280 km parcourus du 24 au 27 décembre 2019

45 993 km parcourus depuis le départ

Mardi 24 décembre 2019 :

Nous sommes au Cambodge depuis quelques jours maintenant et avons retrouvé depuis avant-hier nos amis Manuela, Dimitri, Emma, Jean, Anne, Stéphane, Lou et Élisa qui sont venus passer les fêtes de fin d’année avec nous ! C’est avec beaucoup de joie et d’émotion que nous passons du temps avec ces amis de longue date, même de très longue date pour Dimitri avec qui je faisais il y a quelques décennies ma rentrée à l’école maternelle avant qu’Audrey prenne le relais quelques années plus tard sur les bancs du collège… Depuis, nous ne nous sommes pas quittés. Mais s’ils sont tous venus si loin c’est bien sûr pour nous voir mais aussi pour visiter le plus bel endroit du Cambodge. Après s’en être imprégnés hier lors de la visite du Musée national d’Angkor, nous entrons aujourd’hui dans le vif du sujet !

Les Temples d’Angkor

Les Temples d’Angkor, les fameuses tours d’Angkor, la glorieuse capitale de l’Empire khmer durant 500 ans du 9ème au 14ème siècle ! Depuis le temps que nous rêvons de parcourir cette cité de légende que Pierre Loti décrivait comme une « basilique fantôme, immense et imprécise, ensevelie sous la forêt tropicale ». L’archéologue Groslier, quant à lui, la décrivait ainsi : « Il faut se représenter à la fois Versailles, la Concorde, le Louvre, la Place des Vosges et toutes les plus belles cathédrales » … Ça y est, nous y sommes !

Situé au milieu de la jungle tropicale du Tonlé Sap, le plus grand lac d’Asie du sud-est, Angkor se trouve à 7 km de la ville de Siem Reap et dévoile au milieu d’une forêt majestueuse le plus grand et le plus vaste monument d’Asie du sud-est et le plus grand complexe religieux du monde entier, d’une grande importance architecturale, archéologique et artistique pour la culture khmère. C’est aussi l’un des plus beaux sites archéologiques du monde entier qui a été classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Petit mot d’Histoire :

L’empire Khmer fut fondé en 802 par Jayavarman II. Durant la période de prospérité de cet empire, Angkor était sa capitale. Sous le règne de Yasóvarman, vers 889, la région d’Angkor connut sa véritable prospérité. « Angkor » signifie en khmer tout simplement « capitale ». Le site a été choisi en raison de la proximité du grand lac Tonlé Sap, des collines, de la rivière, des plaines fertiles et de la montagne sacrée. Le roi entreprenait des projets ambitieux comme la construction des digues ou l’édification de monuments, l’exécution étant faite par des milliers d’esclaves. Pendant plus de 600 ans de domination, le royaume d’Angkor s’étend vers l’ouest jusqu’en Birmanie et vers l’est jusqu’au Vietnam. Le royaume couvrait alors environ 1000 km² de superficie et comptait près de 750 000 habitants.

Durant cette période, les rois et princes se succèdent : Jayavarnam, Indravarman, Yasóvarman, Harshavarman, Rajendravarman, Udayadityavarman (pas facile à porter comme nom), Sûryavarman, Dharanindravarman (encore moins facile)… Ils construisent les plus beaux temples, élèvent les plus hautes murailles, creusent les profondes douves… De fabuleuses cérémonies royales ont lieu dans ces temples : remparts d’étendards et de fanions, cortège de centaines de filles aux cheveux fleuris, défilés d’éléphants, troupe de femmes en armes, épouses et concubines en palanquin d’or…

Avec le déclin du royaume khmer, à cause des attaques siamoises, la capitale d’Angkor fut abandonnée par la Cour vers 1431. La Cité est alors livrée aux pillages et l’ancienne capitale va perdre de nombreuses richesses dont de somptueux bouddhas d’or et des pierres précieuses. La pierre de grès des temples est utilisée pour faire des barrages dans les rizières. Les statues alimentent le fructueux marché de l’art ancien. Les bas-relief sont sciés. Les bêtes sauvages investissent les lieux et les tigres remplacent les rois. Par la suite, ces temples furent également envahis par la végétation foisonnante de la jungle du Tonlé Sap. Au milieu du 16ème siècle, un roi cambodgien retombe sous le charme en chassant l’éléphant dans la jungle. Il fait dégager la végétation pour y installer sa Cour. La cité engloutie est restaurée.

Angkor devient le plus grand chantier archéologique du monde au 20ème siècle, grâce en particulier à l’École Française d’Extrême-Orient. Sous l’égide de l’UNESCO, une vingtaine de pays étrangers participent aujourd’hui à la préservation et à la restauration du site. Les nombreux travaux de restauration ont permis de retirer le site de la Liste du Patrimoine mondial en péril.

