22. Iran : du 14 au 23 mars 2019 : Kashan, Abyaneh, Ispahan
587 km parcourus du 14 au 23 mars 2019
16 519 km parcourus depuis le départ
Jeudi 14 mars 2019 :
Nous sommes toujours et pour notre dernière journée à Téhéran. Après l’école, nous passons dire au revoir à Shabnam qui, avec son mari Ali et leurs enfants Mani et Nima, nous ont reçus avec tant d’hospitalité depuis trois jours. Nous avons passé avec cette formidable famille de magiques moments. On espère sincèrement qu’on pourra les revoir. Nous nous connaissons depuis peu de temps mais la séparation est difficile tant les moments partagés ont été très forts en émotion. Shabnam insiste pour qu’on reste encore quelques jours…
Nous profitons d’être dans une grande ville pour pouvoir échanger de l’argent, comme je vous l’avais expliqué dans le dernier article, au marché parallèle. Étonnamment, ce change Dollars (ou euros) contre Rials qu’on imaginait faisable uniquement sous le manteau au marché noir dans la rue, se fait également dans des bureaux de change officiels affichant sur des panneaux digitaux des taux très attractifs par rapport au taux officiel. Notre change du jour est encore 10% plus avantageux que notre premier change en arrivant en Iran.
Nous prenons la route, pressés de sortir de cette pollution infernale de la capitale iranienne. La circulation est une nouvelle fois bien dense, d’autant plus que les habitants de Téhéran commencent à s’en échapper à l’occasion des fêtes de fin d’année. Le calendrier persan, différent du nôtre mais également du calendrier musulman, est en usage notamment en Iran et en Afghanistan. C’est un calendrier solaire dans lequel l’année commence avec l’équinoxe de printemps. L’année compte 365 ou 366 jours et est composée de 12 mois. Les 6 premiers comptent 31 jours, les 5 suivants 30 jours et le dernier mois 29 ou 30 jours. Contrairement à l’usage en vigueur dans les pays musulmans sunnites, les chiites (Persans principalement) comptent leurs années à partir de la Révélation de Gabriel à Mahomet, c’est-à-dire en 621 ap. J.-C. Aujourd’hui, nous sommes donc le 23 Esphand 1397…
Comme en France à l’occasion des départs en vacances, le trafic est bien chargé. 60% des téhéranais quittent la capitale à l’occasion de Nowruz (le nouvel an persan). Pour l’occasion, les premiers péages sont gratuits pour tout le monde pour fluidifier le trafic. Ce n’est pas comme en France… Les autres péages ne sont gratuits que pour nous… quand on dit qu’on est français…
Nous bivouaquons en plein centre historique de Kashan. Nous couchons les enfants et en amoureux, nous sortons mais sans se tenir la main car ce n’est pas bien vu ici. Nous rassurons les enfants en leur disant qu’on ne part que 10 minutes. Victor nous répond « oh non, ça va prendre plus que 10 minutes car vous allez encore être invités à boire un thé… ». « mais non mon titi, il est déjà 21 heures, on revient dans 10 minutes ».
Les éclairages nocturnes du mausolée du Sultan Amir Ahmad nous attirent. Le monument est superbement éclairé. Un monsieur en sort et nous invite à y entrer mais en empruntant chacun une entrée différente, celle pour les femmes et celle pour les hommes. Étonnamment, à l’intérieur, on s’y retrouve. Audrey, en plus de son voile, a dû se vêtir d’un drap à fleurs…
Ce même monsieur met beaucoup de volonté et de sourires pour nous expliquer en persan différentes choses sur la religion mais malgré toute notre bonne volonté, nous ne comprenons pas grand-chose… Puis il nous installe deux chaises en plastique et nous invite… à boire le thé et manger de délicieux cookies…
Le tombeau est magnifique, recouvert de miroirs et d’or, tout comme la coupole et les murs le protégeant.
30 minutes plus tard, nous revenons à la Tiny et sommes accueillis par « vous voyez, j’avais raison » …
Vendredi 15 mars 2019 :
Grasse mat’, école, blog, pluie… nous ne sortons de la Tiny qu’en début d’après-midi. Nous avions envie de traîner. En même temps, on est vendredi donc jour chômé hebdomadaire en Iran…
Nous allons visiter le hammam d’Amir Ahmad qui était l’endroit où le sultan venait prendre son bain. Il a été construit à l’époque des Safavides au 16ème siècle mais a été en grande partie détruit pendant le tremblement de terre qui frappa la région en 1778. Il a été largement reconstruit sous la dynastie kadjare. Depuis les temps anciens, les bains publics ont joué un rôle important dans la vie sociale des Iraniens et ils le font encore aujourd’hui, bien que leur popularité a baissé ces derniers temps, comme la plupart des maisons modernes ont maintenant des douches et des bains. Les hammams sont destinés non seulement à se purifier et se détendre, mais ils sont aussi des lieux de rencontre et de prière.Ce monument couvre une superficie de 1 000 m² et comprend deux espaces distincts : le sarbīneh (salle de vestiaire) et le garmkhāneh (bains à vapeur). Le sarbīneh est une grande salle octogonale avec un howz octogonal en son centre. Huit colonnes le séparent de l’extérieur, quatre avec le garmkhāneh. Tout autour se trouvent des bains plus petits qui ouvrent vers le khazineh, le dernier bain. L’intérieur du hammam est décoré de carreaux de céramiques turquoises et dorées, ainsi que de stucs, de fresques et de miroirs. Les couloirs menant d’un espace à un autre ne sont pas rectilignes pour réduire au maximum l’échange de chaleur et d’humidité entre les différentes zones.
Le toit de l’établissement, auquel nous avons accès, est fait de plusieurs dômes qui contiennent des verres convexes pour fournir un éclairage suffisant pour le hammam tout en se cachant de l’extérieur.
Nous poursuivons notre visite de Kashan par une série de splendides demeures palatiales datant de l’époque Kadjare.
Khan-e Abbasian a été construite par un riche marchand de verre. Pas moins de 6 bâtiments sont construits sur plusieurs niveaux. Rien ne se voit depuis la rue à part une simple porte de bois dissimulant du regard les merveilles qu’elle abrite. Afin d’accentuer l’impression d’espace, les multiples patios vont en s’élargissant vers les étages supérieurs. Les salles de réception regorgent d’une profusion d’éléments décoratifs tels que reliefs en plâtre, mosaïques de miroirs et vitraux colorés.
