1616 km parcourus du 8 au 15 février 2020

50 448 km parcourus depuis le départ

Samedi 8 février 2020 :

Phuket

Le réveil nous sort ce matin du lit à 5 heures. Le moment est venu d’accompagner Liliane, Daniel et Alexandre à l’aéroport international de Phuket. Déjà 15 jours passés ensemble en Thaïlande. Il n’y a juste qu’à traverser la route à pied en les aidant depuis l’hôtel à faire rouler leurs lourdes valises que nous avons contribué à remplir au maximum du poids autorisé de choses dont nous n’avons plus besoin et qui nous encombrent. Le moment de la séparation est comme d’habitude difficile et nous rappelle à chaque fois que le plus gros sacrifice de notre voyage que nous faisons et que nous imposons à notre famille est bien entendu cet éloignement. Mais encore une fois, nous avons la chance qu’ils nous rejoignent régulièrement. Depuis le début de notre aventure, nous avons déjà reçu à 6 reprises de la famille et des amis. Et deux autres rendez-vous sont déjà pris pour les prochains mois. Et un troisième sur le point d’être confirmé pour l’Afrique Australe !

Retour à la Tiny qui nous paraît bien vide. Le soleil n’est pas encore levé. Anaïs et Victor parviennent à se rendormir. Notre bivouac n’est pas au top et assez bruyant avec la proximité immédiate des cuves de kérosènes et avec les mouvements incessants des avions. Mais nous profitons des machines à laver voisines pour redonner un peu d’éclat à nos draps. L’école reprend aussitôt les enfants réveillés, après ces vacances de 15 jours.

Puis, nous prenons la route en fin de matinée pour aller récupérer un colis chez le transporteur DHL à Phuket qui contient notre nouveau Carnet de Passages en Douane (sorte de passeport pour le véhicule imposé par certains pays pour y entrer). Il nous sera nécessaire dès l’Inde et le Népal. Puis, direction le garage MERCEDES pour remplacer le disque de freins usé prématurément dont je vous parlais dans un précédent article. Le nouveau nous a été livré par Alexandre. Mais le garage refuse de nous dépanner, prétextant qu’ils n’ont pas de cric assez gros pour lever la Tiny. C’est plutôt qu’ils n’ont pas envie de s’embêter avec un vieux véhicule de 22 ans et qu’ils préfèrent entretenir les énormes berlines de la marque à l’étoile des riches habitants de l’île de Phuket (sachant que les véhicules importés en Thaïlande sont taxés jusqu’à plus de 300% de leur valeur !).

Mais ils acceptent cependant de nous emmener dans un autre garage qui se met aussitôt au travail et nous remplace rapidement l’organe défectueux. Pas de perte de temps pour les enfants qui en profitent pour faire l’école durant la réparation. Nous voici d’attaque pour continuer notre cavale sur les routes du monde.

Nous n’avons pas envie de traîner autour de Phuket et de ses jolies plages bondées où s’alignent les parasols et les touristes au pied d’immeubles en béton. Nous avons en effet eu le luxe de pouvoir profiter de superbes plages quasi désertes jusque-là et d’autres sont encore au rendez-vous. De plus, comme la ville de Pattaya, Phuket a la réputation sulfureuse d’être un haut lieu du tourisme sexuel et de la prostitution. Donc pas trop d’envie d’aller nous promener au milieu des salons de massages où les très jeunes masseuses proposent aux occidentaux l’option « happy ending ».

Retour dans le Parc national de Sirinat, où nous étions avec les parents et le frère d’Audrey pour notre dernière soirée ensemble. Derrière une forêt de pins, nous accédons à un immense cordon de sable. C’est la plus longue plage de l’île, près de 13 km. Nous bivouaquons sur un des parkings bordant la plage.