Étendu sur plus de 400 km² de superficie, le site d’Angkor laisse aujourd’hui comme héritage patrimonial une immense ruine archéologique et une vaste collection de vestiges anciens partagés entre la croyance hindouiste et la pensée bouddhique. On y compte environ 40 temples de style hindouiste ou bouddhiste où on vient prier Shiva, Vishnou et Brahmâ, mais également des centaines de palais, de structures hydrauliques dont des bassins, des digues, des réservoirs et des canaux.

A travers ces temples et ces plans hydrauliques, ce centre culturel et administratif de l’empire khmer témoigne de l’ingéniosité et de la noblesse de l’architecture de cette période, tout en soulignant la hiérarchie sociale, la valeur culturelle, religieuse et symbolique au sein de cet empire.

Nous achetons (62 dollars quand-même par personne !) nos tickets donnant accès au site pour 3 jours. C’est pas donné mais toujours beaucoup moins qu’un grand parc d’attraction français… Il nous faut par contre choisir parmi les 287 temples recensés dans toute la région d’Angkor. Mais les plus beaux sont regroupés dans un petit circuit de 15 km et un grand circuit de 24 km. Comme d’habitude, Audrey a potassé les livres touristiques et va nous guider !

Nous allons également nous servir des précieux conseils des voyageurs passés avant nous. Étant véhiculé, nous n’avons pas besoin comme 99,9% des touristes de louer les services d’un tuk-tuk ou de nous déplacer en bus. Et des touristes, il y en a. Plus de 2 millions cette année alors que le site n’accueillait que 10 000 visiteurs en 1993.

Nous entrons dans le site d’Angkor Wat qui aurait été trois fois plus vaste que celui d’aujourd’hui. Mais selon les archéologues, plusieurs désastres environnementaux (inondations, surpopulation et déforestation) ont pu être à l’origine de l’effondrement de la civilisation khmère au 14ème siècle.

Preah Khan, une atmosphère féerique entre les racines d’arbres géants

Plus qu’un temple, Preah Khan était une antique ville de 50 hectares disparue, entourée de douves. Il était le centre de diffusion de la culture khmère. On y trouvait une université bouddhique édifiée en l’honneur de la victoire de Jayavarman VII contre les Chams. Durant l’âge d’or de l’Empire angkorien, il accueillait plus de 1000 professeurs. La ville abritait un monastère et ses 430 divinités. 100 000 âmes vivaient dans plus de 5000 villages aux alentours du temple. Malgré le vandalisme et le pillage, il reste quelques sculptures. La végétation s’est développée parmi les pierres.

Neak Pean, temple insulaire

Pour accéder à ce temple, nous traversons par des passerelles le Baray oriental, un immense réservoir d’eau artificiel qui servait à irriguer les douves, les bassins et les rizières de la ville. Les fleurs de lotus poussent dans ce lac.

Neak Pean est un endroit assez étonnant construit à l’époque de Jayavarman VII, dans la seconde moitié du 12ème siècle. Au milieu du bassin principal entouré d’escaliers se trouve une petite île. Autour 4 plus petits bassins. Des animaux fantastiques sont sculptés sur le temple dont deux nagas géants. Un cheval mythique tire des hommes par sa queue, mais nous ne voyons que le cheval. Le bassin central est une réplique d’un lac de l’Himalaya tibétain, très sacré dans la mythologie hindoue.

Retour vers le futur avec un petit mot sur le Baray occidental que nous allons voir un peu plus tard en repartant de Siem Reap mais je vous en parle maintenant car il s’agit du deuxième bassin artificiel de la cité. Il se trouve à 12 km de la ville. C’est un immense réservoir d’eau de 8 km sur 2 km. Il fut aménagé au 11ème siècle également pour alimenter la capitale. Au centre de ce dispositif hydraulique colossal, un Mébon, petit temple similaire à celui que nous venons de voir est en restauration.

Ta Som, envoûtant et étranglé par les racines

Ta Som (fin du 12ème siècle) est remarquable pour sa tour d’entrée flanquée de plusieurs visages. Mais on vient également voir ce joli temple dédié à la mémoire des ancêtres pour son entrée arrière prisonnière d’un magnifique et énorme Banian.

Petite pause déjeuner pour reprendre des forces !

Le Mébon Oriental, un autre temple-montagne

Ce temple était à sa fondation en 952, au centre du grand lac artificiel Baray Oriental, mais transformé depuis partiellement en rizière. Dans l’enceinte, quatre tours en quinconce encadrent le sanctuaire. De remarquables fausses portes en grès sculpté décorent les lieux. Nous observons aussi de très détaillés frontons et linteaux. L’endroit est magnifique. Seul le temple subsiste de ce qui à l’origine était devenue la capitale. Des lions et des éléphants en grès ornent les escaliers et les angles des deuxième et troisième niveaux.

