26. Iran : du 12 au 25 avril 2019 : Bam, Rayen, Mahan, Kerman, Dacht-e Lut, Saryazd, Kharanaq, Gonabad, Mashhad

2 473 km parcourus du 12 au 25 avril 2019

21 088 km parcourus depuis le départ

Vendredi 12 avril 2019 :

Nous sommes toujours en Iran, sur les rives du golfe Persique tout au sud du pays. Pour ceux ayant loupé un épisode, nous avons une panne intermittente sur la Tiny. Le turbo ne se met plus en route dès lors qu’on a roulé 10 à 20 km… N’ayant pas confiance dans les mécaniciens de Bandar Abbas, nous décidons avec Audrey de prendre le risque de rouler vers le nord du pays en espérant pouvoir arriver dans une ville où on le sentira mieux. Peut-être Kerman, à 600 km…

Nous disons au revoir à la formidable famille nous ayant accueillis hier. Parvin, Ali et leurs enfants Yeganeh et Ehsan ont été adorables avec nous. Juste avant notre départ, ils s’inquiètent pour nous et appellent quelqu’un pour s’assurer que la route que nous allons emprunter est bonne. Ils nous donnent également un contact dans la prochaine ville, Bam, où nous allons. Nous quittons également Val’ et Luc, les voyageurs français également en panne mais dans l’attente d’une pompe à eau qui devrait arriver aujourd’hui. Nous les reverrons plus tard.

La Tiny remonte cette fois plein nord. Elle connaissait déjà pourtant bien cette route du sud car c’est la deuxième fois qu’elle venait dans le sud de l’Iran. Les précédents propriétaires (La Cabane en cavale) étaient déjà des voyageurs et étaient venus en 2013-2014 jusqu’ici avant de shipper ensuite depuis Dubaï vers Singapour.

A peine quelques kilomètres parcourus et à peine sortis de la ville et déjà le turbo s’arrête. J’arrête le moteur, je démarre et le défaut s’efface. Je renouvelle cette opération plusieurs fois, toutes les 10 minutes. Puis, nous prenons un peu d’altitude et du coup, les températures extérieures baissent. Arrivés à environ 1000 mètres d’altitude, il ne fait plus que 20 à 25° et d’un coup miracle, nous arrivons à faire 120 km d’affilé sans aucun souci ! Cela semble donc bien confirmer le diagnostic de Joaquim d’une sonde de température défectueuse. Nous voici rassurés. Le turbo est revenu. Ça tombe bien car nous franchissons des cols à 2500 mètres d’altitude. Les paysages alternent entre zones désertiques et des zones d’un vert intense dû à la présence d’eau.

Et puis, nous avons besoin de puissance et de reprise car nous devons doubler des dizaines de camions lourdement chargés de fruits et légumes. La conduite est toujours un peu compliquée. Il s’agit d’éviter les voitures à contresens sur la quatre voies comme cette 206. Ou bien de slalomer entre ces files de camions se doublant sur 3 files alors qu’on n’est même plus sur une 2×2 voies.

Les iraniens roulent majoritairement en vieilles Paykan, en 405, en 206, en Zamyad (pick-up bleu). Ça fait drôle d’ailleurs de voir des 405 neuves en vitrine ! Mais ils roulent également dans des marques inconnues en Europe : Chery, Lifan, MVM, JAC…

Les routiers roulent pour la plupart en vieux nez de cochon Mercedes ou en vieux Mack..

Qaunt aux transports en communs, ils sont sur la base de très vieux Mercedes.

Nous avons aussi vu un superbe bus Mack.Enfin, les deux roues accueillent généralement le conducteur et deux à trois passagers, tous évidemment sans casque.Parfois, ils sont bien jeunes…Voilà pour cette parenthèse sur les véhicules.

Nous arrivons dans la province de Kerman et prenons la direction de Bam, pourtant classée en zone formellement déconseillée (couleur rouge sur la carte sécuritaire du ministère français des Affaires Étrangères). « L’accès à la ville de Bam par avion est possible mais reste déconseillé sauf raison impérative ». Des informations font état de victimes civiles de mines posées sur certains axes routiers, au Baloutchistan et jusque dans l’est de la province de Kerman. Il ne s’agit donc pas de s’écarter de l’axe principal. Mais bon le détour ne fait que quelques dizaines de kilomètres et nous empruntons une belle 4 voies sans traverser aucun village. On voit mal ce qui pourrait nous arriver au milieu de ce désert !Des policiers nous arrêtent. Il ne s’agit pas d’un contrôle de papiers ou autre mais simplement d’un « welcome to Iran ». Visite de la Tiny et selfie puis nous reprenons la route.Nous arrivons dans cette ville « formellement déconseillée ». Partout comme dans les autres villes, nous recevons des signes de sympathie, des appels de phare, des pouces qui se lèvent, des « welcome », des sourires. Nous nous garons sur le parking de la citadelle de Bam. Aussitôt des iraniens viennent à notre rencontre et rapidement une famille nous invite chez elle. Puis une deuxième famille arrive, nous invitant également. Nous avons l’embarras du choix ! Du coup nous acceptons cette invitation et « choisissons » égoïstement, la famille parlant anglais. Nous les suivons à travers la ville moderne de Bam et arrivons dans la maison de Kobra et Davood, accueillant déjà deux de leurs amis Ali et Ali. Nous passons de nouveau une formidable soirée, immergés au plus profond de la culture iranienne et cette fois-ci dans une famille baloutche dont la culture est plus proche du sous-continent indien. Comme d’habitude, les femmes passent du temps en cuisine, pendant que les hommes attendent au salon souvent accompagnés du bruit fort de la télé. Durant ce temps, nous buvons du thé, mangeons des fruits secs, des dattes glacées, des gâteaux et des fruits avant de passer à table. Celle-ci est dressée sur une nappe plastique posée à même le sol, sur des moelleux tapis persans. Une nouvelle fois, nous avons la chance de goûter aux saveurs culinaires et à la douce et chaleureuse hospitalité iranienne.

Ils tiennent à nous garder à dormir chez eux mais parvenons (difficilement) à leur faire comprendre que nous « préférons » dormir dans notre maison. Mais avant de partir, la famille nous offre des tenues typiques de la région du Baloutchistan.

Samedi 13 avril 2019 :

Bam a été profondément marquée le 26 décembre 2003, à 5 h 26 par un séisme de magnitude 6,8. L’Iran n’a jamais fourni de statistiques précises et fiables en ce qui concerne le nombre exact de décès ou de blessés. Dans la région de Bam, selon les sources, entre 30 000 et 43 000 personnes ont perdu la vie sur une population de 140 000 habitants et 30 000 ont été blessés. La cité moderne de Bam a été détruite à 70 %.

