30. Tadjikistan : du 24 au 27 mai 2019 : La Pamir Highway de Khorog à Sary Tash

488 km parcourus du 24 au 27 mai 2019

25 244 km parcourus depuis le départ

Vendredi 24 mai 2019 :

Je vous avais laissé à la fin du dernier article en plein milieu de l’axe de la Pamir Highway au Tadjikistan. Après avoir suivi la frontière afghane pendant 400 km, nous voici à présent à l’assaut des hauts plateaux du Pamir. Nous levons notre bivouac du petit hameau paisible de Ver à 2900 mètres le long de la rivière Ghunt.La bassine sous mes réservoirs de gasoil s’est de nouveau remplie à cause de cette fuite importante. Je transvase dans des bouteilles puis dans le réservoir après avoir filtré via mon entonnoir Funnel.Puis nous prenons la route, pour une petite étape aujourd’hui. Juste une cinquantaine de kilomètres mais qui va nous faire grimper de plus de 500 mètres. Nous avons déjà repéré notre étape de ce soir à 3550 mètres. Nous prenons garde de respecter une montée en haute altitude en respectant des paliers de 500 mètres environ par jour afin que notre organisme s’adapte au manque d’oxygène. Bonne nouvelle, la Tiny a plus de puissance aujourd’hui et j’arrive à pousser les rapports au-delà de 2500/3000 tours. Le turbo ne fonctionne pas parfaitement mais c’est beaucoup mieux et bien agréable en montée bien que la montée soit progressive.

Nombreux arrêts, ici pour photographier un curieux portail, là pour photographier un fragile pont sur les eaux tumultueuses de la rivière Toguzbulok ou bien encore pour slalomer à travers un troupeau de chèvres…

Nous nous arrêtons au café du coin aménagé dans un ancien wagon. Lieu improbable. Lieu magique plein de vie entre les habitants du hameau qui viennent boire un café, manger des beignets, acheter un litre d’huile, et les élèves de l’école voisine qui viennent acheter des bonbons à la récré.

Nouvel arrêt un peu plus loin lorsque nous croisons Benjamin, un jeune cyclo-voyageur vendéen arrivant d’Australie en vélo ! Les températures deviennent glaciales et il apprécie autant que nous de partager un café bien chaud dans la Tiny.Pendant la route, les enfants continuent à être d’une incroyable patience. Jamais, ils ne se plaignent. Autant d’habitude, nous faisons en sorte d’alterner des grosses journées de route avec des visites de sites, des randonnées, des longues pauses, autant là, il nous faut rouler pour admirer tous ces paysages. Cependant Victor commence à nous réclamer des randonnées ! Régulièrement, l’un des deux passe devant avec nous sur le troisième siège pendant qu’un autre reste à l’arrière sur la banquette ou bien dans le lit juste derrière le poste de conduite car cette place rebondit un peu moins sur les pistes qu’à l’arrière de la Tiny.Au fur et à mesure de notre montée en altitude, nous nous approchons de la neige. Les paysages sont moins verdoyants. Les hameaux traversés paraissent plus pauvres que dans les autres régions que nous avons traversées. L’eau ici ne coule pas en abondance et l’altitude est trop importante pour cultiver les parcelles de terre. L’élevage est en revanche bien présent.

Nous croisons un couple de Danois voyageant en 4×4 que nous avions déjà vus dans les derniers jours. Ils ont la sagesse de faire demi-tour car ils ne supportent pas l’altitude et cela peut avoir des conséquences dangereuses sur la santé.

Puis, nous posons notre bivouac dans le minuscule hameau de Jelondy. Nous y accédons par un petit pont en état assez moyen. Un habitant me fait signe que je peux stationner sur son terrain. Les discussions avec les locaux ne parlant pas anglais sont assez limitées et c’est parfois assez frustrant. Mais les sourires en disent long.

Nous sommes à 3550 mètres d’altitude. Il n’est que midi et nous pourrions rouler plus mais encore une fois, nous nous imposons de nous acclimater à l’altitude, d’autant plus que la route va très vite monter à plus de 4000 mètres. La température extérieure est glaciale et de la neige fondue tombe.