Ta Prohm, notre coup de cœur

Construit en 1186, il fut autrefois l’un des plus gigantesques Temples d’Angkor. Il y a 8 siècles, ce monastère du roi possédait 3140 villages et son service employait près de 80 000 personnes dont 615 danseuses, toutes vivant dans l’enceinte de 60 hectares de cette ville dans la ville. Les dignitaires dormaient dans des draps de soie et mangeaient dans des assiettes en or. La tour centrale était couverte de pierres précieuses. Mais il est resté par la suite longtemps abandonné dans la jungle.

Ce lieu romantique et magique est localisé dans la partie est d’Angkor et envahi par les ficus, les banians et les fromagers gigantesques. La végétation reprend ses droits. On y trouve des arbres centenaires appelés « Tetrameles nudiflora » dont les grosses racines mythiques sont entrelacées entre les pierres comme si elles voulaient recouvrir le temple pour dessiner une image mystique. Un spectacle surréaliste. Mais ces arbres tentaculaires sont les ennemis des archéologues car les graines enfouies dans les déjections d’oiseaux, se retrouvent posées sur les ruines et germent en s’insérant entre les pierres. Elles dévorent les statues, les branches traversent les portes et fenêtres, les racines grimpent sur les murs, s’enroulent autour des linteaux et fendent les porches voûtés… Toujours est-t-il que l’endroit est envoûtant. Le lieu a d’ailleurs servi de décor pour le tournage du film Tomb Raider avec Angelina Jolie.

L’endroit est en travaux colossaux de restauration. Les photos avant/après sont impressionnantes.

Notre livre adoré Atlas Obscura, offert par le frère d’Audrey avant de partir, recense 650 endroits insolites dans le monde, une collection de lieux rares et de curiosités. Et nous aimons organiser notre voyage en piochant dedans des idées de visites. Bon, nous n’avons pas eu besoin de ce guide pour venir visiter Angkor mais, un détail est présenté dans ce superbe livre, « le Dinosaure de Ta Prohm ». Une étonnante sculpture sur l’un des murs du temple ressemble à un stégosaure. Étonnant sur un temple du 12ème siècle ! Mais où est-t-il caché… Une chasse au trésor s’organise alors et petits et grands de notre grand groupe de 12 s’amuse à chercher ce dinosaure… Bon on ne l’aurait pas trouvé sans l’aide d’un gentil monsieur car il est bien caché dans un petit coin. Effectivement, l’animal présente une rangée de pointes sur le dos et la queue…

C’est face au Srah Srang, que nous terminons cette riche, passionnante et envoûtante journée à Angkor.

Le réveillon de Noël se passe assez rapidement car d’une part, ma grande Anaïs n’est toujours pas remise de son petit virus et doit passer la soirée au lit, et d’autre part la journée d’aujourd’hui a été bien fatigante pour nos enfants qui ont bien marché toute la journée dans les temples sous une chaleur écrasante (35° ressentis) et la journée de demain ne le sera pas moins ! Je reste dans la Tiny à savourer des petits gâteaux de Noël de ma sœur adorée alors qu’Anaïs dort dans son lit. Le reste de la troupe part se faire un petit resto. Dès qu’Audrey rentre prendre le relais pour notre petite puce, je file retrouver les copains pour fêter le réveillon autour de quelques verres…

Mercredi 25 décembre 2019 :

Le Père Noël nous offre aujourd’hui l’un de nos plus beaux cadeaux : un lever de soleil sur le temple d’Angkor Wat ! Merci la vie ! Le réveil a sonné de bonne heure ce matin, pour pouvoir être dès l’aube au pied de ce monument mythique, le plus grand monument religieux du monde entier. Ce joli cadeau restera un souvenir fort de notre voyage au même titre que le lever du soleil sur le Machu Picchu il y a 5 ans alors que nous étions en compagnie de mon papa et du frère d’Audrey dans les montagnes des Andes péruviennes.

Mais il y a toujours un envers du décor que j’aime bien vous montrer…

L’avantage d’avoir la Tiny avec nous est que nous pouvons y retourner après ce moment magique pour prendre un petit déjeuner mais surtout pour ouvrir les autres cadeaux du Père Noël. Quel bonheur de partager ce moment avec des amis qui nous sont chers alors que nous sommes éloignés de notre famille pour ces fêtes de fin d’année.