Nous visitons ce matin le site d’Arg-e Bam (citadelle) qui est l’exemple le plus représentatif d’une ville médiévale fortifiée construite à l’aide de couches de terre, de briques de terre séchées au soleil et par des structures à voûtes et à coupoles. Elle a entièrement été détruite par le séisme. Bam et son paysage culturel ont été depuis inscrits dans la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco. Les origines de Bam remontent à la période achéménide (6ème au 4ème siècle av. J.-C.). Située au carrefour d’importantes routes marchandes et réputée pour la production de soie et de vêtements de coton, elle connut son apogée du 7ème au 11ème siècle. La vie dans l’oasis reposait sur les canaux d’irrigation souterrains, les qanats, dont Bam a préservé quelques-uns des plus anciens en Iran.

Au moment du séisme, la citadelle entièrement construite en terre n’était plus habitée ni entretenue depuis plus de 80 ans. L’érosion avait déjà notamment endommagé un bon nombre de structures. Par ailleurs, aucun tremblement de terre n’ayant eu lieu à Bam de mémoire d’homme, la citadelle n’était pas construite en utilisant des techniques spécifiquement adaptées au contexte sismique. Enfin, les travaux de rénovation, qui ne prenaient pas non plus compte d’un risque sismique ont en général plutôt fragilisé les constructions.

Les travaux de restauration avancent et le site historique de la citadelle a été de nouveau ouvert au public il y a deux ans. La France a contribué à la restauration en établissant un relevé archéologique de la citadelle.

Nous avons la chance d’être quasiment seuls sur ce site. Effectivement, la zone étant « formellement déconseillée », peu de touristes malheureusement y viennent et les circuits organisés évitent cette perle de l’Iran. Même les guides touristiques comme le Lonely Planet n’évoquent pas cette région, mise à part pour sa dangerosité.

Nous entrons dans le plus grand ensemble construit en adobe du monde, vieux de 2500 ans, par une magnifique porte perçant les murailles s’élevant à six ou sept mètres sur un périmètre de 1 815 mètres. Hérissées de 67 tours de guet, elles sont en partie déjà bien reconstruites. Quand la porte de la cité était close, aucun humain ou animal ne pouvait pénétrer dans la cité. Les habitants pouvaient continuer à vivre longtemps en autarcie, vu qu’ils disposaient d’eau, de jardins, de bétail et d’animaux domestiques à l’intérieur. Lorsque la cité-forteresse était assiégée, les habitants restaient repliés dans la cité pendant que les soldats s’employaient à la défense.Nous arrivons dans le secteur civil par l’entrée principale de la cité-forteresse depuis laquelle s’étend le bazar.

Le secteur des habitations comprenant 400 maisons avec des bâtiments publics associés (école, terrain de sport…) n’est pas accessible à la visite car il a énormément souffert du séisme de 2003 et n’a pas encore été restauré. On dirait un paysage de guerre.

Plus loin, le quartier des gouvernants, dans l’enceinte du mur interne, comprend la citadelle, des casernes, un moulin, des maisons des quatre saisons, un puits d’eau (creusé dans la terre rocailleuse sur une quarantaine de mètres de profondeur). Ce quartier est en pleine restauration.

La citadelle de Bam occupe une superficie d’environ 180 000 m2. La ville-citadelle est située sur le point culminant d’où l’on surveillait une vaste étendue dégagée.

Nous voyons les ouvriers travailler à cette colossale reconstruction. Les maçons fabriquent leur mélange de terre crue comme au 5ème siècle av. J.-C. Aujourd’hui, échafaudages et treuils facilitent évidemment le travail. Un menuisier nous montre sa production de moules pour fabriquer les briques ainsi que les boîtes à eau servant à l’écoulement des eaux pluviales.

Durant la visite, Davood qui nous a reçus hier soir chez lui nous rejoint et termine la visite avec nous. A la fin, il nous invite à revenir chez lui. Malheureusement, il nous faut reprendre la route et sentons sa profonde tristesse lorsque nous déclinons son invitation.

Nous quittons Bam après avoir fait le plein de gasoil où cette fois, on paye le prix « touriste » à 4 centimes au lieu de 2 centimes le litre… Mais on ne nous pose aucun problème pour nous servir. Encore de longues lignes droites aux rives désertiques. Non loin, de hauts sommets enneigés.

Nous arrivons sous la pluie à Rayen. Après-midi à faire école et à se poser un peu. Nous visiterons demain. Bivouac à côté d’iraniens campant sous la pluie.

Dimanche 14 avril 2019 :

La ville de Rayen est réputée pour sa forteresse-citadelle comme celle de Bam mais beaucoup plus petite, « seulement » 22 000 m². Elle a été construite également au 5ème siècle av. J.-C. mais n’a pas souffert du séisme de 2003 dont l’épicentre était trop loin. Elle est en restauration depuis plus de 20 ans. Son enceinte en adobe est superbe avec ses 16 tours de guet de 11 mètres de hauteur. Derrière, se devine entre les nuages le Mont Hezar enneigé, haut de 4420 mètres.

Ce château de terre est un vrai terrain de jeu pour nos enfants qui jouent à se perdre dans ce labyrinthe. Cette citadelle est beaucoup moins impressionnante que celle de Bam par sa taille mais tout aussi charmante.

 

Tout comme Bam, la citadelle comprend la villa du gouverneur bien restaurée. C’est un château dans le château.

Nous poursuivons notre route 100 km vers le nord et faisons une courte pause à Mahan pour visiter le mausolée du derviche mystique et poète Shah Ne’matollah Vali décédé en 1431. Une jolie coupole bleue est encadrée par deux minarets jumeaux qui surplombent une agréable cour ponctuée de bassins.

Il y a une toute petite salle de prière de 4 m² dont les murs et le plafond sont couverts de calligraphies en spirale.Nous roulons encore 35 km et trouvons un sympathique bivouac en plein centre de Kerman, ville de 620 000 habitants, perchée à 1760 mètres d’altitude. Le thermomètre affichait au début de cet article 40° sur les rives du golfe Persique. Il en affiche 30 de moins ce soir. On est glacés ! mais bon, il n’y a plus de mouches…

Ce soir, nos amours d’enfants nous ont préparé un joli spectacle d’ombres animées par Anaïs et conté par Victor. Ils sont toujours aussi complices et passent des heures à jouer ensemble, à préparer des bricolages.Nous sommes rejoints par Gali et Compagnie ainsi que par Val’ et Luc avec qui nous étions à Bandar Abbas. Sympathique soirée un peu arrosée.

