20. Turquie : du 26 février au 4 mars 2019 : la Cappadoce (Göreme, Derinkuyu, Uçhisar, Paşabağı, Bayramhacı), Sultanhanı, Erzurum

1100 km parcourus du 26 février au 4 mars 2019

14 795 km parcourus depuis le départ

 

Mardi 26 février 2019 :

Après 8 jours d’immobilisation au garage Mercedes d’Aksaray au centre de la Turquie, notre cavale va enfin pouvoir reprendre. Nous sommes impatients de rouler, de rencontrer, de nous émerveiller de chaque instant qui passe… Nous sommes aussi impatients de voir comment se comporte la Tiny suite au remontage complet de son moteur. Mais la fatigue et le stress accumulés ces derniers jours me procurent aujourd’hui un contrecoup. Pas moral mais vraiment physique. La pression retombe. J’ai du mal à me remettre de mon aller-retour express en France d’il y a trois jours. Et puis, la petite liqueur d’Alsace partagée en fin de soirée avec Gali et Compagnie, les voyageurs français rencontrés hier, fait qu’on traîne un peu au lit.

Nous reprenons notre rythme de voyage avec le traditionnel moment d’école d’une durée d’environ deux heures juste après le petit déjeuner. Anaïs et Victor ne sont vraiment pas en retard dans la programmation prévue par Audrey. Ils ont beaucoup travaillé la semaine dernière ! Ils commencent comme tous les matins par rédiger leur journée de la veille sur leur cahier. Moi aussi, j’ai pas mal d’occupations sur le blog ce matin. D’habitude, je rédige tous les jours, sur le temps de l’école, ma journée de la veille. J’essaye de ne pas prendre de retard. Mais là, j’ai plusieurs jours de retard. Le moral n’était pas là pour s’y mettre la semaine dernière.

Nous prenons la route. Le moteur ronronne bien. Il est beaucoup plus silencieux. Il réagit très bien dans les montées. Quel plaisir ! Nous sommes confiants…

Le temps est pourri aujourd’hui. Il pleut tout l’après-midi. Une fois encore, pas trop d’énergie aujourd’hui. On se pose sur le parking de notre prochaine visite que nous remettons à demain. Nous faisons des jeux de société. Anaïs nous prépare un chocolat chaud.

Bivouac bruyant à Derinkuyu selon Audrey et les enfants. Moi, je n’ai rien entendu !

Mercredi 27 février 2019 :

Le temps n’est plus pluvieux aujourd’hui. Mais bon, finalement on aurait pu faire la visite hier car ce que nous allons découvrir aujourd’hui est une ville souterraine !

Nous venons d’entrer dans le Parc national de Göreme et ses sites rupestres de Cappadoce classé par l’Unesco au Patrimoine mondial. La Cappadoce est réputée en partie pour ses cités souterraines, environ 200, mais seulement cinq sont accessibles aux visiteurs et Derinkuyu est la plus grande. Cette cité date du 8ème siècle av. J.-C. et elle fut agrandie progressivement au début de la période byzantine. La cité servit de refuge aux premiers chrétiens grecs, face aux persécutions de l’Empire romain. Derinkuyu signifie « puits profond » et porte bien son nom ! Aujourd’hui, seulement une partie des 13 étages de la cité souterraine est accessible. Les huit étages dégagés à ce jour atteignent une profondeur d’environ 85 mètres. Nous descendons, souvent pliés en deux, dans d’étroits tunnels. Un véritable gruyère creusé dans la roche.

La cité pouvait être fermée de l’intérieur par de grandes meules circulaires faisant office de portes. Elles avaient un diamètre de 1 m à 1,50 m, une épaisseur de 30 à 50 cm et un poids de 200 à 500 kg. Chacun des 13 étages pouvait ainsi être fermé séparément.

