1651 km parcourus en train du 7 au 20 janvier 2021

mais aussi 200 km parcourus en voiture

9923 km parcourus en avion

26 km parcourus en bateau

5 km parcourus en moto

Du jeudi 7 au mardi 12 janvier 2021 :

Je vous avais laissé à la fin du dernier article en vous dévoilant notre nouvelle destination pour 2021, l’Afrique ! et bien ça y est, nous y sommes… mais d’abord, revenons un peu sur nos derniers jours passés. Ce n’est pas arrivé souvent, même jamais, que je reste aussi longtemps sans écrire notre quotidien. La dernière fois que je m’occupais du blog, nous étions dans le TGV entre Paris et Tours où allait commencer quelques dizaines de minutes plus tard un long week-end fort en émotions, car rassemblés en famille. Tout d’abord, ma sœur, ma nièce et mon beau-frère adorés nous accueillaient chez eux le temps qu’ils puissent le lendemain soir nous descendre à Poitiers pour y retrouver cette fois mon papa, mon neveu, ma filleule et son adorable chéri accompagnés de leur coquin et si mignon petit Ethan.

Nous avons également passé du temps avec les parents d’Audrey habitant aussi sur Poitiers ainsi qu’avec son petit frère et sa jolie famille. Ce fut l’occasion pour Anaïs, Victor et moi de faire la connaissance de l’adorable petite Elsa âgée de 4 mois. Audrey était venue voir sa nièce à sa naissance en faisant un aller-retour rapide en avion depuis l’Autriche.

C’était alors parti pour cinq jours très intenses où nous avons profité de chaque instant. Car, quand on est en voyage au long cours, s’il y a bien une chose qui nous manque, c’est la famille. Les amis aussi bien entendu, mais le temps passé sur Poitiers est trop court et, malgré leurs gentilles invitations, nous voulons aussi limiter les contacts en ces temps où le satané virus circule toujours de manière active. La première chose que nous avons faite en arrivant est un test antigénique pour être rassurés sur le fait qu’on ne contaminerait pas nos proches, bien qu’on ait vraiment limité les contacts depuis qu’on savait qu’on allait les voir. Mais il ne s’agit pas non plus qu’on voit trop de monde pour ne pas être contaminés à notre tour car nous avons un test PCR à passer avant de partir au Kenya. S’il s’avère positif, l’embarquement dans l’avion sera interdit.

Bref, nous avons profité de nos proches mais aussi je peux vous dire que nous avons fait le plein de calories : raclette, tartiflette, fondue, tajine, charcuterie, gratin de pâtes sans oublier les mantécaos et oreillettes de mon papa et les petits gâteaux et chocolats de Noël de ma sœur…

Mais nous avons aussi été occupés à terminer quelques formalités administratives de dernière minute (assurances, visas, dernières réservations…), à profiter d’être en France pour faire quelques achats pour la suite du voyage, à refaire nos bagages en les vidant de ce que nous laissons sur place et en les remplissant de ce que nous aurons besoin pour l’Afrique.

Ces cinq jours en France ont passé bien trop vite et déjà, mardi 12 janvier arrive ; c’est sur le quai de la gare de Poitiers que nous nous séparons avec notre famille. Bien sûr, on se raccroche à l’envie et l’espoir réciproques de se retrouver dès que possible sur le continent africain, mais il nous est impossible de savoir où et quand. Autant les autres fois où nos parents, frères et sœurs ou amis nous ont rejoints au Maroc, en Grèce, en Ouzbékistan, au Laos, au Cambodge ou en Thaïlande, on s’y était pris plusieurs semaines à l’avance pour tout réserver, autant en période covidale, ce n’est pas la même chose. Ils nous rejoindront sans doute mais ce sera de la dernière minute.

Un très long voyage commence pour nous. Le train quitte le quai et les sanglots prennent mon petit Victor. La tristesse aussi nous serre la gorge mais on commence à avoir l’habitude de pleurer à chaque départ. Et des aurevoirs sur les quais d’une gare ou dans un aéroport, et des faux départs et des nouveaux départs il y en a déjà eu tant dans notre cavale. Mais bien qu’on sache qu’on part pour une nouvelle aventure extraordinaire, c’est toujours douloureux de s’éloigner des personnes qu’on aime et de leur imposer cette distance.

