2503 km parcourus du 21 au 29 septembre 2019
40 175 km parcourus depuis le départ
Samedi 21 septembre 2019 :
Nous quittons ce matin le Parc forestier national de Zhangjiajie à Wulingyuan. Cette pause de trois jours, quasiment sans rouler nous a fait le plus grand bien au terme de ces trois premières semaines au rythme très intense que nous impose la Chine.
Notre parcours avance conformément au programme proposé par l’agence. Cette dernière et nos guides font régulièrement des bourdes dans les choix de bivouacs de certaines étapes : soit trop loin du lieu de visite du lendemain, soit trop cher, soit pas possible d’y passer la nuit, soit dans un endroit vraiment trop sale, soit un lieu où la hauteur ne nous permet pas d’ entrer… ça vaut quelques bons coups de gueule le soir avec nos deux guides (la fatigue d’une journée de 400 ou 500 km n’arrange rien quand on a juste une seule envie, celle de se poser…). L’un d’eux, Xia reste cependant réactif et débrouillard pour trouver une solution de repli. L’autre, Liu, reste fidèle à lui-même et ne nous sert toujours pas à grand-chose (même à rien). Il est très peu bavard, pas du tout expressif et perd tous ses moyens rapidement, alors qu’il n’en a déjà pas beaucoup au départ.
L’agence également a fait quelques bourdes dans l’itinéraire, comme par exemple la programmation d’un musée le seul jour où il était fermé ou bien l’annulation de la visite du temple Shaolin (l’un des sanctuaires bouddhistes importants de la Chine) et son ancien centre de kung-fu chinois, soi-disant fermé alors qu’il était bien ouvert… Bon d’accord, ça fait rager. Ce qui fait que notre groupe, sans aucune mésentente entre nous, a éclaté et nous regrettons que 3 des 8 équipages aient décidé de poursuivre seuls leur périple chinois. Nous comprenons qu’ils ne supportaient plus ces problèmes avec l’agence mais trouvons dommage et sommes déçus de ne pas avoir pu terminer cette belle aventure tous ensemble.
De notre côté, même si je suis le premier à pousser des coups de gueule auprès des guides, nous sommes heureux de partager cette équipée avec des familles fort sympathiques. Évidemment, nous avons tous des seuils de patience, d’exigence, des attentes et des besoins différents. Évidemment, nous préférons tous bivouaquer en pleine nature au bord d’une rivière, et pas sur un parking bitumé le long d’une avenue en centre-ville ou dans une station-service. Mais bon, nous décidons de favoriser des bivouacs près des lieux de visites touristiques afin de pouvoir être sur place dès le lendemain matin sans avoir à bouger les véhicules dans ces immenses agglomérations chinoises de plusieurs millions d’habitants.
Mais nous avons la chance de tous pouvoir se parler et s’écouter en bonne intelligence. Nous avons surtout la chance énorme que notre agence et nos deux guides soient hyper souples sur les modifications que nous apportons au programme, parfois du jour au lendemain. Ils acceptent (ce qui n’était pas prévu contractuellement au départ) de scinder le convoi en deux petits groupes selon les envies de chacun en ce qui concerne les visites et certains bivouacs. Du coup, cela fait déjà 10 jours que nous roulons seulement avec deux ou trois autres véhicules, tout en se retrouvant sur certains bivouacs pour reformer d’autres équipages pour le lendemain. Parfois, 400 km séparent les deux sous-groupes accompagnés chacun par Xia ou Liu.
Bon du coup, le convoi étant plus petit, nous avons enfin la chance d’avoir plus souvent les guides avec nous (ils changent tous les jours de véhicules). Bon Liu, en plus de ne servir à pas grand-chose, passe beaucoup de temps à dormir ou sur son téléphone. Par contre, Xia est passionnant et nous pouvons discuter des heures durant avec lui, en parlant de nos deux pays respectifs. Sans tabous, nous parlons de politique, de religion, d’argent, de l’organisation de la famille, de l’école, du déroulement d’un mariage ou d’obsèques, de notre sens français de la démocratie qui implique que tout se discute, tout le temps, de son sens de l’autorité chinoise qui implique qu’on suive une consigne, sans discuter… Nous confrontons nos différences culturelles si importantes ! Tout y passe. Nous sommes des deux côtés très curieux de l’autre.
