée nos amis il y a deux ans. Nous étions déjà intervenus avec le groupe élève de cycle 4 à notre arrivée sur l’île. Cette fois, ce sont avec les cycles 2 et 3 (du CP à la 6ème). Alex et les autres institutrices ont bien préparé en amont notre visite en leur montrant des photos de notre cavale. Mais c’est la surprise pour eux de nous voir en vrai. Nous croyant encore en Afrique du Sud, et alors qu’ils s’apprêtent à commencer une visio avec nous, nous entrons dans la salle. Quelle surprise pour eux ! Trop génial. Nous passons un long et merveilleux moment à répondre aux questions de ces adorables marmailles. Ils sont très participatifs, ils ont des remarques et des interrogations tellement pertinentes pour leur âge. Cette école alternative est basée sur le bien-être des élèves (petits effectifs) et mise tout sur la créativité sans cesse stimulée par les professeurs et les différents intervenants bienveillants qui mènent différents ateliers ludiques. Un réel atout pour ces marmailles qui sont vraiment très curieux, très créatifs, très mûrs pour leur âge, très enthousiastes, très autonomes, très confiants, très motivés.

Après cette belle matinée, nous partons visiter le centre-ville de Saint-Pierre et plus particulièrement son vieux quartier et ses vieux bâtiments qui témoignent du passé colonial. Avec environ 85 000 habitants, elle est la troisième commune la plus peuplée de La Réunion après Saint-Denis et Saint-Paul. Fondée au 18ème siècle, la commune s’est beaucoup développée grâce à ses activités maritimes et agricoles, dont notamment ses plantations de café, qui ont laissé place au fil du temps à la canne à sucre.

Nous visitons dans le quartier de Ravine Blanche, le Temple Narassingua Peroumal, une pure merveille de couleurs. C’est le plus grand de l’île. Il a remplacé un modeste temple en bois bâti en 1860. Un siècle plus tard, ce temple tamoul, dédié au dieu Narashima, avatar de la divinité Vishnou, a été reconstruit en matériaux lourds et plus de 1000 statues ont alors été sculptées par des engagés indiens. Tous les ans, entre septembre et octobre, 40 jours de fêtes sont observés par les fidèles. Nous reviendrons le visiter mais il faudra alors veiller à ce que les filles ne soient pas en période menstruelle ( ! ) et ne pas porter de cuir (la vache est considérée comme un animal sacré), en plus de l’habituelle mais plus compréhensible consigne de porter une tenue décente.

Le Temple Karli consacré à la déesse Skri Maha Bada Karli est lui aussi imposant mais ses couleurs un peu passées sont moins éclatantes.

Le Marché couvert de Saint-Pierre prend quotidiennement place sous un grand chapiteau métallique construit en 1876. Beaucoup d’artisanat réunionnais et malgache. Mais un peu trop touristique pour nous.

La Cheminée Isautier est celle d’une ancienne distillerie. Du haut de ses 30 mètres, entièrement construite en moellons de basalte (roche volcanique), elle domine tout le vieux quartier.

Nous apprécions Saint-Pierre pour son métissage et sa diversité de religions. C’est ce mélange de cultures qui forme l’identité unique de La Réunion. Des temples hindous, des mosquées, des églises… Nous visitons même un petit temple chinois, la Pagode Guan Di.

La Mosquée Attyab oul Massâdjid est l’une des principales sur l’île de La Réunion. Inaugurée en 1913 et agrandie en 1975, ses couleurs sobres, ses portes sculptées, ses coupoles et son haut minaret de 42 mètres en font un édifice imposant qui peut se visiter même sans être musulman.

Le centre-ville est quadrillé comme une cité coloniale avec ses rues qui se croisent à angle droit. On apprécie l’ambiance de cette ville, en particulier avec les nombreuses œuvres de street art.

Nous voyons dans la Rue Marius et Avy Leblond quelques belles cases créoles, certaines luxueuses, d’autres très anciennes (1770) qui contribuent à la richesse du patrimoine architectural de Saint-Pierre : la Maison Adam de Villiers construite en pierres de basalte vers 1760, la Maison Motais de Narbonne avec sa double varangue à colonnades superposées, la Maison Vasseur qui est la résidence du sous-préfet. La Maison Motais de Narbonne est quant à elle une maison remarquable et sert de siège à la Sous-préfecture de Saint-Pierre.

L’Hôtel de ville, superbe bâtiment de 40 mètres de longueur, a été bâti au début des années 1770 pour servir d’entrepôt. Mais il est en gros travaux de rénovation et on ne peut en profiter pleinement. La proximité de la Rivière d’Abord permettait un chargement rapide des marchandises depuis des chaloupes vers les bateaux plus grands qui attendaient au large. La Réunion était alors une colonie du nom de Bourbon. Le vaste terrain à ses côtés aujourd’hui reconverti en jardin public fleuri avec ses beaux arbres (superbes flamboyants), sa fontaine et son bassin, son Monument aux morts, ses statues d’illustres personnages, servait à ces opérations de manutention des marchandises.