Entre les maisons, s’écoulent des sources fumantes d’eau chaude. Chacune des maisons du hameau bénéficie d’une arrivée en eau chauffée naturellement dans les entrailles de la Terre. Les habitants se construisent des bassins intérieurs ou extérieurs.

Ce hameau possède un Banya. Beaucoup de maisons n’ont pas accès à l’eau courante et les habitants viennent ici une fois par semaine pour se laver. L’endroit n’a absolument rien de touristique. Le bain des hommes est séparé de celui des femmes mais nous arrivons à ruser pour entrer tous les 4 dans un bassin de 4 m². L’eau doit être à 40°, soit environ 40° de plus que l’air extérieur…Les maisons du hameau sont construites en pierre ou en terre et souvent couvertes d’une grande structure métallique qui ne repose pas forcément sur les murs mais parfois sur des poteaux, comme un hangar.

Nous voyons ici les premiers yacks.

Samedi 25 mai 2019 :

De nouveau, dès 8 heures, nous prenons la route. Il faut dire qu’il fait jour vers 4h30 et que nous ne sommes réveillés pas tard. Les températures extérieures ont été négatives cette nuit mais le soleil a eu le temps de réchauffer la cabane avant que nous ne sortions de dessous la couette.

Nous continuons sur l’axe principal du Pamir, la M41 ou Pamir Highway, bien connue des voyageurs déjà de l’époque de Marco Polo, construite au 19ème siècle par les Russes. Nous n’avons pas de véhicule adéquat et assez robuste pour sortir de cette route. Le 4×4 s’avère nécessaire pour aller sur des pistes cassantes. On le sait mais on a déjà de la chance (et du mérite !) de pouvoir emprunter cette mythique M41, la deuxième plus haute route au monde traversant l’un des endroits les plus isolés au monde. Cet axe était encore interdit à la circulation jusqu’à l’indépendance en 1991.

A partir d’aujourd’hui, ça ne rigole plus et nous allons monter sur les hauts plateaux du Pamir à plus de 4000 mètres d’altitude. Les paysages sont grandioses, nous rappelant ceux de l’Altiplano bolivien.

Nous sommes au pied du premier col montant à 4300 mètres. Évidemment, le turbo ne fonctionne pas alors qu’il nous rendrait bien service. D’autant plus, qu’en altitude, la Tiny manque déjà d’oxygène. Et puis, les derniers 300 mètres de dénivelé ne sont plus asphaltés. On parcourt donc une piste en très mauvais état sur plusieurs dizaines de kilomètres.

Quasiment pas de circulation, mise à part les quelques camions chinois. Les villages sont tellement éloignés et les routes tellement pourries que les habitants ne se déplacent pas en véhicule.La montée est difficile et lente. Le pot d’échappement dégage une fumée noire mais normale en raison de l’altitude, de la qualité du gasoil pas conforme à nos standards européens et de la suppression de la vanne EGR. Mais bon, ça monte, souvent à moins de 10 km/h. De toute façon, l’état du bitume ou de ce qu’il en reste ne permet souvent pas de rouler plus vite.Mais, toute cette souffrance est largement compensée par la pureté et la beauté des paysages. La toundra couvre les sols d’une végétation rase.

Quelques animaux gambadent comme d’adorables marmottes bien grasses et bien touffues pour résister au froid.

Nous trouvons également une corne d’argalis, le mouton (ou mouflon) de Marco Polo. Mais pas de trace de léopard des neiges.Par contre, pas de traces de vie humaine à cette altitude. Le stress est bien présent quant à une éventuelle panne mécanique. Si le camion s’arrête, franchement, on sera mal. Sur plusieurs centaines de kilomètres derrière nous et devant nous, nous n’avons aucune chance de trouver un remorqueur ou un garage. La prochaine ville est à plus de 400 kilomètres devant nous, et de plus dans un autre pays ! J’avoue que cet isolement est assez oppressant et pesant. Nous avons déjà l’expérience douloureuse d’être tombés en panne au Chili à 4300 mètres d’altitude et on sait combien un dépannage est difficile. Heureusement à l’époque, nous n’étions pas seuls mais entourés d’amis !