Bref, en ce qui nous concerne, malgré quelques contraintes, notre expérience de traversée de convoi en Chine ainsi que du choix de l’agence reste globalement très positif. Surtout que cette dernière était bien moins chère que ses concurrentes. Nous ne regrettons pas le choix d’avoir payé deux guides car en plus de pouvoir scinder le groupe en deux, cela permet au reste du groupe, au cas où l’un d’entre nous tombe en panne ou soit immobilisé pour une autre raison, de pouvoir continuer à avancer. Nous ne regrettons pas non plus d’avoir payé le supplément pour avoir deux guides parlant le français. C’est quand même plus facile qu’un guide anglophone. Bon voilà pour ce petit bilan aux 2/3 de notre parcours et cette déception et notre frustration que notre convoi soit divisé en deux.
J’en reviens à notre journée du samedi 21 septembre où nous prenons donc la route en compagnie des Un instant de vie, des Hakuna Matata, des Junarost et des On est tout petit face à la nature en direction de la ville de Fenghuang, dans la province du Hunan.
Nous arrivons dans ce village de 400 000 habitants seulement et slalomons avec nos gros véhicules entre les engins de toute sorte.
Nous gueulons encore après nos guides qui nous ont trouvé un site très pollué par des ordures et des tas de gravats (bon d’accord, le parking est en plein cœur de la vieille ville, donc on n’a pas gueulé trop fort). Mais cela ne semble pas trop affecter nos enfants qui s’occupent à fabriquer une cabane à partir d’un tas de briques…
Nous partons visiter à pied le centre historique de la ville du Phénix réputée pour être l’une des plus belles vieilles villes de Chine. Classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, elle a été construite au bord de la rivière Tuo et est célèbre pour ses maisons en bois sur pilotis, les Diaojiaolou. Elles datent pour la plupart des dynasties Ming et Qing (entre le 14ème et 17ème siècle).
Nous nous promenons dans la vieille ville, et visitons les 2 rives en traversant par l’un des nombreux ponts qui enjambent la rivière.
Quelques restes de fortifications, dont un rempart qui traverse la ville et quelques anciennes tours de garde, longent la rivière.
Sur les hauteurs, de jolis bâtiments se distinguent parmi la dense végétation. Dans le centre également, nous voyons un joli temple.
L’endroit est très touristique (pour les chinois, il n’y a pas beaucoup d’occidentaux qui visitent Fenghuang), on y trouve de nombreuses boutiques de souvenirs et bien sûr des restaurants dont certains vendant des brochettes de scorpions… Nous préférons attendre l’arrivée prochaine de notre famille au Laos pour tester cela tous ensemble.
Les chinois raffolent de faire une promenade sur la rivière en gondole. Et puis, ils ne cessent de poser des heures pour se prendre en photos, toujours vêtus de tenues traditionnelles, que beaucoup louent pour quelques heures.
Mais nous aimons toujours nous écarter un peu des sentiers touristiques et observer la vie locale.
Dimanche 22 septembre 2019 :
Route vers Yangshuo dès 6 heures du matin, encore une fois pour éviter un peu de temps de route aux enfants et pour nous permettre d’arriver pas trop tard sur notre prochaine visite. Aujourd’hui, c’est Liu qui nous accompagne. Je mène le convoi de 4 véhicules. Je mets la musique à fond pour me maintenir éveillé et pour tenter de réveiller Liu qui s’est endormi à côté de moi. Les Têtes Raides et les nombreux cafés avalés font leur effet et me gardent attentif à la route mais mon guide ne se réveille pas. Les kilomètres défilent au compteur de la Tiny, roulant toujours à la perfection.
Nous arrivons à Yangshuo, ville touristique, dans laquelle Liu a trouvé un parking aérien au deuxième étage encore en travaux, à 6 kilomètres de la ville. Je m’énerve très très fort après lui. Il reste toujours autant impassible. Avec les 3 autres gars du convoi, nous partons dans un seul véhicule à la recherche d’un autre bivouac. Nous en trouvons un aussitôt en plein centre-ville, au pied d’un parc et de toutes les commodités.