Angkor Wat, un chef d’œuvre majestueux

C’est le temple le plus grand, le saint des saints, le mieux conservé du site archéologique d’Angkor, le Parthénon de l’architecture angkorienne et donc le plus connu. Avec une longueur totale de 1500 m et une largeur de 1300m, Angkor Wat est le temple le plus sophistiqué du complexe. Il est entouré par un mur externe de 3,6 km de longueur, richement décoré à l’intérieur comme à l’extérieur avec des sculptures hindouistes. Il abrite à l’intérieur une douve large de 190 m et trois galeries rectangulaires, chacune construite l’une à l’intérieur de l’autre. 300 000 ouvriers et 6000 éléphants auraient participé à cette construction de 210 hectares qui a duré 37 ans. Selon certains spécialistes, il aurait fallu autant de pierres pour le construire que pour la pyramide de Khéops, la plus haute des Grandes Pyramides de Gizeh.

Censé être invulnérable, ce temple a d’ailleurs servi de refuge à la population de Siem Reap au début de la Guerre civile en 1970 dont je vous parlerai dans le prochain article.

Compte tenu de sa valeur culturelle, historique et naturelle, le temple est considéré comme la huitième merveille du monde. Angkor Wat a préservé son architecture khmère d’origine. Le Cambodge est l’un des seuls pays avec l’Afghanistan à faire figurer un monument national sur son drapeau national.

Il a été édifié au 12ème siècle (en même temps que Notre Dame de Paris) par le roi Sûryavarman II pour honorer la divinité Vishnou (Dieu suprême de l’Hindouisme) d’où sa construction exposée à l’ouest. Vishnou est l’un des trois principaux dieux du panthéon hindou dont les autres sont Shiva et Brahma. Cet endroit a été ensuite converti au culte bouddhiste vers le 14ème siècle. C’est pourquoi, on trouve sur chaque recoin de ses structures de nombreux bas-reliefs religieux marquant ces deux religions. On compte plus de 1200 m² de bas-reliefs sculptés dont la plupart retracent la valeur et l’histoire de la culture hindoue.

Aujourd’hui, il est fréquenté par des moines bouddhistes qui viennent encore en pèlerinage sur le site.

Soigneusement décoré, cet endroit est un somptuaire religieux. Chaque recoin du lieu est recouvert par des sculptures représentant des dieux, des hommes et des animaux dont la plupart marquent l’histoire et la culture khmère. Les bordures, les moulures et les chapiteaux sont également ornés par des décorations florales.

Construit avec des grès de différentes couleurs et de la latérite, le temple d’Angkor Wat dispose de deux structures dont le temple-montagne et le temple à galeries.

Autour de l’enceinte extérieure, un superbe pont couvert d’une chaussée de pierres (actuellement en travaux) enjambe les douves de 1,3 km de côté, larges de 190 mètres et profondes de 2 à 3 mètres. Des statues de lions et de nagas (serpents géants à 7 têtes) précèdent cette voie royale.

Nous entrons sur le site par l’entrée principale.

Une fois l’entrée principale passée, une autre chaussée longue de 400 mètres, dont les côtés sont des balustrades de pierre représentant un naga, est bordée de pavillons appelés bibliothèques et de deux grands bassins aux ablutions.

On arrive face à la façade principale du temple, longue de 235 mètres. L’entrée de la tour centrale était réservée au roi, les deux voisines aux dignitaires de la Cour et celles des extrémités aux éléphants royaux. Les serviteurs, moins considérés, entraient par d’autres portes à l’arrière.

L’architecture du sanctuaire se base sur le principe de temple-montagne qui affiche d’habitude une pyramide de trois niveaux rectangulaires. Au-dessus du troisième niveau, le temple est dominé par une tour principale qui est quant à elle entourée par cinq tours de lotus disposées en quinconce qui correspondent exactement aux cinq sommets de la montagne. Comme toutes les autres structures sur le site d’Angkor, les tours sur ce temple sont également conçues sous la forme pyramidale. Appelées prasats, chaque tour de lotus se dresse à plus de 65 mètres de hauteur. On accède au sanctuaire central par des escaliers abrupts. A l’intérieur, un vrai labyrinthe et une succession de terrasses, d’escaliers, de cours, de petits autels, des ruines de bibliothèques et des bassins aux ablutions.

Le temple à galeries en renferme trois reliées par un couloir qui s’étend sur toute la longueur du temple. Chaque galerie héberge des statues de bouddha. A travers ces murs d’enceinte et les murs des galeries, le temple affiche plus de 2000 sculptures. Les façades des linteaux ou des frontons affichent aussi des sculptures de Vishnou et de Krishna. Hormis les sculptures hindouistes et bouddhistes, Angkor Wat dévoile plusieurs gravures et bas-reliefs qui mettent en valeur les personnages de la mythologie. Les murs des galeries sont gravés sur deux mètres de hauteur et 200 mètres de largeur. Soit au total 800 mètres de chefs-d’œuvre gravés dans le grès.