Situé en surplomb de la rive Ouest de la Rivière d’Abord, l’Entrepôt Kerveguen était la propriété d’un riche agro industriel dans les années 1830. Il servait alors au stockage de céréales et de café, et il assurait la livraison des marchandises pour les navires marchands stationnés en haute mer, face à une passe créée par la rivière.

Aujourd’hui, il accueille le siège de l’Administration supérieure du Territoire des Terres australes et antarctiques françaises. Les TAAF, vous connaissez ? et bien nous pas du tout avant d’y entrer et on a beaucoup apprécié l’exposition consacrée à ces petits bouts de France de l’Océan Indien et de l’Océan Austral. Les TAAF sont découvertes à partir du 16ème siècle dans le contexte de l’exploration de la Route des Indes, initiée par les Portugais puis amplifiée par les autres puissances européennes, notamment les Britanniques, les Français et les Hollandais.

Depuis 2000, le siège des TAAF est basé à La Réunion. La Réserve Naturelle des Terres Australes Françaises, créée en 2006, est la plus grande de France et l’une des plus grandes aires marines protégées du monde. Depuis 2019, elles sont inscrites au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Les TAAF comprennent les îles australes, îles Eparses, et la Terre Adélie bien que 9000 km séparent ces deux dernières. Sont inclus dans ces territoires, l’île Saint-Paul, l’île Amsterdam, l’archipel Crozet, l’archipel Kerguelen, la Terre Adélie, les îles Bassas da India, Europa, Glorieuses, Juan da Nova et Tromelin. Ces 2 386 000 km² de surface maritime (zone économique exclusive) sont placés sous l’autorité d’un préfet et 90 agents sont basés à Saint-Pierre. 20 à 100 scientifiques et personnels techniques font des missions de 6 mois à un an dans chacun des districts antarctiques et subantarctiques. 44 métiers sont nécessaires pour la gestion et le fonctionnement des territoires, y compris des militaires et des gendarmes en plus des agents des TAAF : ils font des missions de 45 à 60 jours. Les îles Eparses entre Madagascar et les côtes africaines dans le Canal du Mozambique mais aussi au Nord de La Réunion sont ravitaillées tous les 45 à 60 jours par moyens aériens et par des navires de la Marine Nationale. Des stations météos y sont construites et sont de véritables sentinelles pour l’observation et la prévision des cyclones.

Le navire Marion Dufresne II, basé à La Réunion, transporte en une quinzaine de jours vers les autres bases australes des TAAF du personnel, des containers, du carburant, un hélicoptère. Ce navire de recherche est équipé de 650 m² de laboratoires et d’outils scientifiques pour la recherche océanographique. Depuis 1994, l’administration des TAAF a ouvert les îles australes au tourisme. Il est ainsi possible d’embarquer à bord du Marion Dufresne II pour suivre sa rotation logistique à Crozet, Kerguelen et Amsterdam. Seulement une cinquantaine de personnes par an s’embarquent pour un voyage de 28 jours pour environ 8800 € par personne !

Un autre navire, l’Astrolabe (brise-glace) effectue des missions de transport de fret et de passagers entre la Tasmanie (Australie) et la base scientifique française en Antarctique Dumont d’Urville en Terre Adélie sur l’île des Pétrels dans l’archipel de Pointe Géologie, là où les températures varient de 0°C à -40°C avec du blizzard, des longues nuits polaires et des vents dépassant les 300 km/h. La base est coupée du monde pendant près de 9 mois. La Terre Adélie est un secteur angulaire de 432 000 km² du continent Antarctique appartenant à la France. A 1100 km de la Base Dumont d’Urville, la station franco-italienne Concordia est la seule station permanente européenne située à l’intérieur des 14 millions de km² du continent.

