25. Iran : du 5 au 11 avril 2019 : île de Qeshm, Bandar Abbas

397 km parcourus du 5 au 11 avril 2019

18 615 km parcourus depuis le départ

Vendredi 5 avril 2019 :

Pas d’école ce matin. Il nous faut vraiment trouver la solution à notre problème mécanique sans faire appel aux mécaniciens locaux. Pour rappel, nous sommes tombés en panne de turbo hier sur la route entre Shiraz et le Golfe Persique. Un échange avec Christian, un voyageur connaissant très bien l’Iran, ne m’a pas rassuré quand il m’a dit qu’il ne connaissait pas de spécialiste sur Bandar Abbas. Ce matin, Joaquim est dispo par Messenger et nous contrôlons l’électrovanne commandant le turbo. Son fonctionnement paraît correct.Un passant s’approche de nous pour nous proposer de l’aide. Se trouvant impuissant, il nous offre une de ses pastèques qu’il est en train de vendre sur le bord de la route. Joaquim me rassure sur le fait que nous pouvons rouler sans problème, sans risquer de dégrader d’autres organes mécaniques. Nous décidons de faire route vers l’île de Qeshm. Tranquillement, là-bas, nous prendrons le temps de poursuivre nos recherches avec l’aide de Joaquim. Nous faisons des courses pour être autonomes quelques jours sur l’île en nourriture et en eau. Péniblement, avec le vent de face et les légères montées, la Tiny parvient à gravir les pentes. On est à 35 km/h en haut des côtes… Les paysages sont extrêmement arides, les montagnes sont recouvertes d’un voile de sel.

Nous arrivons au terminal de ferry pour embarquer vers l’île de Qeshm. L’île étant une zone franche, il faut passer tout un tas de formalités dignes d’une vraie frontière. J’arrive dans un premier bureau où je présente mon carnet de passage en douane (passeport du véhicule) et nos 4 passeports. Je suis invité à suivre dans un deuxième bureau un gars qui photocopie en 3 exemplaires tous ces documents ainsi que nos visas. Il me fait remplir une feuille par personne avec toutes les infos de nos passeports. Retour dans le premier bureau où un autre gars recopie sur une feuille toutes les infos que je viens d’écrire précédemment. Retour dans le deuxième bureau où un gars recopie sur l’ordinateur toutes les infos que son collègue vient d’écrire sur la feuille. Une fois que son imprimante se remet à fonctionner, il imprime un document. Retour dans le premier bureau pour faire signer ce document par le gars qui avait recopié les infos sur la feuille… Troisième bureau pour payer les quelques euros de la traversée. On est libre au bout de 45 minutes et prêt à embarquer. Nous montons sur un ferry et sommes le seul véhicule. Je demande à un matelot si les enfants peuvent monter voir le capitaine. Nous sommes du coup tous les 4 invités à y monter. L’équipage est fier de faire des selfies avec nous et nous offre une bouteille d’eau fraîche qui est bienvenue avec les 35°.

Nous naviguons sur les eaux du Golfe Persique et sommes au niveau du détroit d’Ormuz qui se situe dans une région du monde les plus importantes par sa production en hydrocarbures. C’est un passage décisif pour le trafic international en terme de flux pétroliers. 18 millions de barils transitent par ce détroit tous les jours. 30% du pétrole mondial passe par ici et 18% du gaz naturel. La région voit également s’affirmer des puissances régionales productrices de pétrole (Irak, Koweït, Qatar, Bahreïn, Arabie Saoudite). Le détroit d’Ormuz est situé au débouché du golfe Persique et du golfe d’Oman, entre l’Iran et Oman. Il est large de 40 km et long de 63 km. Le détroit s’est vu impliqué dans différents conflits dans la guerre Iran-Irak ou la guerre du Golfe. Encore aujourd’hui, l’Iran menace de fermer le détroit en cas de sanctions visant les exportations iraniennes de pétrole.

Une demi-heure plus tard, nous débarquons sur l’île et la traversons dans sa largeur pour rejoindre le bivouac où nous avons prévu de nous retrouver avec d’autres voyageurs. Les paysages sont désertiques et très pollués par des déchets. Une énorme raffinerie projette à l’air libre une immense torche de feu de gaz naturel non brûlé.

