Dimanche 2 janvier 2022 :

C’est le quatrième jour de la présence de notre famille à La Réunion. Mon papa, ma marraine et mes beaux-parents commencent à prendre le rythme et sont remis de leur fatiguant voyage et du petit décalage horaire de 3 heures. Mais ils continuent à faire des bonnes nuits et à faire la sieste pour certains. Petit rythme aujourd’hui après les premières journées bien remplies depuis qu’ils sont arrivés. Dans l’après-midi, nous allons à L’Etang-Salé pour leur montrer l’impressionnant gouffre, ce couloir naturel de basalte dans lequel l’océan s’engouffre. Les nombreuses croix rappellent que l’endroit est bien dangereux.

Nous poursuivons le long du sentier littoral composé de roches noires déchiquetées et nous arrivons à un magnifique et surprenant lieu où des milliers de cairns ont été montés par des voyageurs de passage ou des Réunionnais. Certains ont beaucoup d’inspiration. Il se dégage une belle énergie positive de cet endroit très zen face aux déferlantes de l’Océan Indien. Avec Victor, nous faisons également notre empilage de galets volcaniques, pour immortaliser notre passage.

Petit détour par la longue plage de sable noir de L’Etang-Salé bien agréable.

En rentrant à la case, nous nous arrêtons au Temple Narassigua Péroumal de Saint-Pierre. Un gentil Tamoul nous fait signe de rentrer pour faire le tour du temple malgré les grilles qui en empêchent l’accès. Nous pouvons ainsi mieux apprécier que lors de notre dernier passage la beauté de ce lieu de culte hindouiste dédié au dieu Narashima, avatar de la divinité Vishnou. Le modeste temple originel en bois a été construit vers 1860 par des engagés indiens en bordure de la Ravine Blanche, l’eau étant considérée comme purificatrice. Selon la légende, on raconte qu’un bateau d’engagés indiens s’est échoué sur les côtes de Saint-Pierre : sauvant des eaux leurs statues, ils auraient construit le premier temple. C’est entre 1962 et 1972 que fut construit un nouveau temple en pierres et béton pour remplacer la chapelle en bois. Le temple est organisé selon la tradition indienne qui veut que le lieu de prière soit à l’image d’un corps humain étendu sur le dos : d’abord le Radja Gopouran, les pieds, représenté par la tour d’entrée, ensuite le Mandaban, le tronc, et enfin le Vimanam, la tête. A côté se trouve l’Ashram, la maison du prête et un garage réservé aux chars de cérémonie. Il a été restauré de 1997 à 2010 par des artistes du Sud de l’Inde, mais ses couleurs sont malheureusement déjà un peu passées par le Soleil. Plus d’un millier de majestueuses statues sont sculptées par des ouvriers venus d’Inde, avec l’aide des fidèles et des sympathisants.

Retour à la case pour prendre à l’apéro un grand verre de lait.

Lundi 3 janvier 2022 :

Dès 7 heures, nous sommes déjà prêts à prendre la route pour tenter d’arriver dans les Hauts de Saint-Paul avant que les nuages ne viennent  les cacher pour la journée. Direction le Piton Maïdo, un véritable balcon sur le Cirque de Mafate. Du haut de ses 2190 mètres, il offre un panorama remarquable sur cet endroit absolument incroyable. Une vue à couper le souffle sur les îlets 1000 mètres plus bas.

L’endroit a été ravagé par les flammes en novembre 2020 et le belvédère a été fermé pendant quelques mois, le temps de sécuriser la zone touristique. Une grande partie du belvédère est toujours inaccessible mais sans notre famille, nous bravons l’interdiction et franchissons les barrières pour nous rendre au pied des antennes et ainsi avoir un point de vue sur la partie Nord du cirque. Mais les rambardes de sécurité sont encore calcinées et il faut bien veiller à ne pas tomber dans le vide au risque de dégringoler 1000 mètres de dénivelé et de se retrouver dans le village de Roche Plate.

Voici une photo prise depuis l’îlet de Roche Plate au pied du Maïdo lors de notre rando dans Mafate. La flèche représente l’endroit où nous sommes actuellement, sur le belvédère.

Les nuages occupent bien le fond du cirque mais en prenant notre temps sur place, nous voyons un à un les différents îlets où nous avons eu la chance de randonner à notre arrivée sur l’île. Que de souvenirs de ces 9 jours passés à découvrir ce cirque où aucune route ne mène mais où près de 700 personnes vivent. On voit bien les îlets des Orangers, de Roche Plate, de La Nouvelle, de Marla où nous sommes intervenus dans les quatre écoles et où nous avons dormi. Celui des Lataniers est caché. On distingue nettement le Bronchard où nous sommes montés. On découvre d’en haut les petits hameaux d’Aurère, d’Îlet à Malheur, de Cayenne et de Grand-Place que nous ne connaissons pas encore.

On voit bien aussi le lit de la Rivière des Galets qui traverse Mafate que nous avons franchie à plusieurs reprises et près de laquelle nous avons bivouaqué à Trois Roches.

Mais vu d’un kilomètre au-dessus, le fond du cirque paraît si plat. Les reliefs sont écrasés. On n’imagine pas qu’entre notre entrée par Sans-Souci et par la Canalisation des Orangers jusqu’à notre sortie par le Col du Taïbit, on a parcouru presque 60 km, grimpé 4391 mètres de dénivelé positif et dévalé 3513 mètres de dénivelé négatif en 9 jours !

Du haut de ce balcon perché sur un rempart naturel d’un kilomètre de haut, on embrasse la beauté réunionnaise en un regard, cette beauté spectaculaire qui nous charme, qui nous envoûte, qui nous séduit. Et quand on voit tous ces parkings qui feraient des bivouacs incroyables pour notre Tiny…

Du haut de ce balcon, on pense à ces belles rencontres qu’on a faites dans cet endroit encore préservé de Mafate, on pense à Agnès, à Céline et Benoît, à Claudine, à Marie-Paule, à Sabine et Axel et bien entendu à tous les petits élèves Mafatais.