L’espace était organisé autour de 52 cheminées d’aération, qui, pour quatre d’entre elles, atteignaient une profondeur de 30 m et servaient également de puits mais constituaient un point faible dans le système de défense : devant la difficulté de s’emparer de telles cités, certains envahisseurs tentèrent de les empoisonner.Comme les autres cités du même genre, celle de Derinkuyu comportait des lieux de culte, des pièces de stockage, des étables ou des bergeries, des pressoirs à vin et à huile, des cuisines, des réfectoires.

Une vaste pièce voûtée au second étage (en partant du haut), qui servit semble-t-il d’école religieuse, est spécifique à Derinkuyu.Entre le troisième et le quatrième niveau, un escalier abrupt mène à une église cruciforme de 10 × 25 m et 2,5 m de hauteur.

Tous ces aménagements et la grande dimension de la cité permettaient d’abriter jusqu’à 20 000 personnes, mais étaient conçus pour accueillir 3000 personnes en moyenne pour de longues durées. Un tunnel, qui part du troisième étage, rejoignait la cité souterraine de Kaymaklı, distante de 9 km.

Nous prenons la route vers Uçhisar et passons l’après-midi sans bouger. Le temps se refroidit beaucoup et la neige commence à tomber. Un rayon de soleil est annoncé pour demain. Nous préférons patienter et visiter cette prochaine ville dans de meilleures conditions. Jeux de société, goûter au chocolat chaud, films sur l’ordinateur, mise en ligne du dernier article du blog, préparation de l’itinéraire des prochains jours, bonhommes de neige nous occupent l’après-midi…

Les températures dégringolent. J’allume le poêle à bois et brûle quelques bouts de palettes récupérés à Venise. Qu’est-ce qu’on se sent bien dans notre cocon !22h15, déjà endormis, nous sommes réveillés par quelqu’un qui frappe à la porte. J’ouvre la fenêtre. Un couple habitant près de là nous apporte une thermos de thé brûlant, de la soupe et des fruits ! Incroyable ! On reste abasourdis devant une telle hospitalité et générosité… Ce couple a osé braver le froid et venir sous la neige pour nous offrir ce repas !

Jeudi 28 février 2019 :

6h30, c’est le froid qui me réveille. Je regarde le thermomètre qui affiche 8° dans la Tiny. Dehors le ressenti est annoncé à -6°. Je soulève le rideau. Un manteau blanc d’environ 10 cm recouvre la Tiny. Très courageux, je sors de sous la couette et de sous l’épaisse couverture polaire pour allumer le chauffage gaz ainsi que le poêle à bois. Frileux, je retourne sous la couette et l’épaisse couverture polaire. Audrey et les enfants se réveillent avec 17° dans la Tiny. Qu’est-ce que je suis sympa quand même ! Quel sens du sacrifice !

Pas d’eau au robinet. Les réserves situées dans le châssis (donc pas isolées) ont gelé. Je mets en route les sondes électriques de réchauffage de ces réservoirs que j’ai installées. Ça ne fonctionne pas. Tant pis, on verra ça plus tard. On va attendre le dégel. Je monte sur le toit déneiger les panneaux solaires afin qu’ils puissent capter les quelques rayons de soleil annoncés ce matin.Le camion, malgré le froid démarre parfaitement bien. Un voyant rouge est allumé. Petit coup de stress avant de consulter la notice du camion. Il s’agit d’un problème de freins (liquide de frein…). Mes niveaux sont bons. Mes freins sont neufs. Pas d’inquiétude. Par contre, mon alternateur ne semble pas charger d’après mon voltmètre que j’ai installé préventivement au compteur. J’éteins le moteur et le rallume. L’alternateur fonctionne de nouveau. Le voyant de freins est éteint. Certainement un dysfonctionnement dû aux températures très basses. Malgré le sol enneigé et la neige bien tassée sur la route légèrement en pente, j’apprécie la propulsion de la Tiny (n’est-ce pas les BAAM…) pour sortir de mon emplacement de parking.

Nous nous garons dans le centre d’Uçhisar et retrouvons le camping-car de Gali et Compagnie. Nous nous donnons rendez-vous pour le bivouac de ce soir.

