19. Turquie : du 13 au 25 février 2019 : Pamukkale, Konya, Ilhara et 8 jours de panne à Aksaray !

1312 kms parcourus du 13 au 25 février 2019

13 688 kms parcourus depuis le départ

Pour info, chacune des cartes présentes au tout début de nos articles vous permet de voir en zoomant dessus notre itinéraire emprunté. N’oubliez-pas que vous pouvez nous suivre en temps réel grâce à notre balise GPS embarquée en cliquant sur ce lien

Mercredi 13 février 2019 :

Réveillés par le muezzin nous rappelant que nous venons d’arriver en pays de confession musulmane, nous venons de passer notre première nuit en Turquie juste après être sortis de Grèce hier soir en franchissant le poste de frontière de Kapikule.Déjà notre sixième pays du voyage et dès ce soir notre troisième continent. Après l’Europe, l’Afrique… à nous l’Asie ! Nous venons donc déjà de mettre un pied dans chacun des 3 continents que nous allons visiter au cours de ces trois années de voyage. C’est la quatrième fois que nous venons en Turquie. La dernière fois, c’était en 2015 au tout début de notre précédent voyage en Amérique du Sud où notre vol de Bordeaux pour Buenos Aires nous faisait faire une escale de quatre jours à Istanbul. Bon d’accord, ce n’était pas trop sur la route de l’Argentine mais ça valait le coup !

Nous retardons nos pendules d’une heure. Nous retirons de la monnaie locale, la Livre Turque au taux de 1€ = 5,96TRY (la devise nationale s’est effondrée en 2018 suite à la crise diplomatique qui a éclaté entre la Turquie et les États-Unis, deux alliés au sein de l’Otan qui ont imposé des sanctions réciproques). Pas besoin encore de carte Sim locale car notre opérateur français couvre la Turquie. Plein de gasoil à environ 0,90€ le litre.

Nous nous dirigeons vers la péninsule de Gallipoli pour y franchir en ferry le détroit des Dardanelles, cet étroit passage maritime long de 61 km reliant la mer Égée à la mer de Marmara, mais plus largement la mer Méditerranée et la mer Noire. Comme le Bosphore, il sépare l’Europe de l’Asie.

A peine arrivés sur le port de Gelibolu, nous embarquons directement sur un ferry sur lequel il reste deux places. Nous payons moins de 10€ pour la traversée ce qui nous évite de traverser les grandes villes d’Istanbul et la capitale Ankara, et surtout de rejoindre directement le sud de la Turquie. Le camion qui entre derrière nous est trop long (ou le bateau est trop court…), ce n’est pas grave, la porte du ferry restera ouverte pour la traversée qui dure moins de 30 minutes. Le ferry slalome entre d’énormes cargos qui sont environ 50 000 par an à passer ici pour rejoindre la Mer Noire.

Nous débarquons sur le continent asiatique à Çardak. Il pleut, il vente très fort. Nous prenons la route et faisons dans l’après-midi 400 km après la centaine de ce matin déjà parcourus depuis la frontière grecque. Nous prenons juste quelques centaines de mètres d’altitude, trois ou quatre, et trouvons déjà de la neige.Heureusement, la route redescend. Le réseau routier est très bon et nous ne traversons le pays vers le sud que sur des 4 voies gratuites. Ça nous change de la Grèce.

Bien entendu, nous passons à côté de beaucoup de sites qui nécessiteraient un arrêt et des visites mais il nous faut faire des choix. La Turquie est plus grande que la France et nous n’allons y passer que trois semaines. Imaginez visiter la France en trois semaines. Nous n’allons donc visiter que certaines régions. Nous filons toujours vers le sud mais la nuit et la fatigue nous font bivouaquer dans une station-service sur le bord de l’autoroute. Pas très heureux comme bivouac mais pratique.

Jeudi 14 février 2019 :

Nous venons de parcourir 1000 kilomètres depuis notre panne. Nous voici rassurés. La Tiny a retrouvé enfin toute sa puissance. Les démarrages à froid se font vraiment au quart de tour comme il y a plusieurs mois. C’est bien la pompe à injection qui faisait des siennes depuis déjà bien avant notre départ.

Nous rejoignons le site de Pamukkale, l’un des sites les plus étonnants de Turquie. Pamukkale signifie « champ de coton » en turc.

Des sources d’eau chaude entre 35° et 55°, chargées en sel calcaire, dévalent du haut de la montagne. Elles ont modelé le paysage en une cascade de vasques et de bassins naturels.

Le site est protégé par l’Unesco depuis 2000 qui l’a inscrit au Patrimoine mondial. Des hôtels ont été rasés et les touristes sont désormais obligés de marcher pieds nus et n’ont plus le droit de descendre dans les vasques. Certaines vasques artificielles ont été construites mais le calcaire a déjà recouvert de plusieurs dizaines de centimètres ce béton. Ce qui ne dénature donc pas le paysage et nous permet de marcher dans l’eau froide, tiède ou chaude selon les bassins.

Nous marchons sur un mince filet d’eau sculptant merveilleusement bien le sol.

Nous trempons les pieds dans les cours d’eau descendant du haut de la montagne.

Les vasques sont étagées sur toute la montagne. Dommage, de nombreuses sont à sec, mais ceci nous permet de profiter de leur blancheur éblouissante.

Celles remplies d’eau sont superbes. L’eau prend des reflets bleu glacier.

Pamukkale possède non seulement une beauté naturelle mais également des ruines romaines magnifiques. La ville a été fondée au 2ème siècle av. J.-C.

Étonnamment, beaucoup de touristes restent auprès des bassins à faire des selfies et ne visitent pas ce site historique de Hiérapolis. Nous sommes quasiment seuls à déambuler au milieu de ces superbes ruines étendues sur des hectares et rendues à la nature. Nous découvrons une nécropole gigantesque. Près de 1000 tombes sont disséminées sur plus d’un kilomètre. C’est une succession de sarcophages, de tombeaux, de tumulus. L’une d’elle a même été prise au piège du calcaire. Superbe.

L’Agora est une place de 280 mètres sur 170 mètres avec une magnifique rue pavée et bordée de colonnades, découverte par les archéologues sous une couche de deux mètres de calcaire.