Superbes points de vue panoramiques sur les montagnes parmi les plus hautes de l’île, le Piton des neiges (3070 mètres), le Gros Morne (2990 mètres), le Grand Bénare (2896 mètres), le Piton des Calumets (1616 mètres), le Morne de Fourche (2267 mètres). On devine, derrière les remparts ceinturant Mafate, les remparts ceinturant les deux autres cirques de Cilaos et de Salazie.

Le Piton Maïdo est donc incontournable pour profiter de Mafate sans avoir à y descendre en randonnant plusieurs jours mais il offre aussi un panorama fantastique sur la côte Ouest de l’île, ourlée de ses magnifiques plages et lagons.

Petit déj’ pris sur une aire de pique-nique puis c’est en direction du Lagon de l’Ermitage que nous nous dirigeons à présent, en prenant la même route forestière qu’à l’aller.

Des dizaines et des dizaines de virages nous font perdre en peu de temps les deux kilomètres de dénivelé jusqu’au rivage de l’Océan Indien. Et voici que la température passe en quelques minutes de 15 à 30°C.

Tous à l’eau sur cette magnifique plage où nous observons une quantité incroyable de poissons multicolores. Daniel et mon papa se souviendront longtemps je pense de cette expérience de baignade dans l’Océan Indien dans une eau à plus de 28°C.

Retour à Saint-Pierre où nous avons la chance d’avoir un joli coucher de Soleil sur le front de mer avant de revenir à la case autour d’un verre de rhum. Qu’elle est agréable cette douceur de vivre créole !

Mardi 4 janvier 2022 :

Audrey reste avec les enfants pour faire l’école à la case et je pars avec nos invités leur faire découvrir Saint-Pierre. Nous commençons par la visite du Temple Karli. Cette prouesse de l’architecture tamoule est juste magnifique. Tout récemment restauré, ses couleurs vives subliment les divinités indiennes.

Puis nous marchons sur le long front de mer bien aménagé en direction du port. C’est l’occasion de découvrir de jolies cases alignées le long de l’océan. Les plages le long du lagon sont si agréables d’autant plus que de magnifiques arbres donnent de l’ombre aux Créoles qui viennent passer leur journée ici à pique-niquer et à passer du temps en famille.

Nous passons devant l’ancienne gare et sur le port de plaisance et sa forme de radoub dont je vous avais déjà précédemment parlé. Ce port aurait pu être le principal port de l’île. Saint-Pierre est en effet la première grande ville de l’île sur la Route des Indes après le Cap de Bonne Espérance. Mais le port manque d’eau profonde et les côtes inhospitalières obligent les bateaux à ancrer au large et à acheminer leurs marchandises vers le rivage sur des barques. L’embouchure de la Rivière d’Abord est choisie en 1852 pour l’établissement d’un vrai port de commerce. Mais le port manque de financement pour son fonctionnement dans les années 1860 et l’ouverture du Canal de Suez en 1869 lui porte un nouveau coup. En 1886, le nouveau port de la Pointe des Galets lui porte un coup fatal. Il est devenu depuis un port de plaisance.

Nous visitons l’exposition des TAAF (Terres Australes Antarctiques Françaises) dont vous retrouverez aussi un paragraphe détaillé dans un précédent blog. Le siège de la Préfecture des TAAF est logé dans l’ancien Entrepôt Kerveguen construit dans les années 1830 pour permettre le stockage et le négoce des principales denrées alimentaires produites dans le Sud de l’île (céréales et café). Il est situé sur la rive Ouest de la Rivière d’Abord.

Juste en face, la Grotte de Notre Dame de Lourdes.

L’après-midi, nous partons tous les 8 en direction de la Cascade de Langevin, un lieu incontournable du Sud sauvage de La Réunion. La route qui y mène, une fois qu’on a quitté la route du littoral au niveau de la ville de Saint-Joseph, est magnifique et longe sur une dizaine de kilomètres, dans un cadre luxuriant, la Rivière Langevin. Puis une série d’impressionnants virages en épingles à cheveux permettent de gravir une pente à 22% ! Conduite pas évidente surtout pour Audrey qui n’a pas conduit depuis 3 ans et demi et qui a juste repris le volant il y a quelques jours. De plus, la voiture de loc’ a un frein à main inefficace donc le démarrage en plein milieu de la côte lui vaut un petit accrochage heureusement sans casse sur notre voiture. Pas de chance, on n’a jamais eu d’accident depuis des années et des années, jamais un accrochage en 120 000 km autour du monde pourtant parfois dans des conditions de circulation bien compliquées et là on accroche deux fois la voiture de notre loueur en 15 jours.

La Cascade Langevin, connue aussi sous le nom de Cascade Grand Galet est l’un des nombreux bassins qui entrecoupent la rivière. C’est la plus belle et la plus impressionnante de l’île, surgissant de la roche et se déversant dans un large bassin à l’eau claire d’un bleu profond. Mais c’est aussi l’une des plus fréquentées et il y a un peu trop de monde à mon goût. Le lit de la rivière et les différents bassins offrent de très nombreux espaces propices à la baignade malgré la fraicheur de l’eau et aux pique-niques et le site est très prisé par les locaux.