Cette ville est réputée pour son piton rocheux percé de centaines de cavités, une vraie citadelle naturelle dont l’homme en a fait un véritable gruyère… Ce château surréaliste, haut de 70 mètres domine toute la région de Cappadoce et se voit à des kilomètres à la ronde.Nous entrons dans les entrailles de cette cité troglodytique. Le rocher, appelé Kale, percé de grottes et de tunnels a servi de refuge pendant des siècles. Un couloir d’un kilomètre reliait ce château fort naturel à la rivière pour que les habitants aillent chercher de l’eau sans être exposés à l’ennemi.Après avoir gravi les 230 marches, nous avons une vue (très venteuse et glaciale !) à 360° sur la Cappadoce. On commence à distinguer les fameuses cheminées de fées, symboles de la région. C’est vraiment magique comme paysage, d’autant plus que la neige recouvre une partie de ces paysages, juste autour d’Uçhisar. Il ne semble pas y avoir de neige sur Göreme où nous allons ce soir.

Nous visitons ensuite le vieux bourg qui s’étend au pied de ce rocher. Il est en grande partie à l’état de ruines car la roche de tuf s’effondre et les habitants désertent les lieux. Certaines cavités abritent du bétail. Les cônes de tuf sont percés de part en part.

C’est par une piste boueuse et bien glissante avec de belles ornières par endroit que nous rejoignons la vallée blanche. Elle ne peut pas mieux porter son nom aujourd’hui avec la neige qui sublime les paysages. Ces derniers deviennent grandioses. Cette Cappadoce dont nous entendons parler depuis des années, cette fois-ci, on y est !

Au cœur de la vallée, dite aussi vallée de l’amour, on y découvre des cheminées aux formes… étonnantes. Il y en a des petites, des grosses, des fines, des larges, des effilées, des longues, des courtes. Mais pas de molles, que des dures. Il y en a même des recouvertes de neige.

Nous continuons et arrivons sur un grand terrain vague au nord de Göreme. C’est là que nous posons notre bivouac pour ce soir. Les températures sont repassées en positif mais le glaçon n’a pas fondu dans les réserves d’eau.

L’endroit est magique. Nous sommes au cœur d’un décor minéral merveilleux que nous allons, bien couverts, découvrir.

Les cheminées de fées sont vraiment étonnantes. Elles sont quasiment toutes percées de cavités. Quelques unes tellement creusées s’effondrent laissant apparaître leur labyrinthe intérieur.

Nous distinguons de nombreux pigeonniers taillés dans le tuf. Sous l’Empire Ottoman, la fiente constituait une véritable industrie, et elle était même exportée. Les fientes permettaient d’enrichir la terre d’un engrais naturel. C’était bien avant l’apparition des produits chimiques. On ne les ramassait qu’une fois par an, ce qui explique la taille inhabituelle de ces pigeonniers. Des motifs géométriques sont peints à l’entrée de ces cavités à l’aide de peintures à base d’éléments naturels (extraits de plantes et d’arbres). La plupart des pigeonniers datent de la fin du 19ème siècle ou du début du 20ème siècle. Leur intérieur était composé d’alvéoles avec de petits perchoirs.Nous entrons dans une cheminée et découvrons une église rupestre entièrement taillée dans le tuf volcanique.

Soirée partagée avec Linda, Gaëtan et leurs enfants.

Vendredi 1er mars 2019 :

Ce matin, le thermomètre affiche… 3,7° dans la Tiny… Face à notre bivouac, panorama sur le village de Göreme, séparé de quelques kilomètres de celui d’Uçhisar visité hier.Aujourd’hui, pas d’école… les enfants ont vraiment bien travaillé ces derniers jours. Pas d’école mais vous allez le voir, ils vont quand même faire EPS, géologie, physique, histoire, géographie… car nous allons randonner dans la vallée rose et la vallée rouge. Nous voici au cœur d’un paysage lunaire. Un vrai décor minéral prenant toutes les teintes d’un nuancier de peinture. C’est magnifique d’autant plus sous un ciel d’un bleu intense. Enfin du beau temps et des températures qui se réchauffent un peu. Il fait 10°.