 

De nouveau, Joaquim me vient en aide par téléphone. Je lui envoie des photos. Il me donne de précieuses indications pour vérifier différents organes dont le turbo qui finalement fonctionne bien, après vérification. Il s’oriente alors vers un dysfonctionnement de la vanne EGR, organe anti-pollution destiné à rebrûler les gaz d’échappements. Cette vanne, purement mécanique sur cette génération de véhicule, a certainement dû s’encrasser suite aux différents problèmes d’injection en Grèce et en Turquie et également suite à la mauvaise qualité du gasoil iranien. Joaquim m’indique comment empêcher son fonctionnement qui met en défaut celui du turbo. Je débranche donc le tuyau de dépression d’air alimentant cette vanne EGR et l’obture par un foret de 6mm. Test sur la route et le turbo fonctionne de nouveau !!! Puissance retrouvée. Mille mercis mon sauveur Joaquim. Grâce à toi, notre cavale va pouvoir se poursuivre ! Mais ce serait certainement mieux que tu poursuives carrément le voyage avec nous, il nous reste une place de dispo à l’avant. Prochaine panne, on te paye le billet d’avion et on te garde 2 ans et demi avec nous !

Nous retrouvons Gali et compagnie que nous avions laissés il y a quelques jours à Ispahan. Malgré la température caniculaire, nous faisons un feu et y cuisinons notre repas végétarien de ce soir. Puis, 3 autres familles nous rejoignent, une d’Allemagne et deux de Roumanie. L’une d’elles est une famille de voyageurs au très long cours. Ce sont les Iran is great, une famille composée d’Audrey (française), de Christian (roumain) et de leurs deux enfants Lucas et Emilea (nés en Allemagne). Ils voyagent au volant de leur Mercedes Vario 614 (ex camion de livraison UPS) depuis bientôt 10 ans en faisant des allers et retours réguliers entre l’Allemagne, l’Iran, les Émirats Arabes Unis et Oman. Une autre famille, après 15 ans passés à Dubaï, rentrent chez elle par la route aux Pays Bas. La dernière famille (Roxana et Adrian et leurs deux filles) voyageant à bord d’un vieux Mercedes 310 4×4 (ex pompiers) est également roumaine.

Samedi 6 avril 2019 :

De bon matin, nous partons à pied au petit port d’à côté duquel nous sommes garés et allons faire une sortie en mer pour aller observer des dauphins ! Jamais nous n’avons pu en voir de près. Les autres voyageurs en voyaient toujours et nous, sur le même spot un jour avant ou un jour après, les dauphins n’étaient plus là… Cette fois-ci, on y croit car Gali et Compagnie ont pu en observer hier. La sortie en mer ne coûte qu’un euro par personne ! Incroyable.

Au bout de 20 minutes de navigation, nous nous approchons de l’île de Hengam. Nous observons des poissons multicolores et des coraux mous ainsi que le sable au reflet argenté.

Le bateau recherche ensuite le spot des dauphins. Soudain, nous voyons plusieurs ailerons sortir de l’eau ! ça y est, on les voit nos premiers dauphins. Pendant 30 minutes, le bateau suit deux à trois bancs d’une dizaine de cétacés. Nous vivons un instant magique. Les enfants sont ravis, nous aussi.

Nous débarquons sur le petit port de l’île de Hengam et nous nous arrêtons dans une petite gargote sur le port de pêche pour savourer de délicieux samosas de poissons et de crevettes.

Les arabes comptent pour seulement 3% de la population en Iran dont une partie est présente sur les côtes du golfe Persique. Du fait qu’ils habitent traditionnellement dans les ports (Bandar), on les appelle souvent les Bandari. Ils parlent un dialecte de l’arabe et se distinguent par la couleur de leur peau, plus foncée que celle des Persans. Leurs vêtements diffèrent aussi. Les femmes portent des habits traditionnels : vêtements très colorés et brodés de sequins dorés recouvrant intégralement le corps, quelques fois mains gantés, pieds cachés. Elles portent parfois une burqa, un masque en tissu brodé ou en métal qui varie dans sa découpe et dans ses motifs. Les hommes portent une longue tunique sans manches et de couleur blanche, des sandales et parfois un turban.

Retour à la Tiny pour retrouver nos compagnons de bivouac. Nous nous rapprochons de l’eau et passons un moment à nous baigner dans une eau à au moins 25 degrés. A l’abri des regards iraniens, les femmes peuvent enfin se dévoiler et enfiler les bikinis. Malheureusement, notre petit Victor se fait piquer par une méduse. Mais la brûlure lui passe en quelques heures.