Les TAAF sont associées à l’Union Européenne avec le statut de Pays et Territoire d’Outre-Mer. Elles ont pour objectif de sauvegarder ces espaces naturels vierges d’habitants (seuls des scientifiques y font des missions), de soutenir la recherche et de renforcer la présence française dans ces territoires. Ces zones maritimes sont aussi d’importantes zones de pêche qui sont régies par le préfet des TAAF. Mais les zones de pêche australe autour de Crozet et Kergelen font de cette pêche une pêche extrême en raison des très forts courants et des vents de 200 km/h. Seuls 7 navires sont autorisés à pêcher la légine. Du fait de l’isolement et des 3000 km à parcourir depuis les côtes de La Réunion, les marées durent entre 3 et 4 mois chacune. La légine qui évolue par 2000 mètres de fond, peut mesurer jusqu’à deux mètres et peser 80 kg. Les Américains et les asiatiques sont friands de cette chaire blanche et grasse et la consomment en sashimi. Du fait de cette pêche extrême, c’est l’un des poissons les plus chers après le thon rouge. Mais entre 1997 et 2005, 23 navires pêchant illégalement dans la zone ont été arraisonnés. Certains ont été coulés au large de La Réunion, d’autres ont été récupérés par les pouvoirs publics et sont désormais employés à la lutte contre la pêche sans permis. La pêche à la langouste est aussi pratiquée par un seul navire (deux marées de deux mois chacune par an) à bord duquel un contrôleur de pêche embarque pour mesurer et rejeter les langoustes juvéniles. Enfin, trois espèces de thon sont aussi pêchées de février à juin.

Bon voilà, j’ai été un peu bavard sur les TAAF mais, tout comme nous, vous en savez un peu plus maintenant sur ce petit bout de France !

Juste face à cet imposant entrepôt, nous passons devant le Grotte de la Vierge appelée aussi la Chapelle Notre-Dame-de-Lourdes, un lieu très fréquenté par les croyants. Mais d’autres saints y sont vénérés comme Saint-Expedit. Bougies et fleurs sont constamment déposées. C’est l’un des plus grands oratoires de l’île.

Nous passons sur les quais devant l’ancienne Gare ferroviaire qui constituait autrefois le terminus de l’unique ligne du chemin de fer de La Réunion, mise en service en 1882.

Nous arrivons sur le Port de plaisance avec sa grande marina pour voiliers, bateaux de pêche et de plaisance. Le premier port de la ville a été construit avec l’essor de l’économie sucrière au milieu du 19ème siècle. En 1854, la première jetée destinée à former un bassin à l’embouchure de la rivière fut construite afin d’abriter de la houle les deux bassins naturels qui servaient déjà à l’activité maritime. En 1883, le creusement du chenal d’accès fut achevé, et le port fut inauguré mais l’évolution des tonnages des bateaux a rendu très vite obsolètes les capacités du port de Saint-Pierre, délaissé au profit de celui de la Pointe des Galets. Mais un bassin de radoub fut alors creusé dans le basalte pour la construction, la réparation et l’entretien des navires, comme il n’en existe que 22 de ce type dans le patrimoine français. Il a finalement peu servi et abrite désormais les barques des pêcheurs.

Saint-Pierre fait partie des quelques villes réunionnaises disposant d’un lagon où la baignade est possible. Il est impossible de se baigner en toute sécurité autour de l’île en dehors de ces bassins coralliens. La barrière naturelle de corail arrête ainsi les vagues et protège les baigneurs du risque de se faire dévorer par des requins qui infestent les eaux de l’Océan Indien. La longue plage de sable blanc est longée par une agréable promenade ombragée par des banians.

Direction le centre de vaccination pour la première dose de Pfizzer pour les enfants qui n’avaient pas pu se faire vacciner auparavant dans les différents pays traversés. Le docteur a quelques doses en rab en fin de journée et nous fait donc à nous deux notre rappel de notre première et unique dose de Janssen faite en Afrique du Sud il y a quelques semaines. Une bonne chose de faite. D’une part pour se protéger et pour protéger les autres mais aussi pour la suite de notre voyage où la vaccination est de plus en plus la condition pour entrer dans les pays.

Voilà pour cette belle journée bien remplie. Encore une belle soirée partagée avec nos amis.

Vendredi 3 décembre 2021 :

Petite forme aujourd’hui. Mal au bras normal pour nous 4 et Anaïs a des pics de fièvre. Pas facile de faire l’école pour elle.

L’après-midi, j’emmène Victor à la plage dans le Lagon de Saint-Pierre, à seulement 7 km de la maison. Nous sommes donc protégés des vagues et surtout des requins par la barrière de corail, bien qu’un requin bouledogue juvénile d’un mètre ait été observé dans le lagon il y a tout juste un mois. Mais le Centre Sécurité Requin affirme qu’il était inoffensif et que c’est au-dessus d’1,20 mètre qu’un requin peut potentiellement représenter un risque. Espérons qu’il n’ait pas grossi de 20 cm depuis un mois…

Nous nous jetons à l’eau avec nos masques de plongée pour une petite séance de snorkeling, dans une eau à 27°C, à peine un peu moins chaud que la température de l’air. Nous voyons dans cette eau calme plein de poissons multicolores de toutes les formes. On adore et cela nous rappelle de beaux spots de snorkeling au Kenya, en Tanzanie, en Thaïlande ou encore aux Galápagos.