Nous partons découvrir avec Audrey et les enfants le centre de la ville. Le parc que nous traversons est bien agréable avec tous les habitants y pratiquant du sport, de la musique, des jeux de société ou du karaoké…
La ville est très touristique, (surtout pour les chinois des grandes villes), en particulier la grouillante West Street. Nous prenons plaisir à flâner dans la Rongyn Liu, petite rue alignant les étals de fruits et légumes, de viande, de poisson à l’air libre.
Au bord de la rivière Li, nous voyons un monsieur pratiquer la pêche au cormoran, une méthode de pêche traditionnelle (pratiquée au Japon depuis 1300 ans) dans laquelle les pêcheurs utilisent des cormorans dressés à pêcher en eau douce.
Le mieux pour découvrir la région est le vélo qui permet de longer des pistes cyclables aménagées le long de la rivière Yulong. Nous en réservons pour la journée de demain.
En chemin, Anaïs trouve le véhicule de ses rêves pour effectuer seule son tour du monde, un tuk-tuk assez grand qu’elle aimerait aménager. Je lui souhaite tellement d’aller au bout de ce chouette projet ! Bon, elle essaye de motiver Cléo des BAAM pour l’accompagner…
Petit apéro-voyageurs sur notre campement.
Lundi 23 septembre 2019 :
C’est donc en vélo que nous partons découvrir les lieux. Nous testons pour la première fois les vélos tandems. Tout d’abord, pour raison de sécurité. Les enfants n’ont pas fait de vélo depuis un an (bon d’accord, ça ne s’oublie pas) mais il nous faut dès grimpés dessus circuler dans cette grande ville au milieu des voitures, des bus, des tuk-tuk, des camions, des scooters électriques qu’on n’entend pas arriver… et puis, nous partons aussi pour une grosse journée donc au cas où nous fatiguons, on pourra toujours demander à Anaïs et Victor de pédaler plus fort !
Bon, le début de la promenade n’est pas folichon car nous galérons pour trouver le bon chemin et nous circulons sur des routes en chantier, et autour de déchetteries à ciel ouvert…
Puis, après une bonne heure, nous retrouvons enfin notre chemin ainsi que par hasard nos amis les PLEM et les BAAM qui eux ne sont partis du centre-ville que depuis 5 minutes !
Enfin, alors que nous cherchons depuis le début du mois désespérément à acheter une pelote de laine pour la réalisation de notre défi, nous passons devant une femme qui semble filer de la laine. Mais en s’approchant, elle file de la soie et n’a pas de pelote à vendre. Nous craignons déjà la non réalisation de ce trop difficile défi lancé par Colette et Armel.
Le cadre est hyper beau. Nous découvrons de plus près les superbes pains de sucre verdoyants qui font la fierté des chinois. Ces paysages de monts de calcaire aux formes tarabiscotées, dominant les rizières, sont si représentatifs de la Chine qu’ils sont estampillés sur les billets de 20 yuans.
Nous sommes en fin de matinée et la température dépasse déjà les 30°C. Aussi, nous bravons l’interdiction et sautons dans l’eau tiède de la rivière. Anaïs, Victor et Cléo jouent sur une embarcation faite de bambous.
Ces mêmes embarcations sont utilisées par les touristes pour descendre cette même rivière. Elles sont propulsées par des bateliers équipés de longues perches. Nous assistons à l’étonnant chargement en fin de leur balade de ces gros radeaux de bambous à l’aide d’un système d’ascenseur qui vient directement les prendre dans l’eau pour ensuite charger un camion. Pas fous les chinois !
Elles sont aussi utilisées par les riverains pour se déplacer. L’eau de la rivière sert également à faire la lessive.
Puis les estomacs sonnent creux, de même que nos sacs à dos dépourvus de pique-nique. C’est donc dans un petit resto populaire encore en travaux que nous nous réfugions. Merci à l’application Google Traduction pour nous aider dans le choix sur la carte. Merci également au petit mot fait par notre guide Xia que nous montrons à la patronne !
La rando reprend, toujours en grande partie sur cette belle piste cyclable pavée. Les paysages nous ravissent. Ils sont très verts, très fleuris (spéciale dédicace à mon beau-père).