Un peu en aval de la plus célèbre cascade de l’ile, le Bassin z’hirondelles est un autre joli bassin mais lui aussi trop bondé. Musique à fond sortant des enceintes portables dont raffolent les Réunionnais gâchent un peu mon instant. Mais après tout, c’est aussi cela la culture de l’île intense. Je n’apprécie pas à sa juste valeur ce qui est l’une des plus belles cascades de l’île, d’autant plus que je m’inquiète un peu de ne pas voir arriver Audrey et que je me doute qu’elle a eu un souci dans les virages. Heureusement, sans gravité, et finalement l’occasion d’une bien sympathique rencontre avec des gens adorables, mais je ne le saurai que plus tard car il n’y a pas de réseau dans cette vallée. Bref, il nous faudra revenir dans d’autres conditions et pourquoi pas pour une activité canyoning pour mieux apprécier le charme de ce canyon et s’amuser à franchir des sauts de 8 mètres, des descentes en rappel de 12 mètres, des toboggans naturels…

Nous reprenons la route, nous nous retrouvons avec Audrey, et tous ensemble, nous allons terminer la journée à la Plage de Grande Anse, une magnifique anse à l’ombre des vacoas et des cocotiers. Nous étions déjà venus sans nous mettre à l’eau mais cette fois, avec nos masques de snorkeling, nous sautons dans les eaux de l’Océan Indien protégées des requins par une barrière artificielle de rochers. Et là, c’est un paradis sous l’eau. De superbes poissons, dont certaines espèces encore inconnues pour nous, nagent entre les magnifiques coraux plus nombreux et moins abîmés que dans les lagons de Saint-Pierre et de L’Ermitage.

Inoubliable coucher de Soleil illuminant un incroyable ciel, devant lequel nous grignotons notre repas du soir avant de rentrer à la case.

Mercredi 5 janvier 2022 :

De bonne heure, nous partons pour faire aujourd’hui le tour complet (environ 140 km) du massif du Piton de la Fournaise. Comme il n’est que 8 heures, nous avons la chance comme quasiment tous les matins de voir les plus hauts sommets de l’île dégagés. Depuis la Route des Plaines, le Piton des neiges apparaît dans toute sa splendeur. Je ne sais pas pourquoi, mais cette montagne nous envoûte.

Nous arrivons au Col de Bellevue à un peu plus de 1600 mètres d’altitude. Superbe. Dès le début de la descente vers la côte Est de l’île, notre famille n’en revient pas de ce vert si intense et surtout de la densité de la végétation tropicale.

A la Plaines des Palmistes, nous nous arrêtons devant la somptueuse Maison de Villeneuve, une demeure de villégiature de 370 m² construite en 1926 par des notables. Elle est tout juste magnifique avec ses varangues latérales, ses deux tours autour de la façade principale. Ce fleuron de l’architecture créole est devenu par la suite une colonie de vacances puis aujourd’hui un pôle touristique avec de nombreux ateliers d’artisans.

Nous rejoignons l’océan à Saint-Benoît, après avoir traversé l’île dans sa diagonale. Le temps est plus couvert, comme souvent sur cette partie de l’île. Rapide arrêt devant l’Église de Sainte-Anne avec sa façade assez remarquable.

Puis, c’est l’arrivée à Piton Sainte-Rose avec son Église Notre-Dame-des-Laves célèbre pour avoir été épargnée par la coulée de lave hors enclos de 1977. Ce fut le choc pour les habitants de La Réunion qui à leur grande stupeur, se rendent compte que le volcan peut couler hors enclos. Ce fut le premier évènement de ce genre depuis que l’île est peuplée. C’est en avril 1977, durant une longue semaine, qu’un front de coulée en gratons de 50 à 150 mètres de largeur et de 10 mètres d’épaisseur, envahit le village, coupe la route, s’engouffre dans le creux de la Ravine Lacroix engloutissant un pont, emporte une station-service et une douzaine de maisons construites en bois et en tôles… La lave progresse doucement, dans un curieux bruit de vaisselle accompagné de crissements. 1700 personnes sont évacuées et aucune perte humaine n’a lieu. Mais au centre de la coulée, c’est un véritable torrent de lave fluide qui dévale à plus de 50 km/h. Les fils électriques et le bitume fondent sous l’effet de la chaleur, les canalisations explosent sourdement faisant trembler le sol. Après avoir traversé le village, puis englouti les champs de canne, la coulée tombe en cascade dans la mer.

Le premier passage de la lave est souvent assez calme surtout quand il traverse une forêt comme au-dessus de Sainte-Rose. La lave se cherche un chemin lentement dans la végétation. Cette lave pionnière se refroidit rapidement, parfois elle se fige carrément. Mais quand cette coulée a trouvé la meilleure pente, si elle continue à être alimentée par la bouche éruptive, la lave circule alors sur un matelas de basalte très chaud. Dès lors, bénéficiant de cette réserve de chaleur, la nouvelle lave coule de manière extrêmement fluide. C’est ce qui s’est passé en 1977 ici-même.

Un front de lave de 7 à 8 mètres d’épaisseur s’approche de l’église. La lave n’est qu’à encore une dizaine de mètres du portail mais celui-ci s’enflamme sous l’effet de la chaleur. Le bâtiment est solidement bâti et ne souffre pas de la lave qui ne fait qu’entrer de trois mètres dans la nef par le portail. Les plus pieux y verront un miracle mais les scientifiques expliquent que les coulées de lave ont besoin d’une réserve de chaleur pour rester fluides. Devant le portail de l’église, la lave n’a pas eu assez de réserves caloriques pour continuer sa progression. Elle s’est donc figée sur son front faisant un barrage à elle-même. Il s’est passé la même chose à la gendarmerie.

Une fois l’éruption terminée, la lave qui a refroidi en surface protège alors le cœur de la coulée encore incandescent pendant des mois. Nous reprenons la voiture et découvrons le passage de la coulée jusqu’à l’océan. La végétation, même 45 ans après, peine à reprendre ses droits sur la lave.

Quelques kilomètres plus loin, nous apercevons derrière les échafaudages le joli Pont suspendu de la rivière de l’Est. Un monument historique classé qui domine la rivière d’une hauteur de 80 mètres. Il a été livré en 1894 et il était à cette époque le pont suspendu le plus long du monde avec ses 152 mètres de portée. Le projet de Gustave Eiffel n’a pas été retenu à l’époque car trop onéreux.