Nuit bercée par les conséquences du manque d’entraînement à la consommation d’alcool…

Lundi 15 avril 2019 :

Le paracétamol fait doucement et difficilement son effet. C’est ça de passer la soirée avec un voyageur qui a pour profession d’être bouilleur de cru. La Tiny a droit à une petite douche bien méritée après les pistes sablonneuses, l’air salin du golfe Persique et les routes boueuses d’hier.

Nous partons visiter en début d’après-midi Kerman qui a longtemps vu son économie dépendre de sa situation le long des routes commerciales d’Asie. Plus tard, la production de tapis a relayé l’activité marchande. Aujourd’hui, la ville souffre de la sécheresse et demeure très dépendante du réseau de qanats creusés il y a plusieurs siècles.

Le Moshtari-ye Moshtaq Ali Shah est un joli mausolée aux remarquables toits de tuiles bleues et blanches datant de la fin de l’ère Qadjar. Il est la dernière demeure de plusieurs notables de la ville mais surtout de Moshtaq Ali Shah, artiste et derviche du 18ème siècle.

Nous longeons la place Ganj Ali Khan, une intersection à 12 côtés entourée d’arcades où les primeurs vendent leur production et où un cireur refait une beauté à mes sandales en cuir en échange de 0,13€.

Non loin, nous entrons dans la mosquée du même nom.

Nous visitons le Bazar-e Sartasari, l’un des centres de commerces les plus anciens d’Iran. Il s’étend sur 1200 mètres. Le secteur comprend des caravansérails, des bains publics, des édifices religieux. L’architecture voûtée est magnifique, tout comme celle des autres caravansérails que nous avons pu visiter à Tabriz, Téhéran, Ispahan, Shiraz, Kashan et Yazd. Ici comme ailleurs, tout se vend, tout s’achète. Ici comme ailleurs, nous recevons des chaleureux « Welcome to Iran » après la réponse à leur traditionnelle question « Where do you come from ? ».

Nous faisons une très agréable pause au Hamam-e Vakil Chaykhaneh reconverti en maison de thé. L’endroit est très sympa et nous prenons place sur une petite banquette en hauteur pour siroter un thé à la cardamone en fumant la Qalyan et en écoutant l’agréable musique traditionnelle de deux musiciens locaux. Ces anciens bains publics souterrains datent de 1820.

Après cette pause de deux heures, nous visitons la mosquée de l’Imam. Trois des côtés de la vaste cour de 6000 m² sont ponctués d’un iwan (grand porche) dont les lumières en cette fin de journée subliment l’architecture et les mosaïques de cette construction Seldjoukide en briques du 10ème siècle.

Frigorifiés par la nuit tombée, nous rentrons au bivouac après avoir acheté pour une somme modique des samoussas et des pâtisseries que nous partagerons au chaud dans notre petite maison.

Mardi 16 avril 2019 :

Avant de quitter la ville et de nous enfoncer dans le désert, il s’agit de faire le plein de provisions et de gasoil. Comme souvent, c’est toujours compliqué de trouver un routier acceptant de nous prêter sa carte pour débloquer la pompe. Ça peut prendre plusieurs dizaines de minutes. Maintenant, je me sers des enfants qui m’accompagnent et je pleure avec eux en disant qu’on est à sec… Ceux qui me connaissent savent que je sais bien faire… Victor aussi… Un routier arrive et est prêt à m’aider mais me fait payer le litre 10 000 rials au lieu de 3000. On n’a jamais payé plus de 6000 (0,04€). Mais là, on doit avoir de l’autonomie pour traverser le désert de Lout. Je propose donc mon prix à 7500. Ils acceptent et je peux me servir 40 litres. Au moment de payer, ils me demandent 3500 du litre !

Nous faisons du change de dollars contre des rials, toujours sur le marché non officiel. Le cours de la monnaie nationale continue à s’effondrer de jour en jour et nous gagnons plus de 5% par rapport à il y a un mois et demi. Voici avec quoi on paye en Iran. Pas de pièce ou si mais elles ne sont pas utilisées car une pièce de 1000 rials représente 0,007€ ! D’ailleurs, souvent au lieu de nous rendre la monnaie en pièces, on nous donne un bonbon ou une carotte en plus. Le plus gros billet de 500 000 rials ne vaut que 3,50€ ! Autant dire que quand on change un billet de 100 dollars, on ressort avec une liasse de billets en rials.

Nous prenons la route vers le désert de Lout et retrouvons comme prévu sur la route Gali et Compagnie. Mauvaise surprise en contrôlant la réparation du faux-châssis que j’avais faite faire au Maroc en décembre dernier. Le renfort est en train de se fendre… Il va falloir faire une nouvelle pause technique chez un soudeur rapidement. Il nous faut arriver à Mashhad à environ 1000 km mais il ne doit pas y avoir trop de pistes. On espère qu’on pourra y arriver. Au pire, on n’y arrivera pas. Cela s’appelle de l’optimisme (ou de l’inconscience).

Nous prenons de l’altitude pour arriver à 2700 mètres en haut du col. Les paysages sont superbes. Vraiment superbes.

Le turbo fonctionne parfaitement mais nous sommes toujours à des températures inférieures à 30 degrés, ce qui ne devrait pas durer. Une longue (et belle) descente nous mène vers le désert. La pente est prononcée et nous perdons 2400 mètres d’altitude en une trentaine de kilomètres. Je descends doucement pour limiter l’usage des freins. Ce qui ne devait pas durer ne dure pas. La température flirte avec les 40° et… le turbo s’arrête. Nous sommes dans le Dasht-e-Lut signifiant Désert du vide. C’est un grand désert salé de 50 000 km². C’est un des endroits les plus chauds du monde. C’est également un des plus arides. La température y atteint 55 à 60° l’été. C’est l’endroit où fut relevée la température la plus élevée au monde. 78,2 °C : c’est la température au sol mesurée, en mars 2017, par une expédition iranienne. Depuis plusieurs années, le désert de Lout s’est nettement distingué en affichant des températures de 70 °C au sol !

Arrivés à Shahdad, la dernière ville avant l’entrée dans ce désert, nous bifurquons de l’unique axe principal pour découvrir une zone verdoyante plantée de dattiers et comptant environ 30 villages-oasis, appelée le Takhab. Les maisons traditionnelles sont à 6 dômes. La vie continue ici malgré l’éloignement des villes. Kerman est à plus de 100 km et il faut franchir un col à près de 3000 mètres pour s’y rendre.

Nous nous arrêtons dans le village de Shafiabad et visitons son caravansérail médiéval, une véritable citadelle cernée de hauts murs et tours de guet. L’endroit est en partie restauré. Un qanat traverse le caravansérail et l’eau fraîche (mais légèrement salée) alimente encore le secteur et le village.