Dimanche 9 février 2020 :

Alors qu’Audrey passe la matinée à faire l’école, je pars marcher sur la plage de Nai Yang et de sa voisine Mai Khao, afin d’aller observer d’on ne peut plus près l’atterrissage des avions sur l’aéroport de Phuket. Ce site fait partie de quelques plages réputées dans le monde (avec celle de Saint Martin) pour voir de très près les phases de décollage et d’atterrissage des avions. Et j’adore ça. Je ne sais pas pourquoi mais je pourrais passer des heures à les observer. Les yeux rivés entre l’horizon et mon smartphone sur un site dédié aux mouvements d’avions pour savoir d’où ils viennent et de quel type d’appareil il s’agit, je passe un long moment ainsi à me protéger des dangereux courants d’air provoqués par les passages des avions, à me protéger les oreilles du vacarme, à manger du sable et à respirer des vapeurs de kérosène, notamment lors des mouvements des plus gros 747-400 ou 777-300 qui mettent les gaz à 150 mètres de la plage. Ceux qui atterrissent passent à environ 15 mètres au-dessus de moi. Oui, c’est un plaisir particulier mais j’aime bien !

Retour à la Tiny, où je retrouve mes 3 amours qui pendant ce temps ont bien travaillé.

Tsunami 2004

Nous prenons la route en fin de matinée et nous entamons notre remontée vers le nord du pays. Mais nous comptons encore prendre un peu notre temps en longeant le littoral de la Mer d’Andaman. Ce littoral qui a tant souffert du tsunami du 26 décembre 2004 provoqué par un séisme d’une magnitude de 9,2 sur l’échelle de Richter au large de l’île indonésienne de Sumatra. Comment ne pas tenter d’imaginer cette catastrophe quand nous sommes sur ces plages où les habitants et les vacanciers venus chercher le soleil de Noël ont vu un mur d’eau de plus de 10 mètres de hauteur arriver droit sur eux à une vitesse de 50 km/h. Dans les minutes et les heures qui ont suivi le séisme, la déferlante, dépassant à certains endroits 30 mètres de hauteur, a frappé l’Indonésie, les îles Maldives, le Sri Lanka, l’Inde, le Bangladesh, le Myanmar, la Thaïlande, la Malaisie et Singapour. Mais les effets se sont fait sentir sur tout le pourtour de l’Océan Indien, jusqu’aux côtes est-africaines de Somalie et l’île de La Réunion, ou les côtes nord-ouest de l’Australie. C’est l’un des dix séismes les plus meurtriers engendré par le plus grave tsunami de l’Histoire. En Thaïlande, plus de 400 villages ont été rayés de la carte par ce raz-de-marée dévastateur. Le bilan en vies humaines de l’un des pires cataclysmes des temps modernes est estimé à, au moins 230 000 personnes mortes et disparues, dont près de 170 000 rien qu’en Indonésie. En Thaïlande, près de la moitié des 5400 tués sont des étrangers de 38 nationalités différentes, dont 95 français. On compte toujours plus de 45 000 disparus.

Le bilan catastrophique peut s’expliquer par le fait que la population et les autorités locales, n’ayant jamais été préparées à une telle éventualité, ont été prises par surprise. Plusieurs personnes rescapées ont rapporté avoir d’abord été à la rencontre de la vague, « par curiosité », en constatant le retrait spectaculaire de la mer, qui annonce l’arrivée imminente de la première vague géante du tsunami. D’autre part, il n’existait pas de dispositif de surveillance des tsunamis dans l’océan Indien.

Depuis que nous longeons cette région sinistrée, nous voyons de nombreux mémoriaux édifiés en hommage aux victimes du tsunami. Nous traversons l’une des villes les plus touchées, Khao Lak. La ville et ses environs ont été détruits à 80 % par la vague meurtrière et plus de 3000 personnes ont perdu la vie. Nous nous rendons au mémorial de la ville voisine de Ban Bang Niang où la vague pénétra à plus d’un kilomètre dans les terres en emportant notamment un bateau de la marine thaïlandaise, le 813 Police Boat, à 1 km du rivage et à près de 2 kilomètres de son point de mouillage.