En chemin, passage devant une devanture d’épicerie venue d’un autre temps, comme on en trouve parfois sur l’île.

Un peu plus loin, nous nous arrêtons à l’Anse des Cascades près de Piton Sainte-Rose. Un petit circuit de randonnée de 2 km nous fait traverser une forêt enchanteresse et luxuriante d’un vert intense avec en toile de fond le bleu profond de l’océan. De nombreux vacoas sont présents dans cette forêt. Si c’est aussi vert et si dense au niveau de la végétation, c’est qu’on est dans un des endroits les plus pluvieux au monde. Il peut tomber jusqu’à 12 mètres d’eau par an sur les Hauts de Sainte-Rose.

L’Anse des Cascades où nous arrivons est un lieu prisé des habitants qui viennent souvent y pique-niquer à l’ombre des cocotiers ou sous l’un des nombreux kiosques à disposition. C’est un lieu également fréquenté par les touristes séduits par la tranquillité des lieux et cette nature où l’océan jouxte les cascades d’eau cristalline. Un sandwich gratiné aux bouchons, typique de La Réunion, nous cale pour un moment. Sur le petit port à sec, nous apprécions de le déguster à l’ombre des arbres, d’observer le va et vient des pêcheurs à la ligne et des pêcheurs au harpon qui ont fait la prise d’un énorme thon, de nous émerveiller de cette magnifique cocoteraie, de donner quelques miettes aux oiseaux…

Une grande passerelle en bois nous permet d’approcher sans avoir à franchir les nombreux ruisseaux d’un pan de falaise tapissé de cascades. Magique !

Puis de nouveau, nous reprenons la route qui prend le nom de Route des Laves. Nous entrons dans le Grand Brûlé du Piton de la Fournaise sur sa partie basse, parallèlement à l’océan. Du haut du Rempart de Bois-Blanc, nous profitons d’un magnifique panorama sur ce qui nous attend.

Nous traversons la Forêt domaniale du Grand Brûlé. La végétation a repris ses droits mais régulièrement, des coulées de lave dévalent les Grandes Pentes du volcan et engloutissent tout sur leur passage comme ce fut le cas en 2001, 2002, 2004, 2005, 2007, 2014. En 1998, les laves se sont arrêtées à seulement 2,5 mètres de la route.

Nous descendons avec Daniel dans l’étroit boyau d’un tunnel de lave de la coulée de 2004 et le difficile accès ne lui fait pas peur. Pas plus que de se mettre presque à 4 pattes pour marcher une vingtaine de mètres dans cet impressionnant tunnel aux parois noircies et lustrées par la vitesse de la coulée de lave.

Un peu plus loin, la pluie se met à tomber, et c’est l’occasion d’étrenner les ponchos pour monter au belvédère surplombant la coulée du siècle. Celle d’avril 2007 qui a duré 29 jours et qui est sortie des profondeurs de la Terre à seulement 650 mètres d’altitude a atteint la route et l’océan seulement au bout de 12 heures. Les débits de lave ont atteint des valeurs rarement observées avec plus de 100 m3 par seconde ainsi que des projections de plus de 100 mètres de hauteur. Environ 120 millions de mètres cubes de lave ont été émis durant ce mois d’éruption. L’île de La Réunion s’est agrandie de 30 hectares ! C’est suite à cette éruption phénoménale et à la vidange de la chambre magmatique que le cratère principal de la Fournaise, le Cratère Dolomieu, s’est effondré de 350 mètres. En 350 ans d’occupation humaine, des phénomènes volcaniques d’une telle ampleur n’ont jamais été observés. Quelques habitants furent hospitalisés car incommodés par des émanations de dioxyde de soufre et des cheveux de Pélé (fines aiguilles de lave étirée) qui furent retrouvés à plusieurs dizaines de kilomètres. Des pluies acides s’ajoutèrent à cela. L’arrivée de la coulée dans la mer fut accompagnée par des explosions et une fragmentation de la lave et de la roche. Les débris furent transportés par le panache et retombèrent dans les environs sous forme de fines particules et de dépôt de sable qui brûlèrent la végétation. Les routes avoisinantes furent recouvertes de cendres et de sable volcanique.

La coulée a recouvert la route par endroit de 10 mètres d’épaisseur de lave. Le terrain étant de plus truffé de cavités et de tunnels, il a fallu attendre que la lave refroidisse sur cette épaisseur puis réaliser 7 mois de travaux pour rouvrir la Route des Laves qui était détruite sur 1,250 kilomètre de longueur. Mais la route a continué de travailler et est toute ondulée. Aujourd’hui, la végétation commence à reprendre. Dès 3 ans après une éruption, les premiers lichens recouvrent déjà le noir de la lave refroidie. Le miracle de la nature continue avec les fougères qui recolonisent les lieux, jusqu’à devenir une forêt.

Nous sortons de l’enclos en franchissant le Rempart du Tremblet et traversons le village du même nom duquel tous les habitants avaient été évacués lors de cette éruption du siècle de 2007.

Il pleut trop pour nous rendre sur la Plage du Tremblet et nous essaierons d’y revenir dans quelques jours. Rapidement, le Soleil refait son apparition et nous nous arrêtons pour la dernière visite de la journée à la Pointe de la Table. Ce cap a été créé par l’éruption hors enclos de 1986 où la lave s’est là aussi répandue dans l’océan, agrandissant la surface de l’île de 25 hectares.

Pour rejoindre ce cap, nous traversons à pied une forêt. De part et d’autre de la piste forestière, nous voyons de très importantes plantations de vanille. Les lianes de ces orchidées poussent sur les troncs des arbres et on voit certaines gousses de vanille. Mais j’aurai l’occasion de vous en reparler dans un prochain article car nous irons prochainement visiter une plantation de vanille.