Puis, avec nos amis Linda et Gaëtan (Gali et Compagnie), nous trouvons un bivouac super agréable près des ruines d’un autre caravansérail, dans le hameau voisin de Ziaratgah. L’endroit est magique et nous nous lançons dans son exploration.

Mais malheureusement, Anaïs marche sur une voûte sur un toit qui se dérobe sous ses pieds et ma princesse fait une chute de 2,50 mètres de hauteur. Ses cris nous alertent et je la retrouve dans un nuage de poussière au milieu des gravats de la voûte tombée avec elle. Vous voyez le trou au-dessus de sa tête, c’est par là qu’elle vient de passer… Cela aurait pu être plus grave mais elle s’en sort avec des égratignures et des douleurs dans le bas du dos qui se dissiperont au bout de quelques jours.Une femme à côté du caravansérail ramasse du pavot.La culture de cette plante sert notamment à la production de l’opium, drogue encore beaucoup consommée en Iran. Nous avons pu nous en rendre compte dans une des familles nous ayant accueillis au cours du mois dernier. L’homme a passé la soirée à fumer à l’aide de sa pipe à opium. J’ai refusé son invitation à tirer sur sa pipe et ai préféré accepter le thé à la cardamone de sa femme.

Bivouac merveilleux dans ce petit village oasis.

Mercredi 17 avril 2019 :

Petit déjeuner en terrasse aujourd’hui avec superbe vue sur les montagnes enneigées. Quel contraste avec la chaleur qui commence déjà à être difficilement supportable. Un coin d’ombre me permet de m’occuper du blog avec une jolie vue. Comme tous les jours, cela me prend environ deux heures pour trier mes photos et écrire le texte.

Nous sommes rejoints par Val’ et Luc qui ont aperçu notre bivouac depuis la route principale. Ils sont accompagnés de Milad, un ami iranien qu’ils ont rencontré il y a quelques jours. C’est tous ensemble en début d’après-midi que nous roulons (sans turbo) vers l’intérieur du désert.

Nous nous arrêtons au niveau des Kaluts.

Le Dacht-e Lut est inscrit depuis 2016 au Patrimoine mondial de l’humanité de l’Unesco pour sa grande diversité de reliefs désertiques, formés par les vents violents qui déferlent ici entre juin et octobre. Les rochers profilés par l’érosion, appelés Yardangs ou Kaluts, émergent du sable et atteignent parfois plus de 100 mètres de haut. C’est magique. Ce sont d’immenses châteaux de sable, des tours verticales aux allures de forteresses. Des couloirs profonds se sont creusés, au fil du temps, du fait de l’action érosive du vent et de la pluie. Le vent violent, qui souffle environ 120 jours par an dans cette région, emporte et déplace la terre sablonneuse. La pluie (qui est rare, mais abondante quand elle survient) transforme le sable en une pâte relativement épaisse ; le vent y creuse des gorges qui évoquent les ruelles d’une ville inhabitée. Cette ville fantomatique est formée de couloirs parallèles les uns aux autres sur une longueur de 160 km et une largeur de 200 à 500 mètres environ.

Nous y passons l’après-midi et y observons un magique coucher de soleil.

Enfin, la chaleur ne nous assomme plus et nous pouvons profiter d’une belle soirée entre amis voyageurs dont je rappelle que l’un d’entre nous est distillateur ! Il s’agit donc de tester ses différentes productions de « water of life » à base de cannelle, de citron ou de prune… Anaïs passe beaucoup de temps avec Milad pour lui apprendre à faire des origamis. Milad est un jeune iranien faisant ses deux années obligatoires de service militaire et accompagnant Val’ et Luc quelques jours. Elle progresse bien en anglais et n’a aucune appréhension à engager des conversations.

Jeudi 18 avril 2019 :

La chaleur est encore plus torride qu’hier. Déjà en fin de matinée, il fait 42°. Heureusement que je n’ai pas abusé hier soir sur la prune. Pas d’air pour nous rafraîchir. Des milliers d’insectes nous font fuir de ce bivouac. On se demande bien d’ailleurs de quoi peuvent se nourrir tous ces papillons virevoltant autour de nous. L’objectif du jour est de poursuivre notre traversée du désert (encore 250 km) pour rejoindre la ville de Birjand mais nous apprenons que le seul axe traversant ce désert est coupé à cause des inondations ravageant l’Iran depuis un mois. La Croix-Rouge a qualifié les inondations de « plus grand désastre en Iran depuis plus de 15 ans ». Elles ont fait plus d’un millier de blessés et au moins 78 morts. 10 millions de personnes à travers 2000 villes et villages ont été touchées par les inondations et plus de 500 000 habitants déplacés. Selon les autorités, 25 des 31 provinces du pays ont été touchées, 725 ponts totalement détruits, plus de 14 000 kilomètres de routes endommagées. Face à ces inondations catastrophiques, l’Iran en appelle à l’aide internationale car deux millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire. Mais les sanctions dont le pays fait l’objet compliquent les choses et rendent pratiquement impossible toute opération bancaire avec l’Iran. A l’époque du séisme ayant ravagé Bam, 60 pays avaient apporté une aide internationale. Aujourd’hui, face à cette nouvelle catastrophe, seulement 5 pays se sont manifestés. La France en fait partie et a fourni des motopompes, des tentes, des couvertures…

Jusqu’à présent, nous avions toujours réussi à éviter ces inondations, passant certaines fois juste avant ou juste après ces flots meurtriers. Mais de nouvelles pluies se sont abattues depuis samedi sur l’est du pays, largement désertique. Et cette fois, c’est notre axe qui est coupé, nous obligeant à faire demi-tour et revenir sur Kerman.Nous ne verrons donc pas les dunes de Rig-e Yalan, dans le sud-est du Dacht-e Lut, qui du haut de leurs 400 mètres sont parmi les plus hautes du monde. Nous avons vu des vidéos de ce désert si aride ravagé par des vagues. Elles sont incroyables. Nous sommes arrêtés par un barrage routier qu’a voulu contourné un conducteur inconscient ce matin. Il est tanqué avec sa 405 dans le sable jusqu’à la moitié des roues. Pour la deuxième fois du voyage, je sors mes plaques de désensablement. Deuxième réussite. Pour la deuxième fois, ce n’est pas pour moi mais elles me permettent de venir en aide à quelqu’un d’autre. Ce chauffeur s’est ensablé à 7 heures du matin et il est déjà 11 heures. Il n’avait plus d’eau non plus. Je pense qu’il se souviendra de ces deux familles françaises ! D’autant plus que personne ne passe sur cette route à l’entrée de laquelle des panneaux (écrits en persan) indiquent qu’elle est fermée.La chaleur est insoutenable dans le désert et nous décidons d’en sortir et de remonter en altitude. Nous croisons les roumains (Roxana et Adrian) suivis de peu par une autre famille allemande (Cristina et Dominic) que nous n’avions pas encore croisée. Ils sont au volant d’un magnifique Magirus-Deutz 150 D10 datant de 1964. Victor dit « c’est ça que je veux quand je serai grand pour voyager ». L’avantage du désert quand on croise quelqu’un, c’est qu’on n’est pas obligé de se garer !