Le Martyrium de Saint Philippe, l’un des apôtres de Jésus, est situé tout en haut de la colline. Il venait en 87 porter la bonne parole mais il a terminé ici crucifié…

Nous découvrons un superbe théâtre romain très bien conservé et restauré. Des colonnes de marbre et des bas-reliefs décorent la scène.

Partout sur le site, on trouve des vestiges romains.

Nous découvrons d’anciennes canalisations où devait couler l’eau calcaire il y a bien longtemps.

Nous passons de nouveau par les vasques d’une blancheur éclatante.

Nous posons notre bivouac ce soir sur un parking tout proche du site que nous partageons avec Val’ et Luc, deux voyageurs français qui vont également en Mongolie l’été prochain. Ils ont aménagé un superbe camion 4×4 Mercedes Vario 814 qui ne m’est pas inconnu, ni à certains de nos amis voyageurs (n’est-ce pas Miguel ?).

Vendredi 15 février 2019 :

Nuit tranquille… enfin jusqu’à 7 heures du mat’… Mais quel est ce vacarme autour de nous ? Pas moins de sept 4×4 avec de grosses remorques se garent à quelques mètres de nous. Le plus près est garé à deux mètres ! On comprend vite en jetant un coup d’œil par la fenêtre qu’on est sur une aire de décollage de montgolfières qui vont prendre leur envol pour observer le lever du soleil sur le site de Pamukkale. Bon, c’est vrai, on le savait grâce à notre application Park4night en espérant bien les voir ce matin…Quel spectacle, notre Tiny de 50 mètres cubes se trouve bien petite à côté de ces ballons de plus de 5000 mètres cubes. En quelques dizaines de minutes, les 7 énormes nacelles et les immenses ballons sont mis en place.

Photo de Val’ et Luc

Puis arrivent des minibus de touristes asiatiques qui s’envoient en l’air, à raison d’une douzaine de passagers par nacelle. Moi aussi, je négocie avec un turc pour remplacer une de ses nacelles par la Tiny. Avec surprise, il accepte et nous pouvons ainsi bien profiter de quelques heures de vol… Voilà une solution qui va nous faire économiser du gasoil et surtout résoudre la problématique de nos pannes à répétition depuis notre départ…Après un atterrissage en douceur, une nouvelle journée de liaison est aujourd’hui prévue. Encore quelques 400 kilomètres en se dirigeant plein est. La route se passe bien. Le réseau routier est décidément excellent en Turquie. On traverse le pays sur des 4 voies gratuites. Deux petites choses surprenantes, les fausses voitures de police et quelques limitations de vitesse originales. Certainement que les gilets jaunes ont négocié avec leur gouvernement une vitesse entre le 80 et le 90 km/h et trouvé un compromis à 82 km/h !

Heureusement d’ailleurs que nous sommes sur un bon réseau routier car la neige recouvre tout le paysage des steppes de l’Anatolie.En fin de journée, nous arrivons dans la grande ville de Konya, deux millions d’habitants. La ville est propre, moderne et paraît agréable à vivre. Nous bivouaquons sur une superbe aire aménagée pour les camping-cars offerte par la municipalité. L’endroit est gardé. L’eau et l’électricité sont accessibles gratuitement. C’est bien pratique car du coup, je peux brancher la Tiny et ainsi allumer notre radiateur en le reliant au 220V. C’est toujours autant de gaz ou de bois d’économisé car les températures sont négatives la nuit. Nous sommes à plus de 1000 mètres d’altitude.Nuit bercée par le stress inquiétant d’un nouveau bruit sur le camion. En roulant à bas régime et basse vitesse ce soir, nous avons été alertés par un bruit métallique pas normal. Un bruit dans le moteur. Un truc qui ne tourne pas rond…

Samedi 16 février 2019 :

Après l’école, nous partons visiter Konya, cette ville sainte couverte de nombreux monuments religieux : mosquées, médersas (écoles coraniques), mausolées et palais. La ville est très conservatrice. Beaucoup de femmes portent le voile. Les restaurants ne servent pas d’alcool. Mais une atmosphère moderne et dynamique se ressent dans son centre-ville.

Nous commençons par le monument Şehitler Abidesi, le parc commémoratif des martyrs de la ville et de la guerre d’indépendance (1919-1922).

Nous traversons le Bazar où une ambiance populaire et typique comme nous les aimons règne dans ces ruelles grouillantes de vie. Tout s’y vend. Les hommes s’assoient sur des tabourets en plastique et boivent le thé. Les magasins sont regroupés par activités dans les rues. Nous achetons quelques douceurs très sucrées que nous accompagnons d’un café… turc… C’est la même recette que celui que nous buvions en Grèce dernièrement. Toujours autant de marc en suspension dans la tasse. Si on attend, il se dépose au fond de la tasse mais on boit alors un jus de chaussette clair… Mais c’est typique et local, donc on aime… On aime surtout le boire au milieu des locaux qui s’étonnent de voir des touristes au milieu d’eux. Nous recevons beaucoup de sourires et de gentils mots de bienvenue.

Nous arrivons à la mosquée Sahip Atâ du 13ème siècle et passons sous son magnifique portail sculpté surmonté d’un minaret décoré de céramiques, de briques et de pierres. L’intérieur est en bois, ce qui est assez rare. Contrairement à ce qui se passe dans bien d’autres pays musulmans, le visiteur en Turquie est invité à se rendre dans les mosquées, et ce quelle que soit sa confession. On adore l’atmosphère qui s’en dégage. On adore les lumières, les très épais et moelleux tapis sur lesquels nous marchons évidemment pieds nus.

Nous traversons un agréable parc boisé, le Parkı Alaaddin Tepesi et arrivons à la mosquée d’Alâaddin, la plus vieille de la ville construite en 1220. A l’intérieur, 42 colonnes antiques sont surmontées de chapiteaux romains.

Changement de quartier. Une large avenue où passe un récent tramway est bordée de banques et de beaux magasins.

La mosquée Selimiye du 16ème siècle est impressionnante. Ses deux minarets élancés et sa vaste salle de prière à coupole sont représentatifs de l’architecture ottomane classique (grande dimension et plan centré).