Nous arrivons sur la Pointe de la Table. 36 ans après l’éruption, la végétation peine à pousser sur cette plateforme.

Nous marchons jusqu’à la fontaine de lave qui a donné naissance à cette extension de l’île. Dommage pour la photo car on a le Soleil en face, mais c’est juste magnifique de voir cette cascade de lave figée. De cette gargouille géante, coulait de la lave à 1000°C dans l’océan dans d’impressionnants nuages de vapeur.

Nous marchons à présent sur l’ancien trait de côte et traversons le lit de la rivière de lave. Cette rivière de feu a coulé du 23 au 29 mars 1986 avant de devenir une rivière de pierres. Cette fois-ci, nous sommes dans la cascade de lave qui a créé un petit tunnel de lave.

Le rivage océanique jusqu’au Puits arabe est une roche noire volcanique, résultat de plusieurs éruptions millénaires. Magnifique. Les orgues basaltiques s’effondrent les uns après les autres dans l’océan.

Retour à la case où tout le monde saute dans la piscine pour se rafraîchir et se détendre après avoir eu une grosse journée de route. On est parti de la maison depuis déjà 10 heures.

Ce soir, une bonne nouvelle arrive. La France a enlevé le classement « rouge écarlate » de l’Afrique du Sud pour le remettre en « rouge », ce qui fait qu’on va donc pouvoir y retourner à la fin du mois sans nécessité d’un motif impérieux. Et ça, ça va sacrément faciliter la suite et la « fin » de notre cavale. Sans changement de dernière minute, on prendra donc l’avion le 30 janvier vers Johannesburg où nous retrouverons notre Tiny. Puis nous poursuivrons notre cavale 90 jours en Afrique du Sud et peut-être au Lesotho. Et ensuite ? et bien, il va falloir patienter un petit peu pour savoir ce qu’on vous réserve comme surprise ou bien faire partie des très très intimes qui sont au courant et qui gardent le secret !

Jeudi 6 janvier 2022 :

Audrey reste à la case avec les enfants pour faire école et je pars terminer la visite de Saint-Pierre avec nos invités.

Premier arrêt au Lavoir de Casabona qui a été construit en 1932 au milieu d’un champ de canne à sucre, dans la périphérie ouest de Saint-Pierre. Sur une longueur de 250 mètres, 120 bassins sont créés, alimentés à partir d’une conduite d’eau provenant du canal. Il s’agit du plus grand lavoir public de l’île. Autrefois à ciel ouvert, les bassins sont recouverts d’une charpente métallique après la Seconde guerre mondiale. Il est encore en activité et des locaux viennent y laver leur linge.

La promenade est agréable dans le quartier derrière le lavoir. Un quartier populaire où nous échangeons quelques mots sympathiques avec des locaux.

Nous passons devant les plus belles propriétés de la Rue Marius et Ary Leblond, de magnifiques cases dont l’une d’elles est occupée par la Sous-Préfecture.

Petit passage au temple chinois et à la Mosquée Atyaboul Massâdjid, qui ne sont pas loin l’un de l’autre. Les églises catholiques ne sont pas loin non plus. Encore une preuve de l’extrême et belle tolérance de cette île. Oui, nous sommes sous le charme de cette pluralité de cultures, de religions, de couleurs de peau, bien exprimée par cette belle fresque.

Petit passage par l’Hôtel de ville.

Puis par le marché couvert.

Pour la première fois, nos invités se rendent compte qu’il ne fait pas toujours beau sur l’île. La saison des pluies a déjà commencé et ils voient ce qu’est une pluie tropicale ! La piscine déborde en quelques dizaines de minutes.

Il nous faut donc une activité à l’abri pour cet après-midi et nous partons visiter un musée dédié au rhum réunionnais, La Saga du rhum. Et oui, la production traditionnelle de rhum fait partie de l’histoire, des traditions, du patrimoine et de la culture de La Réunion. Créée à l’initiative des Établissements Isautier et réalisée avec la collaboration des deux autres distilleries de l’île de La Réunion, Savanna et Rivière du Mât, la Saga du Rhum est installée au cœur de la plus ancienne distillerie familiale de l’île, toujours en activité aujourd’hui. Heureusement, c’est juste à côté de la maison, ce qui sera pratique après la dégustation.

Cette unité de production de rhum de la Distillerie Isautier créée en 1845 est la plus petite de l’île, et est toujours en activité. Elle est gérée par la famille éponyme depuis six générations. Durant la campagne sucrière, d’août à décembre, la distillerie est particulièrement en effervescence. La mélasse fraîchement débarquée des usines sent la réglisse, l’eau ruisselle sur les cuves chaudes de fermentation, les vapeurs d’alcool s’échappent des colonnes à distiller… Le reste de l’année, la distillation à l’ancienne, dans l’alambic, de fruits macérés dans le rhum permet d’obtenir des concentrés de saveurs, utilisés pour aromatiser les punchs et rhums arrangés.

Quelques repères historiques… En 1665, date de la colonisation définitive de l’île Bourbon, la Compagnie des Indes Orientales qui administre l’île dès sa prise de possession se désintéresse de la canne à sucre au profit de celle du café. Cela freine alors la production locale d’alcool qui ne peut rester qu’artisanale. Les habitants, mal approvisionnés en eau-de-vie, produisent alors un vin de canne, le fangourin. Le premier alambic date de 1704 et sert à la fabrication d’arack, un alcool obtenu par distillation du jus de canne fermenté. Avec un degré d’alcool plus élevé que le fangourin, l’arack a mauvaise réputation et nombreux sont les voyageurs qui évoquent ses effets néfastes sur la santé des habitants. En 1815 est créée la première distillerie et c’est le début de l’industrie sucrière. La canne à sucre s’affirme comme culture d’exportation et connaît un véritable essor. Plus d’une centaine d’usines sucrières sont construites sur l’île. Mais en 1860, on commença en France à produire du sucre à partir de la betterave ce qui fit chuter les prix du sucre. Aujourd’hui, il n’y a pas plus que deux usines sucrières sur l’île, une à Saint-André et une à Saint-Louis. L’industrie sucrière, qui mobilise la majorité des cannes de l’île, contraint les distilleries à utiliser un coproduit de la canne pour fabriquer leur rhum, la mélasse. C’est en 1818 que débute l’industrie rhumière. Le commerce d’arack et de rhum s’intensifie. Un siècle plus tard, en 1921, l’appellation « rhum » est pour la première fois réglementée. La nomination de rhum ou de tafia est réservée à l’eau-de-vie provenant exclusivement de la fermentation alcoolique et de la distillation soit des mélasses ou sirops provenant de la fabrication du sucre de canne, soit du jus de canne à sucre.