Nous empruntons donc la même route qu’il y a quelques jours sur une centaine de kilomètres.

Rapidement, le thermomètre affiche 15 degrés de moins et les insectes ont disparu… On revit.

Du coup, comme nous devons repasser par Kerman, nous allons en profiter pour faire ressouder notre faux-châssis de la cellule de la Tiny dont la réparation faite au Maroc en décembre n’a pas tenu. Val et Luc sont passés dans un garage en début de semaine capable de faire des soudures mais nous ne trouvons pas l’adresse. Deux hommes nous voyant chercher notre chemin s’arrêtent pour nous venir en aide. Je montre la photo de l’endroit où je veux aller. Il connaît et nous fait signe de le suivre. Il s’arrête au milieu des voies de circulation pour laisser passer un piéton qui est en fait le soudeur que nous cherchons ! Nous entrons dans une cour où de vieux camions sont en cours de restauration. Rassurant. Aussitôt, ce dernier ausculte le châssis et se lance dans la fabrication de deux solides renforts en forme d’équerre. Au bout de deux heures, la réparation est terminée pour environ 15€.

Le trait bleu représente la fêlure du longeron longitudinal du faux-châssis, le renfort vert est celui qui avait été mis au Maroc et les deux rouges, ceux d’aujourd’hui. On rajoutera peut-être une nouvelle couleur dans quelques temps. Le soudeur m’a garanti la réparation 5 ans !

Sortis du garage, on s’aperçoit qu’une roue est en train de se dégonfler. A 50 mètres de là, un réparateur enlève la vis, met une mèche vulcanisante et me demande 0,30€ pour son intervention.

Nous apprenons que la route vers Mashhad est également fermée à cause des inondations nous obligeant de faire un nouveau détour par Yazd et à rallonger notre route de 400 km ! Qu’importe, on a le temps et le détour ne va nous coûter qu’un euro en gasoil…

Nous retrouvons Val et Luc ainsi que Gali et Compagnie pour bivouaquer le long d’un parc. La police intervient pour nous déloger nous disant que l’endroit est dangereux. Nous négocions de rester là. Ils insistent. Nous insistons leur expliquant qu’il ne peut rien nous arriver ici, d’autant plus que nous sommes 3 véhicules garés les uns à côté des autres. Ils s’en vont.

Nuit bercée par le bruit de plusieurs toupies de béton coulant de nuit une dalle de 150m² juste à côté de notre bivouac.

Vendredi 19 avril 2019 :

Au programme de la journée, 360 km à travers des paysages désertiques parsemés d’oasis habitées. Des pistachiers (petits arbustes d’environ 2 mètres de hauteur) d’une grande résistance à la sécheresse, cultivés depuis 3000 à 4000 ans en Iran, occupent une grande partie des rares zones verdoyantes cultivées. L’Iran en est le premier producteur mondial. Cette portion de la route de la Soie est ponctuée régulièrement de caravansérails.

Plein de gasoil où je n’ai plus envie de batailler avec les pompistes pour pleurer du gasoil. Je me revois à la fin de mon séjour en Bolivie où pour les mêmes raisons, j’en avais marre de me battre à chaque plein. J’accepte la proposition malhonnête d’un routier de mèche avec l’employé de la station-service qui accepte de me servir mais à 1000 rials soit plus de 3 fois le prix local. Sur le compte de son patron, le routier sans raccrocher le pistolet après son plein, me le donne pour que je me serve. Le pompiste sous mes yeux se partage les 500 000 rials avec le routier. C’est vraiment le côté négatif de l’Iran et ce sont vraiment les seuls iraniens désagréables et malhonnêtes que nous voyons. Le système de distribution est vraiment mal fait. Pourquoi ne nous vendent-ils pas une carte prépayée à l’entrée dans le pays ? Leur logique est d’éviter le marché noir pour éviter qu’on revende du gasoil à l’étranger mais c’est tout l’inverse qui se passe.

Du désert, et encore du désert avec parfois des tempêtes de sable.

Il fait bien chaud mais le turbo fonctionne quand-même aujourd’hui, tout comme hier par 42°… A rien n’y comprendre. Au même moment, ma nièce adorée Émilie récupère les pièces mécaniques nécessaires à la réparation de ce défaut auprès de Joaquim à la concession Mercedes SAVIA de Saint Jean d’Angély. Mon papa me les amènera dans une quinzaine de jours en Ouzbékistan. Plus que 2000 km à parcourir d’ici là… Mais les températures sont annoncées plus fraîches au nord de l’Iran et au Turkménistan que nous devrons traverser d’ici là.

Nous nous arrêtons visiter la magnifique forteresse de Saryazd datant de l’époque sassanide (3ème au 7ème siècle), mais qui servait il y a encore 40 ans de grand coffre-fort pour la protection des céréales, des bijoux et autres objets de valeur. Les fortifications sont composées de deux remparts, de hautes tours et d’un fossé d’enceinte. Elle servit de refuge aux habitants des villages proches contre les attaques. Les femmes et les enfants étaient mis à l’abri en descendant par un puits étroit. La citadelle a trois étages et 484 pièces. C’est un véritable labyrinthe où nous prenons garde cette fois en marchant sur les ruines d’argile non sécurisées… Cela nous fait penser aux greniers (Agadirs) que nous avions visités au Maroc.

Nous buvons un thé dans l’enceinte de la forteresse. Une iranienne s’approche de nous, embrasse Audrey et Anaïs et demande à se faire prendre en photo par sa fille. Régulièrement, cette scène se produit en Iran, souvent assortie de « I love you » !

Le programme de l’après-midi était de continuer notre cavale et de dépasser la ville de Yazd. Mais c’était sans compter sur la traversée de ce village de Saryazd où une fête de village semble se préparer. Les fanions et guirlandes lumineuses décorent la rue principale. Nous recevons des signes de sympathie de tous les passants. Nous nous garons sur la place du village pour y bivouaquer. Reza vient à notre rencontre et nous le suivons durant une bonne heure pour visiter son village à travers les monuments en pisé : citerne, hammam, mosquée…

La nuit tombe et la musique à fond sortant des haut-parleurs de la mosquée devient un peu dérangeante, de même que les jeunes ayant entamé une partie de foot à côté de la Tiny ou bien encore ceux qui font des wheeling en moto et enfin les autres qui mettent le feu à des pétards. Nous les laissons faire la fête et déménageons au bout du village.