Les rizières sont cultivées sur de plus ou moins grandes parcelles. En ce moment, le riz a déjà été ramassé et l’heure est à ramasser la paille, sur le même principe que le blé chez nous, et de faire des brûlis avec ce qu’il reste ensuite. Pour cela, le buffle d’eau est utilisé en tant que bête de somme. Les paysans l’utilisent comme animal à tout faire et en particulier tirer la lourde charrue pour remuer et labourer la terre épaisse des rizières et permettre la nouvelle plantation du riz.
Il est également intéressant de suivre cette rivière et de traverser de nombreux hameaux encaissés entre les pains de sucre, ce qui nous permet d’observer la vie plus rurale des chinois. Notre traversée expresse de la Chine exclusivement sur autoroute ne nous le permet pas autrement. De par mon ancienne activité professionnelle, bien que cette dernière ne me manque pas (à part certains de mes clients et de mes collègues qui se reconnaîtront), mon regard se porte naturellement sur les chantiers de constructions de bâtiments. Je suis effaré par la ( non ) sécurité des travailleurs qui montent à plus de 10 mètres de hauteur sur des échafaudages entièrement en bambous et fixés par des liens en nylon. Pas de plancher. Pas de garde-corps. Pas d’amarrage. Pas d’échelle…
Nous arrivons au bout de notre parcours après avoir effectué 15 kilomètres. Il en reste autant pour le retour. Cette superbe et apaisante escapade nature nous fait le plus grand bien après tous ces kilomètres en Tiny que nous accumulons.
Il est donc temps de faire demi-tour après avoir franchi la rivière Yulong par le Dragon Bridge, vieux de 500 ans. C’est le point de départ des descentes en radeau pour les touristes. Donc le cadre est un peu gâché par toutes ces embarcations équipées de parasols.
Mardi 24 septembre 2019 :
Nous décidons de changer le programme des prochains jours. En effet, quasiment 1100 kilomètres sont prévus en 4 jours avec aucune pause touristique intéressante sur le parcours. On se lance donc le défi de tenter de les réaliser en 2 jours si possible. C’est donc une nouvelle fois dès 6 heures du mat’ que nous commençons à rouler. Nous profitons d’un dernier point de vue, à l’aube sur les pains de sucre.
Les paysages changent, la végétation aussi en fonction des régions que nous traversons. Elle devient de plus en plus dense au fur et à mesure que nous descendons en zone subtropicale. Par endroit, les employés faisant l’entretien de l’autoroute ont du mal à venir à bout de cette végétation luxuriante qui occupe largement la bande d’arrêt d’urgence et le rail central de l’autoroute. Des champs de bananiers apparaissent. Les rizières également de plus en plus.
Les tunnels et viaducs continuent de se succéder.
En fin d’après-midi, nous savourons une bière entre voyageurs, dans une station-service après une longue journée de 666 kilomètres.
Mercredi 25 septembre 2019 :
Le réveil sonne à la même heure qu’hier. On espère parcourir les plus de 450 km restants dans la matinée. Mais c’était sans compter que les 120 derniers se font sur le réseau secondaire avec de sacrés dénivelés. Ça tourne. Ça monte. Ça descend. On comprend d’autant mieux l’intérêt de prendre l’autoroute pour traverser la Chine car il nous aurait été impossible de faire plus de 7000 km par le réseau secondaire.
Je ne vous ai pas encore parlé des poids-lourds que nous doublons. Ils sont très souvent très longs, très larges et certainement très en surcharge. Ils sont d’ailleurs équipés de systèmes de refroidissement de leurs freins par pulvérisation d’eau sur les organes bouillonnants. Bonjour le choc thermique !
Bon l’avantage, c’est que du coup, dans chacune des stations-services, il y a des points d’eau pour recharger leurs grosses réserves d’eau de centaines de litres fixées dans leur châssis. Nous en profitons donc pour remplir facilement nos réserves d’eau dans la Tiny. Sinon, on trouve facilement de l’eau sur les parkings de sites touristiques. On trouve même des distributeurs d’eau chaude (à 100° car l’eau du robinet n’est pas potable en Chine), ce qui nous permet d’avoir de l’eau chaude pour faire nos lessives dans notre petite machine à laver. Le luxe !