Durant la Seconde Guerre mondiale, La Réunion est isolée par le blocus et la France ne peut plus recevoir de rhums d’outre-mer. Bien qu’épargnée par les combats, l’île souffre de l’arrêt quasi-total d’approvisionnement. L’état de guerre n’impacte toutefois pas la filière et la consommation locale gagne en croissance bien qu’au sortir de la guerre 70% des champs de cannes ont été détruits en faveur des cultures vivrières destinées à nourrir la population. En 1946, la colonie devient Département d’Outre-Mer avec la promesse d’un développement mais qui ne se fait que progressivement dans une île plongée dans la misère à la suite de la Seconde Guerre mondiale.

1972 marque le regroupement des rhumiers de l’île qui développent une marque commune : le fameux Rhum Charrette. Le statut de Région Européenne Ultrapériphérique acquis en 1992 est un atout majeur pour La Réunion et les subventions perçues lui permettent de stimuler son développement économique. La stabilisation des surfaces cultivées, l’irrigation et de nouvelles variétés de cannes permettent d’accroître les rendements et de conforter la production sucrière et rhumière de l’île.

Et maintenant, parlons du rhum. Le rhum agricole est élaboré à partir du jus de la canne à sucre. Ces cannes proviennent de planteurs traditionnels et de centaines d’hectares de champs de cannes. Elles sont broyées et leur jus est mis en fermentation pour obtenir un vin titrant 10 degrés. C’est une distillation lente de six heures qui permettra d’obtenir un rhum blanc titrant entre 69° et 74°.

Le rhum traditionnel est élaboré quant à lui à partir de la dilution de mélasse (c’est le jus extrait de la canne, un sirop de couleur brune issue de la fabrication du sucre) à laquelle sont ajoutées des levures. Après fermentation, le vin obtenu titre 8° environ. Il est porté à ébullition dans une première colonne à distiller, puis la vapeur d’alcool passe dans une autre colonne plus étroite. C’est dans cette colonne (colonne de concentration) que sont séparés les différents composés aromatiques (huiles basses, huiles hautes et alcool de tête).

Parmi les rhums blancs, des lots à fort potentiel sont réservés et destinés au vieillissement. Ces rhums seront élevés dans les chais Isautier entre 6 et 14 mois en fûts neufs puis plusieurs années ensuite en fûts roux. Au fil des années, ils vont s’enrichir de fines notes subtiles apportées par le chêne chauffé afin d’exprimer une palette aromatique d’une grande richesse selon les demandes de l’œnologue. La sélection des fûts requis pour cet élevage est primordiale : Isautier associe les fûts neufs (pour la couleur et la richesse aromatique), aux fûts roux, des fûts ayant déjà élevé des rhums (pour oxygéner le rhum et lui apporter toute sa rondeur) ou bien d’autres alcools comme le Cognac. Selon l’évolution du vieillissement, c’est une proportion différente de ces fûts qui sera utilisée, entretenant ainsi le subtil équilibre qui fait la qualité des rhums vieux.

Vient aussi l’élaboration des rhums arrangés et des douceurs d’arrangés. En mariant rhum, épices et fruits tropicaux, Isautier renoue avec la tradition des rhums arrangés née à La Réunion. En effet, dès le 15ème siècle, les marins de la Route des Indes gardaient les épices et les fruits dans de l’alcool pour les conserver. C’est ainsi que naitra, à La Réunion, la tradition créole du rhum arrangé (rhum blanc, épices, feuilles et écorces). Mais la Distillerie Isautier, a aussi puisé dans son histoire pour imaginer une nouvelle catégorie : les liqueurs au rhum 100% naturelles, très savoureuses et faibles en alcool (24°) inspirées de l’exotisme de l’Océan Indien. Elles sont élaborées à partir de rhum traditionnel, du jus ou de la pulpe de fruits naturels ayant infusé avec le rhum.

La visite guidée est très intéressante, la guide est passionnante, le passage aux nombreux panneaux explicatifs de l’exposition aurait mérité un peu plus de temps. Il faudra revenir…

Le moulin à cannes, est une pièce exceptionnelle du musée. C’est le trait d’union entre la canne et le rhum. Cet authentique moulin à broyer la canne à sucre qui fonctionnait à la vapeur date des années 1940 est resté en activité jusqu’à la fin des années 1980. C’est un véritable patchwork créole, un assemblage ingénieux de pièces de différents constructeurs et de différentes époques (fin du 15ème – milieu 20ème siècles). En effet, les longs délais d’acheminements de matériaux depuis la métropole contraignent les entrepreneurs à être ingénieux en s’accommodant des ressources disponibles pour pérenniser leur activité.