Nous trouvons refuge près de deux caravansérails dont un a été restauré comme beaucoup d’autres monuments du village par un riche mécène.

Deux familles iraniennes sont en train de pique-niquer sur le trottoir. Aussitôt, ils viennent à notre rencontre et s’intéressent à notre aventure. Ils nous demandent pourquoi nous sommes venus en Iran. Comme à tous les autres qui nous posent régulièrement la question, nous leur répondons que nous n’avons pas voulu rester sur l’image de ce pays véhiculée par les médias et que nous avons voulu nous rendre compte par nous-même. Beaucoup d’iraniens nous demandent même si on les considère comme des terroristes. Rassurés par nos réponses, ils nous invitent à partager leur repas. Les enfants et les grands jouent : partie de raquettes, de jonglages, d’origamis, de guitare… Quelle belle soirée partagée avec Mesrin, Pejman, Sepehr, Mehrdad et leurs enfants Raana, Abbas et Arad !

Samedi 20 avril 2019 :

Matinée école interrompue un instant par des adolescentes en sortie scolaire descendant d’un bus pour visiter les monuments de la ville. Audrey entame une discussion avec la fille du professeur les accompagnant. Cette dernière lui dit « vous avez la chance d’habiter en France, le pays des libertés ».

Non loin de notre bivouac, nous voyons les ruines de la porte de Farafar, vestiges des fortifications de la ville de Saryazd. Devant cette porte vieille d’un millénaire, trône une sculpture récente d’Arash l’archer, figure de la mythologie perse.

A présent, encore 1000 km nous séparent de notre dernière grosse étape dans la ville de Mashhad que nous visiterons mais également où nous demanderons nos visas turkmènes. Et accessoirement, j’irai chez le dentiste si j’ai le temps et le courage.

Mais avant, juste après Yazd, nous faisons une pause à Kharanaq. La partie ancienne de ce village, construite en briques de terre crue, est l’une des plus grandes collections d’adobe en Iran. Certains bâtiments sont supposés avoir plus de mille ans, et le site était déjà occupé il y a plus de 4000 ans. Des gens vivaient encore dans la partie ancienne du village il y a quelques décennies, mais aujourd’hui elle est abandonnée et tombe en ruine, les habitants s’étant regroupés dans la nouvelle partie du village. Parmi les monuments restaurés, nous voyons la mosquée et son minaret construits à l’époque Seldjoukide ou bien le caravansérail de l’époque de la Dynastie kadjare.

Nous entamons la longue traversée du désert Dacht-e Kavir. C’est un grand désert salé au milieu du plateau iranien. Il mesure environ 800 km de long et 320 km de large. Les précipitations n’existent presque pas. Les températures peuvent atteindre 50 °C en été et l’amplitude thermique entre le jour et la nuit peut atteindre 60 °C. La route n’en finit pas. Elle est droite. Nous ne traversons que de rares villes espacées de dizaines de kilomètres, parfois plus de 100. Le désert abrite des espèces animales endémiques telles des lézards, des scorpions et des mammifères en voie d’extinction comme le guépard asiatique et le zèbre iranien. Nous voyons des panneaux annonçant les guépards. Nous n’en n’avons pas vus…

Nous nous arrêtons dormir à Tabas, l’une des rares villes du désert. Nous trouvons une rue un peu large et nous garons le long d’un trottoir devant des maisons. Mais au bout d’une heure, la police arrive pour nous contrôler les passeports et les visas. Puis, une heure après, de faux policiers renouvellent l’opération. Cette fois, je ne leur donne évidemment pas les précieux sésames et ils s’en vont. Peu de temps après, alors que nous sommes couchés, une autre patrouille de police arrive me demandant de nouveau nos papiers que nous avons fournis à leurs collègues. Cela m’agace, d’autant plus que l’un d’eux montent dans la Tiny sans me demander l’autorisation et éclaire directement avec la torche de son téléphone Anaïs et Victor qui s’endorment. Excédé, je monte le ton et arrive à m’en débarrasser. Il reste encore une dizaine de minutes à téléphoner certainement à son supérieur à côté de la Tiny, gyrophares toujours allumés, puis s’en va.

Dimanche 21 avril 2019 :

Au programme de la journée, encore de la route. Près d’un tiers de la superficie du pays est composé de régions désertiques ou semi-désertiques. Cela est impressionnant de faire autant de kilomètres sans rien voir ! Mais la partie montagneuse d’aujourd’hui est plus agréable.

260 km après notre départ de fin de matinée, en ayant traversé seulement deux ou trois villes, nous arrivons à Gonabad dont son système de qanat (canalisation souterraine) est classé par l’Unesco au Patrimoine mondial en même temps que 10 autres sites en Iran. Celui-ci est l’un des plus anciens et des plus grands qanats au monde, construit entre 700 et 500 av. J.-C. Il est long de 33 kilomètres et possède 427 puits. Dans l’ensemble des régions arides de l’Iran, la vie a été rendue possible grâce à l’ancien système de qanats qui puisent l’eau des sources en amont des vallées et la font circuler par gravité le long de tunnels souterrains, souvent sur de nombreux kilomètres. Les qanats comprennent des aires de repos pour les travailleurs, des réservoirs d’eau et des moulins à eau. Ce système de gestion communautaire traditionnel est encore en place et permet un partage et une distribution de l’eau équitables et durables. Une famille iranienne en visite sur le même site nous fait signe de la suivre et de descendre sous terre malgré les grilles de chantier bloquant l’accès au profond escalier permettant l’accès au qanat plusieurs mètres sous terre.

Nous rencontrons une autre jeune femme Reyhane qui nous interpelle et nous invite chez elle lors de notre prochain passage à Mashhad. Taarof ou non ? Nous déclinons, elle insiste. Nous déclinons, elle nous renvoie un message WhatsApp pour renouveler son invitation. C’est bon, ça fait trois fois, on accepte sa proposition !

Lundi 22 avril 2019 :

Après une petite douche dans le qanat près duquel nous avons bivouaqué, j’accepte (au bout de la troisième fois toujours !) l’invitation de 3 hommes venus partager un moment convivial autour d’un thé. Leur anglais est un peu limité et mon persan l’est encore plus, mais l’instant partagé avec ces trois routiers est sympathique. La famille avec qui nous avons fait la visite du qanat hier revient pour nous inviter chez elle à manger et à dormir mais malheureusement, le temps passe et nous devons poursuivre notre chemin. Cela nous peine vraiment de laisser seules sur le trottoir ces personnes qui auraient tant aimer nous recevoir chez elles mais il nous est impossible d’accepter toutes ces si chaleureuses invitations !