Les 32° Celsius sont largement supportables avec une agréable brise marine. Mais les rayons du soleil brûlants nous obligent à rester dans nos camping-cars. Il n’y a pas un coin d’ombre dans ce désert. Les enfants jouent. Anaïs communique avec les autres enfants en anglais. Il n’y a pas eu école aujourd’hui, certes, mais ces échanges valent bien un cours de langue vivante ! L’après-midi se passe tranquillement, entre voyageurs. On récupère du stress de notre panne.

En soirée, nous rejoint une autre famille de voyageurs français, Les Pourquoi Pas, composée de Mariam, Loïc et leurs trois enfants Edrian, Maëlia et Ntyalé. Eux voyagent au volant d’un gros Man équipé d’une cellule (ex militaire). Joli projet. Jolie rencontre.

Dimanche 7 avril 2019 :

Déjà à l’heure du petit déjeuner, il fait 30°. La température monte à 37° en fin de matinée après l’école. Quoi de mieux que de faire la récréation dans une eau à 10° de moins !Le seul coin d’ombre pour pique-niquer est un petit espace sous le porte-à-faux de la longue cellule des Pourquoi Pas. C’est en leur compagnie que nous partons passer la journée en nous dirigeant une cinquantaine de kilomètres plus loin sur l’île. La Tiny se comporte bien et a retrouvé son turbo. C’est quand-même pratique, bien qu’on soit à une altitude de tout au plus 10 mètres. Mais de hauts cols à plus de 4000 mètres nous attendent en Asie Centrale dans quelques semaines…

L’île est un immense désert, les paysages sont brûlés par le soleil. La richesse géologique est par contre superbe ! Le Géoparc mondial de l’île de Qeshm (plus de 2000 km²) a d’ailleurs été classé par l’Unesco.

Et mince, j’ai parlé trop vite, au bout de 40 km, de nouveau plus de turbo. Grrrrrrr…. Arrivés sur le parking de notre prochaine visite, je contrôle le fonctionnement du turbo. Cette fois-ci, la tige métallique qui est censée rentrer dans le turbo lorsque le moteur atteint environ 2500 tours par minute ne fonctionne pas…

Nous visitons le site du sinueux canyon de Chahkooh. La température ne doit pas être loin des 40°. Au fur et à mesure de notre avancée, nous sentons la fraîcheur. C’est une alternance de niches, de courbes sculptées dans la roche friable. C’est vraiment superbe. Nous pouvons d’autant plus en profiter que les iraniens ont repris le travail après leurs vacances de Nowruz. Le site est quasi désert.

Deux canyons verticaux dont un extrêmement étroit se croisent perpendiculairement. On se désaltère et on se rafraîchit dans un puits où un homme nous remonte un seau d’eau. Des bergers l’utilisent depuis des siècles. Les Pourquoi Pas font voler leur drone ce qui donne des photos sympathiques.

Photo : Loïc des Pourquoi Pas. Les petits points noirs au croisement des deux canyons, c’est nous !

Toujours en compagnie de Mariam, de Loïc et de leurs enfants, nous roulons vers notre bivouac de ce soir. Il est à vol d’oiseau à 8 km juste de l’autre côté de l’île dans sa largeur mais 45 km de route et de piste sont nécessaires pour s’y rendre. Victor est ravi de prendre place dans le poids-lourd 4×4 de nos amis. Moi, je suis moins ravi de mon turbo.

Nous observons les différents moyens de locomotion. Les ceintures de sécurité et les casques ne sont pas toujours de rigueur. Nous trouvons même un conducteur bien jeune au volant d’une 405 … pas plus de 10 ou 11 ans…

 

Nous arrivons de nuit sur notre bivouac. On verra le paysage demain matin mais ça a l’air bien sympathique. Nous entendons le proche blatèrement des dromadaires certainement intrigués par la présence d’une Tiny house ici. D’autres voyageurs ayant dormi ici il y a quelques jours, étaient entourés de ces animaux. On espère en voir demain. Pas de réseau pour contacter Joaquim. On verra les soucis mécaniques plus tard. Petit feu pour faire cuire les légumes. Les enfants font le leur de leur côté.

Lundi 8 avril 2019 :

Pas de dromadaire… Nous prenons notre temps ce matin et profitons après l’école de nous baigner, de marcher sur la plage. L’endroit est tellement isolé qu’Audrey et Anaïs peuvent également ne pas porter le voile. C’est appréciable par des températures frôlant les 40°. Les enfants s’improvisent à des ateliers de poterie avec de la vase. Ils escaladent également les ruines d’un abri abandonné.