Juste à côté, le Musée Mevlana est un magnifique édifice avec sa tour couverte de céramique verte. C’est l’ancien couvent de l’ordre des Derviches Tourneurs.

Konya est en effet la capitale où a été fondé cet ordre au 13ème siècle qui se répand dans toute la région de l’Anatolie, en Syrie et en Égypte. Le maître Djaläl al-Dïn al Rümï (surnommé Mevlana) était le grand théologien de Konya et de très nombreux étudiants venaient assister à ses cours. Il devint la référence spirituelle de la ville. Ce poète professait une mystique centrée sur l’amour et la tolérance sans distinction de religion, de sexe et de culture. Suite à sa rencontre avec un vieux sage, il se consacra à l’enseignement de la pensée de son maître et créa la secte des Derviches. Ces derniers s’attelèrent à islamiser les chrétiens d’Anatolie.

Dans le musée Mevlana que nous visitons, se trouvent donc les tombeaux des disciples et de la famille Mevlana. De nombreux fidèles turcs se recueillent dans cet ancien couvent. Le musée présente de nombreux objets ayant appartenu aux Derviches : vêtements, instruments de musiques, Corans enluminés, tapis de prière…

Les Derviches tourneurs sont donc des religieux musulmans. Il n’en reste qu’à Istanbul et à Konya. Plusieurs couvents sont encore en activité. Lors des cérémonies, les Derviches utilisent la danse pour communiquer avec Dieu. Mais en 1924, avec l’instauration de l’État laïque, les sectes ont été interdites et les danses ont disparu. De plus, l’Islam orthodoxe n’apprécie guère les Mevlevi qui croient à une forme de réincarnation. Mais il règne une certaine tolérance à l’organisation de cérémonies. La pratique clandestine continue mais en 1950, le gouvernement turc légalisa l’ordre à nouveau et permit aux Derviches tourneurs de faire une représentation annuelle. Récemment, la Turquie dans ses publicités touristiques faisait la promotion de ces spectacles. L’Unesco a inscrit la Sema au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité.Nous avons d’ailleurs ce soir la chance de pouvoir assister à l’une de leurs représentations de cette danse coutumière effectuée au sein du Sema, cérémonie à travers laquelle les derviches (aussi appelés semazens) visent à atteindre la perfection à travers l’abandon de leurs égos ou des désirs personnels, en écoutant la musique, en se concentrant sur Dieu, et imprimant le mouvement du corps dans les cercles répétitifs. Ce qui est considéré comme une imitation symbolique des planètes dans le système solaire en orbite autour du soleil. Mevlana Rümï fut le grand initiateur du tournoiement. Selon la légende, le poète mystique serait passé un jour devant un bazar où l’on battait de l’or. Pris d’une forte émotion, emporté par le rythme et le son cristallin de l’or battu, Mevlana se serait mis à tourner dans un mouvement d’élévation. C’est par cette danse, le sema, qu’il serait entré en communion avec le divin. Depuis sept siècles, les disciples de Mevlana entrent en communion avec le Bien-Aimé par la danse.

L’entrée en scène des danseurs et musiciens est très ritualisée, de même que toute la cérémonie.

Vêtus d’une longue tunique blanche et d’une toque cylindrique en poil de chameau, les Derviches pivotent sur la pointe des premiers orteils du pied gauche en traçant un cercle autour de la piste en plusieurs périodes de dix à trente minutes. Le danseur tourne d’abord lentement puis très rapidement, jusqu’à ce qu’il atteigne une forme de transe, durant laquelle il déploie les bras, la paume de la main droite dirigée vers le ciel dans le but de recueillir la grâce d’Allah, celle de la main gauche dirigée vers la terre pour l’y répandre.

Les derviches tournent au son du ney (flûte à roseau avec un bec de hautbois) et sur fond de percussions (tambour sur cadre appelé daf), accompagnés de chants religieux.

Voici une vidéo trouvée sur internet d’une représentation du Sema.

La danse des derviches est donc une forme de prière, menant à l’union suprême avec Dieu. Nous sommes impressionnés par cette représentation entre spectacle et cérémonie à laquelle de nombreux fidèles viennent participer et prier.Retour sur le même bivouac qu’hier soir. Étonnamment, le moteur semble un peu moins claquer qu’hier.

Dimanche 17 février 2019 :

Une belle journée ensoleillée s’offre à nous. La semaine est annoncée également avec le beau temps. Heureusement que le soleil est là pour réchauffer les basses températures. J’en profite pour faire quelques lessives et laver le camion qui était fort sale avec les routes boueuses et salées que nous avons empruntées. Durant l’école, j’en profite également pour bricoler sur le camion. Il y a toujours un petit truc à faire. C’est comme dans une maison !

Nous discutons avec nos voisins de bivouac une famille de 5 coréens voyageant en camping-car. Ils ont traversé en ferry de Corée à Vladivostok à l’extrémité est de la Russie avant de rejoindre Merzouga, dans le sud du Maroc. Et là, ils sont sur le retour… tout ça en 6 mois ! Ils nous offrent des sachets de Nescafé coréens et des papillotes de chocolat. Anaïs et Victor leur offrent des boucles d’oreilles et des porte-clés…Nous prenons la route toujours vers l’est. Le bruit de ferraille semble s’atténuer mais est toujours un peu présent. Mais bon sang, qu’est-ce que c’est ??? GRRRRRR……

La route se passe bien, à travers le grenier à grains du pays. Les sommets sont bien enneigés. Le soleil est bien présent.

Nous nous arrêtons faire le plein de gasoil dans une grande station Shell sur l’autoroute. Les pompistes sont désolés de ne plus avoir de carburant mais nous offrent des thés.