Je contrôle régulièrement la perte lente de pression de mon pneu avant droit. J’ai la flemme de le changer mais je préfère surtout garder mon unique roue de secours en cas de réelle nécessité d’autant plus que l’état de la route ne s’améliore pas.

La piste serpente sur ces hauts plateaux à plus de 4000 mètres. C’est magique. C’est beau. Cela nous rappelle bien évidemment les hauts plateaux de l’Altiplano péruvien et bolivien à 3800 mètres et notre record d’altitude en camping-car à 4960 mètres entre l’Argentine et le Chili. Nous y retrouvons les mêmes couleurs de montagnes et de lagunes.

Soudain après 80 km sans trace de vie humaine apparaît le village d’Alichur perdu au pied des montagnes à l’altitude de 3900 mètres. Nous nous y posons et sommes accueillis pas des sourires. Mais encore une fois la frustration est là de ne pas pouvoir pousser plus loin les échanges avec la population. Ça se limite à des échanges de sourires, des poignées de main, et on tente de leur faire comprendre qu’on arrive depuis la France avec la Tiny… Souvent, on leur fait visiter.

Les habitants portent ici le chapeau traditionnel Tadjik, l’ak-kalpak, cousu en feutre blanc et brodé. Il protège du froid et du soleil.Le moindre hameau est connecté au réseau GSM, même sur ces hauts plateaux isolés, ce qui nous permet de donner et de prendre des nouvelles de la famille, de rester en lien avec nos amis voyageurs en voyage dans le secteur, de surveiller la météo, ou bien de préparer la suite de l’itinéraire bien qu’ici, il n’y ait qu’une seule route…

Puis, nous reprenons la route à travers des paysages encore plus beaux, encore plus isolés, encore plus désolés. On se sent tellement petits face à ces montagnes. Sur 85 km, nous ne croisons qu’une dizaine de véhicules.

Cet après-midi, l’asphalte est en état de plus en plus correct par rapport à ce qu’on a eu jusqu’à présent. Ça fait du bien. Mais la vigilance reste de garde car le goudron se dégrade souvent d’un coup. Je reste donc en troisième à 40km/h maxi de façon à avoir le temps de réagir.

Nous trouvons de rares fermes isolées où des bergers gardent leur troupeau de chèvres, de moutons et de yacks dans les pâturages de haute altitude.

Nouveau check-point. C’est au tour d’Audrey de se rendre dans ces bureaux un peu glauques où se trouvent un bureau sans ordinateur, des lits superposés et un coin cuisine pour les militaires. Malheureusement, elle arrive au moment où le douanier est rendu en bas de page et n’a plus de place pour reporter les données de nos 4 passeports et visas. Elle doit donc attendre qu’il trace à main levée les différentes colonnes sur la page suivante. Ça irait certainement plus vite avec une règle mais il n’est pas équipé de ce genre d’accessoire pourtant bien pratique.Nous traversons Murghab, la principale et unique ville du Pamir, avec ses 6000 habitants. Nous cherchons un coin abrité du très violent vent qui souffle ce soir, la ville étant située à la confluence de trois vallées. Nous trouvons refuge encore une fois par hasard, dans une cour privée où les habitants nous mettent bien à l’abri du froid et du vent le long d’un bâtiment.

Notre acclimatation à l’altitude se passe plutôt bien malgré quelques maux de tête ou de ventre passagers et un essoufflement rapide dès lors qu’on fait le moindre mouvement un peu trop rapide. Encore une journée de route complète mais c’est la première fois au Tadjikistan où nous arrivons à parcourir quasiment 200 km dans une seule journée.

Je vous recopie le texte de la journée de Victor qu’il écrit, comme sa sœur, tous les jours : « Aujourd’hui, on n’a fait que rouler. On a vu 85 yacks, 25 marmottes, 6 rapaces, 2 ânes, une corne de mouton de Marco Polo… et beaucoup de moutons ».