Nous poursuivons jusqu’au Tsunami Memorial Park, dans le village Ban Nam Khem. Deux immenses murs de béton, dont un symbolise la vague, ont été construits en hommage aux victimes. Sur l’autre, des photos de disparus, des fleurs, des plaques portant des noms de nombreuses familles Thaïlandaises, Allemandes, Scandinaves, Britanniques.

Non loin, un immense cimetière aligne des centaines de stèles anonymes, avec juste des numéros et les initiales du quartier où les corps ont été trouvés.

Dans le village, des refuges en cas de tsunami ont depuis la catastrophe été bâtis.

Arrivés au port, nous allons nous renseigner pour embarquer la Tiny sur un petit ferry afin de nous rendre sur l’île voisine de Ko Kho Khao. Mais on nous demande un prix démesuré pour juste traverser le petit cours d’eau. Tant pis, on n’ira pas.

Longue promenade sur la plage alors qu’Anaïs et son petit frère restent jouer dans le sable.

Ça y est, nous décidons de nous pencher sérieusement sur le deuxième mois de notre séjour en Thaïlande. Pour l’instant, nous sommes encore un peu sur notre faim. Nous avons vu de très beaux sites dans le sud mais sinon, nous trouvons les paysages le long des routes assez monotones et tristes, souvent bordées de zones commerciales et industrialisées. On ne traverse pas de petits villages comme on aime bien. On enchaîne les kilomètres sur l’autoroute. On a évidemment vu de superbes plages et de magnifiques îles mais à part ça, il nous manque quelque chose. Ayant bien profité de la mer depuis quelques semaines et de ses jolies plages fidèles à leur réputation, on aspire à présent à des visites de sites touristiques, des visites culturelles et à voir des paysages avec un peu de relief et de verdure. Mais où aller ? Dans le nord bien entendu car il est sur la route du Myanmar (Birmanie) où nous entrerons le 10 mars. Un coup de fil à nos cousins Noëlle et Bernard, passionnés et fins connaisseurs de la Thaïlande, nous rebooste et nous donne de l’entrain pour vite monter dans le nord du pays.

Un autre échange avec nos amis, Cléo et Pascal des BAAM déclenche notre désir de vite les rejoindre alors que nos chemins pourraient se croiser une dernière fois pendant quelques jours. 850 km nous séparent de là où ils sont. C’est décidé, demain on quitte le sud et on espère pouvoir vite boire une bière d’ici deux jours.

Soirée tartiflette au Maroilles ramené par ma belle famille !

Lundi 10 février 2020 :

La cavale

Une dernière fois, nous regardons la mer que nous ne reverrons plus maintenant avant Bombay en Inde dans plus de 3 mois. Ce n’est qu’en fin de matinée que commencent nos deux jours de cavale. Pour ne pas prendre en sens inverse la même route que pour notre descente vers le sud du pays, nous privilégions un axe un peu moins passagé qui longe le fleuve Kra Buri marquant la frontière entre le Myanmar et la Thaïlande. Et là, les paysages sont jolis, vallonnés et verts comme on les aime. Plusieurs portions de route ne sont pas en 4 voies (comme c’est le cas quasiment depuis notre arrivée dans ce pays). C’est l’occasion de plus profiter des petits temples disséminés le long de la route, de doubler et croiser des véhicules comme on aime les prendre en photo, de voir des petits villages de pêcheurs.

Soudain le temps change au même niveau qu’on avait rencontré un violent orage en descendant. Ça ne dure pas et ça ne fait même pas baisser la température qui dépasse toujours largement les 30°C.