J’en profite pour écrire un petit mot sur le gasoil. C’est le premier pays où nous le trouvons d’aussi bonne qualité. Tous les voyageurs de notre convoi consomment bien moins que d’ordinaire. De notre côté, c’est 15 à 20% de moins. Nous consommons entre 10 et 11 litres « seulement ». On le payait 0,75€ dans le nord du pays et on le paye maintenant environ 10 centimes de plus. Ces différences de qualité sont surprenantes d’un pays à l’autre. En Asie centrale, dans les pays en Stan, nous consommions 15 à 20% de plus que d’ordinaire.
Nous arrivons en début d’après-midi après avoir grimpé un dernier dénivelé pour arriver à 1800 mètres d’altitude au cœur des rizières de Yuanyang. Des pans entiers de montagne sont recouverts de ces parcelles cultivées en terrasses par le peuple Hani depuis des siècles.
Bon, on le sait, ce n’est pas le meilleur moment pour voir ces rizières car la récolte vient d’avoir lieu. Jusqu’en novembre, les rizières sont sèches et marrons. De décembre à mars, elles seront en eau et de juillet à mi-septembre elles seront vertes. Mais bon, nous tenions réellement à venir voir ce paysage culturel des rizières en terrasse des Hani de Honghe, classé au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Ce site de 16 603 hectares abrite, entre 1500 mètres et 2000 mètres d’altitude, des terrasses spectaculaires qui s’étagent sur les pentes escarpées du mont Ailao et descendent jusqu’à la rive sud de la Rivière rouge. Ces rizières ont vu le jour grâce au peuple Hani qui est l’une des 56 minorités ethniques vivant en Chine aux côtés des Han (ethnie dominante = 91 % des Chinois). Les habitants vénèrent le soleil, la lune, les montagnes, les rivières, les forêts et d’autres phénomènes naturels comme le feu.
Bivouac sur un parking dominant les rizières.
Jeudi 26 septembre 2019 :
Nous nous réveillons dans une mer de nuages. On ne voit pas à 50 mètres et du coup, on savoure encore plus notre décision d’avoir prévu du temps à consacrer à ce parc. Heureusement, le beau temps est annoncé pour demain. Nous en profitons donc pour, après une bonne nuit et une grasse matinée réparatrices, de reprendre l’instant d’une journée notre rythme normal de voyageur nomade. Celui de prendre notre temps pour le petit-déjeuner et d’apprécier le bon pain d’Audrey encore fumant et tartiné de la délicieuse confiture de cerises noires offerte par nos amis les Hakuna Matata. Cette saveur du pays basque nous rappelle à notre bonne gastronomie française… Puis, je monte dans mon lit pour trier mes photos et écrire mon blog alors que les enfants écoutent la douce voix de leur Mamantresse. Qu’il est bon ce rythme que nous n’avons plus vécu depuis 26 jours. Qu’il nous tarde de le reprendre de nouveau dans 4 jours au Laos.
La brume se lève en début d’après-midi et nous en profitons pour descendre découvrir ces rizières de plus près. C’est tout simplement impressionnant de voir le dur labeur de ces paysans travaillant ces minuscules parcelles inondées.
Depuis 1300 ans, le peuple Hani a développé un système complexe de canaux qui amènent l’eau des sommets boisés et des sources d’altitude jusqu’aux terrasses. Elle est ensuite canalisée par de petites rigoles qui la distribuent dans les différentes parcelles à inonder. Un système de régulation permet d’évacuer les surplus des fortes pluies et de maintenir l’humidité en cas de sécheresse.
Les hommes labourent les parcelles avec leurs buffles d’eau. Sacrifié à la mort de son maître, cet animal lui servira de guide dans l’au-delà.
Il existe un système de jachère : chaque hiver, des centaines de villageois creusent de nouvelles rizières et remblaient les anciennes. Ce grandiose travail millénaire a créé l’un des plus spectaculaires paysages travaillés par l’homme au monde.
Les Hani ont aussi mis en place un système d’agriculture intégrée qui associe l’élevage (buffles, bovins, canards, poissons et anguilles) et la production du produit de base : le riz rouge. Des canards affamés sont requis pour détruire les parasites, tels que les chenilles et les larves. C’est autant de pesticides en moins.
La vie des Hani est rude, ils ne récoltent le riz qu’une fois par an, soit un rendement six fois moins important que dans les plaines chinoises.