Le TGV prend de la vitesse et l’excitation du voyage est de nouveau là. Mais ce soir, ce n’est juste qu’une première étape qui nous mène dans un hôtel près de l’aéroport de Roissy-CDG.

Mercredi 13 janvier 2021 :

Une très longue journée commence et nous profitons du confort de l’hôtel pour savourer un bon bain chaud et moussant car on n’est pas près d’en reprendre un… Nous partons pour un très long voyage en terre inconnue. Et oui, au fait je ne vous ai pas encore dévoilé ce que nous allons faire en attendant notre Tiny ! Encore un peu de patience… Tiens d’ailleurs, elle aussi a commencé hier son long voyage et est juste partie du port italien de Gênes pour 22 jours (au minimum) de mer. Je vous rappelle que vous pouvez suivre sa progression sur ce site.

Les contrôles à l’aéroport de Roissy prennent plus de temps que d’ordinaire en raison des mesures sanitaires. Le certificat négatif du test PCR Covid-19 que nous avons effectué avant-hier est bien épluché par le personnel de la compagnie aérienne. Le fait que notre certificat soit rédigé en français interpelle un peu notre interlocutrice car ce n’est pas la compagnie qui l’exige pour voyager mais bien le Kenya pour y entrer. Il le faudrait donc selon elle, rédigé en anglais, mais le simple mot « negative » écrit sur la feuille semble finalement suffire après vérification. Ouf… De même nos visas d’entrée pour le Kenya sont bien épluchés. Là encore, le fait qu’on n’en ait pas pour les enfants semble poser problème mais là encore, l’hôtesse passe un coup de fil pour se faire confirmer que le visa n’est pas obligatoire pour les moins de 16 ans. Cependant, la faute d’orthographe dans le nom de famille d’Audrey mal transcrit informatiquement en raison d’un accent circonflexe transformé en caractères spéciaux ne pose pas de problème. Cela fait pourtant 8 jours qu’on relance les services administratifs au Kenya par mail et par téléphone mais ils n’ont réagi qu’hier en nous disant de faire une nouvelle demande en ligne (et donc de payer un nouveau visa) qu’on n’aurait pas eu le temps de recevoir avant le départ. On verra bien à la douane sur place…

C’est par des hôtesses et stewards souriants mais habillés en cosmonautes que nous sommes accueillis dans un Airbus A350. La même qui nous avait ramené précipitamment de Malaisie le 26 mars dernier lors du rapatriement des français bloqués à l’étranger organisé par le Quai d’Orsay. Autant vous dire qu’on ne monte pas dans l’avion avec le même état d’esprit que la dernière fois où notre cavale s’interrompait sans savoir pour combien de temps. Nous rentrions à l’époque la boule au ventre de voir s’échapper le continent indien et le continent africain, voire même notre voyage, à cause d’une maladie nommée Covid-19, et qui allait paralyser la planète et nous arracher la réalisation de la poursuite de notre rêve.

Il s’en est passé des choses depuis entre ce confinement imposé en France, heureusement adouci par la gentillesse de nos amis Marie-Anne et Bruno et de notre famille qui nous accueillaient chez eux. Il y a eu ce nouveau départ le 5 juillet sur les routes d’Europe où nous avons parcouru 10 000 km à travers 9 pays qui nous ont charmés. Mais bien que nous ayons réellement pris beaucoup de plaisir et fait aussi de belles rencontres, il nous a manqué cette petite étincelle de l’inconnu, du dépaysement, du choc culturel, de la magie du voyage sur un autre contient.

Le confort à bord de cette compagnie Qatar Airways classée parmi les plus belles au monde est top, même en classe éco. Et en plus, c’était la moins chère pour nous. Nous ne déclinons pas les passages à répétition des hôtesses nous proposant sans cesse des consommations. On a pu tester du vin mousseux, du vin rouge avant de s’endormir après un Baileys. Sur les conseils du steward, nous avons pris une double dose. Selon lui, c’est plus relaxant.