Khan-e Tabatabei a été édifiée par un marchand de tapis au milieu du 19ème siècle. Elle occupe 4700 m² et est composée de 40 pièces. Elle comprend 3 parties, l’intérieur réservé aux membres de la famille (andaruni), l’extérieur où l’on recevait les invités et où on discutait affaire (biruni) et les quartiers des domestiques (khadameh). Des bassins agrémentés de fontaines apportent de la fraîcheur en plein été à ces cours protégées des regards indiscrets de la rue. La décoration est très raffinée avec de beaux motifs gravés dans la pierre, mais aussi de la marqueterie de miroirs et de superbes vitraux.
Retour à la Tiny. Nous sommes rejoints par Julio et Maialen, les voyageurs espagnols avec qui nous étions à Téhéran, qui ont repéré notre sympathique bivouac en plein cœur historique de la ville. Partage de la soirée avec eux. Merci May’ pour les délicieux falafels (spécialité du Proche-Orient à base de pois-chiches écrasés, mélangés à des épices et frites dans l’huile…). J’espère que vous avez remarqué qu’il n’y a plus d’alcool sur nos photos de soirées…
Samedi 16 mars 2019 :
Nous visitons aujourd’hui une autre maison d’un riche négociant, la Kan-e Boroujerdi. Un pavillon d’été et un pavillon d’hiver sont répartis autour d’une grande cour. Magnifiques fresques peintes par le plus célèbre peintre iranien de l’époque.
Toutes ces maisons sont ingénieusement rafraîchies l’été par des Badgirs, ou tours des vents. Elles prennent des formes plus ou moins imposantes sur les toits. Les sous-sols sont étonnamment frais, l’air arrivant des toits par ces bouches aérées.
Nous nous promenons ensuite dans la vieille ville de Kashan le long de hauts murs en pisé qui cachent certainement d’autres aussi belles demeures persanes traditionnelles.
Nous arrivons à l’imposante mosquée Agha Bozorg, fleuron des monuments historiques de Kashan. Elle date du 19ème siècle. Deux minarets ornés de carreaux de faïence aux motifs géométriques entourent un majestueux dôme. Les inscriptions coraniques et les carreaux se détachent nettement sur la couleur de la brique. La magnifique porte d’entrée en bois comporterait autant de clous qu’il existe de versets dans le Coran.
Les ventres sonnent creux et nous nous rendons donc dans le Bazar. Beaucoup plus petit que ceux de Tabriz ou de Téhéran, il est également bien agréable. Embargo américain oblige, la fameuse boisson de Coca s’appelle ici Zam Zam Cola… mais le goût est le même.
Notre jolie famille s’agrandit aujourd’hui d’un 5ème membre, non pas à pattes mais à nageoires. Depuis notre arrivée, nous voyons des poissons rouges en vente partout… Nous achetons un Tiny-poisson…Le poisson rouge tient une place spéciale dans les célébrations de la nouvelle année iranienne, Nowruz, qui marque le premier jour du printemps (20 mars). La partie la plus importante des célébrations de Nowruz est le « Haft Sīn », une table décorée de sept aliments symboliques qui commencent tous par la lettre S en farsi. La table est aussi décorée avec des bougies, miroirs, œufs édulcorés, gazon… et des poissons rouges vivants.
Pour une moyenne de 0,50€ le kg, nous refaisons le plein de fruits et de légumes. Puis nous prenons la route pour parcourir seulement une dizaine de kilomètres. Nous arrivons à Aran O Bidgol et passons devant de belles mosquées. Certaines sont en travaux.
Mais nous arrivons à la plus belle, la mosquée Mohammed Helal Shrine. Elle est grandiose. Tous ses murs, coupoles, minarets sont recouverts de carreaux de céramiques magnifiques. Le portail d’entrée dans le monument est d’une beauté incroyable, il est entièrement tapissé d’argent. L’intérieur est tout aussi époustouflant. Des morceaux de miroirs sont incrustés dans les mosaïques de carreaux. De majestueux lustres décorent les lieux.
Nous étions tentés de suivre les traces de nos amis les Plem’Mobiles qui l’an dernier s’étaient enfoncés dans un désert de sable et de sel à une quarantaine de kilomètres d’ici mais la route est depuis le début de l’année fermée. Un guide est désormais obligatoire.
Retour à Kashan. Les réservoirs de gasoil ne sont pas vides mais compte tenu de la difficulté à faire le plein dont je vous ai déjà parlé (diesel vendu uniquement aux routiers disposant d’une carte), je préfère faire le plein régulièrement. Le pompiste m’accueille avec un sourire et me fait comprendre qu’il va me trouver une carte pour débloquer la pompe. Un routier est là mais il m’explique qu’il vaut mieux attendre un peu. Cinq minutes plus tard, arrive un tractopelle dont le chauffeur me prête sa carte. Il m’autorise 50 litres. Puis finalement me dit que je peux faire le plein. Première fois en Iran, mais cette fois-ci, le prix local m’est facturé et non pas le prix des touristes (2 fois le prix local…). Je paye donc le litre 300 tomans soit 3000 rials, c’est-à-dire 0,06€ le litre au taux officiel mais seulement 0,02€ à notre taux de change auquel nous avons changé nos dollars américains. Le plein de 91 litres me revient donc à environ 2€ !!
Dimanche 17 mars 2019 :
Nous visitons aujourd’hui le jardin de Fin, inscrit au Patrimoine mondial par l’Unesco avec 8 autres jardins répartis dans le pays. Celui-ci, d’une surface de plus de deux hectares fut construit pour le Shah Abbas Ier au 16ème siècle. Le jardin de Fin est entouré d’un mur protégé d’une tour à chacun des quatre angles. Ces remparts et les tours sont construits sur un socle de pierre de 2 mètres de haut, sur lequel s’élève un mur de terre crue et d’adobe de 4 à 6 mètres.
Ces jardins illustrent la diversité des concepts de jardins persans qui ont évolué et se sont adaptés à différentes conditions climatiques, tout en restant fidèles à des principes qui remontent au roi de Perse du 6ème siècle av. J.-C. Toujours divisés en quatre secteurs, l’eau jouait un rôle central pour l’irrigation comme pour l’esthétique. Ils constituent un héritage international ayant influencé l’art de la conception du jardin aussi loin qu’en Inde et en Espagne. Le jardin devait donner une vision paradisiaque, comme un jardin d’Éden. Bon, perso, comme notre ami Nico des VW on the way, je n’ai pas eu cette vision… Il faut dire qu’on n’y est pas à la meilleure saison et qu’il manque un petit rayon de soleil…
Les pavillons en briques de terre crue, recouvertes de briques de terre cuite et de carreaux de céramiques sont intéressants. Les coupoles sont bien restaurées et décorées de jolies peintures.