Les températures chutent, la route monte jusque dans les nuages, la pluie arrive, notre séjour iranien se termine bientôt… et puis la fatigue des kilomètres enchaînés ces derniers jours se fait sentir. Et puis, on sait que Mashhad où nous arrivons est notre dernière visite en Iran. Heureusement que l’arrivée prochaine de notre famille dans une douzaine de jours va nous aider à nous faire tourner la page de ce merveilleux pays que nous allons quitter à contre cœur. Des téléphones portables continuent à sortir des fenêtres pour nous prendre en photo ou nous filmer à notre passage.

L’arrivée dans la deuxième ville du pays se passe bien malgré ses 4 millions d’habitants. Nous trouvons un bivouac sur un parking que j’ai repéré auparavant sur Google Maps, pas loin du métro pour rejoindre le centre-ville. En fin de journée, nos amis Gali et Compagnie nous rejoignent.

Mardi 23 avril 2019 :

Mais avant d’aller visiter l’une des villes les plus saintes du chiisme, la priorité est de s’occuper de nos visas turkmènes. Nous avions fait nos pré-demandes à l’ambassade du Turkménistan lors de notre passage à Téhéran. Une dizaine de jours plus tard, nous avions eu confirmation en les appelant que notre dossier était accepté et qu’on nous donnait l’autorisation d’obtenir un visa de transit limité à 5 jours. Mashhad possède un consulat turkmène dans lequel nous nous rendons. Nous sommes invités à refaire le dossier que nous avions déjà déposé à Téhéran (formulaire à remplir + 1 photo). Ah oui, il faut aussi payer 55USD par adulte + 35USD par enfant… Rapidement, nous ressortons avec nos 4 visas turkmènes que nous devons utiliser entre le 26 avril et le 1er mai.

Avec Gali et Compagnie, nous partons tous ensemble manger dans un petit resto un kebab de mouton. Ici, on ne rigole pas avec la taille des kebabs ! et on en rigole pas non plus avec les protections contre la pluie !

Mashhad signifie « lieu de martyre ». La ville abrite le sanctuaire où fut enterré, après la mort par empoisonnement en 818, l’Imam Reza, le huitième Imam des chiites. C’est un des principaux lieux saints de l’islam chiite. Ce lieu de pèlerinage a pris une ampleur extraordinaire car l’Imam Reza, descendant direct du prophète Mahomet, est le seul imam chiite enterré sur le territoire iranien. Autour de ce mausolée s’est développée et se développe toujours la gigantesque enceinte sacrée appelée Haram-e Motahare Razavi qui attire 27 millions de pèlerins chaque année.

Nous entrons dans le remarquable mausolée de l’Imam Reza, hommes et femmes par des accès différents après avoir laissé nos bagages et nos appareils photos. Les photos suivantes ont été prises avec mon téléphone donc sont de moins bonne qualité. Nous sommes un peu frustrés et déstabilisés par l’entrée dans le site. La sécurité nous isole dans un bureau et nous ne comprenons pas ce qui se passe. Nous comprendrons plus tard que nous sommes en fait accueillis par le bureau des pèlerins étrangers qui met à notre disposition un guide le temps que nous voulons.

Les femmes sont couvertes d’un drap assez grand pour couvrir un lit en 140 ! Les non-musulmans sont admis depuis peu dans la plupart des cours extérieures du Haram mais ne peuvent entrer dans les deux édifices les plus sacrés, le sanctuaire et la mosquée Goharshad, l’une des plus grandes mosquées au monde.

Nous pénétrons dans le saint Sanctuaire du vénéré Imam Ali ibn Moussa al-Reza par l’entrée Sheikh Tusï. Elle nous donne accès à la cour Inqilab (cours de la Révolution Islamique). En son centre, il y a une fontaine bâtie sur un grand bloc de marbre et surmontée d’un dôme doré. Dans cette construction octogonale, les pèlerins boivent de l’eau pour jouir de la bénédiction de ce lieu saint.

Le mausolée de l’imam Reza est surmonté d’un dôme recouvert d’or mesurant 42 mètres de circonférence et 7 mètres de hauteur. Sa base cylindrique est couverte par des briques d’or. Deux minarets recouverts également d’or encadrent le mausolée. Leur éclat accentue la beauté du sanctuaire. Il existe 10 autres minarets sur le site.

La cour Azadi ou Esplanade de la Liberté, ouverte récemment aux non-musulmans est bordée par un magnifique iwan recouvert d’or depuis 1863. L’ensemble est vaste et impressionnant. Il donne accès à la mosquée Azim-eGohar Shad, joyau de l’architecture timouride classique édifiée au début du 15ème siècle.

Il y a en tout 8 cours réparties autour du sanctuaire. Les pèlerins s’y rassemblent à des nuits et jours particuliers du calendrier religieux pour y célébrer la prière collective.Nous pénétrons dans la salle de prière mixte de l’Imam Khomeini Ravagh. Elle est immense. Elle est recouverte de plafonds à facettes et de colonnes en miroirs. Des lustres énormes rendent l’atmosphère encore plus clinquante ! Nous avons déjà été éblouis par beaucoup de mosquées que ce soit au Maroc avec la mosquée Hassan II à Casablanca ou bien la Mosquée Bleue à Istanbul mais celle-ci est particulièrement impressionnante.

Notre guide nous permet l’accès à une autre salle de prière à un niveau souterrain. Elle est elle aussi recouverte de tapis. D’immenses écrans télé, des caméras partout, des escalators… C’est incroyable.

Nous sommes ensuite invités et attendus par le bureau des pèlerins étrangers qui nous présente un film sur le lieu Saint en nous offrant des gâteaux, des bouteilles d’eau et des pochettes souvenirs avec des livres photos de propagande de l’Islam. Des Mollah sont à notre disposition pour répondre à nos questions religieuses.

Nous visitons une autre salle souterraine de prières à laquelle on accède également par des escalators. Comme dans toutes les mosquées du pays, les iraniens viennent ici pour se recueillir mais également pour lire, discuter, faire la sieste, voire manger pendant que leurs enfants galopent sur les tapis. Ce sont de véritables lieux de vie.

Des milliers de personnes bénévoles jour et nuit s’occupent de la sécurité, du nettoyage. Ils ont tous un plumeau à la main et époussettent sans arrêt les miroirs et autres recoins. Ils sont également là pour rappeler à l’ordre les femmes dès lors qu’une mèche de cheveux dépasse du tchador.

L’espace regroupe également des centres culturels et scientifiques, des instituts de recherche, cinq mosquées, une université, un grand centre d’études islamiques, des dizaines de musées et de trésors historiques, plusieurs bibliothèques, cuisines, hôpitaux et hôtels, tout ça sur une superficie de 1 million de m².