Nous faisons une pause au caravansérail de Sultanhani, l’un des plus grands et des plus célèbres de la Turquie. Il fut construit au début du 13ème siècle. Nés au 11ème siècle, les caravansérails sont des hôtels fortifiés éparpillés tout au long de la route de la soie. Chaque caravansérail était espacé par une journée de marche des chameaux, entre 30 et 40 km. Les caravanes pouvaient s’arrêter pour s’abriter et se protéger de l’extérieur, le caravansérail étant fortifié. On y priait, on y négociait, on y parlait toutes les langues, on se soignait puis on repartait pour la halte suivante. A l’intérieur on trouve toujours une petite mosquée, des arcades pour les animaux et des habitations (chambre, cuisine). Des commerçants étaient toujours présents à l’intérieur. Superbe entrée en marbre de 13 mètres de hauteur entourée d’une arche ornée de formes géométriques symboliques. Mais la visite s’arrête là pour nous car le bâtiment est en restauration et recouvert d’échafaudages.

Une voyageuse cycliste que nous avions doublée ce matin sur la route en la saluant et l’encourageant à coup de klaxons s’arrête nous dire bonjour. Nous offrons un peu de repos et une assiette de pâtes au pesto à Gaëlle, une jeune étudiante nantaise ayant entrepris, entre sa licence et son master d’architecture, un tour d’Europe en vélo. A son programme, 25 000 kilomètres en un an. Nous vous invitons à suivre ses aventures sur son blog.Un commerçant avance nous voir et nous invite à passer le voir pour qu’il nous offre un livre touristique sur la région. Nous lui offrons des sachets de Nescafé coréens (on a gardé les papillotes de chocolat).Les mosquées sont magnifiques et leurs dômes sont recouverts de métal. Elles ont souvent deux fins minarets élancés vers le ciel, parfois quatre.

Nous allons bientôt entrer en Cappadoce. A l’approche de Belisırma, soudainement, le moteur qui fonctionnait parfaitement bien émet un sifflement de quelques secondes, comme une fuite d’air, comme un pneu de vélo qui se dégonflerait rapidement. J’éteins aussitôt le moteur en roulant et parviens à trouver un sablonneux trottoir pour stationner. MERDE. Y’en a marre. LA POISSE.  😡😡😡😡

Évidemment, pas de pneu de dégonflé. J’inspecte le moteur. Ou plutôt, nous inspectons. Audrey met le nez dans le moteur avec moi. Tout semble visuellement ok. Le moteur démarre normalement mais le bruit métallique est vraiment revenu. Nous semblons le localiser au niveau de la courroie d’accessoires. Nous prenons la décision de ne pas poursuivre jusqu’à notre bivouac prévu à 3 kilomètres mais de faire demi-tour pour tenter de rejoindre la ville d’Aksaray à 40 kilomètres derrière nous. Mais là, plus de puissance et surtout plus de freins ! La pédale est extrêmement dure et il faut freiner avec les deux pieds pour que le véhicule freine un peu. Mais putain, quel rapport entre les freins et la puissance du moteur ? Comment deux pannes peuvent arriver au même moment ? Que faire ? Poursuivre jusqu’au garage Mercedes annoncé selon notre ami Google à 40 km sans frein ou bien faire appel à l’assistance qui va encore nous envoyer une dépanneuse aux dimensions d’un camping-car Playmobil ? Excusez-moi de ma vulgarité mais merde. Même Audrey devient vulgaire. D’après mes souvenirs d’il y a une demi-heure, la route qu’on vient d’emprunter avait peu de dénivelé, mise à part à l’arrivée. Je tente donc de rejoindre la ville d’Aksaray, feux de détresse allumés et en circulant sur la large bande d’arrêt d’urgence. Mais arrive la descente annoncée à 10% de pente… En première vitesse et debout sur les freins, la Tiny ne s’emballe pas. Il ne nous reste à peine que 10 km pour traverser la ville. Nous parvenons au garage Mercedes mais deux choix s’offrent à nous. D’un côté de l’avenue, un agent Mercedes. De l’autre, une véritable concession de la marque. Nous tentons de bivouaquer devant l’agent en se disant que le coût de la main d’œuvre sera moins onéreux.

Je passe la soirée sur internet à consulter des forums mécaniques et à appeler mes amis Joaquim, Phiphi et Pascal des Baam qui semblent confirmer un dysfonctionnement de la pompe à vide. Celle-ci a pour fonction d’obtenir la dépression nécessaire à l’amplificateur de freinage (servofrein) mais également d’alimenter la commande du turbo. D’où la pédale dure et le manque de puissance.

Bon, si ce n’est que ça, ça ira mais en espérant (ce qui est certainement très probable) que cette panne ne soit pas consécutive à une mauvaise intervention mécanique en Grèce chez Dimitriç la semaine dernière. GRRRRR… ce qui pourrait avoir causé encore plus de dégâts.

Bivouac entre des carcasses de camions accidentés le long d’une avenue avec beaucoup de circulation. Mais on n’aura jamais assez de boules Quies pour aller jusqu’à la fin du voyage !

Lundi 18 février 2019 :

7h50, les mécanos sont déjà à tourner autour de la Tiny par curiosité. Je leur explique en turc (merci Google traduction !) le problème mais rapidement je vois qu’ils ne sont pas compétents en mécanique. Nous sommes bien chez Mercedes mais il s’agit ici de carrosserie et non de mécanique. Bon, c’est certainement écrit sur la devanture mais on ne sait pas lire le turc…

Nous traversons l’avenue et arrivons dans une magnifique concession à la marque à l’étoile. Rapidement, pas moins de 7 mécanos se mettent autour du moteur. Le chef d’atelier Okan rapidement confirme le verdict annoncé hier soir par mes amis.Moins drôle, la pièce n’est pas disponible en Turquie mais en Allemagne et le délai de livraison est annoncé entre 15 et 20 jours !!! Joaquim m’annonce la disponibilité de la pièce à Lyon. Je me mets à chercher sur internet un billet d’avion pour faire un aller-retour express en France pour en chercher une. Un avion décolle ce soir et je peux être de retour après-demain. Pas d’autre choix.

Durant ce temps, les enfants s’installent dans un des bureaux administratifs de la concession et font l’école. On nous offre des cafés.

Puis, Okan revient en m’annonçant qu’il peut recevoir une pièce adaptable stockée à Istanbul dès demain… On prend ! La matinée se passe et il revient en nous invitant à déjeuner tous les 4 avec lui à la cafétéria de l’entreprise. Merci !