L’ensemble est quand-même agréable. Il est parcouru de plusieurs bassins et petits canaux irrigués pour la plupart à partir de la source de Soleymaniyeh avec l’aide d’un système de canaux. La pression est si forte qu’il n’y a pas besoin de pompe pour alimenter les bassins et les fontaines. L’eau sort des bassins par un ingénieux système de trous alimentant des petits geysers par gravité dans les bassins d’un niveau inférieur.Nous accédons aux bains royaux. Ce hammam est composé de différentes salles.
Nous prenons la route sous un triste temps. La pluie, le vent et les basses températures sont de retour pour un court moment. Nous roulons sur l’autoroute, toujours vers le sud. Cette fois, on doit payer le péage, 30 centimes d’euros pour environ 150 km. On reçoit une quantité incroyable de signes de la main. On se fait prendre en photo ou en vidéo par énormément de conducteurs…
Des panneaux de signalisation nous indiquent qu’il est interdit de prendre des photos. Des militaires surveillent du haut de leur mirador des installations. Nous sommes dans la région de Natanz et de son énorme installation d’enrichissement d’uranium, la plus grande usine souterraine de tout le pays. Elle couvre 100 000 m2 est construite à 8 mètres sous terre et est protégée par un mur de béton de 2,5 m d’épaisseur, protégé lui-même par un autre mur de béton. Le toit est renforcé de béton armé puis recouvert de 22 mètres de terre.
Nous prenons de l’altitude pour arriver à 2235 mètres d’altitude à Abyaneh. Les températures sont glaciales : -8°C ressenti. Nous rallumons le chauffage.
Soirée film en regardant « Persepolis », tiré d’une histoire vraie où en 1978, Marjane qui a huit ans, suit les évènements qui vont mener à la révolution et provoquer la chute du régime du Shah. Avec l’instauration de la République islamique débute le temps des « commissaires de la révolution » qui contrôlent tenues et comportements. Marjane qui doit porter le voile, se rêve désormais en révolutionnaire. Bientôt, la guerre contre l’Irak entraîne bombardements, privations, et disparitions de proches. La répression intérieure devient chaque jour plus sévère. Dans un contexte de plus en plus pénible, sa langue bien pendue et ses positions rebelles deviennent problématiques. Ses parents décident alors de l’envoyer en Autriche pour la protéger où elle vivra durant quatorze ans sa deuxième révolution : l’adolescence, la liberté, les vertiges de l’amour mais aussi l’exil, la solitude et la différence. Nous sommes très sensibles à ce film qui fait écho avec beaucoup de choses qu’on a pu voir ou entendre depuis notre arrivée en Iran.
Lundi 18 mars 2019 :
Matinée ensoleillée où de nouveau, je lave la Tiny qui n’a pas aimé les routes boueuses d’hier. Nous partons à pied visiter le village montagnard d’Abyaneh, où vivent 300 âmes. Mais nous sommes aussitôt invités à boire le thé par des gens faisant une pause sur le parking. Déclinant gentiment leur invitation, ils se dirigent vers nous et nous offrent des gâteaux.
Toutes les maisons sont de couleur ocre, liée à la richesse du sol en oxyde ferreux. Elles sont construites en briques de terre séchées, assemblées par un mortier d’eau, de paille, et de terre réalisant un pisé. Les maisons aux toits plats, sont couvertes, pour l’étanchéité, de matériaux d’aluminium donnant un reflet brillant.
Les fenêtres, portes et balcons sont finement travaillés en bois. Les heurtoirs sont différenciés : les femmes frappent à la porte à l’aide de l’anneau afin que la maîtresse de maison différencie au son si c’est une femme qui frappe ou un homme. Les hommes doivent utiliser l’autre heurtoir.
Les hommes du village, devenus martyrs de la nation, sont en photo partout dans les rues, sur les maisons et sur les mosquées.La mosquée de l’Imamzadeh Yahya date du 14ème siècle et est coiffée de belles céramiques bleues.
Le village est également connu pour les couleurs vives et bariolées des costumes traditionnels portés par les femmes du village, dont les origines sont très anciennes. Les anciens du village ne parlent pas le persan mais une langue ayant existé avant, le pehlevi.
Le hammam est reconnaissable à sa construction recouverte d’un toit en dômes.Mais c’est depuis l’autre côté de la vallée que nous avons un magnifique panorama sur le village d’Abyaneh.Une forteresse Sassanide surplombe le village mais il n’en subsiste que ses remparts en pisé. Dans la montagne, ont été creusés de nombreux abris (habitations, refuges, enclos pour animaux ?).
Le printemps arrive. Malgré les températures hivernales encore ici en altitude, les abricotiers sont en fleurs.Nous quittons le village où les portraits des martyrs sont également affichés sur les bords de routes.La route nous mène à présent à Ispahan. Nous trouvons un bivouac près d’un parc équipé d’une aire de jeux comme il en existe plein en Iran. La plupart du temps, ils sont pourvus d’un point d’eau nous permettant de faire l’appoint en eau. D’ailleurs, l’une de nos deux réserves d’eau de 100 litres n’alimente plus notre réseau. La pompe n’arrive plus à puiser dans celui de droite. Certainement que lorsque l’eau a gelé dedans en Turquie, un tuyau d’alimentation a dû casser. Il faudra que j’y regarde mais on verra ça plus tard.
Un habitant sort de son appartement, attiré et interpellé comme tant d’autres, par notre présence. Il nous souhaite la bienvenue en nous mettant si besoin à disposition sa salle de bains, ses toilettes et nous invite à boire le thé, mais nous ne pouvons pas accepter toutes ces si délicates attentions, car sinon, nous boirions 20 thés par jour et nous ferions 6 repas…Un homme vient nous offrir une plante en pot, une fleur traditionnelle de Norouz. C’est toujours moins encombrant que cet habitant de Téhéran qui s’est arrêté pour nous offrir un sapin en pot que j’avais dû également refuser…
La soirée se passe à préparer notre itinéraire en Ouzbékistan et essayer de trouver des billets d’avion pour la famille qui va certainement bientôt nous rejoindre.