Nous retrouvons l’axe principal sur l’autoroute. La nuit tombe mais nous roulons toujours, bravant l’interdiction qu’on se fixe de ne jamais rouler quand il fait nuit. Mais en Thaïlande, les conditions sont excellentes. Les intersections sont éclairées, le revêtement est en parfait état, tous les véhicules circulent avec un éclairage qui fonctionne et quasiment aucun ne roule à contre sens. Pas d’animaux errants ou de gamins risquant de traverser à tout moment. Bref, on roule et on roule encore. Je m’arrête pour dîner rapidement sur une aire et faire déjà le deuxième plein de gasoil de la journée.

Nous couchons les enfants et reprenons encore la route jusqu’à 22h30. Plus de 600 km parcourus aujourd’hui, ce qui en fait une des grosses étapes de notre parcours, mais pas le record de 1123 km parcourus en une seule journée entre Algésiras et Barcelone.

Mardi 11 février 2020 :

Courte nuit. Les Mollalpagas sont déjà au taquet dès 5h30. Anaïs et Victor terminent leur nuit alors que nous roulons déjà sur l’autoroute. Deux heures plus tard et encore 130 km de moins à faire pour rejoindre nos amis, nous faisons une pause petit déj’ et trois heures d’école sur le parking d’un supermarché.

Erawan

C’est reparti pour les deux dernières heures de route. Après avoir parcouru plus de 850 km dans les 26 dernières heures (inclus une nuit de sommeil et 3 heures d’école !), c’est en début d’après-midi que nous retrouvons nos amis Cléo et Pascal dans le Parc national d’Erawan. Le bivouac est super agréable dans le camping du site où nous décidons de nous poser pour deux nuits.

Baignade dans la rivière Kwaï mais nous comprendrons plus tard que l’interdiction de s’y baigner est peut-être due à la présence de crocodiles qu’Audrey a vu surgir juste devant elle en se promenant.

Soirée tartiflette avec le Reblochon ramené par notre famille et les lardons ramenés par nos amis à Noël au Cambodge. Du bonheur ! Un délice ! et surtout un frigo qui sentira moins le fromage !

Mercredi 12 février 2020 :

Réveil très difficile avec un gros mal de tête. Certainement que j’ai du mal à digérer les citrons verts de Pascal d’hier soir. A moins que ce ne soit l’excès de Trois Rivières

Journée tranquille, très tranquille. École, blog, jeux. Audrey passe un long moment à photographier plein d’espèces différentes d’oiseaux et un superbe Calotes mystaceus. Vous ne connaissez pas ??? C’est un magnifique lézard bleu à crête.

Nous passons l’après-midi à jouer, à travailler sur notre défi et surtout à profiter de l’un de nos derniers bivouacs avec les BAAM. Encore une belle soirée où Pascal nous sort encore une bonne bouteille alors que nous partageons notre Maroilles et notre saucisson…

Jeudi 13 février 2020 :

Réveil tout en douceur par les chants matinaux des oiseaux. Que c’est bon un bivouac aussi calme ! Dès 7h30, nous commençons déjà la randonnée vers les cascades du site d’Erawan. Pourquoi si tôt ? pour éviter les nombreux touristes qui viennent comme nous profiter de ce joli cadre naturel. Mais encore une fois, il n’y a plus de Chinois. Ils sont bloqués chez eux par le Coronavirus SARS-CoV-2. En effet, plus d’un quart des 40 millions de touristes en Thaïlande chaque année arrivent de Chine. Depuis le 27 janvier, Pékin a interdit les voyages en groupes de touristes à l’étranger sachant que les Chinois voyagent à 60% en groupe. Et les individuels sont quasiment inexistants. On n’en voit quasiment plus et les sites sont nettement plus calmes…

On a bien fait de se lever de bonne heure, car nous sommes les premiers de la journée à marcher dans ce sentier au milieu de la jungle. Nous ne croisons que quelques animaux.