Mes enfants sont vraiment adorables et patientent des heures sans sortir de la Tiny. Ils prennent un peu d’avance dans leur programme scolaire, ils bricolent des cadeaux pour l’anniversaire prochain de leur maman, ils jouent calmement dans leur chambre ou le salon… Je récupère du retard sur le blog et dans le tri de mes photos. Chacun trouve sa place dans nos 10m². Nous en profitons avec Audrey pour gérer de l’administratif, et engager nos demandes de visas pour l’Iran. Soirée cinéma sous la couette.

Nuit bercée par le doux espoir que demain soir, nous serons sur un super bivouac au bord d’une rivière…

Mardi 19 février 2019 :

La pièce est annoncée pour midi… avant que n’arrive Okan avec une mine déconfite. Il me fait comprendre en mimant que la pièce ne sera là que dans 4… mais quatre quoi ? 4 heures ou 4 jours ? Google Traduction nous aide et nous rassure… La pièce devrait arriver vers 15 heures. On peut donc encore espérer prendre la route ce soir. En fin de matinée, nous sommes de nouveau invités à manger au self de l’entreprise.Puis les heures défilent sans que la pièce n’arrive… 15, 16, 17 puis 18 heures l’heure de la fin de journée de travail pour les ouvriers. L’un deux s’inquiète et vient nous demander si nous avons tout ce qu’il faut en nourriture et en eau. Okan nous promet une réparation pour demain. Encore une journée de perdue. Le moral n’est pas au beau-fixe car nous ne savons même pas encore s’il n’y a pas d’autres dégâts que cette pompe à vide. On espère vraiment que le bruit métallique venait de celle-ci. Mes enfants ont encore été adorables. Ils ne se chamaillent pas et sont toujours autant complices. Ce n’est pourtant pas drôle pour eux non plus, d’autant plus qu’ils ressentent inévitablement notre stress. Mais bon, nous commençons malheureusement à avoir de l’expérience dans la gestion des pannes ! Il y a trois ans et trois jours, nous sortions de notre grosse galère de Calama où nous étions restés 3 semaines en panne en plein désert d’Atacama…

Bivouac non pas au bord d’une rivière mais le long d’un hangar métallique, dans une zone industrielle en sortie de ville, en bordure d’une route bien passante… Cependant, pas de chien ni de muezzin trop proche… On est chanceux.

Mercredi 20 février 2019 :

Anaïs et Victor sautent dans notre lit et offrent des câlins, des bisous et des cadeaux à leur maman pour son anniversaire.

Dès 8h30, la pièce est là. Elle avait dû arriver en fait hier mais certainement trop tard pour commencer les travaux de mécanique.Rapidement, l’ancienne pompe à vide est démontée. A l’intérieur, une masselotte métallique est entièrement cassée. Une moitié est restée à son emplacement mais l’autre a disparu ! Elle est donc descendue dans le moteur… Il faut absolument la retrouver. Mais selon le mécano, ce n’est pas grave, ce n’est pas indispensable. J’exige, sans le braquer, de vouloir retrouver tous les morceaux. Il commence à déposer le carter d’huile et retrouve la moitié de la moitié.Si vous suivez bien, il en manque donc un quart qui ne peut être que dans le carter de distribution… et là, il faut démonter tout l’avant, ce qui n’a pas l’air d’enchanter Okan… Une nouvelle fois, j’exige de retrouver ce fragment métallique gros comme un mégot de cigarette qui pourrait faire casser le moteur à tout moment.

Le démontage continue et là, catastrophe, le palier sur lequel est fixée la pompe à vide est cassé. Son roulement est tout éclaté. Sur la photo suivante, on se rend compte que le pignon de chaîne est fixé de travers. Le problème vient donc d’un mauvais remontage de la pompe à injection il y a 15 jours en Grèce. Elle fonctionnait bien au niveau injection, mais elle a dégradé au fur et à mesure des kilomètres le palier et donc la pompe à vide… Sur cette photo, la pompe à injection est démontée et sur la suivante, voici le fameux palier défectueux qui vient se fixer entre la pompe et le pignon. La pompe à vide est ensuite fixée sur ce même axe. C’est pour ça qu’elle a lâché car l’axe fonctionnait de travers.

Le roulement du palier a perdu la moitié de ses billes dans le moteur… Là également, j’insiste pour retrouver l’intégralité des 18 billes. Le démontage du carter continue. Je suis dépité de voir le moteur se démonter pièce par pièce sur l’établi. D’autant que ma confiance dans le chef d’atelier Okan n’est pas entière. Je n’ai pas le choix. Je ne le lâche pas et observe tout ce qu’il fait. Heureusement, mes amis m’aident au téléphone et notamment notre fidèle Joaquim qui me conseille heure par heure sur le démontage et les points sur lesquels il faut que j’insiste. Le dernier morceau métallique de la masselotte est retrouvé près du tendeur de chaîne. Quelle chance nous avons eu de ne pas briser entièrement le moteur si l’un de ces morceaux de métal s’était coincé dans la chaîne de distribution… là, Okan m’annonce que pour démonter la pompe à injection, il faut démonter tout le moteur. Je lui explique que non et que j’ai vu les mécanos faire en Grèce et que ça a pris une heure pour la dépose et la repose. Il me dit que c’est impossible. Je lui explique que oui et qu’il n’a pas le choix. Notre avenir est entre ses mains. Une demi-heure plus tard, la pompe est démontée…

Une fois de plus, nous sommes invités par l’équipe Mercedes à manger avec eux dans leur self. On nous propose également cafés et thés dans la journée. Les échanges de sourires sont de plus en plus fréquents avec le personnel qui s’habitue à nous voir dans les murs.Mon inquiétude de ne pas savoir où dormir ce soir est présente. Bien évidemment, je comprends qu’on ne puisse pas dormir dans l’atelier mais j’essaye de parlementer avec les mécanos pour qu’ils poussent les 5 tonnes de la Tiny dehors. Finalement, après négociation et insistance, ils acceptent…

Et là, le verdict tombe. Les pièces à remplacer ne sont pas du tout disponibles en Turquie. De nouveau, un délai de 20 jours nous est annoncé… Que faire ? Joaquim et ses collègues de chez Mercedes à Saint Jean d’Angély m’informent que toutes les pièces sont dispos sous 24 heures en France ! La question ne se pose pas longtemps pour Audrey et moi et nous décidons de réserver un billet d’avion pour aller chercher les pièces… On pourrait évidemment se faire livrer les pièces par colis mais celui-ci coûterait déjà très cher, prendrait du temps et aurait surtout le risque de rester bloqué en douane quelques jours et d’avoir des droits d’importation à payer. Avec Joaquim en direct par téléphone et Okan, nous faisons la liste de courses.Sept mécaniciens poussent la Tiny devant le bâtiment. Elle est toute démontée. Un plastique, tel un linceul, recouvre ce qu’il reste de la mécanique. Quelle galère ! Une larme d’huile coule de l’œil de notre petit alpaga.