Mardi 19 mars 2019 :
Toute la matinée est occupée par l’école. De mon côté, je finalise le voyage de la famille. Ça y est, tout est OK. Mon papa, mes beaux-parents et mon beau-frère confirment leur venue pour venir découvrir l’Ouzbékistan début mai ! Je réserve leurs billets. Nous sommes ravis et impatients de tous nous retrouver. Nous nous apprêtons à aller visiter Ispahan quand nous recevons un message de Shabman. Vous vous souvenez, notre nouvelle amie chez qui nous avions passé 3 jours à Téhéran la semaine dernière. Ils viennent passer les fêtes de fin d’année chez son beau-père à Ispahan. Elle nous invite donc à les rejoindre dans un quartier sud de la ville pour bivouaquer près de chez lui. La circulation est bien dense, dans cette agglomération de plus de 5 millions d’habitants. Comme à Téhéran, des files se créent naturellement en plus de celles déjà matérialisées sur le périphérique.Nous recevons toujours une quantité incroyable de signes et gestes sympathiques. Soudain, sur la voie opposée, séparée par un terre-plein central, une voiture oublie de freiner et s’encastre violemment dans celle la précédent. J’espère sincèrement ne pas être à l’origine du divertissement et du manque de concentration du conducteur. Mais je crains que oui, tellement les gens sont distraits en nous voyant.
Nous trouvons un sympathique bivouac toujours près d’un parc où les enfants s’empressent d’aller grimper sur les structures de jeux. Rapidement, d’autres enfants du quartier arrivent. Anaïs et Victor n’ont plus peur de déclencher des phrases simples en anglais. Déjà, des sourires des habitants.
Puis nous nous rendons en métro dans le centre historique de la ville. La journée est pourtant déjà bien entamée mais nous avons envie de nous inspirer de l’atmosphère de celle qui est décrite comme le joyau de la Perse, la première destination touristique de l’Iran et l’une de ses plus belles cités. Nous descendons 20 minutes plus tard sur la place Naqsh-e Jahan, inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco et décrite comme l’une des plus belles places du monde. Elle serait l’une des plus grandes avec ses 512 mètres de long sur 163 mètres de large. Elle a été conçue pour servir d’écrin aux plus beaux joyaux de l’empire Safavide : la Mosquée de l’Imam, la Mosquée de Cheikh Lotfollah, la porte Qeysarieh et le palais Ali Qapu. Rien que ça… Construite par le Shah Abbas Ier au début du 17ème siècle, c’est un monument de la vie socio-culturelle persane durant l’ère des Safavides.
Entre ces somptueux bâtiments que nous visiterons dans les prochains jours, des arcades abritent des galeries d’art, des boutiques de souvenirs et d’artisanat. Un rabatteur nous amène dans une boutique de tapis. Rapidement il voit que nous ne serons pas de bons clients. Mais cela ne l’empêche pas de nous offrir le thé et de discuter, sans plus parler affaires. C’est bien plus agréable qu’à Marrakech !
La majesté du lieu est mise en valeur en cette fin d’après-midi par les derniers rayons du soleil illuminant les carreaux bleus des mosquées. Les familles viennent se promener, s’asseoir dans l’herbe autour des fontaines, faire des tours de calèches (ou de voitures électriques…). Nous sommes sous le charme. Nous déambulons un peu sous les arcades. L’ambiance est agréable. Les vendeurs n’insistent pas, au contraire. Ils nous lancent des dizaines de « Welcome to Ispahan ». Nous achetons à un artisan ferronnier un support à planter dans le sol pour en faire un barbecue et une pince à bûche pour notre poêle à bois, tout ça pour quelques euros.
Nous visitons notre premier monument, la mosquée de Cheikh Lotfollah, édifiée au début du 17ème siècle sous le règne de Shah Abbas Ier. Le dôme est recouvert de faïences pâles entre des nuances de crème ou de rose selon la lumière du jour, mais également de bleu et de turquoise. Le portail est remarquable. Il possède des muqarnas très raffinées. Cette mosquée présente l’originalité de ne posséder ni cour, ni minaret car elle n’était pas destinée à accueillir du public mais plutôt les femmes du harem royal.
On accède à la salle de prière par un couloir sombre et en chicane entièrement recouvert d’un carrelage bleu. Ce dernier n’est pas peint mais chaque carreau est une mosaïque, un assemblage de différents morceaux de différentes nuances. Remarquable.
L’intérieur de la salle de prière est majestueux. La coupole est gigantesque et possède des motifs aux couleurs très intenses. Les rayons lumineux sont filtrés par des fenêtres ouvragées. Le mihrab, orienté vers La Mecque, serait l’un des plus beaux d’Iran.
Puis, nous poussons les portes du bazar-e Lavafha. Juste quelques instants, juste pour le plaisir de respirer toutes ces odeurs et d’écouter tous ces bruits qui s’entremêlent et de profiter de lever les yeux à la recherche de jolis bâtiments.
Retour en métro sur notre bivouac. Un couple s’approche de la Tiny et nous commençons à échanger avec eux dans un anglais approximatif. Ils nous expliquent que ce soir, c’est Chaharshanbeh Suri, appelé aussi fête du feu. Cette fête est célébrée le mardi soir à la veille du dernier mercredi de l’année par les Iraniens. L’une des traditions ressemble à celle que nous pratiquons autour de notre feu de la Saint-Jean. L’autre consiste à lancer des feux d’artifices et d’énormes pétards dans les rues et sur les places publiques. Si vous vous souvenez ce que j’ai écrit plus haut, nous sommes garés… sur un square ! Des jeunes commencent à faire exploser des pétards (très gros, nous faisant sursauter à chaque détonation…) et nous demandent de déplacer la Tiny. Revenons à ce charmant couple venu nous aborder, Nasrin et Jamshid, qui nous invite à les rejoindre pour leur fête de famille. Ils insistent de nombreuses fois. Nous nous laissons tenter par cette si gentille invitation malgré notre gêne d’arriver comme un cheveu sur la soupe. Mais ils nous expliquent que c’est vraiment dans leur coutume d’inviter. Nous les embarquons dans la Tiny et nous dirigeons vers chez la maman de Nasrin. Elle habite un bel appartement où le sol est recouvert de tapis tissés par ses soins il y a trente ans. Ils sont superbes. L’appartement se remplit au fur et à mesure de la soirée par la famille. Nous passons à table et dégustons un plat typique iranien que la grand-mère de la maison prépare depuis 40 ans à cette occasion, un Tabriz köftesi composé de boulettes de viande (riz, poireau, pois cassés, viande hachée, pruneau, raisin…). Un délice. Merci !