On apprend que la production de canne à sucre et de rhum est une production zéro déchets. Tout est réutilisé. Quand on coupe la canne, on enlève les feuilles séchées autour de la canne qui servent de nourriture ou de litière aux animaux. Une fois que la canne est passée au moulin et que le saccharose est retiré, il ne reste que les fibres qu’on appelle la bagasse qui est utilisée pour produire de l’électricité. Il existe deux centrales thermiques sur l’île à Saint-Louis et à Saint-André, près des usines sucrières. Elles importent du charbon d’Afrique du Sud par bateau mais elles brûlent aussi la bagasse. L’utilisation de cette dernière évite d’importer 140 000 tonnes de charbon par an. La cendre de cette production est utilisée comme engrais dans les champs. Concernant la distillation du jus de canne, pas de déchets non plus et ce qui ne deviendra pas du rhum sera utilisé pour la production d’alcool à brûler ménager ou bien dans la parfumerie.

On prend aussi conscience de l’importance de l’activité sucrière sur l’île et du dur labeur de la récolte de celle-ci. 60% de la récolte des tiges pouvant mesurer 5 à 6 mètres de hauteur se fait encore manuellement au sabre compte tenu de la nature du terrain dans l’Ouest et le Sud de l’île. Du côté Est, les parcelles permettent la mécanisation de la récolte.

L’étape de la dégustation arrive. Pas facile de choisir entre le rhum vieux de 5 ou 10 ans, les liqueurs au rhum à base de lait au parfum de cacahouète, de patate douce, de banane coco ou bien les rhums arrangés existants dans tant de parfums : mandarine sauvage, gingembre citron, banane flambée, goyave rooibos, letchi passion, épicé ananas victoria, arrangé de Noël… mais notre coup de cœur revient au café bourbon pointu vanille bourbon.

Je disais, heureusement, le chemin du retour n’est pas long pour rentrer à la case… Non j’exagère, nous avons été cette fois raisonnable.

Encore une belle journée en famille. Pour la première fois du séjour, nous devons nous réfugier à l’intérieur pour manger à cause du temps bien humide aujourd’hui.

Vendredi 7 janvier 2022 :

Ce matin, nous partons en direction de Kélonia à Saint-Leu qui est à la fois un aquarium, un musée, un centre de sensibilisation à l’environnement et un centre de recherche, d’intervention et de soins consacré aux tortues marines.

L’observatoire des tortues marines occupe une ancienne chaufournerie. Depuis la colonisation de l’île en 1664, la chaux est utilisée d’abord comme matériau de construction, puis dans les engrais agricoles et dans la fabrication du sucre de canne. Elle est produite à partir du corail ramassé sur les plages ou prélevé dans les lagons. La chaufournerie voit sa production baisser à partir des années 1950 devant la concurrence de la chaux d’importation et du ciment. Le four à chaux, construit en 1940, cessera ses activités en 1960. Il reste aujourd’hui cette grande tour en basalte du haut de laquelle nous avons une vue d’ensemble sur Kélonia, sur la plage de Saint-Leu et sur l’océan.

En 1969, la récolte du corail est interdite, ce qui provoque le déclin, puis la disparition de l’entreprise. Le site est alors abandonné avant d’être restauré et d’y voir l’installation de la Ferme Corail (COmpagnie Réunionnaise d’Aquaculture et d’Industrie Littorale) en 1977. C’est un établissement aquacole consacré aux tortues marines utilisant la méthode du « ranching » : des tortues juvéniles sont capturées sur les îles françaises d’Europa et de Tromelin et élevées en bassin jusqu’à la taille voulue pour la commercialisation de leur chair et de leurs écailles. Mais devant le durcissement de la législation concernant les tortues marines, l’élevage fut abandonné en 1997 bien que le commerce international tant pour leur chair que pour les produits dérivés des tortues marines fut interdit depuis 1981. Mais un arrêté préfectoral pris en 1983 permit à la France d’obtenir des dérogations pour leur élevage. Ce n’est qu’en 1994, que le Ministère de l’Environnement s’oppose définitivement à l’élevage commercial. C’est alors que le projet de Kélonia vit le jour en 1997 et que la Ferme Corail fut réhabilitée en Centre d’Études et de Découverte des Tortues Marines.

Cet observatoire est réparti autour de 1500 m3 de bassins alimentés en eau de mer, une nurserie, un laboratoire, des plateformes de soin avec 17 bassins d’eau de mer avec les tortues les plus fragiles, 1500 m² d’espaces extérieurs avec des bassins de convalescence qui accueillent des tortues en cours de rétablissement avant qu’elles ne rejoignent l’océan, des locaux pédagogiques et scientifiques. Kélonia participe aux programmes de recherche de protection des tortues marines et de leurs habitats à La Réunion et dans l’Océan Indien. Il y a aussi une plage artificielle pour permettre aux tortues de creuser le sable et d’y déposer leurs œufs. Elle sert aussi à incuber les œufs des nids déplacés pour les mettre à l’abri en cas de forte houle ou de cyclone.

Kélonia participe depuis au suivi des tortues marines dans les îles Éparses du Sud-Ouest de l’Océan Indien en étudiant la fréquentation des plages de ponte, les stratégies de reproduction, les migrations entre sites de ponte et lieux de nourrissage, les comportements alimentaires… Des actions sont menées en vue de susciter des mesures de protection dans les pays de la zone de migration ou la création de réserves naturelles. Des comptages aériens sont réalisés, des plages de ponte sont réhabilitées, une assistance aux nids menacés par de fortes houles est apportée, un programme de pose de balises Argos a démarré, un partenariat avec les pêcheurs locaux est mis en place en vue de soigner les tortues capturées accidentellement. Ces efforts commencent à porter leurs fruits, mais la situation reste critique. La population reproductrice à La Réunion est extrêmement faible (seulement deux femelles pondeuses), et par conséquent vulnérable. Dans les autres îles Mascareignes, les taux sont encore plus insuffisants, faute probablement d’avoir démarré un programme de restauration des plages de ponte.