Nous fêtons, dans des conditions un peu particulières, l’anniversaire de ma douce. Une bouteille de Bonnezeaux, offerte avant notre départ par notre vieil ami Dimi pour fêter ce changement de dizaine, était gardée bien cachée pour l’occasion… Elle ne pouvait pas mieux tomber pour nous remonter, un court instant, le moral…

Nuit de doutes, d’interrogations, de stress. La même que nous vivions il y a tout juste trois ans au Chili quand je m’apprêtais à réserver un billet d’avion pour venir chercher des pièces en France pour réparer notre ancien camping-car. Nous avons également l’énorme risque de me voir refuser la sortie du pays. La Turquie fait partie des pays où si on est entré avec un véhicule par une frontière terrestre, on doit impérativement en ressortir à une autre frontière terrestre avec ce même véhicule (ceci pour éviter le trafic des voitures). Dans tous les guides, il est bien écrit que je risque d’être refoulé à la frontière.

Jeudi 21 février 2019 :

Joaquim me confirme qu’il peut bien avoir les pièces demain, au pire samedi de très bonne heure. Je passe quelques heures sur internet à essayer de faire correspondre des billets d’avion et de train avec un tarif « raisonnable » malgré la réservation la veille pour le lendemain. Qu’importe, on n’a pas le choix. Avec Audrey, nos regards se croisent et décidons de nous lancer dans cette folle aventure. Nous prenons le risque que je sois refoulé à la frontière et que je revienne bredouille en ayant perdu le prix de mes différents billets. Finalement, je réserve un avion pour la nuit prochaine !

L’aéroport de Kayseri est à 170 km et il me faut réserver une voiture de location pour le rejoindre. Je passe donc un moment à trouver et à aller chercher une voiture à Aksaray. Audrey me prépare mon sac avec juste une brosse à dent et un slip propre. Pas besoin d’autre chose pour un aller-retour express. Les enfants sont inquiets et Victor se met à pleurer de me voir partir. Cela fait plusieurs mois que nous vivons vraiment 24/24 ensemble sans nous quitter des yeux.

Je me bagarre avec mon assurance pour essayer de négocier qu’ils prennent en charge une partie de mon billet. Ils acceptent de nous rapatrier tous les 4 en France durant les travaux de réparation, puis de me repayer un billet pour que je vienne chercher le camion en Turquie. Mais ils refusent de me payer mon billet d’avion… Qu’importe… je n’ai pas assez de temps et d’énergie pour parlementer.

La nuit tombe, je serre très fort mes trois amours dans mes bras. Le cœur très serré et la gorge nouée, je pars réaliser le défi que je me suis fixé, que nous nous sommes fixés. Je pars au volant d’une Renault Fluence, l’esprit tranquille car Audrey reste avec les enfants en toute sécurité à l’intérieur du parking surveillé par des caméras et gardé par des gardiens 24/24.Plus de deux heures de route plus tard, j’arrive au petit aéroport régional de Kayseri. Mon vol est prévu à 6 heures du mat’ mais j’ai préféré rouler ce soir plutôt que d’avoir à prendre la route à 1 heure du matin. Je tente de m’endormir en m’allongeant sur les fauteuils du hall des départs de l’aéroport. Le sommeil ne vient pas. Je ne dors que par quelques petites portions de 10 minutes.

Vendredi 22 février 2019 :

Un texto de la compagnie aérienne me réveille à 3 heures m’annonçant une heure de retard sur mon premier vol m’emmenant à mon escale d’Istanbul. Ce qui ne me laissera que 25 minutes entre mes deux avions avec le passage redouté et incertain de la douane. Le challenge me paraît non réalisable. Pas encore parti que mon défi est déjà mal engagé. Le sommeil cette fois ne viendra plus. Me voilà sur internet à consulter les conditions d’annulation et de remboursement de mes différents billets engagés pour ce voyage.7 heures, le Boeing 737 décolle pour faire escale à Istanbul. Je nourris mon corps de deux sucres avant d’en descendre sachant ce qui m’attend dans la prochaine demi-heure. Je cours comme rarement j’ai couru. Je traverse les nombreuses aérogares et longs couloirs de l’aéroport d’Int’l Sabiha Gökçen. J’arrive au contrôle des passeports. Une file en accordéon de 200 ou 300 personnes fait la queue ! Je me dirige vers un employé de la sécurité lui indiquant que mon prochain avion décolle dans 15 minutes et que j’ai besoin de passer devant tout le monde. Il refuse. Un deuxième employé refuse également. Pas d’autre choix que de « griller » tout le monde. Je pousse tout le monde, lançant des « sorry » et montrant mon billet à ceux qui à juste titre rouspètent.

Quel poste de douane choisir ? Je choisis la tête du douanier qui m’inspire le plus. Je lui présente mon passeport, accompagné d’un sourire et d’un agréable « Merhaba ». Étonnamment et par chance, ou par erreur de sa part, il me le marque d’un coup de tampon de sortie du territoire turc. Je tiens informé Audrey et les enfants qui sont inquiets également de ma progression. Mon avion décolle dans 5 minutes. J’arrive à la porte d’enregistrement et la jolie hôtesse m’annonce que je suis en « surbooking » (c’est-à-dire que la compagnie a vendu un nombre de places supérieur à la quantité réellement disponible). Elle cherche sur son ordinateur, passe des coups de fils et finalement me trouve une dernière place. La porte de l’Airbus se ferme derrière moi !