La cascade est étagée sur 7 niveaux différents le long d’un chemin de plus de 2 km. Nous sommes en saison sèche et elles doivent être plus impressionnantes avec plus d’eau mais l’endroit est ravissant. Elles répondent aux noms de : Hlai Keun Lung, Wung Macha, Pha Nam Tok, Oke Nang Phee Sue, Buar Mai Long, Dong Pruk Sa et Phu Pha Erawan. Les piscines naturelles ont une eau cristalline et la 7ème vasque nous permet de nous rafraîchir alors que beaucoup de poissons viennent nous mordiller (voire mordre pour les plus gros) les pieds et nous nettoyer des peaux mortes.

Retour à la Tiny en empruntant un chemin au milieu de bambouseraies où les termites construisent de grosses structures.

Nous quittons le parc national et longeons la rivière Kwaï. La rivière que tout le monde connaît de nom, de par son mythique pont, a été rendue célèbre à travers le roman de l’écrivain français Pierre Boulle, porté à l’écran en 1957. Le film s’est inspiré du pont qui l’enjambe à Kanchanaburi. Mais ce qu’on ne connaissait pas, c’est sa triste histoire ayant mené plus de 100 000 personnes à la mort.

La voie ferrée de la mort

La ligne Siam (ex Thaïlande) – Birmanie, aussi appelée « voie ferrée de la mort », est une ligne de chemin de fer de 415 kilomètres de longueur entre Bangkok et Rangoun, construite par le Japon pendant la Seconde Guerre mondiale pour renforcer sa présence dans la grande Asie orientale et ne pas dépendre des pays occidentaux. Le projet avait pour but de relier dans l’urgence les réseaux ferrés thaï et birman, alors que les sous-marins alliés entravaient les voies maritimes. L’objectif stratégique des Japonais est alors de faciliter le transport et le ravitaillement des troupes au nord de la Birmanie, où l’armée nippone affrontait les Britanniques, les Américains et les Chinois. Les Japonais voulaient également contrôler l’Océan Indien.

Environ 180 000 civils autochtones asiatiques (travailleurs forcés appelés «romusha») et 60 000 «soldats-esclaves» occidentaux (prisonniers de guerre alliés) ont été forcés de travailler à la construction du chemin de fer. De ce nombre, environ 90 000 civils et 16 000 prisonniers de guerre sont morts lors des travaux. Ils étaient Britanniques, Australiens, Néerlandais, Américains, Canadiens, Néo-Zélandais.

La construction débute dans l’enfer de la jungle montagneuse et marécageuse de la péninsule en septembre 1942. Dans les camps, les conditions de vie sont atroces. Le logement et l’hygiène sont catastrophiques, la nourriture fait cruellement défaut, l’eau est insalubre. Les détenus consomment tout ce qui est vaguement comestible, feuilles et racines, serpents, crabes de terre, petits mammifères… La plupart des travailleurs forcés tombent malades de malaria, de choléra, et d’infections diverses. Les horaires de travail harassants et la violence des geôliers nippons n’arrangent pas l’état de santé des prisonniers. Des malades sont abandonnés en forêt, d’autres brûlés vifs dans leurs baraquements. Les cadences deviennent infernales, jusqu’à une vingtaine d’heures de travail par jour, quand les Japonais décident, sous la menace d’une contre-offensive britannique en Birmanie, de raccourcir les travaux. C’est durant cette période qu’il y a le plus de victimes. La ligne ferroviaire est achevée en octobre 1943 soit 13 mois après le démarrage des travaux. La ligne ne servira que jusqu’en 1945. Mais pour les rescapés, l’enfer physique et psychologique va se poursuivre durant des années. Après la guerre, leur taux de mortalité sera quatre fois supérieur à celui des ex-combattants.

Nous nous dirigeons avec nos amis au Hell Fire Pass. Un ancien prisonnier de guerre australien ayant travaillé à l’édification de la voie eut l’idée dans les années 80 alors que le site était abandonné d’en faire ce mémorial du Col du Feu de l’Enfer. Il honore la mémoire des prisonniers de guerre de tous ceux qui tombèrent ici. Un récent centre d’interprétation très bien fait nous permet de découvrir cette page sombre de l’Histoire.