En association avec la renaissance de la nature, le nettoyage de printemps est la tradition nationale suivie par la plupart des ménages en Iran à l’occasion de Norouz. La famille emploie deux jeunes personnes afghanes qui nettoient l’appartement pendant que nous mangeons.
Les échanges sont intéressants et sympathiques. Une fois de plus, très librement, nous pouvons échanger sur beaucoup de sujets. Ils nous interrogent sur les dégradations des Champs-Élysées et les revendications des français, tout en nous expliquant qu’en Iran, ils travaillent 6 jours sur 7, 8 heures par jour officiellement mais souvent 12, avec une à deux semaines de vacances par an. Jamshid a dépassé l’âge légal de départ à la retraite mais sa pension de professeur à l’université ne lui permet pas d’arrêter de travailler. L’inflation était de 40% en fin d’année 2018. Les chiffres ne sont pas connus pour ce début 2019 mais les prix continuent d’exploser au premier trimestre. Le rial iranien se déprécie de jour en jour et leur épargne placée a de moins en moins de valeur. Et que dire de la condition de la femme en Iran ? Il y a seulement une quinzaine de jours, l’avocate iranienne Nasrin Sotoudeh, célèbre militante des droits humains, récompensée en 2012 du Prix Sakharov décerné par le Parlement Européen (ce titre honore les personnes ou les organisations qui ont consacré leur existence à la défense des droits de l’homme et des libertés fondamentales) qui purge déjà une peine de prison de cinq ans, a été condamnée à dix années d’emprisonnement supplémentaires et à 148 coups de fouet qui lui seront infligés parce qu’elle s’était présentée devant le tribunal sans le voile islamique obligatoire pour les femmes dans l’espace public.
Il est minuit quand nous rentrons, ravis de cette soirée, à la Tiny. Il s’agit à présent de vite s’endormir car Shabnam que nous avons croisée dans l’après-midi nous a proposé de l’accompagner avec sa famille demain matin pour marcher, mais de très bonne heure !
Mercredi 20 mars 2019 :
5 heures de sommeil, le réveil sonne, le lever est difficile. Nous avons rendez-vous avec Shabnam à 6 heures. Avec son mari Ali, leurs deux enfants Mani et Nima, et Mohammed son beau-frère, nous nous rendons dans le Soffeh Mountain Park, et montons quasiment jusqu’au sommet à plus de 2200 mètres d’altitude par un chemin bien aménagé. Les premiers rayons du soleil illuminent l’immense ville d’Ispahan. Nous nous rendons compte de son étendue.
Point de vue sur la base militaire Vatanpour d’Ispahan qui est le centre le plus moderne de la formation des pilotes d’hélicoptère de l’Asie de l’Ouest.Petit tour par le zoo. Victor me dit en sortant « il faudrait faire une loi pour pouvoir libérer tous ces animaux ». Il n’a pas tort. Ils n’ont pas le regard très vif, et l’air amaigri. Leurs conditions de vie ne sont pas terribles dans ce zoo ressemblant à ceux de la France il y a une trentaine d’années avant que l’on prenne conscience du bien-être de l’animal. Bien qu’il soit difficile de parler de bien-être d’un animal emprisonné derrière des grilles ou des vitres.
Retour à la Tiny. L’hospitalité iranienne continue. Un jeune passe la tête par la porte entrouverte. Khashayar nous souhaite la bienvenue à Ispahan et nous demande si nous voulons qu’il nous offre le petit-déjeuner. Nous lui répondons que nous l’avons déjà pris. Il nous répond que dans ce cas-là, il va nous offrir le repas du midi ! Il nous explique qu’il rentre chez lui pour le préparer. Entre temps, son papa passe à la Tiny et nous conseille, carte de l’Iran ouverte sur la table, les endroits à ne pas manquer. Quelques instants après, Khashayar revient, les bras chargés d’un plateau avec de quoi se faire des sandwichs garnis de légumes et de saucisses délicatement assaisonnées. Il doit faire un deuxième aller-retour à sa maison pour aller chercher jus de fruits et pain. Mais c’est incroyable ! Il reste avec nous pour déjeuner. Ses parents nous rejoignent avec des chocolats.
Shabnam nous rejoint avec des petits gâteaux faits-maison… Ce n’est pas en Iran qu’on va perdre des kilos. Je ne vous parle pas de tous les passants qui nous amènent des bonbons !
Une sieste s’impose avant de repartir cet après-midi continuer notre visite de Ispahan car la courte nuit de 5 heures et le réveil matinal nous rattrapent ! Nous devons fermer les rideaux de la Tiny pour ne pas être « dérangés » (je n’aime pas ce mot car ils ne nous dérangent pas du tout !) par tous les habitants autour du square qui tour à tour viennent nous inviter chez eux à prendre un repas…
Une fois de plus, il est bien tard pour rejoindre la ville mais nous prenons le métro qui nous dépose avant le Zayandeh Rud, l’une des grandes rivières en Iran. Longue de 400 km, elle passe par la ville d’Ispahan, mais ne coule plus qu’un mois par an depuis quelques années. L’eau est captée et déviée en amont pour irriguer les cultures, et pour approvisionner par un canal les villes de Kerman et de Yazd. A l’est d’Ispahan, dans la région de Varzaneh, les paysans manquent d’eau. Zayandeh Rud est l’un des symboles les plus importants de la ville d’Ispahan. Sous le règne des Safavides, de nombreux ponts ont été construits sur la rivière.
Par chance, nous arrivons le jour où les barrages en amont font le lâcher d’eau annuel. Les habitants d’Ispahan se rassemblent pour accueillir les premières coulées d’eau, en particulier sous ce magnifique pont en arc à double niveau, symbole de la gloire de l’empire, le Si-o-seh Pol. Il est l’un des onze ponts d’Ispahan. Il a été érigé vers 1608. Il offre la possibilité de promenade à plusieurs niveaux, selon la hauteur de l’eau. Il sert de lieu de passage, mais aussi de barrage pour réguler le cours de la rivière. Long de 298 mètres, il possède 33 superbes arches.
Nous poussons les portes de l’Abbasi Hôtel qui abritait jadis un caravansérail. L’ensemble est aménagé autour d’un beau jardin. Jolie visite.