Nous suivons la progression en vol de l’avion qui survole les pays où nous sommes passés ces derniers mois : la Suisse, le Liechtenstein, l’Autriche, l’Italie, la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine… Autant d’images qui nous reviennent en voyant les noms de ville s’afficher à l’écran. Puis, la Serbie, la Bulgarie, la Turquie, l’Irak et enfin le Golfe Persique. Les écrans nous proposent également des vues des caméras fixées sur la queue et sur le dessous de l’appareil.

Et puis, l’avion fait escale dans le même aéroport Hamad à Doha au Qatar qu’au mois de mars dernier. Joli clin d’œil à la reprise de l’aventure où nous l’avions laissée. Mais cette fois, il y a un changement d’avion et une escale. Nous pouvons donc nous dégourdir les jambes après les six premières heures de vol dans l’immense et moderne aéroport de ce minuscule pays de la péninsule arabique, grand comme le département de la Gironde et s’avançant sur une péninsule sur le Golfe persique, juste en face de l’Iran. Petit pays, seulement 2,5 millions d’habitants mais c’est le premier pays au monde au classement du PIB par habitant, de par sa richesse en hydrocarbures. Ça s’en ressent un peu dans ces gigantesques halls de l’aéroport où transitent des milliers de personnes partant aux quatre coins du monde. D’ailleurs les boutiques duty free ne sont pas que des Dior ou Cartier comme on a pu le voir à Paris ce matin mais aussi des Lamborghini ou BMW. C’est la nuit et il y a quand même des vendeurs de ces luxueuses voitures…

Jeudi 14 janvier 2021 :

Après 2h30 d’escale en pleine nuit, nous embarquons sur un nouveau vol de la même compagnie, à bord d’un Boeing B788, en direction de la capitale du Kenya, Nairobi que nous atteindrons au bout de 6 heures de vol. Nous survolons l’Arabie saoudite, l’Érythrée, Djibouti puis l’Éthiopie.

Bon dommage, nous avons moins profité que sur le premier vol des consommations car c’est la nuit et il nous faut raisonnablement dormir un peu. Mais le temps de manger et de trouver le sommeil après un nouveau double Baileys, nous ne sommeillons que deux heures entrecoupées des messages vocaux des hôtesses de l’air. Il fait déjà jour à notre arrivée avec les deux heures de décalage horaire avec la France.

Après de nouveau presque six heures de vol, l’avion se pose dans l’hémisphère Sud de notre planète, juste sous la ligne équatoriale, sur la piste de l’aéroport Jomo Kenyatta de Nairobi. Le passage un peu redouté de la douane se passe sans encombre malgré l’erreur sur le visa d’Audrey. Ouf. Par contre, nous passons pas mal de temps à remplir en ligne le même formulaire Covid que nous avons déjà rempli sur papier dans l’avion. Mais il faut que chaque formulaire informatique génère un flash code que les agents douaniers scannent une fois qu’on a enregistré nos adresses d’hébergements sur place, notre place dans l’avion au cas où un cas de Covid-19 soit repéré dans les prochains jours.

Nous avons aussi l’obligation de télécharger une application où nous devons reporter pendant quelques jours notre température corporelle et nos éventuels symptômes. Tiens d’ailleurs, ma température prise par un douanier indique seulement 35°, cela ne semble pas le déranger quant à la fiabilité de son thermomètre.

Le prochain vol (et oui, un troisième pour continuer notre voyage en terre inconnue…) est prévu dans 6 heures. Cela nous laisse le temps de sortir de l’aéroport pour retirer des Shillings kenyans au taux de 1€ pour 133 KES. Nous voici de nouveau avec des billets de 1000 dans le porte-monnaie.

Et puis, il nous faut aussi acheter deux cartes SIM pour nos mobiles. Ces deux opérations sont réalisées assez facilement grâce à l’aide des premiers Kenyans à qui nous demandons notre chemin et déjà combien de sourires et de « Welcome to Nairobi » ou « Karibu » nous sont adressés. Nous sommes encore bien couverts et la température dépasse les 25°C. On range nos pulls dans nos valises. Certainement pour longtemps.