Petite glace avec mon titi avant de retrouver Audrey et Anaïs qui va à peine mieux. Puis bullage autour de la piscine pour écrire le blog, pour jouer avec les petits copains, pour lire nos guides sur l’île de La Réunion et encore pour passer une belle soirée à refaire le monde.

Samedi 4 décembre 2021 :

Après l’école, nous roulons dans le Sud sauvage, en direction de la commune de Saint-Philippe. Après un agréable pique-nique au Puits Arabe sous les vacoas, nous commençons une randonnée sur le littoral à la couleur charbon. Le contraste entre le noir de la côte, le bleu profond de l’océan, le blanc de l’écume des vagues et le vert de la flore qui reprend ses droits est saisissant. Filaos et vacoas se refont progressivement une place sur cette côte encore brûlée par des éruptions au fil des millénaires. Les aiguilles au sol cachent la lave d’une coulée de 1775 sortie de l’enclos. Des coulées qui prennent le nom de lave pahoehoe, un terme hawaïen désignant des laves lisses, brûlantes (1100 à 1200°C) et fluides, se plissant en surface et se figeant dans des formes minérales plissées, drapées et cordées, comme pour orner le littoral d’autant d’œuvres d’art sauvages.

Nous arrivons dans le lit d’une rivière de basalte, vestige fossilisé de la coulée de lave qui a donné naissance à la Pointe de la Table, cette extension de l’île de 25 hectares gagnée sur la mer en 1986. On voit le trou de l’ancienne cascade de feu, aujourd’hui pétrifiée, comme une gargouille géante déversant dans la mer des laves de 1000°C. Le combat légendaire de l’eau et du feu s’est alors engagé dans d’impressionnants nuages de vapeur.

Puis nous descendons sur ce cap de la Pointe de la Table. Superbe, on se sent un peu comme les premiers hommes foulant une terre vierge et hostile, cette vaste étendue de lave solidifiée. Cette coulée de 1986, spectacle apocalyptique, est restée imprimée dans les mémoires des Réunionnais. Cette année-là, les laves du Piton de la Fournaise sont sorties de leur enclos pour entrouvrir la terre, l’entailler, l’avaler, avant de se glisser dans la mer. Tout commence le 18 mars, lorsqu’une première éruption surgit à 1780 mètres d’altitude, descendant sur 600 mètres avant de se stabiliser, au lieu-dit des Trois-Frères. Deux jours plus tard, une nouvelle éruption hors enclos, au-dessus du Piton de Takamaka, éclate à seulement 1000 mètres d’altitude. Une coulée traverse la route nationale dans l’après-midi, et une autre emporte huit maisons sur son passage, encerclant une école. Personne ne se trouve à l’intérieur. Aucune éruption de La Fournaise n’a été meurtrière car les coulées sont lentes et les occupants ont le temps d’être évacués. Mais trois jours plus tard, l’émotion est à son comble : la nationale se fissure, des fumées s’en échappent. Une coulée de lave se fraye un chemin par dessous, et jaillit par une bouche éruptive entre route et mer. On n’avait jamais vu une éruption à si faible altitude. Journalistes et scientifiques se pressent sur les lieux pour capturer des images incroyables de ces monticules de lave qui se déversent dans la mer bouillante du 23 au 29 mars, modifiant le profil de la côte. La couche épaisse de lave, devenue roche volcanique noire et agrandissant l’île de 25 hectares à l’époque, a formé des falaises que les vagues et l’érosion ont sculpté au fil du temps.

Par un sentier, nous poursuivons le long du littoral à travers une végétation très changeante selon les endroits, très luxuriante. Nous observons nos premiers paille-en-queue, cette oiseau emblématique de l’île.

Nous arrivons 6 kilomètres plus loin à la Pointe du Tremblet et sa toute nouvelle plage, la dernière-née à La Réunion, créée par l’éruption du siècle de 2007 et la coulée à l’intérieur de l’enclos qui est venue agrandir l’île de 30 hectares. Nous sommes juste en effet de l’autre côté du Rempart du Tremblet qui ferme le fer à cheval de l’enclos du volcan. On voit très nettement les plusieurs mètres de hauteur de lave encore noire qui sont venus se verser dans l’Océan Indien. L’érosion de la lave a donné naissance rapidement à cette plage de sable noir avec des reflets verts. Avant 2007, la côte rocheuse ici était directement battue par les flots et formait une baie utilisée comme port de pêche. Depuis l’éruption, cette bande de 300 mètres de sable noir très fin, mélangé à de l’olivine (un minéral) broyée par la mer, scintille au soleil comme si elle contenait des paillettes d’or.

Retour en stop pour que j’aille récupérer la voiture et revenir chercher Audrey et les enfants.

Et encore une belle soirée avec Alex, François, Enora et Titouan à Saint-Pierre.