La plus célèbre et le plus extraordinaire est le « barattage de la mer de lait ». Un immense panneau admirablement sculpté représente 88 démons sur la partie droite et 92 divinités sur la gauche barattant 1000 ans durant la mer de lait à l’aide d’un serpent géant. Ils tentent d’extraire l’élixir d’immortalité.

Angkor Thom et ses 37 statues à 4 visages

Angkor Thom est une ville fortifiée avec plusieurs temples. Une longue avenue bordée d’arbres mène à la porte sud caractérisée par une sublime arche de 23 mètres de hauteur surmontée d’un mystérieux Bouddha à quatre visages coiffé d’une tiare de pierres. De  chaque côté du pont franchissant les douves, 54 statues de géants soutiennent le naga sacré comme lors d’une compétition de tir à la corde : c’est le « barattage de la mer de lait ». A gauche 54 dieux, à droite 54 démons.

Nous entrons dans la vaste ville fortifiée d’Angkor. Mais les constructeurs d’Angkor n’ont pas imaginé que plus de 800 ans plus tard, une Tiny house devrait passer sous cette magnifique tour sud surmontée de 4 visages gigantesques, leurs regards tournés vers les 4 points cardinaux… ça passe au poil près ! Mieux vaut bien connaître sa monture car les rétroviseurs et les débords de toits de la cabane frôlent des deux côtés les murs…

On pénètre dans la ville royale, centre du site archéologique et apothéose de l’ère angkorienne. La cité d’Angkor Thom est encerclée de hautes murailles de 8 mètres sur une longueur de 12 km ! Autour des douves de 100 mètres de large ! Cinq portes monumentales permettent l’accès à la ville. Les dimensions donnent le tournis mais il faut imaginer qu’au Moyen-âge, la capitale hébergeait 100 000 habitants. Leurs maisons, en bois et en paille ont disparu avec le temps. Seuls subsistent les résidences des Dieux en pierre.

Mais avant de partir de nouveau visiter un nouveau temple, une petite pause récupératrice s’impose.

Le Bayon, majestueux temple bouddhiste de la fin du 12ème siècle, est au centre de la ville d’Angkor Thom. Son nom, signifiant « montagne magique » est une forêt de têtes gigantesques regardant dans toutes les directions. De la massive montagne de 54 tours, il en reste aujourd’hui 37. Elles sont ornées de quatre visages illustrant les 4 vertus de Bouddha (sympathie, pitié, humeur égale et égalité), soit à l’origine 216 visages aux sublimes sourires énigmatiques. Le temple-montagne du Bayon est une pyramide à 3 niveaux, d’une hauteur de 43 mètres. Le plan intérieur est un labyrinthe d’une grande complexité. Des tours-sanctuaires se retrouvent partout suivant d’abord un carré près de l’enceinte puis un cercle autour de la montagne centrale. Un dédale d’allées, de portes, de galeries, de terrasses, d’escaliers, de tours…

Mais c’est depuis le haut du temple que nous pouvons approcher le mieux ses fabuleux visages, avec encore une fois un envers du décor…

Le temple est orné de fabuleux bas-reliefs, aussi riches que ceux d’Angkor Wat. Plus de 10 000 personnages sont sculptés sur 1,2 kilomètre de long sur les murs extérieurs des galeries du premier nouveau. Les motifs relatent les exploits de l’armée angkorienne (défilés militaires, scènes de batailles…) et la vie quotidienne des khmers au 12ème siècle : pêche, chasse, combats de cochons, scènes de marché, accouchement, vie quotidienne du roi. Ces détails sont assez inhabituels à Angkor car la plupart des panneaux sont de nature religieuse.

Anaïs ne manque pas un instant pour sortir son carnet de croquis.

Le Baphuon (dont l’accès est interdit aux moins de 12 ans, dommage pour les 4 plus jeunes) est l’un des plus grands édifices religieux du Cambodge ancien et fut probablement l’un des édifices majeurs autour duquel se structura la ville angkorienne. Il est implanté au cœur de la Cité royale d’Angkor Wat. Ce temple fut construit au milieu du 11ème siècle, donc avant Angkor Thom. Une telle construction de pyramide vertigineuse, était un exploit pour l’époque. Le bâtiment fut entièrement démonté pierre par pierre mais le travail fut interrompu par la guerre en 1971. Puis les archives ont disparu en 1975 laissant un jeu de Lego de 100 000 pierres démontées et sans mode d’emploi pour le remonter. Mais depuis 2012, un programme de reconstruction par l’École Française d’Extrême-Orient a permis de restaurer l’édifice.