J’entre dans une cheminée en escaladant un étroit et haut conduit d’environ 3 mètres de hauteur. Dans la pièce du haut, je me rends bien compte que celle-ci avait une fonction d’habitation ou plutôt de refuge vu son accès compliqué.

Nous découvrons beaucoup d’églises dont certaines ont encore quelques traces de fresques.

L’église dite aux Trois-Croix (Üç Haçli Kilise) datant du 6ème siècle doit son nom aux croix de Malte sculptées au plafond.

On arrive à l’église à la Croix (Haçli Kilise) aux fresques du 10ème siècle.

Petite pause pour reprendre des forces en dégustant un jus de grenades et d’oranges et en ayant une discussion sympathique avec deux françaises découvrant elles aussi la Turquie.

Nous avons une petite moyenne kilométrique aujourd’hui. On s’arrête sans cesse en escaladant à la découverte des cavités, des habitations, des églises… tout ça au milieu de splendides paysages. Nous ne croisons personne. Bon, désolé, il y a beaucoup de photos mais je n’arrive pas à faire une sélection…

Nous voyons toujours beaucoup de pigeonniers et également d’étonnantes ruches pour les abeilles qui pénétraient dans la roche au travers de ces « meurtrières » et des petits trous percés.

Nous nous enfonçons dans une deuxième vallée, parallèle à la première. Nous y découvrons une superbe et gigantesque église, la Direkli Kilise. Une architecture incroyable avec colonnes et coupoles. Difficile d’imaginer derrière cette paroi rocheuse ce qui se cache à l’intérieur.

Retour sur notre bivouac pour déjeuner. Nous y croisons un couple de mariés prenant des photos. La femme a une superbe robe.L’après-midi, c’est à 8 avec Gali et Compagnie que nous partons randonner. Toujours des cheminées, des églises… On adore…

Le chemin se resserre au milieu de très hautes parois rocheuses. Sur plusieurs dizaines de mètres, nous empruntons des tunnels creusés dans le tuf. Certains manquent un peu de hauteur.

Nous visitons le musée à ciel ouvert de Göreme. Un lieu très (trop) touristique et un peu trop bien aménagé à notre goût. L’endroit est tout de même intéressant car il regorge sur un très petit espace d’églises rupestres, de couvents, de chapelles datant de 1000 ans. Les coupoles, les voûtes et les murs des églises sont décorés de peintures religieuses ou simplement de motifs géométriques souvent de teinte rouge.

L’ensemble servait aussi de lieu d’habitation. On y trouve des réfectoires, des dépôts et des cuisines avec des pressoirs à raisin, des grandes tables taillées dans la roche, des fours sans cheminée creusés dans la terre que l’on remplissait de braises.Retour à notre bivouac en empruntant des sentiers sillonnant au milieu de ces paysages surréalistes.

Bivouac en bonne compagnie de Gali et… compagnie.

Samedi 2 mars 2019 :

Petite déception ce matin au réveil. On espérait, comme à Pamukkale, être réveillés par les montgolfières car on est sur une des aires de décollage mais le temps est certainement trop froid pour qu’elles décollent. Fonctionnant au gaz propane, nous imaginons que les températures bien négatives empêchent leur bon fonctionnement.

L’eau est toujours gelée dans nos réserves de la Tiny. Vivement que les températures redescendent ! Nous quittons ce magnifique bivouac et nos nouveaux compagnons de route, Gali et Compagnie, que nous retrouverons à présent en Iran.Nous prenons la route et à peine sortis de notre bivouac, une équipe de tournage de télévision turque nous interviewe !Nous allons visiter le site de la vallée du Pacha ou des Moines à Paşabağı. Le site est un peu comme le musée à ciel ouvert de Göreme hyper méga touristique et très mercantile. De (trop) belles allées aménagées permettent de déambuler au milieu de magnifiques cheminées de fées. On préférait nettement nos randos des jours passés à marcher en pleine nature et à découvrir par nous-mêmes au hasard les habitations ou les églises. Cependant, l’endroit est quand-même très beau.