Bon, certes ce n’est pas le moment de l’année où toutes les rizières sont d’un beau vert et inondées. Mais nous avons au moins l’avantage de voir un peu toutes les différentes phases du travail de titan pour entretenir et cultiver ces parcelles. On les voit désherber, labourer, récolter, entretenir les murs des terrasses, ramasser la paille et la faire sécher en en faisant des fagots verticaux, faire les brûlis… tout cela à la main.
Quelques parcelles de riz sont en train d’être moissonnées, sans aucune mécanisation. Les épis de riz, qui ressemblent à des épis de blés sont battus à la main pour en extraire le riz. Plus jamais, je ne laisserai un grain de riz au fond de mon assiette.
Nous passons par quelques-uns des 82 villages accrochés à la montagne, installés entre les forêts des sommets et les terrasses, où l’on trouve des maisons traditionnelles dites « champignons ». Elles sont couvertes de toits de tiges sèches de riz. Les habitants vivent dans la précarité. Les intérieurs des maisons ouvertes ne laissent apparaître que du béton brut et très peu de mobilier. La porte de l’hôpital est également ouverte sur l’extérieur froid et humide. On y voit des malades perfusés et allongés les uns à côté des autres dans une pièce unique. Au fond de la pièce, les étagères de la pharmacie paraissent bien peu fournies.
De vieilles personnes sont extrêmement chargées. En plus de la riziculture, les habitants travaillent à se construire des maisons. Les femmes portent à la force de leur cou des paniers remplis d’une cinquantaine de kilos de sable pour la construction des maisons.
La gestion des déchets est aussi problématique. Une fois sortis de la rue principale propre et entretenue où passent les touristes, les contrebas des villages sont extrêmement sales. Énormément de déchets terminent dans les canaux d’irrigation et donc dans les rizières.
Nous passons dans le village de Shengcun et passons un agréable moment avec quelques commerçants nous offrant en plus de leurs larges sourires des fruits pour que nous les goutions. Nous leur achetons bananes, grenades, mangues, raisins, clémentines, pommes, poires, fruits du dragon… et refaisons le plein de légumes. Que c’est bon cette diversité après nos deux mois passés en Mongolie où le choix se limitait à des carottes, des patates et des oignons. Les enfants, surtout les charmantes petites têtes blondes de nos amis suisses, se font prendre en photo sans cesse.
Du fait de leur isolement, la culture Hani est encore très préservée. Les tenues portées par la majorité des habitants en est bien la preuve. Ils parlent aussi une langue à part.
Nous changeons de bivouac et de point de vue sur les rizières. Partage d’un sympathique moment avec les amis voyageurs au Duoyishu viewpoint.
Vendredi 27 septembre 2019 :
6h30, le réveil sonne. Non pas pour rouler ce matin mais pour profiter des premières lueurs rougeoyantes de l’aube et du lever du soleil sur ce magnifique paysage. Superbe.
La lune est également superbe. Ça y est, au fur et à mesure que nous nous rapprochons de la ligne équatoriale, notre satellite lunaire se trouve de plus en plus à l’horizontal. La lune a en effet une trajectoire qui monte très haut dans le ciel près de l’équateur et beaucoup plus bas dans les régions tempérées. Comme son croissant correspond à sa partie éclairée par le soleil, il est à peu près horizontal à l’équateur et plus vertical dans les régions où la trajectoire frôle l’horizon.
Puis, de nouveau nous descendons, cette fois sous le soleil, à la découverte d’un nouveau hameau et des rizières, celui de Pugao Laozhai. Nous voyons encore une fois l’éreintant travail des Hani.
Et encore d’incroyables points de vues sur cette riziculture en terrasses.
De plus ou moins sympathiques insectes croisent notre chemin.
Nous nous rendons au point de vue de Bada aménagé par un chouette réseau de passerelles et de belvédères. C’est tout simplement superbe, mais vraiment superbe. Le petit côté brouillard n’est que de la fumée des brûlis des déchets de paille. Un petit air de la Terre vue du ciel.
Nous y revenons à l’heure où le soleil que nous avions vu se lever ce matin à l’est, vient de ce côté de la vallée se coucher. Mais les lumières ne sont pas aussi belles qu’on espérait toujours à cause des fumées. Mais faut quand même pas se plaindre !
Samedi 28 septembre 2019 :
Pour ne pas changer nos habitudes, dès 6 heures, nous sommes 5 camions à rouler ensemble en direction du sud. Nous en avons fini avec les visites en Chine mais il nous reste encore quelques centaines de kilomètres avant d’arriver à la frontière.