Puis c’est parti pour un nouvel enregistrement de nos lourds bagages à l’aéroport de Nairobi mais cette fois au hall des vols domestiques. Dès notre entrée dans l’aéroport, du personnel vient nous aider à porter nos valises. Les enfants tombent de sommeil.

Petit vol de 50 minutes  qui nous mène à l’extrémité ouest du pays dans la ville de Kisumu située sur les berges du Lac Victoria. Sur une distance de presque 300 km, nous survolons à bord d’un Embraer E190 des pistes de terre rouge, des petites maisons où le toit métallique brillant reflète les rayons du soleil, pas de grandes villes, de la végétation très dense, des espaces cultivés en terrasses et déjà le Lac Victoria, le plus grand lac d’Afrique, apparait telle une immense mer intérieure. Il est le deuxième (ou quatrième selon les sources) plus grand lac du monde.

Il est 14h20, nous arrivons au bout de nos plus de 26 heures dans les aéroports et les airs. Nous avons parcouru 9923 km dans les airs avec ces trois vols cumulés. Les deux heures de sommeil commencent à se faire sentir. On est décalqués. Et nous ne sommes pas encore arrivés dans cette terre inconnue où nous avons rendez-vous. Mais il est trop tard pour terminer ce voyage aujourd’hui. Nous avons donc réservé une nuit en chambre d’hôtes non loin de l’aéroport. Dickens, le fils de notre hôte du jour, vient nous chercher à l’aéroport et nous conduit à travers les rues de Kisumu. Et là, le dépaysement que nous sommes venus chercher, et bien on l’a ! Pas de goudron mais que des pistes défoncées, vraiment défoncées à tel point que je me demande comment fait notre chauffeur pour conduire sans 4×4. Des petites boutiques de 2m² en tôles sur le bord de la route, des tuk tuk partout, des vaches et des chèvres sur la route, des enfants partout… ça y est, nous y sommes ! Nous sommes tous les quatre tellement heureux. Les sourires d’Anaïs et Victor ne quittent pas leur visage malgré la fatigue. Ils en disent beaucoup. Et dire que nous avons seulement pris notre décision de venir en Afrique il y a tout juste 15 jours. Quel changement depuis l’Albanie que nous avons quittée précipitamment le 1er janvier. On ne réalise pas trop à vrai dire. Quoique.

Nous sommes accueillis gentiment par Nancy dans l’auberge au confort assez spartiate mais largement suffisant. Tant pis pour l’eau qui ne coule ni du robinet du lavabo ni de la douche et qui ne remplit pas le réservoir de la chasse d’eau. L’eau coulera peut-être ce soir et on se contentera d’eau froide pour la douche pourtant tant attendue. Nous dinons un bon plat à base de poisson préparé par Nancy avant de vite rejoindre notre lit. Le sommeil ne tarde pas à venir.

Vendredi 15 janvier 2021 :

Le réveil nous sort du lit. Gros petit déjeuner qui nous remplit bien le ventre. Puis, Johanis, le mari de Nancy nous amène vers la première étape du jour de notre voyage en terre inconnue où nous avons rendez-vous aujourd’hui. Il nous dépose au bout d’une petite centaine de kilomètres au port de Luanda K’Otieno sur les rives du Lac Victoria. Car oui, nous partons pour un séjour insulaire qui nécessite donc de prendre non pas un, mais deux ferries.