Nous marchons le long de l’ancien tracé du Train de la mort. La voie ferrée n’existe plus que sous forme de vestiges et de passages où le ballast a été conservé. C’est émouvant et angoissant de savoir que plus de 100 000 hommes moururent ici. Par endroit, on trouve des restes d’outils métalliques cassés dans la roche. Les profonds passages en forme de tranchée que les Japonais firent creuser par les prisonniers de guerre et par les travailleurs asiatiques pour faire passer le chemin de fer à travers les collines, sont impressionnants. Plus de 3 millions de mètres cubes de roches furent extraits à la main par les prisonniers de guerre.

Nous reprenons la route en convoi avec les BAAM en direction de la gare de Tham Kra Sae où nous posons notre bivouac. Il est en effet possible de voyager encore sur le tracé de la ligne du train de la mort entre Thonburi (près de Bangkok) et Nom Tak. Le site est réputé pour son viaduc de Wang Po (aussi appelé Death Railway Bridge). Superbe ouvrage d’art entièrement construit sur des chevalets en bois, comme à l’origine. Au pied d’une imposante falaise, il surplombe la vallée de la rivière Kwaï et ses magnifiques paysages. Sur les 415 km de la voie ferrée, 14 km sont construits sur des ouvrages d’art en bois à l’exception de 8 ouvrages plus importants en pierre.

Vendredi 14 février 2020 :

Le réveil sonne pour nous annoncer que le train va bientôt entrer en gare. Mais il n’y a pas qu’à la SNCF qu’il y a du retard. Qu’importe, nous profitons de la chouette vue sur la vallée et de la profonde grotte abritant un grand Bouddha vénéré par des fidèles.

Ce n’est plus un train à vapeur qui annonce son arrivée par un coup de sifflet, mais bien une locomotive diesel qui tracte quelques voitures de voyageurs à lente vitesse à l’approche de la gare mais surtout de l’ouvrage d’art.

École tranquillement comme tous les matins, même quand les copains sont là.

Le Pont de la Rivière Kwaï

Direction à présent la ville de Kanchanaburi pour y voir le célèbre Pont de la Rivière Kwaï. Celui-ci est en métal et n’a rien à voir avec celui que l’on voit dans le film de David Lean (qui n’a d’ailleurs pas été tourné ici mais sur l’île de Ceylan, l’actuel Sri Lanka) mais les deux ont en fait bel et bien existé. Il y avait en fait deux ponts, tous deux construits par des prisonniers de guerre : le premier pont (en bois) a été achevé en février 1943 (c’est celui qui a été reproduit dans le film), mais il a été remplacé quelques mois plus tard par un pont d’acier. Plusieurs fois bombardé et en partie détruit pendant la guerre, le pont, a été restauré en 1945 par les Japonais à titre de dommages de guerre. On reconnaît la partie bombardée et reconstruite aux deux travées de forme carrée au milieu du pont. Nous l’empruntons à pied et attendons le passage d’un train en nous rafraichissant avec un granité de noix de coco et des jus de fruits frais. La température dépasse toujours les 35°C en ressenti.

Le cimetière de guerre de Kanchanaburi, appelé localement Don-Rak War Cemetery, est le cimetière le plus important de la région, qui en compte plusieurs en souvenir et en mémoire des soldats morts au combat ou durant la construction du pont. Près de 7000 prisonniers de guerre des forces alliées sont enterrés ici, principalement des Australiens, des Britanniques et des Néerlandais.

Baan Mama

Voilà pour ces visites historiques et maintenant place à du plus léger. Nous nous rendons chez BAAN MAMA. C’est un centre qui accueille des éléphants dans un cadre sympathique en bord de rivière. De nombreux éco-volontaires francophones viennent y passer de quelques jours à quelques semaines pour aider à l’entretien du parc. Ce dernier est géré par Brigitte, une Belge, et accueille Tao, âgée de 57 ans, Tami 20 ans, Douidouille, 23 ans la sœur de Tami et le charmant petit Chiang Rai (fils de Tami) âgé de 3 ans.