Plus de 4 heures nous sont nécessaires pour rejoindre via un réseau secondaire en travaux l’autoroute. On aura même fait de la piste en Chine ! Un doux souvenir de la Mongolie et certainement un avant-goût de ce qui nous attend de l’autre côté de la frontière au Laos après-demain !
L’étape du jour est prévue à Puer, encore une ville où les habitants se comptent par millions. Nous préférons ne pas y entrer et préférons la contourner et rejoindre le reste du convoi qui roule à part et qui bivouaque au sud de la ville.
Nous traversons des paysages à présent recouverts de théiers, qui donne le fameux et réputé thé de Puer. Il se cultive également en terrasses.
Petit arrêt au marché local où nous refaisons le plein de fruits, légumes et même de la viande ! Les chinois ne sont toujours pas avares en sourires. Les discussions sont évidemment toujours limitées, voire impossibles mais nous parvenons néanmoins à faire nos courses.
Promenade dans le parc voisin.
Sympathique soirée en compagnie des BAAM, des PLEM et des On perd pas le sud alors que nous apprenons que le reste du convoi est bloqué par une panne du camion des Hakuna Matata qui ne veut plus démarrer. Mais notre bon guide Xia a réussi à trouver un électricien qui s’est déplacé et lui a réparé son démarreur jusqu’à 22 heures passées…
Dimanche 29 septembre 2019 :
Aujourd’hui, pour la dernière étape, nous roulons seuls en direction de la frontière. L’autoroute sillonne entre les montagnes à la végétation de plus en plus dense. Il y a même des panneaux annonçant la présence d’éléphants.
Cette route ne mène qu’à la frontière du Laos mais les ouvrages d’art continuent de nous permettre de franchir ces incroyables dénivelés. Décidément, nous n’aurons traversé la Chine quasiment que sur des autoroutes.
Les barrages militaires et de contrôles de police se font de plus en plus présents. Les frontières du Myanmar (Birmanie), du Vietnam, de la Thaïlande et du Laos ne sont qu’à tout au plus quelques dizaines de kilomètres. Ces endroits frontaliers sont toujours assez sensibles.
En fin de matinée, nous arrivons à Mohan, ville frontalière avec le Laos. Nous sommes venus à bout de ces 7200 kilomètres en Chine. Je suis fier de la Tiny qui a parfaitement roulé ! Au fur et à mesure, le reste du convoi se reforme et nos 8 véhicules sont enfin réunis, comme nous l’étions pendant les 15 premiers jours de notre belle aventure chinoise.
En attendant tout le monde et notamment que les On est tout petit face à la nature changent un flexible de freins qui a lâché à seulement 7 kilomètres de la frontière, nous nous reposons tout l’après-midi. Nous soldons nos derniers yuans en faisant quelques courses et en changeant les grosses coupures qui nous restent dans la rue avec un gars sur un scooter à la sacoche bien garnie de différentes devises. Le taux de change est un peu plus intéressant qu’au taux officiel. Nous repartons avec des kips laotiens au taux de 100 yuans pour 125 000 kips.
Nous prenons plaisir à partager une belle soirée tous réunis autour de nos deux guides Xia et Liu. Anaïs distribue à chacune des familles et des guides, un mignon carnet avec des dessins et des photos de chacun d’entre nous que voici.
Sur une belle idée de Yoan, qui a été à l’initiative de l’organisation de ce convoi, et que nous remercions encore, nous offrons un petit cadeau à la personne que nous avons tiré au sort dans les jours passés. Sympathique moment.
Une étonnante famille chinoise dont je ne vous ai pas encore parlé est là. Je vous avais expliqué qu’on avait séjourné lors de notre passage à Pékin dans une concession de camping-car. L’un des patrons depuis ce jour-là nous a suivis sur des milliers de kilomètres jusqu’à la frontière. Il semble s’être pris de sympathie pour notre convoi et nous a rejoints sur beaucoup de bivouacs. Ils sont encore là ce soir pour nous dire au revoir.