Nous remontons l’avenue Chahar Bagh Abbasi, réputée des habitants d’Ispahan. Comme c’est la fin d’année et la célébration des fêtes de Norouz, on se croirait en plein marché de Noël en France.Nous passons dans un joli parc devant le Palais Hasht Behesht au magnifique plafond muqarna délicatement peint. Il possède un talar soutenu par des colonnes en bois.
Retour sur notre bivouac où nous avons rendez-vous avec Gali et Compagnie, nos amis voyageurs que nous avions rencontrés en Cappadoce il y a quelques semaines. Depuis notre arrivée en Iran, nous avons emprunté le même itinéraire mais nous étions toujours en avance d’un ou deux jours sur eux… Heureuses retrouvailles mais nous ne veillons pas trop tard car la journée est bien longue depuis notre réveil à 5 heures du matin, la rando de ce matin et la marche dans Ispahan cet après-midi.
Nous nous couchons, mais quelqu’un frappe à la porte. Pensons que ce sont nos amis, Audrey ne revêt pas son voile, mais en ouvrant, voyant que c’est un homme (celui qui nous a offert à manger ce midi), elle couvre vite ses cheveux avant qu’il lui indique « oh non, pas besoin de voile, ça c’est le gouvernement qui l’impose… » Il est revenu avec son fils, pour nous inviter chez lui. Nous leur expliquons que nous allons nous coucher. Ils nous offrent alors un pot de primevères…
Jeudi 21 mars 2019 :
Nous faisons école rapidement seulement ce matin, juste le temps de rédiger les textes de la veille et de coller dans les cahiers des enfants quelques tickets d’entrées de monuments visités ou de métro.
Un habitant du square s’approche de nous et nous offre un plateau de concombres et de petits gâteaux à la noix de coco. J’offre un gâteau à un autre passant. Il revient alors 5 minutes plus tard avec une pomme et une orange.
Nous avons rendez-vous à 10 heures avec nos amis Gali et compagnie ainsi que Shabnam et ses enfants pour aller visiter ensemble Ispahan. Nous descendons au niveau de la rivière Zayandeh. Aujourd’hui, le niveau de l’eau est bien monté et le passage n’est plus possible sous le Si-o-seh Pol.En ce premier jour de l’année, les familles viennent se promener pour profiter de l’eau enfin revenue dans leur ville. Traditionnellement pour Norouz, tout le monde s’achète au moins une garde-robe neuve. Le jour du nouvel an, les familles s’habillent avec leurs vêtements neufs. Les habitants sont sur leur 31. Costumes, jolies tenues, nœud-pap’, maquillage… Ils posent et font des selfies.Nous longeons les berges de la rivière et arrivons au pied du Pol-e Chubi d’une longueur de 150 mètres et comprenant 21 arches. Il a été construit en 1665 par Shah Abbas II pour permettre l’irrigation des jardins des palais environnants. Il était réservé, tout comme ses deux salons, à l’usage exclusif du souverain et de ses courtisans.Un peu plus loin, le plus beau pont d’Ispahan est celui de Pol-e Khaju. Construit par le même Shah une quinzaine d’années avant le précédent, celui-ci est construit sur deux niveaux, le plus bas avec des écluses qui régulent le niveau du fleuve. Ses doubles arches sont décorées de faïences et de peintures. En ce jour de fête, nous assistons à d’émouvantes représentations de chants sous les arcades de ce pont. L’ambiance est vraiment agréable et on resterait des heures à flâner sur ce pont et à écouter ces iraniens.
Les enfants profitent de superbes aires de jeux aménagées le long de la rivière.Ali, le mari de Shabnam, nous rejoint et tous ensemble nous nous dirigeons vers le Bazar-e Bozorg. Sachez qu’on peut entrer à 7 dans une 206… Les autres membres de notre jolie tribu prennent un taxi. Nous nous retrouvons devant un resto typique et traditionnel. Une foule d’iraniens attendent une place à l’extérieur. Nous attendons plus d’une demi-heure pour avoir une place dans ce resto proposant un plat unique, typique et extrêmement populaire de la ville d’Ispahan, le Byriani. Il s’agit de deux sortes de viandes posées dans une galette de pain relativement épaisse et bien moelleuse. La première est de la viande de mouton hachée, revenue dans un petit poêlon, assez classique, et la deuxième viande, assez mystérieuse, est en fait du poumon de mouton haché. On arrose l’ensemble de jus d’oranges. Le tout est servi avec oignons crus et feuilles de salade au goût anisé. La boisson nationale de l’Iran accompagne le tout, le Dough, boisson à base de lait fermenté agrémenté de plantes séchées (menthe, poivre). Le goût est particulier. Les repas au resto en Iran ne coûtent rien, à peine 2 à 3€ par personne.
Nous flânons dans un vieux quartier d’Ispahan, loin de la foule. Les maisons anciennes aux balcons de bois se suivent le long de la rue qui mène de la mosquée Jameh à la place Naqsh-e Jahan.
La Place Imam Ali est calme aujourd’hui car les boutiques sont fermées en raison de la nouvelle année. Le mausolée Emamzadeh Haroun-e-Velayat, nous ouvre ses portes.
Juste en face, nous passons devant l’improbable minaret en brique haut de 50 mètres de la mosquée Ali (1521).Nous rejoignons la place Naqsh-e Jahan, cœur de la ville. La place est remplie de centaines d’iraniens. Nombre d’entre-eux pique-niquent. Quasiment pas de touristes en cette période de l’année. Autant dire qu’on attire l’attention des locaux. Ils viennent vers nous, nous interrogent sur notre provenance, notre itinéraire, notre avis sur l’Iran. Ils demandent à nous prendre en photo. Anaïs aime porter sur son dos Mali, le petit de nos amis voyageurs Gali et Compagnie.
Les Martyrs ayant donné leur vie pour l’Iran sont partout dans le pays honorés.Nous visitons l’un des principaux monuments entourant la place, le Palais Ali Kapu édifié à la fin du 16ème siècle pour abriter la résidence de Shah Abbas Ier. Le palais servit également de pavillon de réception et de porte monumentale pour accéder aux palais royaux situés dans les parcs royaux au-delà de la place.
Haut de six étages, il se distingue par sa superbe terrasse surélevée, ornée de 18 colonnes de bois. Le plafond est magnifiquement orné d’une délicate marqueterie. Des mosaïques et peintures décorent les murs.
La salle du trône est également magnifique.
Dommage que le salon de la musique, plus remarquable pièce du palais, ne soit pas accessible au dernier étage. La vue depuis la terrasse est imprenable sur la place Naqsh-e Jahan mais également sur la ville et les montagnes au loin.