Nous ne sommes pas autant sous le charme que lors de notre visite au Mekong Elephant Parc de Pakbeng au Laos, tant les conditions de protection de l’animal paraissaient idéales, mais c’est toujours mieux de voir les éléphants protégés ici, que de les voir promener à longueur de journée sur du bitume des touristes haut perchés sur leurs nacelles ou de les voir jouer au foot.

Cependant, ici, ils nous paraissent un peu à l’étroit, d’autant plus que deux éléphantes Tami et Douidouille viennent d’arriver il y a quelques jours, doublant ainsi le nombre d’éléphants déjà présents dans cet espace pas suffisamment dimensionné à notre goût. Nous ne restons pas suffisamment longtemps dans le parc pour nous en rendre compte, mais il nous semble qu’ils passent beaucoup de temps enchaînés à un arbre. Dans le parc de 20 hectares que nos avions visité à Pakbeng au Laos (le projet est d’acheter 15 hectares supplémentaires), les éléphants étaient aussi enchaînés mais seulement la nuit. C’est la seule alternative possible, pour leur sécurité et celles des autres. Il y a des villages non loin et ce sont des animaux très puissants, qui peuvent détruire en 10 minutes un an de travail. Dans ces cas là le fermier n’est pas à l’abri de sortir le fusil. Mais les chaînes avaient une longueur de 50 mères et les emplacements changeaient tous les soirs de façon à ce que les animaux continuent à manger toute la nuit et puissent conserver une alimentation naturelle.

De plus, contrairement à notre première expérience, on trouve que le jeune cornac a tendance à utiliser un peu trop facilement son dago (pic) pour diriger le jeune et fougueux Chiang Rai. Toujours par comparaison, à Pakbeng, seul le cornac du mâle l’a toujours dans le sac mais ne la jamais utilisé en deux ans. Il l’a avec lui car cela peut permettre de sauver une situation dangereuse en cas de perte de contrôle de l’éléphant. En revanche, les cornacs ont toujours des fruits et récompenses dans leur sac, cela est bien plus durable et sain dans la relation. Ici, le dago ne blesse bien sûr pas, mais permet d’appuyer sur des points sensibles. Cet objet nous semble donc être là pour imposer des obligations à l’éléphant, et une relation de soumission.

L’autre problème est qu’ici, le parc n’est pas propriétaire des animaux, tellement un éléphant coûte cher (plus de 50 000 €), et que les jeunes éléphants ne sont pas à l’abri de partir un jour dans des camps pas adaptés à leur espèce, le jour où leur propriétaire jugera plus fructueux la location dans un tel camp. Mais on est évidemment ici très loin de la maltraitance, de mauvaises conditions de soin ou de protection de l’animal.

Cependant, il est pour nous difficile de ne pas faire la comparaison avec ce moment magique vécu lors notre rencontre à Pakbeng au Laos avec les éléphants qui vivaient en pleine nature, loin de la circulation automobile, qui allaient eux-mêmes chercher de la nourriture à profusion et de l’eau à volonté dans un vaste espace de forêt. Tout comportement qui n’était pas naturel aux éléphants (monter sur leur dos, se baigner avec eux) était évité pour ne pas apporter stress et contrainte aux pachydermes. De plus, un beau programme de reproduction était en cours. Mais si nous sommes venus ici, c’est surtout pour voir comment notre ami Cléo des BAAM a réussi à créer une belle et incroyable complicité avec le jeune Chiang Rai. Et c’est demain matin que nous allons être conquis !