Bon, je vous montre souvent des paysages super beaux mais l’envers du décor se montre aussi, celui des plages polluées. C’est affreux, choquant tous ces déchets. Des milliers de tonnes de plastiques, de filets de pêches, de pneus, d’aérosols, de polystyrène…

C’est reparti sur la piste, véritable tôle ondulée mais magnifiques paysages érodés, sculptés par le vent et par les effondrements. Nous arrivons au sein de paysages recouverts d’une couche de sel. On dirait qu’une mince pellicule de neige est tombée.

Nous visitons la grotte de sel des Trois Hommes Nus. Elle a détenu jusqu’à récemment le record de la plus grande du monde avec ses 6580 mètres de long. Mais la grotte Malham, en Israël, vient d’être mesurée et mesure 10 km de long ! Peu importe, on n’en parcourt pas toute sa longueur ; seule la première centaine de mètres accessible au public est d’une beauté exceptionnelle avec ses stalactites, ses reliefs, ses reflets brillants de cristaux de sels, ses différentes strates de couleurs allant du rouge au jaune… On adore. Nous marchons sur un tapis croustillant de gros cristaux de sel. Sur les flaques d’eau flottent ces mêmes cristaux. L’endroit est resté naturel et n’est pas pollué par des éclairages lumineux. Seule la lumière de notre frontale nous guide. On adore ce lieu magique. Étonnamment, il fait quasiment la même température dedans que dehors. Est-ce que tout ce sel absorbe l’humidité de l’air ?

Nous rechargeons en eau désalinisée nos réservoirs. Léger goût de sel pour la boisson mais pas d’autre choix sur l’île. Mon deuxième réservoir fonctionne de nouveau depuis que j’ai réparé ce matin le tuyau qui était coupé à sa sortie. Content de retrouver nos 240 litres d’autonomie !

Demi-tour sur la piste longue de 22 km après avoir refixé mon panneau solaire sur la cabine qui s’était décroché en arrivant ici. La tôle ondulée fait tout vibrer, même à 20 km/heure. De nouveau, nous dégustons et savourons cette incroyable beauté de décors minéraux.

Le réseau téléphonique que nous avions perdu depuis deux jours est enfin revenu et je peux échanger avec Joaquim à propos de notre turbo qui ne fonctionne plus à chaud. Il s’oriente vers un capteur ou une sonde de température. Affaire à suivre.

Nous traversons l’île de nouveau de part en part et nous posons sur un bivouac inscrit par nos amis les Plem’ sur la fameuse application de partage entre voyageurs Ioverlander (merci Élodie et Miguel pour votre contribution !) au pied de la mangrove de Hara, site majeur de reproduction des poissons du golfe Persique, que nous découvrirons demain. Bivouac près des autres voyageurs, les Pourquoi Pas.

Mardi 9 avril 2019 :

Le réveil est mis de bonne heure ce matin pour aller visiter la mangrove. Mais, c’est marée basse donc ça s’avère compliqué ! à moins d’y aller en bottes… Finalement, nous faisons école et profitons des sanitaires du port pour faire une très grosse lessive pendant que la marée remonte. Pas loin de 20 kg de linge sale… Merci à notre petite machine à laver !

En fin de matinée, nous embarquons avec un guide sur une barque de pêcheurs à la découverte de la mangrove. Partagée entre l’île et la côte continentale opposée, la mangrove de Hara s’étend sur 20 km² dans le détroit de Khuran.

Le site est classé Ramsar (protection des zones humides) et réserve de biosphère par l’Unesco. Ici pousse l’Avicennia marina, branches et racines immergées dans l’eau, un petit arbre connu sous le nom local de Hara. Cette mangrove est l’habitat naturel d’espèces endémiques ou migratrices : oiseaux, reptiles, poissons, insectes, mollusques… On peut (normalement) y observer hérons, flamants, pélicans, aigles, tortues vertes, marsouins, dauphins à bosse, serpents aquatiques… Mais nous avons beau scruter la mangrove, on ne voit que trois oiseaux. Il est midi et il fait beaucoup trop chaud pour que les animaux sortent. Mais l’heure de la marée fait que l’on n’avait pas trop le choix. Pas plus de chance que pour les dromadaires hier matin sur le bivouac… Cependant la balade est forte agréable et on se rend bien compte de l’immensité de cette mangrove. Nous faisons une courte escale sur ses rives boueuses.