Le premier après une traversée d’une dizaine de kilomètres sur le Lac Victoria nous dépose sur la péninsule de M’bita. A pied, nous devons traverser l’étroit isthme pour arriver à un nouvel embarcadère. Mais nous sommes chargés de près de 100 kg de bagages dont deux valises qui sont au bout de leur vie. Il s’agit des bagages que nous avions achetés en catastrophe en Malaisie à Kuala Lumpur juste le jour de prendre l’avion de rapatriement, le 26 mars dernier. Elles n’étaient pas bien chères donc de qualité médiocre et avaient déjà bien souffert du premier voyage. Nous les avons reprises à Poitiers pour revenir en Afrique avec l’idée de les abandonner ici dans un mois quand nous aurons retrouvé la Tiny. Mais elles ont encore bien souffert de ce deuxième voyage et de ces trois nouveaux vols. Les poignées s’arrachent les unes après les autres. Le sol sur lequel nous évoluons est défoncé et rempli de gros cailloux. A la descente du bateau, des dizaines de motos taxis nous interpellent pour nous proposer leurs services. Mais j’ai fait le choix de faire confiance à Ben sur le bateau qui à priori va dans la même destination que nous et connait bien notre futur hôte. Je le suis et gentiment, il prend en charge la valise d’Audrey. Heureusement car elle aurait bien eu du mal à la porter sur ces 300 mètres séparant les deux ports.

Mais arrivés au nouvel embarcadère, Ben nous mène en bateau (au sens figuré !) et nous fait le cinéma qu’il a besoin qu’on le dépanne d’environ 5€ (ce qui est énorme ici) qu’il nous remboursera dans les prochains jours… Nous rechignons mais nous ne voulons pas non plus paraître trop radins car il nous a fait comprendre qu’il connaissait si bien notre hôte. Bref, je lui donne l’équivalent de 3€. Il a l’air satisfait. Bien entendu, nous ne le reverrons pas. Ah, ah, ah, première expérience africaine ! il va nous falloir un peu de temps pour nous habituer. Mais bon, il a été si gentil à nous porter la valise qu’il les a bien mérités quand-même.

Bon pour prendre un bateau ici, ce n’est pas si facile que ça… Ben nous a-t-il emmenés sur le bon chemin ? Pas un seul panneau, pas plus que d’embarcadère d’ailleurs. Des bateaux qui arrivent mais difficile de savoir où ils vont.

Mais après avoir demandé à plusieurs personnes différentes, il semblerait qu’on soit au bon endroit et que le bateau accoste sur la plage. J’appelle notre hôte qui nous le confirme et qui nous annonce que Heinrich, un Autrichien venant aussi chez lui (pour de vrai cette fois-ci), vient à notre rencontre.

Une petite heure après, un Water bus arrive. Celui qui nous mène à notre destination (quasi) finale. Nous naviguons 40 minutes pour parcourir 16 km sur le Lac Victoria. Puis après un rapide arrêt sur l’île de Takawiri, nous mettons pied à terre sur l’île de Mfangano, l’une des 3000 du lac. Nous sommes à 1130 mètres d’altitude sur cet immense lac de 340 km de longueur sur 240 km de largeur. Le Nil blanc prend sa source ici. Par contre, pour ceux qui attendent de voir dans cet article des photos des Chutes Victoria, il va falloir attendre un peu car elles n’ont rien à voir avec le lac éponyme et sont situées à la frontière de la Zambie et du Zimbabwe.

Arrivés sur le port, comme tout à l’heure, une myriade de chauffeurs de motos-taxis tentent de gagner leur vie. Heureusement, la présence d’Heinrich nous rassure et connaissant déjà les lieux, il sait où aller. Nous comprenons donc rapidement qu’il nous faut faire ces derniers 5 kilomètres de notre long voyage en moto. Audrey monte avec Anaïs et les sacs à dos sur une moto. Victor avec une grosse valise sur une autre. Et moi avec aussi des sacs à dos et une grosse valise de 30 kilos sur une troisième moto. Montant de la course, 100 shillings soit 0,75€ par moto.

Sur l’unique piste de terre rouge longeant la côte Sud de l’île, la moto s’arrête au hameau de Wakinga. Il nous reste une centaine de mètres à faire et nous voici arrivés au terme de notre voyage en terre inconnue. Cela fait presque 48 heures que nous avons quitté Poitiers !

C’est la première fois sur ce voyage que nous passons l’équateur. Nous n’étions qu’à 300 km lors de notre passage à Kuala Lumpur en Malaisie mais au nord de la ligne imaginaire. Cette fois, nous sommes à 80 km au sud. Comme si le voyage reprenait là où nous l’avions arrêté, mais par contre à 7500 km à vol d’oiseau de l’Asie du Sud-est.