Soirée très sympathique avec les BAAM et avec Claire, Lalie, Inès, Vivien et Maxime, des éco-volontaires venus travailler dans le parc. Pour notre dernière soirée partagée ensemble, les BAAM nous gâtent (encore) et sortent de leur cave un superbe magnum de Fronsac de 2005 qui a traversé toute l’Europe, la Russie, la Chine et toute l’Asie du Sud-Est ! Du bonheur ! Merci les amis ! Discussions sympas et karaoké avec ces jeunes tourdumondistes.

Samedi 15 février 2020 :

Avant notre départ, nous avons la chance d’assister au bain matinal des éléphants dans la rivière Kwaï. Aussitôt, le jeune Chiang Rai vient chercher Cléo. Alors qu’ils ont déjà passé deux semaines ensemble, les retrouvailles sont incroyables après une semaine d’absence. L’éléphanteau tend sa trompe à Cléo pour l’emmener dans l’eau prendre le bain et longuement jouer avec lui. Aucune contrainte n’est imposée à l’animal. C’est vraiment l’éléphanteau qui vient le chercher. Impressionnant de voir évoluer Cléo et cet animal de déjà 700 kg ! Cette complicité, acquise par des heures de patience, est magique.

Tami et Douidouille, la mère et la tante de Chiang Rai, prennent aussi leur bain et se recouvrent de poussière.

Merci BAAN MAMA et les BAAM de nous avoir permis d’assister à ce moment. Ça y est, le moment est venu de quitter nos amis. La tristesse est là. Les larmes montent. On ne les reverra plus avant trop longtemps. Nous avons rencontré beaucoup de voyageurs au cours de notre voyage dont certains avec qui nous avons créé un lien tout particulier, mais Pascal et Cléo, comme les PLEM, font partie de nos amis depuis une dizaine d’années et nous avons eu la chance de vivre depuis plus de 6 mois une partie de notre aventure avec eux. Sans avoir connu ces merveilleuses personnes qui nous sont chères, nous ne serions jamais partis en Amérique du Sud en 2015. Sans eux, nous serions passés à côté de tant de beaux et intenses moments partagés depuis. Merci les amis pour ce que vous êtes et pour tout ce qu’on vit ensemble. Vous allez nous manquer !

Pour nous, ce sont aussi les derniers au revoir avec des voyageurs. Car, tous ceux avec qui nous avons passé du temps ensemble sont déjà loin, sont déjà rentrés ou sont sur le point de le faire. Nous savons que maintenant, nous nous dirigeons vers des pays où nous verrons beaucoup moins de voyageurs sur les routes. Nous savons qu’une page se ferme ou plutôt qu’une nouvelle s’ouvre.

L’arbre de pluie

Notre cavale reprend. Nous avons passé hier le cap des 50 000 km parcourus depuis le départ de notre aventure le 8 octobre 2018. Nous prenons la route aujourd’hui pour une longue étape de 400 km vers le nord du pays. Mais, non loin de Kanchanaburi, nous nous arrêtons voir le Giant Monkey Pod Tree, un magnifique arbre de pluie appelé scientifiquement Albizia Saman. Dans le bouddhisme thaïlandais, les arbres (surtout les grands sujets) sont considérés comme sacrés et font l’objet d’un culte et d’une dévotion particulière. Celui-ci n’aurait qu’une centaine d’années (bien qu’il nous paraisse avoir beaucoup plus) et son tronc est assez grand pour être entouré de 10 personnes. Il est large de plus de 50 mètres alors que la hauteur de sa cime n’est que de 20 mètres.

Pas d’école donc ce matin, car nous voulions bien profiter de nos amis et nous envisageons de beaucoup rouler. Toujours de l’autoroute où nous ne voyons rien des villages et de la vie locale. Mais cela a l’avantage de vite rejoindre les autres points d’intérêts de la Thaïlande. Les paysages sont des grandes plaines cultivées de canne à sucre, de manioc et de rizières.

En fin d’après-midi, nous atteignons notre étape espérée et bivouaquons non loin du site historique de Kamphaeng Phet.