Le linge a déjà séché en une heure sous 37°. Nous prenons la route et rapidement au bout d’un kilomètre, le turbo nous lâche déjà… On ne se décourage pas et nous continuons notre exploration de l’île en s’arrêtant voir les chantiers navals de construction de lenjes qui sont des bateaux qui parcourent les eaux du Golfe depuis des siècles. Ce savoir traditionnel a été inscrit en 2011 par l’Unesco sur la liste du Patrimoine immatériel nécessitant une sauvegarde urgente.

Par tradition, les lenjes iraniens sont construits manuellement et sont utilisés par les habitants de la côte nord du golfe Persique pour les voyages en mer, le commerce, la pêche et la plongée pour récolter les huîtres perlières. Nous rentrons comme dans un moulin sur ces sites de construction. Les gardiens nous laissent passer. Certains de ces bateaux mesurent environ 50 mètres de long. Des ouvriers travaillent sous une chaleur torride dans des conditions de travail éprouvantes. Ils appliquent de la résine polyester à mains nues et sans masque de protection. Nous sommes à dix mètres et déjà l’odeur nous incommode. Ils nous autorisent à monter sur des échafaudages scabreux. Les échanges sont limités car ils ne parlent que le farci et pas nous ! Mais juste en leur disant « français », ils nous répondent « Zidane, Henri, Makélélé, Desailly, Mbappé… ».

Non loin de là, nous sommes attirés par une épave toute rouillée de bateau. Nous approchons. Là également, le gardien nous laisse passer et nous autorise même à monter sur ce ferry qui n’est en fait pas une épave mais en restauration complète. Victor prend plaisir à observer les cales ou à monter dans ce qu’il reste du poste de pilotage. J’imagine que ce type de bateau serait parti à la casse chez nous. Ici, les iraniens le réparent en le démontant entièrement, en changeant d’énormes morceaux d’épaisses tôles…

Nous continuons notre traversée de l’île de Qeshm. La Tiny continue à faire des siennes. Le turbo se met en sécurité en moyenne tous les 20 km. Je passe beaucoup de temps avec Joaquim à tenter de trouver la panne. Tout y passe. Il m’aide énormément. Je lui envoie des photos. Il m’envoie des schémas. Nous faisons des vidéos instantanées pour qu’il m’aide à localiser certains organes. Merci internet ! Mais il faut jongler avec le réseau pas toujours dispo sur l’île, les disponibilités de Joaquim qui travaille et accepte de prendre du temps pour nous aider, et le décalage horaire. De plus, durant notre séjour insulaire, nous ne roulons pas assez pour tester comme il faut la Tiny. On débranche des électrovannes, on les rebranche. On teste. On réfléchit. Enfin surtout Joaquim…

L’île est déserte mais certains endroits sont des petites oasis de verdure. Les poissons sèchent sur des paillasses dans une odeur nauséabonde.

Nous arrivons au sud-est de l’île aux grottes de Kharbas datant de l’époque Sassanide. Ces grottes occupent une façade calcaire quasi verticale. Elles ont servi de refuge aux villageois fuyant les pirates et les bandits qui pillèrent l’île au cours des siècles passés mais également de cimetière islamique.

Nous visitons la fascinante vallée des étoiles façonnée par des siècles d’érosion. Le site est spectaculaire avec ses gorges, ses canyons, ses roches rongées par le vent. La lumière est magnifique à l’heure du coucher du soleil. Un air de Cappadoce ou de paysages d’Amérique du sud.

Nous nous arrêtons un peu plus loin pour un bivouac sur la plage avec les Pourquoi Pas. C’est le début de la période (entre avril et juillet) où les tortues viennent pondre leurs œufs en les enterrant dans le sable. On espère en voir à la nuit tombée mais elles ne sont pas au rendez-vous. Pas plus de chance que pour les dromadaires sur notre bivouac ou les animaux dans la mangrove !Toujours pas de solution trouvée pour la Tiny. On soupçonne un faux contact quelque part car on a l’impression que le turbo se coupe souvent suite au passage d’un dos d’âne ou de secousses. La nuit va peut-être porter conseil, ici ou à 5372 km d’ici à Saint Jean d’Angély…

Mercredi 10 avril 2019 :

Nous sommes envahis de mouches. Plusieurs dizaines. Peut-être des centaines mais cela ne déconcentre pas trop les enfants pendant leur temps scolaire. Pas plus que la chaleur dans la Tiny. Heureusement, notre bivouac isolé évite aux filles de porter le voile.