Les moines, pour se mettre à l’écart du monde, avaient établi leur refuge au sommet des cheminées. Les ermites de Cappadoce ont donc creusé la partie la plus friable de ces cheminées, sous le chapiteau, à plus de 10 mètres du sol. Ils ne descendaient de leur perchoir que pour recevoir les aliments offerts par les fidèles qui leur permettaient de survivre.

Nous nous rendons à présent à Bayramhacı. Ce sont les sources chaudes naturelles les plus réputées de la Cappadoce. Étant hors saison, l’endroit paraît vraiment bizarre quand on arrive. On croit même que c’est fermé, voire abandonné. C’est un peu glauque. Mais un homme souriant sort des bâtiments et nous fait visiter le site et les quelques bassins en service. Nous en choisissons un et profitons de nous détendre dans une eau à 39°. Que ça fait du bien de tremper alors qu’on n’a plus d’eau dans la Tiny (donc de douche depuis plusieurs jours !).Voilà, c’en est fini pour notre découverte de la Cappadoce où nous avons pris énormément de plaisir (notamment dans la vallée de l’amour…) Une longue route de plus de 1000 km nous attend à présent pour arriver à la frontière de l’Iran, notre prochain pays. Mais avant, il nous faut faire une étape sur la route à Erzurum pour retirer nos visas. Si on roule un peu ce soir, cela nous permettra peut-être d’y arriver demain soir. Nous prenons donc la route et roulons une centaine de kilomètres jusqu’au caravansérail de Sultanhanı (éponyme avec celui visité dernièrement dans la région d’Aksaray, celui-ci se situe entre Kayseri et Sivas).

On s’en doutait, d’après nos guides, mais celui-ci est fermé. Nous nous garons devant ce superbe bâtiment. Un vieil homme sort d’une maison, une clé à la main et un grand sourire sur son visage. Il nous ouvre la porte et nous invite à passer le voir pour boire un thé une fois la visite terminée !Les caravansérails appelés aussi han ou khan servaient de places fortes, mais surtout d’hôtelleries pour les commerçants et les autres voyageurs. Le caravansérail seldjoukide comprend souvent deux parties : des salles et des arcades disposées autour d’une cour et une grande salle fermée. Ce caravansérail de Sultanhanı est construit sur près de 4000m2. Il comprend une cour carrée avec en son centre une élégante masdjid (mosquée-kiosque) et un grand bâtiment (d’environ 42 x 30 mètres) pour l’hiver.

Nous en sortons et répondons à l’invitation de notre hôte. Il s’agit en fait d’un petit bar-épicerie où quelques hommes sont attablés près d’un poêle à bois et occupés à jouer à une variante du Rummikub. Un thé nous est offert puis… du riz, des olives, du pain, des gâteaux, du fromage, du fromage blanc… Plus rien n’arrête cet homme si souriant et si accueillant. La barrière de la langue nous empêche d’entrer plus profondément dans cet échange mais qu’importe. Il prend même place à côté de nous. Il me montre comment manger le riz en m’apportant une fourchette garnie dans ma bouche. Il me frotte la tête… Anaïs et Victor entament une partie de Rummikub sous le regard amusé des autres personnes. Nous sommes même invités à rester dormir mais nous parvenons à lui faire comprendre qu’on a tout ce qu’il faut dans notre Tiny !

Nous demandons combien nous devons pour ce repas et pour la visite du caravansérail. Main posée sur le cœur, il nous répond que nous sommes ses invités. Nous restons une fois de plus abasourdis devant une telle générosité. Il nous fait signe en partant qu’il va veiller sur notre cabane cette nuit ! La magie du voyage opère… celle dont nous sommes tellement avides, celle pour laquelle nous sommes partis de chez nous à la rencontre des habitants du monde…

Dimanche 3 mars 2019 :

6 heures du mat’, en un 32ème de seconde, nous nous retrouvons assis dans notre lit. Un muezzin est entré dans la Tiny ! après rapide vérification, il n’y a personne mais son chant mélodieux et hyper fort résonne pendant 5 minutes.