Le plus remarquable reste la façade occidentale du 2ème étage que les artisans de l’époque suivante ont transformé en Bouddha géant long de 60 mètres. A gauche de la façade, la tête. Au milieu, au niveau de l’escalier, son buste. A droite, ses pieds.

Le Palais Royal est un palais fortifié du milieu du 10ème siècle, de 581 x 242 mètres, entouré de douves et de murailles. Il en subsiste aujourd’hui le Temple de Phimeanakas (le Palais Céleste). Le toit en or a disparu. Les lions des escaliers sont toujours en place. Les bassins royaux, en grès ont également survécu.

La Terrasse du Roi lépreux, haute de 6 mètres, a servi de lieu de crémation. De superbes bas-reliefs sont gravés sur les murs : divinités, nagas, génies, monstres… Une merveille de sculpture, parmi les plus belles représentations de l’art khmer.

La Terrasse des Éléphants fut aménagée au 13ème siècle sur 350 mètres de longueur en bordure du Palais Royal. Les trois terrasses principales sont aussi décorées de bas-reliefs : éléphants, lions, tigres, oies et fleurs de lotus. De cet endroit, le souverain, sa famille, ses ministres pouvaient passer en revue les troupes et assister aux spectacles donnés sur la grande place.

En face, des vestiges de 12 tours sont disséminés dans la végétation. Ce sont les Prasat Suor Prat, disposées symétriquement autour de la Porte de la Victoire.

Nous reprenons la cavale, et il nous faut sortir de la ville fortifiée par une porte pas plus large que par laquelle nous sommes entrés !

Preah Rup, la pyramide rouge

Notre deuxième et intense journée touche à sa fin et nous avons bien mérité un coucher de soleil. Pour cela, nous choisissons le temple Preah Rup, une imposante pyramide de brique, construite au 10ème siècle sur plusieurs niveaux. A l’intérieur de l’enceinte, 4 tours en quinconce encadrent le sanctuaire. Elles ont de jolies portes en grès sculpté et de beaux linteaux.

Du haut de la pyramide, le coucher de soleil sur la jungle envahissant les Temples d’Angkor est magnifique mais je préfère descendre au pied du monument et me ravir de la lumière qui décline et de la teinte que prend la pierre de latérite rouge. C’est magique.

Retour dans la circulation bien dense vers l’hôtel de nos amis et de notre bivouac toujours établi sur le parking des Artisans d’Angkor. Victor ne manque pas un instant pour retourner dès qu’il peut sculpter son bout de calcaire sous le regard bienveillant des salariés de l’association.

Après un petit resto pas top, nous allons vite au lit car nous sommes tous bien fatigués après cette très longue journée et le lever matinal de ce matin…

Jeudi 26 décembre 2019 :

Sur les bons conseils de nos amis voyageurs passés auparavant, nous avons décidé de ne pas faire trois jours consécutifs sur les temples. Le ticket d’entrée de 3 jours est valable sur une période de 10 jours. Nous sortons des sentiers battus et filons vers le village flottant de Kompong Khleang, l’un des nombreux bordant le lac Tonlé Sap mais qui n’est pas encore beaucoup exploité par l’industrie du tourisme.

En route, nous nous arrêtons acheter du sticky-rice, le fameux riz gluant ici cuit au feu de bois dans des bambous. Nous profitons de cet arrêt pour observer la 14ème éclipse annulaire du soleil du 21ème siècle. Bien trop lumineuse pour qu’on puisse la prendre en photo mais on l’a bien observée.

Le Tonlé Sap se traduit par « la grande rivière d’eau douce » ou « le grand lac » et c’est un système hydrologique vital au Cambodge. Il a été désigné Réserve de Biosphère par l’UNESCO. Le lac occupe un bassin formé par la collision entre le sous-continent indien et l’Asie. C’est la plus grande étendue d’eau douce d’Asie du Sud-Est. Une rivière nommée aussi Tonlé Sap mesurant 120 km de long, inonde le lac et le relie ensuite au Mékong à Phnom-Penh. La confluence entre ces deux rivières forme une plaine inondable. La dimension du lac change en fonction de la saison. C’est durant la saison des pluies de juin à novembre que le lac est rempli par l’eau du Mékong. A cette période, il atteint une profondeur de 14 mètres et s’étend jusqu’à 13 000 km². Tandis qu’en saison sèche, de novembre à mai, le lac s’étend sur 3 000 km², avec une profondeur de deux mètres. Le lac sert ainsi de déversoir en période de hautes eaux et de réservoir en période de basses eaux. Le lac sert aussi de barrière naturelle, agissant comme une vanne de sûreté contre les inondations du Mékong. Lorsque le niveau de l’eau descend, celle-ci laisse des dépôts de sédiments qui fertilisent la terre pour l’agriculture de la région. Ainsi, trois récoltes de riz ont lieu dans la région au lieu d’une à deux pour le reste du pays.