Nous reprenons la route en observant les rives, les ports de pêche où nous voyons des lenjes, les paysages, les bergers gardant en moto leur troupeau de dromadaires.

Nous rejoignons le bivouac où nous étions il y a quelques jours. Nous retrouvons les Iran is Great, l’autre couple de roumains (Roxana et Adrian) mais également deux autres camions de voyageurs dont le vaillant Mercedes 508 de Mayalen et Julio, les espagnols que nous avions déjà rencontrés à Téhéran, à Kashan et à Yazd. Mais nous avons également le plaisir de voir les Macax (Marie-Claude, Alexandre et leurs deux filles Maëlle et Camille) qui sont sur le retour de leur boucle à travers l’Europe, la Mongolie, la Chine et l’Asie du sud-est. Ils viennent juste de récupérer il y a quelques jours à Dubaï leur camping-car qui avait shippé depuis la Malaisie. Nous nous étions déjà rencontrés sur le rassemblement de voyageurs des Familles autour du monde avant leur départ. Nous sommes donc très heureux de nous rencontrer de nouveau et échangeons beaucoup d’infos sur la suite de notre voyage.En fin d’après-midi, en compagnie des Macax et des Pourquoi Pas, nous nous déplaçons sur un autre bivouac bien que nous resterions bien en compagnie de tous les autres voyageurs pour notre dernière nuit sur l’île mais nous ne nous voulons pas rester sur notre échec d’observation des tortues d’hier. Un autre spot n’est pas loin de là. Nous nous y rendons et un local nous accueille en nous disant qu’il a bon espoir que les tortues viennent ce soir à partir de 23 heures. Toutes les conditions, y compris climatiques sont réunies.

En attendant, soirée bien agréable entre voyageurs. Les enfants sont également ravis de partager des moments avec d’autres enfants français.

L’heure est venue de l’observation mais les tortues ne sont pas venues. Nous restons jusqu’à 1 heure du mat’ mais pas plus de chance qu’avec les dromadaires ou les animaux dans la mangrove…

Jeudi 11 avril 2019 :

Pour notre dernière journée sur l’île, nous voulons renouveler notre observation des dauphins en mer comme il y a quelques jours. C’est à 13 voyageurs que nous embarquons sur un bateau. Nous faisons le même circuit que la dernière fois mais cette fois la mer est plus agitée. Aucun dauphin à l’horizon. Ils ont dû aller faire un tour avec les dromadaires, les animaux de la mangrove et les tortues… Heureusement qu’on a bien pu en profiter la semaine dernière.Retour aux camions. Nous devons commencer notre longue (et lente !) remontée de l’Iran. Notre visa expire bientôt et nous devons entrer au Turkménistan dans une quinzaine de jours. Environ 2000 km sont à parcourir d’ici là et nous ne savons vraiment pas comment va réagir la mécanique de la Tiny. Si nous devons rester plusieurs jours dans un garage (on en est capable !), il vaut mieux prendre la route dès maintenant… Les Pourquoi pas continuent vers Dubaï, l’Inde et l’Asie du sud-est. Certainement que nous les reverrons dans quelques mois, tout comme les espagnols qui eux traversent le Pakistan pour rejoindre l’Inde. Les Macax remontent tranquillement vers l’Europe. Les Iran is Great passent encore plusieurs semaines en Iran. Les roumains (Roxana et Adrian) remontent sur les Stans.Aujourd’hui, nous sommes tous attristés par une mauvaise nouvelle dans notre grande famille de voyageurs. Une nouvelle fois, après le naufrage du Grande America il y a quelques semaines qui avait sonné la fin de l’aventure pour trois familles avant même qu’elle ne commence, une nouvelle famille subit des moments difficiles. Le voyage s’arrête brusquement pour les Bigorneaux voyageurs que nous avions croisés en Turquie. Ils viennent de subir un choc frontal avec un véhicule circulant à contre-sens sur leur voie de circulation. Heureusement, ils n’ont pas été blessés mais leur camping-car va tout comme eux être rapatrié en France. On le sait tous, que le voyage peut s’arrêter à tout moment mais on souffre quand l’un d’entre nous vit cela. Courage les amis !