Nous déposons des pancakes cuisinés ce matin sur le pas de la porte de notre charmant hôte d’hier soir. Dommage, il n’est pas là ce matin.

Objectif de la journée : 584 km ! Le réseau routier comme partout en Turquie est toujours excellent (sauf la portion entre Sivas et Altköy). Les paysages sont au début cultivés dans de grandes parcelles agricoles. Après, on n’a pas vu car ils sont recouverts de plusieurs dizaines de centimètres d’un manteau blanc immaculé. C’est magnifique. Juste quelques pas d’animaux sont repérables sur cette neige.

Pause du midi dans la ville de Tercan. Nous sentons qu’on a basculé dans une autre Turquie. Une Turquie plus rurale, plus pauvre. Un attroupement s’organise autour de la Tiny. Nous sommes un peu dévisagés mais toujours avec un sourire ou des « bienvenue ». Nous achetons du pain dans une épicerie et nous voyons offrir du thé et des parts de pides (sorte de pizzas). Je pousse la porte d’une boutique pour imprimer des documents nécessaires à l’obtention des visas demain. Un des clients m’amène 300 mètres plus loin dans un cyber café. Le patron tente d’imprimer grâce à ma clé USB mais son ordinateur plante. Au lieu de me dire que ce n’est pas possible, il démonte sa tour de son PC, débranche la carte mère et les barrettes de mémoire et une demi-heure après, mes fichiers sortent à l’imprimante.

Nous reprenons la route qui monte en altitude en franchissant plusieurs cols autour de 2000 mètres. Le temps est pourri, brouillard, un peu de neige et surtout très froid. S’il y a bien un endroit où il ne faut pas tomber en panne, c’est bien là… Comment ne pas rester insensible à ces migrants que nous croisons, franchissant ce col à pied, sans bagage, simplement vêtus de vêtements pas adaptés aux conditions climatiques glaciales, une simple couverture sur le dos. D’où viennent-ils, Syrie, Irak, Pakistan ? certainement d’une de ces régions desquelles nous approchons.Nous arrivons en fin de journée à Erzurum. Cette ville de l’est de la Turquie est avec celle de Trabzon (en plus d’Ankara ou d’Istanbul), la seule disposant d’un Consulat iranien où nous irons demain déposer nos demandes de visas.

Nous trouvons par chance une place en plein centre-ville juste devant la représentation diplomatique et devant un salon de thé duquel sortent les propriétaires qui nous invitent à boire un thé et manger des parts de pizzas.La nuit est annoncée glaciale à -12°. On s’endort cette fois avec le chauffage au gaz.

Lundi 4 mars 2019 :

Dès 8h30, nous entrons au Consulat d’Iran. Anaïs et Audrey doivent revêtir le voile, comme elles devront le porter durant tout notre séjour iranien. Auparavant, nous avons dû effectuer des démarches administratives. Afin d’obtenir un visa iranien dans le cadre d’une arrivée par voie terrestre, il est indispensable d’obtenir un numéro d’autorisation. Nous sommes passés par l’intermédiaire obligatoire d’une agence TAP Persia (moyennant 21€ par personne). Une fois les documents envoyés par mail (copies de passeports, photos, itinéraire, réservation de la première nuit d’hôtel…), la demande officielle a été présentée au ministère des affaires étrangères et a fait l’objet d’une procédure officielle. Une dizaine de jours plus tard, une lettre d’autorisation (Iran VISA GRANT NOTICE) a été émise et faxée au consulat iranien indiqué dans le formulaire. Le code d’autorisation n’est valable que pour le consulat mentionné et seulement pendant 1 mois à compter de la date d’émission. Muni de ce précieux sésame et de nos passeports nous déposons nos demandes. Il est désormais obligatoire de laisser les empreintes digitales lorsqu’on demande un visa pour l’Iran. Il faut donc se rendre à l’ambassade ou au consulat en personne. Elles ne nous ont pas été demandées. Normalement, le délai pour obtenir ce visa est d’environ 2 semaines (mais souvent réduit à 48 heures). Mais ce Visa « normal » à tarif « réduit » (50€ par personne) n’est pas disponible à Erzurum (à vérifier pour les prochains voyageurs mais à priori dispo à Trabzon). Ici, nous pouvons seulement demander un visa urgent dont les frais s’élèvent à 75 € (le paiement s’effectue en dollars ou en euros dans un guichet de banque voisine). Ce qui nous va très bien car nous ne nous voyons pas attendre longtemps ici nos visas sachant que les températures nocturnes sont glaciales.