Arrivés à Kompong Khleang, nous longeons une longue rue bordée de maisons très haut perchées sur pilotis. La période sèche est commencée et les rues ne sont plus inondées par les eaux du lac. Mais vue la différence d’eau de plus de 10 mètres entre les deux saisons, on peut imaginer que l’eau doit arriver non loin des planchers.

Nous garons la Tiny dans la cour du temple, observés par des enfants cambodgiens.

Puis nous allons prendre possession des chambres de nos amis dans une belle guesthouse logée dans une maison traditionnelle sur pilotis.

Dans ce village, il n’y a quasiment pas de voitures mais que des deux ou trois-roues.

Rapidement, nous embarquons pendant 1h30 sur un bateau en descendant le cours de la rivière jusqu’au lac Tonlé Sap. Nous nous rendons compte de la précarité de nombreuses familles. Nous sortons de la ville et arrivons au milieu de rizières et plantations de soja où broutent quelques vaches et buffles d’eau.

Nous croisons de nombreux bateaux revenant de la pêche. Le lac Tonlé Sap constitue en effet une ressource commerciale importante et est considéré comme l’une des zones de pêche d’eau douce les plus productives du monde. Il fournit plus de la moitié du poisson consommé au Cambodge. 90% des habitants des trois millions de personnes habitant autour du lac gagnent leur vie de la pêche et de l’agriculture.

Puis, nous traversons un véritable village flottant où les maisons se déplacent tout au long de l’année (plus de 10 fois par an) au rythme des moussons qui gonflent ou dégonflent ce lac selon le principe des vases communicants. Nous observons ce mode de vie locale bien préservée où les habitants semblent vivre dans une atmosphère paisible. C’est ici que le peuple khmer est installé depuis la nuit des temps sur des villages lacustres.

Puis d’un coup, nous arrivons dans le lac Tonlé Sap, une immense mer intérieure dont les berges sont envahies de forêts de mangrove. Le bateau coupe son moteur et notre regard se perd au milieu de cette immensité où même la ligne d’horizon disparaît. La couleur de l’eau et du ciel se confondent. Moment magique, incroyable.

Malheureusement, ce lac est au bord de la rupture écologique à cause de la poussée démographique, la surexploitation des ressources (surpêche, braconnage), la destruction de la forêt inondée qui se voit transformée en terres agricoles, la coupe pour bois de chauffage, l’invasion par les jacinthes d’eau. Il faut ajouter à cela les conséquences des barrages hydrauliques dont je vous ai déjà parlés auparavant. En effet, les poissons qui remontent le fleuve sur des centaines de kilomètres pour pondre leurs œufs avant que les larves ne reviennent avec les crues, attirant une foule d’oiseaux (pélicans, marabouts, cormorans, hérons, aigrettes, cigognes…) voient arrêter leur progression par toutes ces constructions hydrauliques.

Retour à la guesthouse où nous mangeons un repas traditionnel dont le prahoc, cette pâte de poissons, typique de la région.

Vendredi 27 décembre 2019 :

De bon matin, alors que les moteurs bruyants des pirogues nous ont déjà réveillés depuis longtemps, nous profitons d’un joli lever de soleil et de l’agitation du retour de pêche.

Puis, nous partons marcher dans le village entre les deux longues rangées de maisons sur pilotis où la vie des locaux est intimement liée au rythme des eaux. Nous nous retrouvons au cœur de cette vie 100% authentique et pas du tout touristique dans le bout de ce village. La majorité des quelques touristes venant dans ce village restant sur l’autre rive et faisant au mieux la sortie en bateau que nous avons faite. La culture et le mode de vie de ces communautés ne semblent ainsi pas perturbées. On ressent de la pauvreté dans ce village pittoresque. Il y a très peu de paraboles et les habitants ne sont pas accrochés à leurs téléphones portables. Les déchets jonchent les rues.

Nous recevons par dizaines des signes de sympathie. On voit plusieurs enfants partout, très accueillants, jouant et nous saluant tous d’un signe de la main. Ils jouent avec pas grand-chose. Pas de jeux. Quelques vélos au mieux. Ils vivent dans la pauvreté mais débordent d’énergie et de joie de vivre !

La cavale reprend pour notre troisième journée de visite des temples d’Angkor, en direction d’un site un peu isolé à une cinquantaine de kilomètres des principaux autres temples.