L’accouplement du mâle et de la femelle ou plutôt des mâles et de la femelle dure plusieurs heures. C’est dans le sable des plages tropicales que commence l’extraordinaire histoire des tortues marines. Chaque femelle, tous les 3 ou 4 ans, parcourt parfois plusieurs milliers de kilomètres, revient sur sa plage de naissance et pond durant 2 à 4 heures, de 100 à 200 œufs mous, bien protégés sous 70 cm de sable. Il peut y avoir de 3 à 5 pontes par saison. Mais juste un seul accouplement. La femelle possède une boîte à sperme où elle stocke le sperme de ses différents partenaires pendant plusieurs mois. L’incubation peut durer de 55 à 90 jours, selon la température et l’humidité su sable. Dès l’éclosion des œufs, les nouveau-nés doivent rejoindre la surface. Ils unissent leurs forces pour dégager le sable. On appelle cela la phase de l’émergence. Lorsque la température augmente près de la surface, les jeunes tortues s’immobilisent et ne reprennent leur ascension qu’à la fraicheur de la nuit et s’orientent grâce à la surface brillante de l’océan. Mais les bébés tortues dès leur naissance sont une aubaine pour de nombreux prédateurs terrestres comme la frégate, le crabe fantôme et le bernard l’hermite. Sur 100 œufs, une seule tortue deviendra adulte. Lors des naissances de jour, les chances de survie sont très faibles.

Aussitôt arrivés dans l’eau, les jeunes tortues nagent frénétiquement vers le large sans s’arrêter durant plusieurs jours et s’éloignent ainsi des prédateurs du récif et du littoral. Les jeunes tortues ne commencent à se reposer et se nourrir qu’une fois dispersées dans l’immensité de l’océan. Elles se nourrissent de plancton et dérivent au gré des courants durant plusieurs années.

Entre l’âge de 15 à 20 ans, leur poids passe de 8 à 60 kg. Elles reviennent près des côtes car elles ont désormais une taille suffisante pour échapper à la majorité des prédateurs. Elles trouvent près des récifs de coraux une nourriture variée et des abris. Entre 20 et 40 ans, leur poids passe de 60 à 160 kg. En grandissant, elles pénètrent dans des espaces plus ouverts. Elles y trouvent une nourriture abondante et facilement accessible. Les tortues vertes broutent de longues heures pour constituer des réserves graisseuses avant les migrations de reproduction.

La tortue Emma est bien connue de Kélonia. Tous les trois ans depuis 2007, cette tortue verte de 113 cm pour 160 kg donne naissance à La Réunion à plus de 400 jeunes tortues.

Nous montrons à notre guide la photo des deux tortues avec lesquelles nous avons eu la chance de nager dans le lagon de l’Ermitage il y a quelques jours. Il nous explique qu’il y en a environ 16 dans ce lagon. Celles qu’on a vues sont des tortues imbriquées reconnaissables à leurs 4 paires d’écailles costales, le chevauchement des écailles entre elles et leurs 2 griffes par nageoire.

Kélonia possède un centre de soins des tortues victimes de blessures (chocs avec des bateaux ou des jet skis, pêche accidentelle, ingestion de fils de pêche jetés par les pêcheurs, ou de déchets en plastique) mais aussi de braconnage ou bien encore de maladies liées à la pollution des eaux. Elles sont alors soignées avant d’être relâchées en mer pour 85 % d’entre elles. Les 15 % restants ne survivent pas ou ne peuvent plus vivre en mer de façon autonome et sont conservées dans les bassins de Kélonia.

Une très intéressante partie de l’exposition est consacrée à l’environnement et à l’état de nos océans, à l’impact du réchauffement climatique. Ça fait froid dans le dos. Voici ce qui a été retrouvé comme déchets plastiques à l’intérieur de deux tortues.

Kélonia abrite aussi quelques tortues terrestres. Le personnel du centre nous permet de caresser une tortue éléphantine énorme, visiblement avide de câlins, qui est l’une des plus grosses espèces de tortues terrestres. Impressionnant.

Par ailleurs, Kélonia propose de découvrir les nombreux usages des écailles de tortues, qui ont perduré jusqu’au 20ème siècle, illustrant la place de la tortue dans les sociétés humaines au gré des époques et des lieux. Des artisans formés par la Ferme Corail, travaillent les écailles uniquement à partir des stocks constitués antérieurement à 1984. Il ne reste que quatre artisans en activité. Ce métier d’art d’écailliste est appelé à disparaître quand les stocks légalement constitués seront épuisés. Les écailles ou le cuir peuvent être employées en orfèvrerie, ébénisterie, coutellerie, mais aussi par les lunetiers et les relieurs.

Nous mangeons ce midi au resto, ou plutôt une sorte de cantine de ce qui se fait de plus traditionnel, un resto créole tenu à la bonne franquette par Stéphanie, une mamie de 70 ans encore pleine d’énergie. Ici, on met la table nous-même, on se sert au comptoir comme à la cafet’, on va chercher de l’eau au robinet dans la cuisine. Les rations sont délicieuses et bien généreuses. On vous recommande le restaurant Chez Stéphanie à Saint-Leu. On aime ou on n’aime pas son franc-parler mais nous, on a adoré cette ambiance atypique et cette délicieuse nourriture créole.

Nous poursuivons notre journée en marquant l’arrêt au Souffleur de Saint-Leu. La rencontre de la houle de l’Océan Indien et de la côte rocheuse de l’île produit l’apparition d’un jet d’embruns, violent, capable de monter jusqu’à plusieurs mètres de hauteur. C’est le caractère magmatique du littoral qui est à l’origine de ce phénomène. À cet endroit précis, la roche volcanique forme une grotte sous-marine qui s’achève par une ouverture en forme de petit entonnoir. L’eau s’engouffre dans la cavité. Elle met sous pression l’air présent dans la grotte. Ce dernier s’échappe par la petite ouverture finale, emportant avec lui les gouttes d’eau qui composent le jet. Un effet spectaculaire !

Retour à la case, repos, piscine, école, apéro et encore de bons moments passés en famille.