Nous faisons une pause dans une traditionnelle et typique maison de thé, la Chah Haj Mirza Tea House, toujours grâce à Shabnam qui connaît les bonnes adresses de la ville. C’est l’occasion de se mêler à la population locale et de tester les spécialités culinaires. Cette maison de thé est un vrai bric-à-brac.
Il est bien tard et c’est l’heure de rentrer au bivouac mais la nuit étant tombée, nous nous offrons un magique Ispahan by night, le tout avec un joli lever de lune !
Vendredi 22 mars 2019 :
Ce matin, Gali et compagnie et les Mollalpagas en cavale s’associent pour inviter cette fois tous ces habitants de la place qui nous veulent tant de bien depuis notre arrivée dans ce quartier ! Nous sortons notre crêpière et préparons dans la matinée 4 litres de pâte à crêpes pour régaler tout ce petit monde qui un à un passe nous saluer dans la matinée. Enfin, nous pouvons à notre manière les remercier de toutes leurs délicates attentions. Mais c’était sans compter sur le fait qu’un à un, ils reviennent tous, en guise de remerciements avec des glaces, des gâteaux, des bonbons, du riz et lentilles cuisinées, des fruits, des légumes… Ils nous proposent tous de l’aide, leur service, de l’eau, le gîte et le couvert… Je profite alors de demander à une jeune femme si nous pouvons utiliser sa machine à laver. Elle est ravie de nous rendre service et part avec notre sac de linge sale sur le dos. Gali et compagnie en font de même auprès d’un homme, tout aussi serviable. Il prend leur sac de linge sale, et revient 5 minutes plus tard avec 2 kilos de tomates qu’il vient d’acheter pour nous à l’épicerie, avant de partir chez lui avec le linge sale…
L’après-midi, nous nous rendons au palais Chehel Sotun qui à l’origine était un pavillon de fête et de réception des ambassadeurs étrangers. Il fut achevé en 1647, sous le règne de Shah Abbas II. Il doit son nom (« 40 colonnes ») aux 20 colonnes de son porche à piliers qui, en se reflétant dans le bassin du parc, semble atteindre un total de 40. Le bâtiment actuel date de 1706, le précédent ayant été détruit par un incendie. Les colonnes en bois cannelées s’élancent jusqu’à un superbe plafond en marqueterie.
La grande salle du trône est superbe de par ses fresques historiques illustrant avec beaucoup de détails la vie à la cour et les grandes batailles des Safavides.
Le jardin du palais a récemment été ajouté à la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco.
Nous traversons d’autres parcs dans la ville où les iraniens s’étalent pour cuisiner avec leurs petites bouteilles de gaz.
Nous avons la chance d’être là pour Norouz, seule période de l’année où notre prochaine visite est ouverte au public. Il s’agit de la superbe Madraseh-ye Chahar Bagh, ou école théologique de la mère du Shah. La construction fût achevée en 1714 pour intégrer un ensemble comprenant un bazar, un caravansérail (aujourd’hui l’Abbasi-Hôtel que nous avons vu plus haut) et cette madraseh à l’architecture remarquable. Coupoles et minarets sont recouverts de resplendissantes mosaïques bleues. La porte d’entrée est recouverte d’or et d’argent.
Nous visitons la mosquée intégrée à l’édifice. Plusieurs iraniens nous expliquent la particularité acoustique de ses coupoles intérieures. Deux personnes diagonalement opposées arrivent à chuchoter et à parfaitement s’entendre alors qu’environ 5 mètres les séparent.
Retour nocturne à notre bivouac en empruntant le Si-o-seh Pol noir de monde. Les vacanciers iraniens sont là. Les voitures âgées pour certaines de 40 ans sont bien chargées.
Nous répondons ce soir à l’invitation d’une famille de la place. J’ai en effet demandé ce matin à une jeune femme, Sarah, si je pouvais remplir mon réservoir d’eau chez elle. Elle a appelé son père qui a accepté mais qui a tenu en plus à nous recevoir chez lui. Nous passons un agréable moment. Une fois de plus, Anaïs fabrique toute la soirée des origamis qu’elle offre à la famille. En échange de boucles d’oreilles qu’elle a confectionnées, elle reçoit une peinture faite par l’une des jeunes filles, étudiante en pharmacie, rêvant d’aller un jour étudier la mode à Paris. Sa grande sœur est en 7ème année de médecine. Ils insistent pour nous garder tous les 8 à dormir chez eux. On espère ne pas les vexer en leur disant qu’on a tout ce qu’il faut dans nos camping-cars. Ils insistent encore.
Nous sommes abasourdis, déboussolés, interloqués, sidérés, stupéfaits par tant de générosité. Quel contraste avec l’image véhiculée par la majorité des médias français ! L’Iran est vraiment une terre d’accueil. Nous ne ressentons réellement aucune insécurité ! Bien au contraire.
En ville, de nombreux versets du Coran sont affichés. L’un deux dicte « Et ne donne pas dans le but de recevoir davantage ». Effectivement, souvent ils refusent qu’on leur donne, ne serait-ce qu’un chocolat. Et s’ils acceptent, ils reviennent en nous offrant plus qu’ils n’ont reçu !Retour de nuit au camion. Un autre habitant s’approche de nous, malgré l’heure tardive, nous proposant lui aussi ses services. Je lui demande si je peux utiliser ses toilettes pour vider les miennes. Il est tellement heureux que je lui demande de l’aide qu’en plus, je reviens de chez lui avec une boîte de gâteaux ! La discussion étant un peu compliquée car il ne parle pas un mot d’anglais, il téléphone à un de ses amis parlant français et anglais avec qui, Gaëtan et moi, passons chacun presque 10 minutes à parler…
Samedi 23 mars 2019 :
De bon matin, nous partons tous les 4 poursuivre notre visite d’Ispahan. Le métro n’a pas encore ouvert. Nous prenons alors le taxi qui en 20 minutes nous amène en centre-ville. Je lui demande combien je lui dois pour la course, il me répond que non, je lui réponds que oui, il me répond que non, je lui réponds que oui, il me répond 10 000 tomans soit 0,70€… (bon, c’est toujours plus cher que le ticket de métro où pour la même somme, j’ai acheté hier 11 trajets !).