Quelques 3h40 plus tard, l’avion se pose à Paris Orly. Je n’ai pas réussi à dormir car mon voisin n’a pas arrêté de prier et de chantonner durant une bonne partie du vol et car le père assis derrière moi n’a pas songé à demander à son gamin de baisser le son de sa console de jeux…

La navette de bus m’emmène rapidement à la gare de Montparnasse où un TGV me transporte jusqu’en gare de Poitiers où mes beaux-parents m’attendent. Le bon côté de cette folle aventure est que je peux profiter d’embrasser la famille !La folle journée continue et me voici avec mon papa en voiture en direction de Saint Jean d’Angély. Nous arrivons à la concession Mercedes où Joaquim nous attend. Il a bien réuni toutes les pièces nécessaires au remontage du moteur. Comment te remercier Joaquim ? Tu es notre sauveur… Merci également à tes collègues Franck et Christophe. Joaquim en profite pour me conseiller et m’alerter sur quelques points sensibles lors du remontage. Je devrai veiller à de nombreux détails et outillages spécifiques que devront utiliser les mécanos.Nous ne sommes qu’à 30 km de notre maison louée par un merveilleux petit couple que forment ma nièce adorée Émilie et son charmant compagnon Boris. Nous partageons un rapide mais agréable moment ensemble. Il est 23h30 mais 1h30 dans mon petit organisme bien fatigué encore à l’heure de la Turquie, quand nous rejoignons la maison de mon papa à Poitiers. Le stress vécu depuis plusieurs jours et la dernière nuit blanche font que Morphée me prend vite dans ses bras. Que c’est bon un vrai lit…

Samedi 23 février 2019 :

L’heure du retour a déjà sonné. L’heure de dire au revoir à mon papa (et de lui dire à bientôt en Ouzbékistan !). L’heure de monter dans un TGV, dans un bus, dans deux avions… et l’heure de revenir parmi ceux qui me sont le plus chers avec un sac à dos rempli de quelques kilos de pièces mécaniques. Mon défi est presque réalisé. La journée est évidemment moins stressante que celle d’hier. J’ai un peu plus de temps à chaque escale. Je continue sans cesse à échanger avec Audrey pour la rassurer. Mais quand même, le seul stress de la journée est de justifier cet aller-retour express de quelques heures aux douaniers turcs. J’ai le sac rempli de nombreuses et onéreuses pièces mécaniques que je devrais légalement déclarer à la douane pour m’acquitter de taxes d’importation. Que faire ? déclarer ou tenter de passer ? Lors de mon escale stambouliote, le premier douanier ne pose aucun problème pour me tamponner ma nouvelle entrée en Turquie. J’arrive au passage redouté. Le Ministère de l’Industrie et du Commerce turc doit donner son accord pour l’import de tous produits électriques et automobiles. D’un bon pas décidé, je passe le contrôle de douane à qui l’on doit déclarer les marchandises sans regarder l’agent bien occupé avec un autre passager. Ouf… La délivrance est bientôt là… Plus qu’un vol mais nouveau coup de stress, le contrôle de sécurité m’interdit de rentrer dans l’avion avec le sac en bagage à main. J’ai beau discuter, parlementer, négocier. Rien n’y fait, je dois me résigner à voir mon sac à dos partir en soute avec toutes ces pièces si chères et si indispensables, son grand joint de carter si fragile qui dépasse déjà du sac… Pourvu qu’il ne soit pas perdu ou ouvert…

Dimanche 24 février 2019 :

0h05, mon quatrième et dernier vol décolle en direction de Kayseri. Je récupère mon bagage en parfait état sur le tapis roulant. La délivrance approche. Je prends la route à 1h30 du mat’ pour encore plus de deux heures de route ! Étonnamment, je suis à peine fatigué. Je ne sais pas ce qui me fait tenir… si je sais, le besoin d’embrasser mes trois amours et de les serrer fort dans mes bras, fier d’avoir accompli ce défi. Je boucle ce fou marathon en 56 heures 30 minutes et 24 secondes où j’ai parcouru 6178 km en avion, 592 km en train, 630 km en voiture, 30 km en bus… au total, 22 heures passées dans les transports et seulement 8 dans un lit ! Maintenant, on croise les doigts que le remontage se passe sans encombre et qu’il ne manquera pas une pièce !!

Après une grasse matinée de récupération, quel bonheur de tous se retrouver sous la couette pour un gros câlin de retrouvailles.

Nous profitons d’avoir encore la voiture de location jusqu’à demain lundi, pour aller nous dégourdir les jambes. Les miennes se sont bien dégourdies lors de mon marathon mais Audrey, Anaïs et Victor n’ont pas bougé de la Tiny depuis 8 jours… Tout le monde a donc besoin de sortir, de se ressourcer et de reprendre de l’énergie avant d’affronter les deux ou trois jours estimés de remontage si tout se passe bien…

Nous partons découvrir la proche vallée d’Ihlara, celle que nous devions visiter dimanche dernier avant de tomber en panne. Cette vallée est un canyon taillé par la nature dans le tuf volcanique. Parmi la centaine d’églises, creusées dans la roche dès le 6ème siècle, seule une quinzaine existent encore. C’est au départ de Belisırma que nous longeons les rives de la Melendiz. Les parois du canyon atteignent environ 100 mètres de hauteur.Les moines trouvaient ici un refuge idéal pour célébrer leur culte et pour se protéger des envahisseurs. Nous commençons par l’église de Kırk dam altı kilisesi datant du 13ème siècle. Des sépultures sont creusées dans le sol. De belles fresques, malheureusement saccagées par des graffitis, décorent ses murs et plafonds plats.

Un peu plus loin, l’église Sümbüllü Kilise fait partie d’un monastère à deux niveaux datant de la fin du 10ème siècle. Derrière sa façade rocheuse à arcades, nous découvrons de grandes salles et escaliers taillés dans la roche. Incroyable travail.