Retour en taxi qui accepte que l’on monte à 8 passagers dans sa voiture. La course dure 20 minutes et coûte 1,30 euro !

Mercredi 24 avril 2019 :

Victor fait cuire les pancakes au petit matin. La bonne odeur réveille tout le monde. Journée pluvieuse. Entre deux averses, je bricole sur la Tiny et remets en service le premier réservoir d’eau qui n’alimentait plus la pompe à eau de la cellule depuis quelques temps. On va enfin retrouver notre totale autonomie. Je resserre également quelques vis par-ci et par-là. Grosse matinée école et blog. Nous partageons un délicieux tiramisu préparé par Linda avec Gali et Compagnie. Eux filent vers la frontière.Nous restons encore une journée à Mashhad. Reyhane que nous avions rencontrée à Gonabad cette semaine, et qui habite à Mashhad, m’a pris un rendez-vous chez un dentiste sérieux. C’est tous ensemble que nous montons dans le taxi cet après-midi. Je suis rassuré, effectivement le dentiste est super clean. Rapidement, le reste de la dent explosée est extrait. Deuxième rendez-vous fixé à demain pour boucher le trou ! Reyhane nous a rejoints avec une amie à elle. Elles nous invitent chez le glacier du coin. Nous discutons de nos voyages, de nos impressions sur l’Iran. Reyhane nous raconte son séjour de quelques jours en France. Elle et son amie nous parlent des pays qu’elles aimeraient visiter. Nous nous régalons de délicieux milkshakes. Impossible de payer. L’hospitalité iranienne continue. Nous marchons le long d’un boulevard bordé de boutiques avant d’arriver dans le grand parc citadin Mellat Park. Retour nocturne à la Tiny en taxi, payé par Reyahne (impossible de négocier). 

Jeudi 25 avril 2019 :

Deuxième rendez-vous chez le dentiste pour boucher le trou ! Je suis satisfait du travail et de la qualité des soins super clean. Je rejoins en taxi ma famille et nous quittons Mashhad, difficilement à cause de la dense circulation. Une fois de plus, les voitures roulent sur 6 files au lieu de 3. Une 7ème se crée même de l’autre côté du rail de sécurité sur une piste de terre parallèle à l’autoroute !Nous arrivons à Ghouchan, notre dernière étape iranienne. Nous faisons un dernier plein de gasoil et de nos bouteilles de gaz pour moins d’un euro par bouteille. Puis nous soldons nos derniers rials iraniens dans un mini supermarché. Nous partageons notre bivouac avec Gali et Compagnie ainsi qu’avec Val et Luc avec qui nous prévoyons de passer la frontière du Turkménistan demain.

Aujourd’hui est notre 200ème jour de voyage. Le 100ème avait été fêté dans la lagune de Venise. Où sera le 300ème ? certainement en Mongolie. Aujourd’hui est également notre dernier jour en Iran. Nous voici donc au terme de ces presque deux mois dans ce merveilleux pays où la chaleur, la bienveillance, l’hospitalité des Iraniennes et des Iraniens nous a bouleversés. Nous nous attendions à un bel accueil car d’autres amis étaient passés avant nous mais franchement, pas à ce point. Il faut le vivre pour le croire. Combien d’invitations nous avons reçues ! et combien nous avons refusées…

Voici le ressenti de Caroline de la Smalaventure, une autre famille en voyage en Iran que nous n’avons pas encore rencontrée mais je le trouve beau :

« Je suis française. J’ai été élevée dans l’amour et le confort, mais aussi dans la peur des autres. Les médias véhiculent cette idée que le monde et les gens sont dangereux, et qu’il faut se méfier. En France d’ailleurs on se méfie de tout et de tout le monde, des étrangers comme de nos voisins. Ce que l’on ne connaît pas nous fait peur, et la peur mène à la méfiance.

Je suis en Iran. Chaque jour on me sourit, on me chouchoute, on me couvre de mille attentions, on m’accueille, alors que je suis une étrangère, que nous sommes 6, que je ne partage pas les us et coutumes de ce pays. Pourtant on n’a pas peur de moi, au contraire. On m’invite à partager un repas, à dormir dans le salon, on m’offre le confort d’une vraie salle de bain, on me fait découvrir un monument, un coin de nature.

Ce que je vis aujourd’hui en Iran, avec toute ma famille, serait difficile en France. Il est inimaginable d’inviter chez soi des gens, toute une famille, que l’on connaît à peine, de leur proposer de dormir chez nous ; de leur cuisiner à manger comme ça, juste pour le plaisir de leur faire découvrir d’autres saveurs; de leur proposer une douche.

Je me souviens de cette fois où je suis allé demander du sel à mes voisins et où je me suis fait jeter…bon c’est vrai qu’ils étaient un peu spéciaux aussi !

Je viens d’un pays dont la devise est « liberté, égalité, fraternité » mais où l’on ne m’a pas enseigné l’hospitalité, ça c’est quelque chose que j’aurais appris ici, en Iran ».

De notre côté et dans nos familles, nous avons appris à recevoir nos proches. A travers toutes ces rencontres, nous aurons appris à ouvrir notre porte à des inconnus, pour le plaisir d’un partage, sans peur de l’autre.

Nous avons aimé nous imprégner de la culture iranienne en partageant tous ces moments avec les locaux, rentrer dans l’intimité de toutes ces familles où les langues se délient très vite et le régime en prend pour son grade, prendre conscience combien la guerre Iran-Irak a traumatisé le pays.

Nous espérons vous avoir donné une autre image que celle véhiculée par les médias. Combien d’iraniens nous ont demandé si nous les considérions comme des terroristes ! Nous espérons à travers ces quelques articles sur l’Iran vous avoir donné envie de découvrir ce pays, ou du moins avoir transformé l’idée que vous pouviez vous en faire. L’Iran est si riche pour l’Histoire de ces civilisations anciennes, si beau pour la diversité de ses paysages et de ses climats, si passionnant pour la richesse culturelle et la beauté architecturale de ses villes fascinantes disséminées le long des routes de la Soie !

J’ajouterai une citation de Marc Thiercelin, grand navigateur français : « Voyager, c’est s’ouvrir au monde, c’est grandir, c’est s’enrichir le cœur. C’est la grande aventure qui laisse des traces indélébiles dans notre âme ». L’Iran, sans nul doute, nous aura laissé des traces indélébiles.

A présent, une nouvelle page se tourne. Nous quittons le Moyen et le Proche Orient avant d’y revenir dans quelques mois ou d’ici un an… ou deux… selon dans quel sens nous terminerons notre boucle. A présent, à nous l’Asie Centrale et la découverte de tous ces pays en « Stan ». Nous nous dirigeons vers la frontière du Turkménistan que nous franchirons demain matin avec deux autres camions français.

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