Dimanche 26 mai 2019 :

Au petit déjeuner, comme tous les jours dans les pays en « Stan », nous nous régalons de Lepechka. Ce sont des pains ronds cuits sur les parois de fours en terre crue. Ils sont tous décorés grâce à des ustensiles plantés de clous.Avant de quitter nos hôtes, je leur demande si je peux remplir un bidon d’eau. Et là, mes doutes sont confirmés. Ils n’ont pas l’eau courante. Le monsieur souriant, me donne un bidon qu’il est allé remplir au puits. Je me sens un peu gêné. Dans la ville, nous trouvons justement un de ces puits. Malgré les 0° extérieur, c’est à quatre que nous nous mettons à remplir 20 bidons de 5 litres. C’est l’épreuve EPS du jour. Le reste de l’école sera pour plus tard dans la journée. L’eau est vraiment une priorité pour nous. On a déjà eu l’expérience de tomber en panne au milieu de nulle part et nous sommes toujours un peu stressés quand nos réserves sont à sec. D’autant plus, que sur ces hauts plateaux, l’eau ne coule pas autant dans les lits des rivières que nous l’imaginions.Encore une journée qui s’annonce sur la route. Notre cavale continue à travers les paysages de toute beauté du Pamir. Nous comptons les véhicules que nous croisons. Aujourd’hui encore sur plusieurs heures de route, ils se comptent sur les doigts des deux mains maximum. Il ne faut vraiment pas avoir un souci mécanique ici (vous me voyez venir ?). Nous quittons Murghab, cette ville déprimante perdue au milieu du Pamir. Et encore, nous la voyons à la belle saison ! On n’ose même pas l’imaginer sous plusieurs dizaines de centimètres de neige.

C’est à Murghab que tous les camions que nous voyons depuis les débuts de la M41 à Douchanbé, quittent cet axe en direction de la Chine voisine. L’avantage pour nous est que la route bitumée est en bon état et pas pleine d’ornières causées par ces poids-lourds. Nous battons même notre record de vitesse depuis plusieurs jours en faisant 40 km en une heure ! Mais restons vigilants.

La montée vers le plus haut col à 4655 mètres commence. Elle est progressive et se passe bien. Les paysages sont encore plus époustouflants bien que les hauts sommets à 6 ou 7000 mètres ont la tête dans les nuages. Victor continue à compter les marmottes et arrive à en trouver une cinquantaine.

Quelques kilomètres avant le col, l’asphalte s’arrête laissant place à de la tôle ondulée.

La neige se met à tomber. Dernier virage, mais celui-ci avec une pente criblée de trous à environ 15% est en épingle à cheveux. La Tiny peine, s’essouffle et s’arrête. Elle ne souhaite pas monter. Je recule, prend mon élan. Elle met pourtant de la bonne volonté mais elle n’en peut plus. L’embrayage fume. Sans turbo et avec le manque d’oxygène, elle abandonne. Frein à main serré, vitesse enclenchée, cale sous la roue arrière. Je coupe le moteur dans cette pente importante. Il nous manquait juste 5 mètres de dénivelé pour parvenir à franchir ce col d’Ak Baïtal, quasiment de l’altitude du Mont Blanc. Angoisse. Que faire ? Il n’y a pas de passage sur cette piste. Je prépare tout de même ma sangle de remorquage avec le mince espoir qu’un véhicule arrive.

Seulement deux minutes après, apparait un 4×4 venant du pays voisin, le Kirghizistan. J’arrête le guide voyageant avec 3 jeunes femmes suisses-allemandes. Ça semble mal engagé car il ne semble pas forcément prêt à m’aider. Je le supplie. Les trois jeunes touristes, ayant pitié de nous, supplient également leur chauffeur qui accroche la sangle à son crochet d’attelage. Nous tentons le remorquage mais l’ancrage de la sangle cède sous le poids de la Tiny qui n’a pas assez de puissance pour s’en sortir. Nous décidons de faire marche arrière pour prendre de l’élan. Audrey reste au volant un instant au cas où le frein à main, déjà un peu lâche, ne cède… quand tout à coup… vous me voyez venir ? et bien oui, le moteur s’arrête net. Audrey m’assure n’avoir touché à rien. J’essaye de démarrer. Plus rien à part une guirlande lumineuse rouge et orange qui éclaire mon tableau de bord. Nos regards se croisent. Angoisse. Ce que je craignais depuis le début de notre parcours sur ce « toit du monde » arrive. La panne. J’insiste sur le démarreur. Rien. En plus d’être bloqués dans cette pente, nous sommes maintenant en panne. Nous sommes au milieu de rien, dans l’un des endroits les plus isolés de la planète, à 4650 mètres d’altitude. Les premiers habitants sont à des dizaines de kilomètres, les premiers garages sont à des centaines de kilomètres. Nos enfants sont assis en retrait de la piste et protégés par un duvet que les trois jeunes femmes leur ont donné pour les couvrir alors que la neige tombe.