Pendant que je pars à la banque payer les visas, Audrey et les enfants, se voient invités par la famille de restaurateurs d’hier soir. En plus du thé, 3 parts de lasagnes leur sont servies, à 9h30 du matin ! Ils sont tellement gentils qu’ils acceptent qu’on se serve de leur machine à laver… et voilà 10 kg de linge propre !

Retour au consulat, et par chance, nous en ressortons à 10h30 avec nos 4 visas. A partir du moment où le visa est obtenu, le délai est de 3 mois pour se rendre en Iran, ensuite le visa est valable pour 30 jours (la date d’entrée en Iran compte pour être le premier jour du visa). J’ai tenté de négocier ce délai à 45 jours avec le consul qui a dû appeler le ministère des affaires étrangères mais la demande a été refusée. Nous devrons donc faire une extension dans un consulat en Iran.

Avant de partir, le Consul nous demande de surtout dire à nos amis et à notre famille à notre retour, ce que nous aurons ressenti de son pays, qui bien évidemment va souvent à l’encontre de l’image véhiculée par les médias. Nous repassons au salon de thé et à mon tour, je suis invité à m’asseoir et à manger 3 parts de lasagnes et des gâteaux ! Mais quelle gentillesse ! Quand vient le moment de demander combien on leur doit pour les repas et les machines à laver, ils nous répondent que nous sommes leurs invités, main posée sur le cœur.

Nous pouvons donc prendre la route dès le début d’après-midi en direction de la frontière iranienne de Bazargan, à plus de 300 kilomètres. Mais avant, nous avons rendez-vous avec une nouvelle famille de voyageurs, les Bigorneaux voyageurs, dans un lieu un peu improbable. Du moins sur la carte, ça paraît sympa mais en arrivant à ces sources chaudes de Göğebakan au sud de Diyadin, l’endroit accessible par une piste enneigée paraît un peu glauque. De la fumée et une forte odeur de soufre s’échappent de l’intérieur de murs en parpaings pourris recouverts de tôles rouillées. Au milieu de flaques de boue, nous sommes accueillis par un grand gaillard, Hakan, souriant. Il nous fait visiter les lieux. Nous négocions de moitié le prix pour accéder aux bains et décidons de reporter à demain matin notre baignade car il fait vraiment trop froid dehors pour se mettre en costume de bain !Angélique, Simon, Hanaé et Mathis arrivent. Ils sont sur le retour d’un voyage d’Eurasie (Mongolie, Stans, Iran). Nous passons une belle soirée en compagnie de cette famille, tous réfugiés autour du poêle à bois dans la Tiny, et échangeons plein d’informations intéressantes sur nos débuts de voyages respectifs.Nuit bercée par les aboiements de chiens errants et par les rêves enfin à portée de main de découvrir dès demain, l’Iran, ce pays qui nous fait tellement envie, ce pays qui fait peur quand on ne le connaît que par les diffusions des médias mais qui est vraiment LE coup de cœur de 100% des voyageurs, ce pays où l’ACCUEIL et l’HOSPITALITE sont à priori, en plus de la beauté des villes et des paysages, ce qui ressort le plus des témoignages de voyageurs. Tellement hâte d’être à demain ! Tellement heureux !

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