Nous sommes fiers et heureux d’avoir traversé la Chine. Ce n’était pourtant pas gagné de pouvoir traverser la Chine en véhicule à cause des nombreuses contraintes que je vous ai déjà expliquées (guide, permis de conduire, plaque d’immatriculation temporaire…). Et puis, il y avait eu également cette histoire de visa chinois à Oulan Bator qui nous avait déjà beaucoup fait douter et stresser quant à son obtention incertaine. Ce qu’on savait, c’est que c’est la présence de ce fameux tampon turc qui posait problème. Heureusement qu’on avait joint cette lettre manuscrite à notre dépôt de dossier. Nous expliquions dans celle-ci qu’on joignait ce courrier car on savait que le passage en Turquie posait problème, et que notre passage en Turquie n’était qu’à but touristique et que la Turquie n’était qu’un transit entre l’Europe et le Moyen-Orient dans notre tour du monde. Nous étions 6 familles dans le même cas que nous. Les 3 qui ont joint le courrier ont eu leur visa. Les 3 autres qui ne l’ont pas joint ne l’ont malheureusement pas eu, sans explication sur la raison du refus. Toutes les autres familles qui ne sont pas passées par la Turquie ont eu leurs visas. Il est donc clair que c’est ça le problème. Mais nous prenions cependant un risque à la joindre au dossier car volontairement on mettait le doigt sur ce problème diplomatique entre la Turquie et la Chine.
On a finalement compris au gré de nos recherches et de nos rencontres avec certains chinois pourquoi les relations Turquie-Chine étaient actuellement tendues et que le problème venait des minorités en Chine (9% de la population). La lecture de l’excellent article de François Bougon paru dans Mediapart le 30 septembre 2019 nous a permis également d’y voir plus clair. « La Chine souhaite fondre les 56 nationalités de la Chine dans une seule nation auprès des Han. Celle qui pose problème est celle des Ouïghours vivant dans la province du Xinjiang. Il s’agit d’une ethnie musulmane turcophone, qui subit une répression impitoyable au nom de la lutte contre le terrorisme et le séparatisme. Plus d’un million de musulmans, selon les Nations Unies, soit 10% de la population ouïghoure et kazakhe, ont été placés dans des camps de « rééducation » entre 2017 et 2018, sans que cela ne soulève une vague de condamnations internationales. Le seul pays à avoir osé fut justement la Turquie en février dernier. Le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères, Hami Aksoy, estimait que les camps de détention et la politique d’assimilation des Ouïghours étaient une « grande honte pour l’humanité ». « Ce n’est plus un secret pour personne que plus d’un million de Turcs Ouïghours faisant l’objet d’arrestations arbitraires sont soumis à la torture et à un lavage de cerveau politique » déclarait-il. La Chine a évidemment réagi menaçant Ankara de représailles économiques. »… Et sans aucun doute diplomatiques d’où cette difficulté à octroyer des visas à ceux qui avaient visité la Turquie.
Voilà, notre riche aventure humaine chinoise se termine. Elle a été éprouvante au niveau du rythme mais en ce qui nous concerne, nous en garderons un merveilleux souvenir.
A l’aube de notre premier anniversaire de voyage que nous fêterons dans une semaine, une nouvelle page se tourne pour nous dans notre cavale. Dès demain, nous allons donc passer une nouvelle frontière nous ouvrant les portes vers l’Asie du sud-est. A nous la découverte du Laos, du Vietnam, re du Laos, du Cambodge et de la Thaïlande durant les 5 prochains mois.
Et puis, peut-être que notre itinéraire retour va changer. Depuis quelques semaines, il est plus simple d’obtenir un visa pour le Pakistan. Jusqu’à présent, cela aurait nécessité un vol aller-retour en France pour l’obtenir mais depuis peu, on peut faire un e-visa par internet. Et puis, depuis quelques jours, l’Arabie Saoudite, qu’on ne pouvait jusqu’à présent au mieux que traverser avec un visa de transit de 4 jours, a décidé de délivrer des visas touristiques. Voilà donc deux pays qui deviennent faciles à traverser. On se pose donc la question de revenir par le Myanmar, l’Inde, le Pakistan, l’Iran, les Émirats Arabes Unis, Oman, la Jordanie, Israël, l’Égypte et puis descendre ensuite tout le continent africain jusqu’à son point le plus austral. Retour ensuite dans deux ans en bateau (et avion) ou par la route, si on prolonge un peu le voyage…