Le malaise n’est pas loin pour moi. Je me sens mal. Mais pas d’autre choix que d’y arriver et de se sortir les doigts. Mais comment ? Soudain, à force d’insister sur la pompe à Phiphi qui amorce le circuit de gasoil, dans un nuage noir de fumée, la Tiny se met à tousser et à démarrer. Je prends mon élan, et à fond de première, à plus de 4000 tours, je m’engage dans l’épingle à cheveux. Ça passe, la Tiny fièrement mais en souffrant terriblement passe cette difficulté. Je ne m’arrête pas et continue sur 150 mètres jusqu’en haut de la pente. Le chauffeur arrive en 4×4 avec ma petite famille. Une difficulté de passée. Je mange 4 sucres pour éviter de tomber.

Mais ce moteur, pourquoi il a calé ? J’ai bien vu de l’air dans le circuit de la pompe à injection tout à l’heure. Il tourne rond. Nous n’avons aucune possibilité de faire appel à une assistance mécanique où nous sommes. Pas d’autres choix que de partir. Pas de puissance, encore moins qu’avant. Une fumée blanche puis noire incroyable sort du pot d’échappement. Je crains avoir trop forcé sur le moteur dans la montée. Le turbo a-t-il cassé pour de bon ? Le moteur est-il en vrac ?

Nous continuons. La puissance semble revenir tout doucement au fur et à mesure que nous descendons vers les 4000 mètres d’altitude. La fumée s’estompe. Nous réfléchissons à cette panne. Audrey trouve. Le fait que nous étions en pente importante durant 30 minutes a fait que mon premier réservoir de gasoil s’est transvasé dans le deuxième mettant à sec le circuit… c’était donc une panne sèche. En revenant sur le plat pour prendre de l’élan, le niveau des deux réservoirs s’est ainsi rééquilibré et a permis le redémarrage. On sort un bidon et on remet 10 litres de gasoil. Reste maintenant la question de cette fumée noirâtre ? Peut-être due au fond de cuve absorbé dans le circuit ? La cavale reprend, mais on ne fait pas les malins.

Bon d’accord, il faut être un peu fou pour venir ici en camping-car mais on a aussi rencontré des fous sur la piste comme ce couple d’autrichiens. Nous les accueillerions bien un instant au chaud dans la Tiny mais nous aussi sommes en mode survie et ne voulons pas prendre le risque d’éteindre le moteur au risque qu’il ne veuille plus redémarrer. Nous poursuivons notre descente et au fur et à mesure, la confiance revient. Le goudron également. Nous voyons une maison !

Sur des kilomètres, nous longeons un grillage barbelé. Il date de l’époque soviétique alors que les Russes et les Chinois étaient en conflit. La frontière de la République Populaire de la Chine n’est qu’à une dizaine de kilomètres.  Mais la frontière est encore contestée par les deux parties. Mieux ne vaut pas passer le grillage malgré la porosité de cette frontière.

Nous descendons vers le lac Karakul et le village désolé du même nom.

On pourrait croire de loin à un lieu abandonné. Mais des enfants courent et font du vélo dans les rues en terre, de la fumée sort des cheminées de maisons aux toits plats, des yacks et des vaches errent au milieu de tout ça. Des ânes sont chargés de bouses de Yack qui une fois séchées serviront de combustible.

Pas d’eau courante ici encore. Les habitants viennent à tour de rôle remplir de gros bidons à l’aide de charrettes.