Nous entrons dans le Bazar-e Bozorg encore bien désert ce matin par la porte Qeysarieh, à l’extrémité nord de la place Naqsh-e Jahan. Une belle lumière provient de fenêtres aménagées dans les hauts plafonds en briques voûtés, éclairant les échoppes dont les rideaux métalliques s’ouvrent les uns après les autres. Certains quartiers du bazar ont plus de 1000 ans mais la majeure partie fut construite au cours du 17ème siècle. Il abrite des caravansérails. On aime déambuler et flâner au travers des étals d’épices, de théières, de tissus…
Nous arrivons à la mosquée Masjed-e Jameh ou Mosquée du vendredi. C’est un véritable musée d’architecture islamique mais également un important lieu de culte.
Elle était d’ailleurs fermée au public ces derniers jours car d’importantes prières y étaient célébrées. En témoignent d’ailleurs ces centaines de tapis qui sont en train d’être enroulés et rangés. C’est une véritable chance de pouvoir admirer ces salles de prières et cette immense cour recouvertes de tapis.
Dans l’Islam chiite, les musulmans utilisent lors de leur prière la Turbah. Il s’agit d’un petit objet, le plus souvent en forme de disque, fait de terre, sur lequel les hommes posent leur front au moment de se prosterner.
La mosquée rassemble tous les styles qui se sont succédés entre le 11ème et le 18ème siècles, de la simplicité de l’ère seldjoukide à l’ère mongole, en passant par le raffinement baroque des Safavides. Elle tisse vraiment un lien entre les périodes cruciales de l’Histoire persane. Avec ses 20 000 m², c’est la plus grande mosquée d’Iran. La cour centrale est entourée de 4 iwans de styles différents. Ce sont ces immenses portails surmontés de coupoles. En son centre, se dresse une fontaine à ablutions imitant la Kaaba de La Mecque.
De magnifiques mosaïques décorent cette remarquable architecture. Cette dernière a résisté aux nombreux séismes depuis près de 1000 ans.
L’iwan ouest est dominé par un maazeneh, une plateforme d’où les fidèles étaient appelés à la prière.Comme sur beaucoup de monuments en Iran, d’immenses portraits sont apposés sur la façade. Celui de l’Imam Khamanei, le guide suprême de la Révolution islamique de 1979, poste le plus élevé de la République islamique d’Iran au-dessus de la charge officielle de président de la République, et celui de l’Imam Khomeini, le guide spirituel de la Révolution islamique qui renversa le Shah d’Iran Mohammad Reza Pahlavi et qui fonda la République Islamique d’Iran.
A l’intérieur de cet iwan, la chambre du Sultan Uljeitu renferme un splendide mihrab en stuc recouvert d’inscriptions coraniques et de motifs floraux.
Nous entrons dans les salles de prière seldjoukides.
Après cette magnifique visite, et toujours pas rassasiés par ces fascinants monuments, nous enchaînons par la cour de la mosquée Masjed-e Hakim.
L’après-midi, Gali et compagnie nous rejoignent et nous visitons ensemble la Masjed-e Shah, ou Mosquée du Roi ou Mosquée de l’Imam qui s’élève à l’une des extrémités de la place principale d’Ispahan. Il s’agit d’un bâtiment remarquable de la ville construit sous le règne de Shah Abbas Ier. Le portail haut de 30 mètres est majestueux. Il repose sur des fondations en marbre blanc. Il est décoré de superbes mosaïques aux motifs géométriques, floraux et calligraphiés. Les niches sont ornées de muqarnas très travaillées en forme d’alvéoles. Le portail est tourné vers la place mais la mosquée indique la direction de La Mecque, d’où le décalage entre les deux architectures non parallèles.
Les iwans, ou porches, entourant la place sont eux également remarquables. Le bleu et le jaune des mosaïques recouvrent entièrement l’édifice. Le sanctuaire principal est coiffé d’un immense dôme. Deux minarets turquoise, ornés de balcons et de calligraphies géométriques répétant à l’infini le nom de Mahomet, dominent l’entrée.
A l’intérieur, le plafond s’élève à 36 mètres mais le dôme atteint 51 mètres de hauteur à l’extérieur car il s’agit d’une coupole à double coque. L’espace entre les deux est responsable d’un écho important. Une personne fait claquer ses doigts contre un billet. Le bruit tout faible résonne dans toute la coupole tout comme les chants coraniques qu’enchaînent plusieurs personnes.
Au fond de ce sanctuaire principal, superbes minbar et mihrab en marbre.
De chaque côté du sanctuaire, s’ouvrent deux cours de deux madraseh (écoles) desquelles nous avons un superbe point de vue sur la coupole de l’édifice.
Comme depuis notre arrivée en Iran, nous nous faisons prendre en photo sans cesse, plusieurs fois par jour… Les iraniens sont très fiers de poser en notre compagnie.Nous partageons notre dernière soirée avec Gali et Compagnie sur notre lieu de bivouac avant de partir demain chacun de notre côté toujours un peu plus vers le sud de l’Iran mais par deux routes différentes. Mais quelque chose me dit qu’on se reverra dans les prochains jours… Nous savourons un petit dessert emmené par Ali, du Ferni, préparé à base de farine de riz, eau de rose, pistils de safran… le tout arrosé d’un sirop de dattes. La petite liqueur de pêches, poires, coings et prunes de nos compagnons est bien agréable, surtout agrémentée du même sirop sucré… Car oui, l’alcool commence un peu à manquer !
Voilà, j’en ai fini avec ce long article dédié en grande partie à Ispahan. Nous savions que cette ville était le joyau de la Perse ancienne mais nous ne pensions pas à ce point… Nous avons été sous le charme de ses délicates faïences émaillées des monuments religieux, de ses jardins, de son bazar, de ses ponts… mais surtout vous l’aurez compris de ses habitants. Je ne sais pas si je suis parvenu à vous transmettre ce que l’on ressent car cela est très difficile à transcrire. Nous sommes absolument déroutés par tant d’hospitalité et de générosité. Un simple coup de klaxon, un signe de la main, une main posée sur le cœur, un « welcome to Iran », un sourire, un cadeau, un plat traditionnel aux saveurs exceptionnelles, une invitation à rester dormir… Tous ces signes nous vont droit au cœur, très profondément… Nous aimons ces moments partagés dans l’intimité des familles où les voiles des femmes tombent et où les paroles se délient.
Nous avons eu la chance de déjà beaucoup voyager mais jamais nous avons reçu un tel accueil ! et je ne suis pas sûr le revoir ailleurs ! Quelle chance de pouvoir vivre tout ça depuis 15 jours ! et dire qu’il nous reste encore un mois et demi en Iran !