Nous prenons la route, pressés de voir comment réagit la Tiny. Rapidement, nous montons sur le ferry. Nous avons rendez-vous avec une autre famille de français. Nos chemins ne font que se croiser quelques instants au pied du ferry. Nous les avions également rencontrés sur un autre rassemblement de voyageurs. Ce sont les HiMaYa : Marion et Franck voyagent avec leurs enfants Maya et Hima en Mercedes 310 James Cook et sont en route vers l’Asie Centrale. Nous devrions les croiser de nouveau dans quelques semaines sur les Stans.Bon vous voyez que les rencontres n’ont pas manqué ces derniers jours. Mais que des rencontres, certes ultra sympathiques, avec des voyageurs et pas avec des locaux. Le fait d’être toujours à plusieurs fait qu’on a moins été abordés par les iraniens. Le fait également que sur cette île, ils ont sans doute l’habitude de voir beaucoup d’étrangers et de voyageurs.

Avant de quitter la région, nous tenons à passer saluer à Bandar Abbas, Val’ et Luc, un couple de voyageurs français que nous avions croisés en Cappadoce. Ils sont en galère mécanique et on sait ce que c’est ! Nous arrivons sur un petit parking et les retrouvons.Je passe un long moment avec Joaquim à faire plusieurs tests sur la Tiny. Il s’oriente vers un dysfonctionnement d’une sonde de température fixée sur la culasse. Celle-ci a une résistance non conforme suite au test qu’il vient de me demander d’effectuer à l’ohmmètre. La valeur qu’elle indique à une température de 90° indique en fait plus de 110° ce qui indiquerait au calculateur de brider le turbo. Reste à trouver une pièce disponible ici en Iran. Mais le plus proche concessionnaire est à Téhéran à 1300 km… On pourrait se la faire envoyer ici mais nous n’avons pas envie de rester bloqués ici plusieurs jours. Nous décidons avec Audrey de prendre le risque de prendre la route ainsi et de remonter avec une mécanique un peu bancale à travers les montagnes et les déserts iraniens. Nous n’avons vraiment pas confiance dans les mécaniciens locaux, ce que semblent partager les locaux. De l’inconscience ? non. Du courage ? un peu certainement… Et puis si on tombe en panne au milieu de nulle part, ce sera toujours l’occasion de faire de nouvelles rencontres !  On espère au mieux trouver des garages plus compétents à Kerman qui n’est qu’à 600 km !

Ça y est, nous avons retrouvé les locaux, ils viennent vers nous, curieux de notre voyage… Nombre d’entre eux demandent à entrer dans la Tiny.

Val’ et Luc étant depuis quelques jours sur ce même parking dans l’attente de pièces mécaniques ont sympathisé avec une famille qui les reçoit midi et soir chez eux pour manger. Et donc ce soir, nous sommes également conviés à dîner. Cette famille composée de Parvin, Ali et leurs enfants Yeganeh et Ehsan est incroyablement gentille et nous reçoit autour d’un bon repas. Yeganeh nous montre des instruments typiques comme le Târ ou le Daf. Audrey se met aux fourneaux avec Parvin. La table est dressée sur les épais et moelleux tapis où nous prenons place agenouillés. Nous voici de nouveau immergés dans cette incroyable hospitalité iranienne.

Dernière nuit sur les bords du golfe Persique. Peut-être que nous le reverrons dans un an. Nous ne savons pas encore. Nous avions imaginé au départ de notre aventure prendre un bateau entre la Malaisie et l’Afrique du Sud mais de plus en plus, on se dit qu’on reviendrait bien de l’Asie du sud-est par la route en passant par le Myanmar, l’Inde, le Népal, le Pakistan et donc ensuite l’Iran de nouveau. Ensuite, nous prendrions un ferry vers Dubaï avec l’espoir d’obtenir un visa de transit pour l’Arabie Saoudite qui nous permettrait de rejoindre le Soudan et de descendre vers l’Afrique Australe et de remonter ensuite toujours par l’est jusqu’en Égypte. Bref, on se pose plein de questions au fur et à mesure des rencontres avec les autres voyageurs, de la lecture de blogs, de l’évolution de nos envies, de la situation géopolitique de certains pays, de la fermeture ou de l’ouverture de certaines frontières… Mais bon, on vous tiendra au courant !! car il y a des chances que ça bouge encore ! Ah oui, car on serait tenté d’aller faire un tour au Japon !

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