Nous sommes accueillis par Anya tenant une guest-house. Elle nous invite à nous garer devant chez elle et nous offre de quoi nous réconforter après cette très dure matinée aussi bien physiquement que mentalement.

Les enfants jouent avec ceux du hameau. Je dépense nos derniers somonis à l’épicerie du coin car demain normalement, nous passons la frontière vers le Kirghizistan.

Victor s’aperçoit par sa fenêtre que le panneau solaire sur la cabine a souffert de la piste très cassante. Je dois sous une tempête de neige faire une réparation de fortune à ses supports.Je m’aperçois en même temps que ma roue arrière droite est crevée. Je la regonfle au compresseur mais la pression ne tient pas. Elle n’a pas dû aimer sa position très inconfortable contre la cale lors de notre galère en haut du col. En fait, le pneu est carrément déjanté et je n’ai pas assez de pression avec le compresseur pour recoller le pneu à la jante. Je dois la remplacer mais ça veut dire que je n’ai plus de roue de secours pour franchir la nouvelle difficulté de demain avec une piste défoncée qui nous est annoncée sur plusieurs dizaines de kilomètres. Le prochain endroit pour réparer la roue est à plus de 250 km devant nous à Osh.Nous passons l’après-midi à nous remettre de nos émotions et à nous préparer pour celles à venir demain. Le poêle à bois fonctionne en continu. La neige tombe. Nous sommes bien dans notre cocon.Puis nous allons découvrir ce magnifique lac salé d’altitude dans lequel une seule espèce de poisson endémique du lac ne vit.

Anya nous invite à assister à la traite du yack.

En soirée, elle nous apporte du Lagman, une soupe de grosses nouilles avec des légumes et des morceaux de viande de mouton de Marco Polo, un met de luxe qu’elle est très fière de nous offrir. Soirée fête des mères où Victor passe un long moment à préparer un repas. Il réalise de A à Z des pancakes salés pour accompagner le foie gras de Liliane et Daniel et le saucisson d’Émilie et Boris ! Audrey reçoit des petits cadeaux réalisés par ses adorables enfants.

Lundi 27 mai 2019 :

Logiquement, c’est notre dernière journée au Tadjikistan, à condition que nous puissions gravir la dernière difficulté de la montée du col… et pas la moindre ! La nuit a été courte et le sommeil perturbé quand on repensait aux voyageurs croisés en sens inverse sur la M41 nous disant que le passage était très compliqué et que nous aurions du mal à le franchir sans un véhicule 4×4. La haute altitude de notre bivouac à 3900 mètres d’altitude n’a rien arrangé.

Victor se lève de bonne heure pour faire cuire d’autres pancakes pour le petit déjeuner. Avec sa sœur, il frappe à la porte de la maison d’Anya pour leur en offrir. Alors que les petites filles de la famille s’apprêtent à aller à l’école, Anya prend de nouvelles photos des enfants, avant notre départ. Pas sûr qu’il y ait souvent des enfants étrangers qui passent par ici.

Dès 8 heures, nous prenons la route, en bon état au départ. Aujourd’hui, le temps est dégagé et nous offre des points de vue incroyables sur les montagnes de plus en plus hautes. Nous roulons sur un billard !

Le lac sur sa partie nord commence à dégeler.

L’état de la route devient… aléatoire…

Puis, la piste arrive. Elle est cassante. C’est de la tôle ondulée mais nous montons tranquillement le dénivelé nous menant vers le col de Kyzyl Art à 4336 mètres d’altitude. L’état de la piste ne s’améliore pas et devient pire qu’il n’était. On appréhende ensuite car on sait que la boue va arriver.

Le dernier kilomètre avant la douane Tadjik est à comparer à l’émission « les routes de l’impossible ». On roule dans de la boue. La Tiny surfe dans les ornières profondes de quelques dizaines de centimètres. Ouf, nous arrivons à la frontière mais nous devons traverser un tronçon de 50 mètres composé uniquement de boue. Miraculeusement, à fond de première, j’arrive je ne sais comment à franchir cette difficulté, que j’espère être la dernière. Dommage, on n’a pas les pires photos car il était tout simplement impossible d’en prendre tellement ça bougeait dans tous les sens et tellement on était stressés. Autour de nous, aucun engin de chantier, camion ou 4×4 n’est présent et ne pourrait nous sortir d’un enlisement.