L’église Ağaçaltı kilisesi présente elle aussi de belles fresques dont certaines aux motifs géométriques.La promenade est vraiment ravissante au fond de ces gorges. Il ne manque qu’un petit rayon de soleil et il me manque surtout un peu d’énergie. J’accuse le coup de mon marathon. Un peu de sucre et ça repart.

Kokar Kilise est une magnifique église avec une grande nef prolongée par des chapelles funéraires. Le tout reposant sur des piliers taillés dans la roche. Toutes les scènes de la vie du Christ sont représentées sur les murs mais nous manquons de connaissances dans ce domaine… 

Sur l’autre rive, se cachent dans la roche les églises Yılanlı kilisesi et Karanlık kale kilisesi, toutes aussi belles et impressionnantes.

Nous sommes de retour à notre point de départ et partons visiter le beau village troglodyte de Selime. Il s’agit d’un incroyable paysage de cheminées de fées et de cônes érodés par les temps passés.

L’intérieur de ses sculptures naturelles a été creusé par l’homme. Un ensemble monastique a même été aménagé pour y accueillir des cellules, des salles de réunions, des ossuaires.

Une cathédrale a été incroyablement taillée dans la roche au 13ème siècle.

Un peu plus loin, une autre église a été creusée. Quelques peintures sont mal conservées mais encore visibles.

Cette journée nous a fait le plus grand bien à tous les 4. Elle n’est pas sans nous rappeler les deux jours où nous avions également loué une voiture lors de notre immobilisation mécanique de 3 semaines au Chili pour aller visiter la région d’Atacama. Retour à notre bivouac de rêve que nous occupons pour la 8ème fois. Encore combien ? Ce soir, nul besoin de me bercer…

Lundi 25 février 2019 :

8h35, Okan est déjà au travail avec ses employés. Nous faisons le point sur les pièces que j’ai ramenées. Tout est là : bague d’étanchéité, pignon d’arbre à came, chaîne de distri, glissières de chaîne, tendeur de chaîne, étrier de serrage, ressort, pignon à chaîne et bien sûr la fameuse bride (avec son palier et son roulement) sur laquelle est fixée d’un côté la pompe à injection et de l’autre le pignon de chaîne et la pompe à vide. Tout semble lui convenir à part la chaîne de distribution qui lui pose problème. Il existe deux types de verrouillage du dernier maillon et il n’a pas l’outil de rivetage spécifique. C’est par précaution que nous préférions changer la chaîne car le moteur est tout démonté. Elle ne semble pas avoir souffert. Il me paraît moins dangereux de continuer à rouler avec celle qui est déjà sur le moteur qui n’a que 130 000 km que de la remplacer par une nouvelle qui serait mal verrouillée à l’aide d’une paire de pince ou d’un coup de marteau… Je prends la décision de ne pas la remplacer. Le remontage commence. Consciencieusement. Méthodiquement. Je reprends confiance en Okan. L’opération la plus délicate est celle du remontage et du bon préréglage manuel de la pompe à injection. Le réglage final s’effectuant avec la valise diagnostic. Je suis à présent invité aux pauses des mécanos à partager le thé…

J’observe toute la journée le remontage. Tout se passe bien. Je suis rassuré au fur et à mesure des heures par Joaquim que j’appelle plusieurs fois. Vers 15 heures, le moteur est loin d’être entièrement remonté mais suffisamment pour tenter de le démarrer. Une fois purgé le carburant au niveau des injecteurs, le moteur démarre. Okan lève les bras au ciel. Moi, je pousse un cri de victoire…Durant deux heures, il termine le remontage (courroie accessoires, galets tendeurs, radiateur, carrosserie, pare choc, plaque sous moteur…). Mais impossible de connecter la valise diagnostic à la Tiny pour régler parfaitement la pompe à injection.

17 heures, nous partons tester la Tiny. Dès les premières accélérations, je sens que c’est gagné ! Okan nous accompagne et teste également le moteur. Nous sommes rassurés ! Le moteur a un doux bruit comme jamais il n’a eu depuis que nous l’avons. Il ronronne. Il a retrouvé toute sa puissance et ses reprises. On se passera du réglage à la valise.

Il est temps de passer à la caisse, mais la concession est hyper raisonnable sur la facture. Nous avons passé huit jours chez eux et ils nous ont choyés tout au long de notre « séjour ». Ils nous ont invités tous les midis à manger avec eux. Ils nous ont offert des cafés et des thés tous les jours. Nous avons eu surtout la chance de pouvoir continuer à vivre dans le camion en étant branché sur l’électricité (pour le chauffage), et avons bénéficié du wifi des bureaux.Bon cette blague nous aura coûté tout de même la modique somme de 3000€ (main d’œuvre, pièces, avion, train, location voiture…). Tout ça à cause d’un garagiste qui a mal travaillé en Grèce et qui nous avait déjà pris 750€… (sans facture !). Cela ne remet pas en cause la suite de notre voyage car nous avons une enveloppe « galère et mécanique » mais bon là, elle en a pris un sacré coup… il va falloir que ça se calme…

Huit jours après notre panne. Huit jours de perdus. Nous allons devoir faire des choix de visite pour la suite de la Turquie. On relativise, tant pis, nous aurions pu rester bloqués ici au moins un mois si nous n’avions pas pris avec Audrey le risque de mon aller-retour en France. Nous sommes en bonne santé. Nous sommes unis. Nous sommes heureux. La Tiny s’est refaite une santé. La cavale peut sereinement reprendre.

Et quoi de mieux pour reprendre notre cavale qu’une soirée avec des voyageurs. Nous sommes depuis peu en contact avec Gali et compagnie, une famille française de voyageurs en route vers l’Asie du sud-est en camping-car ! Nous sachant en difficultés, mais sans prévoir que cette galère serait terminée ce soir, Linda, Gaëtan, et leurs deux enfants Tilio et Mali, nous rejoignent sur un petit bivouac dans Aksaray. Les enfants passent du temps à l’aire de jeux. Les parents passent du temps à l’apéro. Vous imaginez notre besoin de décompresser ! Cette rencontre ne pouvait pas mieux tomber !Nous passons un très agréable moment en leur compagnie. Notre itinéraire étant le même, très certainement que je vous en reparlerai très vite…

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