Kbal Spean, la rivière sculptée

Sur les bons conseils de nos amis les BAAM, nous avons choisi d’intégrer à notre parcours cet étonnant site naturel. Il est en effet à l’écart, de par son isolement rendant difficile l’accès, et de par sa petite rando escarpée de 2 km éloignant définitivement tous les chinois incapables de marcher et de sortir des passerelles bien aménagées avec points de vue pour selfies. L’accès au site archéologique se fait donc à travers une agréable et dense forêt.

Puis, nous arrivons au niveau du cours d’une rivière dont le fond a été sculpté de milliers de lingams, des petits carrés de pierre qui tapissent le fond de l’eau. Ces lingams servaient à bénir les eaux avant qu’elles atteignent la Cité royale. Des bas-reliefs, représentant les divinités du panthéon brahmanique, sont aussi sculptés sur les rochers. Le niveau de l’eau est bas en ce moment nous laissant bien voir le détail de ces sculptures.

Banteay Srei, une délicate dentelle de sculptures

Un peu à l’écart aussi des principaux temples, notre choix de dernier monument à visiter se porte sur le mythique temple de Banteay Srei perdu au milieu des marécages à 25 km au nord d’Angkor. Récemment restauré, le petit temple de Banteay Srei a été construit en 967 pour honorer la divinité Shiva. En contraste avec les autres temples, ce monument bâti dans du grès rose se démarque à travers ses sculptures en relief, proches de la perfection. Une véritable dentelle de pierre avec une multitude de décors floraux et de gracieuses figurines. Presque tous ses recoins sont entièrement décorés avec des dessins en relief. Les linteaux des portes portent des gravures encadrant des scènes de la mythologie brahmanique. Dans la cour intérieure, plusieurs pavillons gardés par des lions en pierre, et deux belles bibliothèques encadrent le sanctuaire. Les niches de la cour centrale abritent des statues de divinités.

Nous sommes tous bien fatigués de notre dernière journée à Angkor, mais d’un commun accord, nous décidons de retourner voir l’un de nos temples préférés, Ta Prohm. Ce magique monument étranglé par les racines. En cette heure proche de la fermeture du site, nous apprécions que ce site majeur se soit vidé de ses touristes et en particulier chinois car ce sont bien les plus désagréables sur les sites mais il me semble que je vous ai déjà tenu ce discours…

Voilà, nous en avons terminé de cette fascinante visite des temples d’Angkor. Retour de nuit à Siem Reap et le rythme dense et intense que nous proposons à nos amis venus passer des vacances au Cambodge continue. Ils vont revenir fatigués en France ! Notre grand Jean est bien courageux malgré le virus qu’il a récupéré certainement d’Anaïs. A peine arrivés et nos véhicules garés, nous sautons dans deux tuk-tuk, dont un chargé de 8 personnes (au lieu de 4 personnes maxi mais j’ai proposé un dollar de plus au chauffeur qui a accepté ma course), et nous faisons la surprise à nos 6 enfants de leur offrir un magnifique spectacle au Phare Circus, un cirque pas comme les autres. Lorsqu’on entend le mot cirque, on pense aux tigres, aux clowns, et au monde des enfants ! Mais à Phare Circus, le terme adapté serait davantage « show » puisque différentes disciplines artistiques comme la musique, le théâtre et la danse se mêlent au spectacle. Ici, le cirque n’est donc pas uniquement réservé aux plus petits.

Depuis 35 ans, l’association Phare Ponleu Selpak (« The Brightness of the Arts ») utilise l’art comme moteur du développement social et humain. Elle a pour mission de donner une éducation artistique à des jeunes issus de milieux défavorisés en vue de leur apporter des opportunités de carrière dans différents domaines artistiques. Au Cambodge, il existe encore d’importants problèmes sociaux (drogues, violences domestiques) auxquels de nombreux enfants sont confrontés chaque jour. C’est la raison pour laquelle l’association participe activement au programme de protection des plus jeunes. Elle leur permet également de recevoir une solide éducation dans le domaine des arts vivants. Aujourd’hui, ce sont au total près de 1500 jeunes qui bénéficient du programme mis en place par « Phare Circus ».

Nous avons déjà vu de beaux spectacles mais celui-là nous fait découvrir le cirque comme on ne l’avait jamais vu. Nous sommes tous autant charmés, même Dimitri qui adore désormais les saltimbanques, par le talent que par l’énergie débordante des artistes de l’association. Une heure de surprises et de rires dans un spectacle chaleureux, au travers les codes du cirque traditionnels : jonglerie, rouleaux américains, trapèze, figures acrobatiques… Le tout est accompagné de chant, danse, et superbe musique composée par des artistes khmers.

Re tuk-tuk pour terminer cette longue journée dans un bon resto indien.