Le poste de douane est aménagé dans de vieux baraquements et de vieilles citernes. C’est glauque. Les formalités douanières de sortie du Tadjikistan se passent avec le sourire, bien que cette douane soit réputée corrompue. Mais les douaniers nous demandent quand même une taxe de 8€. Nous leur expliquons que nous avons soldé nos derniers soums Tadjiks dans le dernier village et que nous n’avons pas eu l’occasion de retirer de la monnaie locale Kirghize. Il demande des dollars. On lui dit qu’on n’en a pas non plus. Je lui propose alors de payer en carte de paiement visa, persuadé qu’il n’est pas équipé de terminal de paiement à cette altitude car ils n’ont ni électricité, ni réseau GSM. Il sourit en disant que ce n’est pas possible. J’insiste alors pour vouloir payer et je lui sors une carte de paiement Mastercard. Il rit et nous dit que c’est bon, qu’on peut partir sans payer…Ça continue encore à monter un petit peu après la douane tadjik.

Le poste de frontière Kirghize se trouve après un long no man’s land de 18 km. Comme ce territoire n’appartient à aucun des deux pays, personne ne l’entretient ! et la piste est défoncée au possible, la pire qu’on n’est jamais prise. Heureusement qu’on la prend dans le sens de la descente, car on n’aurait été incapable de la prendre dans l’autre sens. Mais quand je dis pourri, c’est vraiment pourri !

 

Nous sommes globalement dans le sens de la descente, mais par deux fois, la Tiny manque de pouvoir franchir un raidillon. Je dois m’y reprendre à plusieurs reprises pour éviter l’enlisement.

Je mets au défi notre ami Pascal des Baam de venir ici avec son traction avant ! Une fois encore, personne ne pourrait nous sortir d’une mauvaise posture car il n’y a personne. L’engin de terrassement s’occupant de la piste est lui-même dans un sale état, des kilomètres plus loin. Mais le mécano a l’air confiant !

Pendant ce temps, Victor continue à dénombrer les marmottes. Aujourd’hui, ce sera 131.Miraculeusement, et avec beaucoup de chance, nous arrivons au poste de la frontière du Kirghizistan. Celle-ci se passe rapidement et sans problème, aussi bien pour nos 4 passeports, que pour la Tiny à qui il est délivré une autorisation de circulation d’un an valable également pour le Kazakhstan et la Russie. L’éco-taxe de 15$ ne nous est pas demandée et nous n’insistons pas.

La piste reprend dans un état moyen mais beaucoup plus correct que ce que nous avons fait tout à l’heure, laissant place dans la vallée à un asphalte correct mais troué. Nous passons au pied du Pic Lénine haut de 7134 mètres et parfaitement dégagé. Face à nous, la magnifique chaîne montagneuse des Monts Alaï.

Demain, nous poursuivrons sur la M41 jusqu’à Osh. Nous aurons suivi cette mythique Pamir Highway sur 1300 km depuis Douchanbé au Tadjikistan. Nous avons beaucoup souffert à rouler sur cet axe compliqué pour un véhicule non 4×4 compte tenu de l’état des pistes. Nous ne la recommanderions pas à des véhicules de type camping-car (surtout traction avant) à d’autres voyageurs. Au cas où des fous inconscients comme nous voudraient rouler sur ce « toit du monde », nous conseillerions de ne pas la faire tout seul mais au moins à deux véhicules compte tenu de l’isolement. Dans ce cas, ne manquez pas de vous équiper du très bel et indispensable ouvrage écrit par Cécile Miramont et Laurent Bendel : « Kirghistan, Tadjikistan : les plus beaux itinéraires en 4×4, moto, camping-car et vélo ».

Mais nous ne sommes pas déçus de l’avoir parcourue car nous avons vu des paysages de toute beauté, d’une pureté incroyable et nous avons reçu de la part de la population Tadjik tant de sourires. C’était dur ! très dur ! mais tellement beau…

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