Bon, qu’est-ce que nous sommes venus faire ici ? sur l’île de Mfangano ? sur le Lac Victoria à 12 km de la frontière avec l’Ouganda ?

Et bien, nous sommes venus vivre une nouvelle aventure. Audrey s’est réveillée un bon matin de la semaine dernière sur un superbe bivouac d’aire de repos d’une station-service italienne avec l’envie soudaine de partager une expérience de Workaway, alors qu’en nous endormant la veille au soir, en cherchant comment occuper notre attente de la Tiny prévue dans plus de trois semaines, nous avions sérieusement envisagé de nous rendre sur l’île de Zanzibar en Tanzanie, limitrophe du Kenya. On avait déjà regardé les billets d’avion et les hébergements… Et bien pourquoi pas ma chérie. Aussitôt, je m’inscris sur un site de Workaway à la recherche d’un endroit au Kenya. Le Workaway consiste en l’échange du gîte et du couvert, à donner de son temps pour aider bénévolement une famille, une association, un village, une institution, une école, une ONG… pour leurs projets et pour leurs activités.

Rapidement, le choix s’est porté sur Sagrema Foundation, où nous venons d’arriver. La lecture des commentaires laissés par d’anciens workawayers ou volontaires (comme nous sommes appelés) et un appel vidéo avec Samuel, le responsable, nous ont rassurés et nous avons décidé de nous lancer dans l’aventure, sans trop savoir encore comment nous pourrons nous rendre utiles. Samuel nous confirme que nous devrons donner environ 3 à 4 heures de travail quotidien 5 jours sur 7 pour aider et pour compenser le coût modique de 5€ par jour et par personne que nous payons pour la pension complète. Parfait, cela nous convient.

Samuel et ses deux épouses, Grace et Méroline, nous accueillent dans leurs maisons. Quelques-uns de leurs 11 enfants (Winny, Brenda, Charles, Grinal, Gabriel, Godwins, Calvince, Jay, Baby, Calvince, Denis) gambadent autour des chèvres, des vaches et des poussins. Nous faisons connaissance avec les autres volontaires, Heinrich et Rael (et leurs filles Elsa et Ida) venus d’Autriche et présents ici pour trois mois, Fred un Nantais présent aussi pour quelques semaines et enfin Daniel, un Sino-américain venu du New Jersey lui aussi présent pour quelques semaines et très investi. Leur présence sur une longue période nous rassure, de même que l’accueil réservé par Samuel et ses épouses. Le cadre est super sympa, à l’ombre des arbres dont de nombreux manguiers. Les chambres sont réparties dans des petites maisons construites en minces murs de ciment et recouverts de tôles. Fred nous prévient que le long serpent vert dans les toilettes n’est pas méchant. Par contre, il nous dit avoir eu de la chance de ne pas s’être fait piquer par le scorpion qu’il a retrouvé posé sur son ventre la nuit dernière. La jeune Elsa s’est faite piquée il y a peu, et si ce n’est pas mortel, ça n’en reste pas moins visiblement extrêmement douloureux.

On nous prépare notre chambre. Le confort est spartiate, très spartiate mais on s’y attendait. Nous nous installons et passons pas mal de temps à nettoyer et aménager la chambre. Nous installons des moustiquaires sur chacun de nos lits. Il va falloir faire attention aux piqures de moustiques à la tombée de la nuit et au lever du jour car ils peuvent être porteurs de la Malaria (paludisme). Mais elles nous protègeront aussi durant notre sommeil des fourmis, des petits geckos tombant du plafond et des éventuels scorpions…

Il n’y a pas d’eau courante. Il faudra descendre la chercher au lac avec des bidons à une centaine de mètres. C’est aussi dans le lac que nous ferons notre toilette en prenant garde de ne pas nager trop loin car il y a des hippopotames. L’eau de boisson est l’eau de pluie qui est traitée par des pastilles détruisant virus et bactéries. L’eau pour la cuisine ou pour le thé est aussi puisée dans le lac et bouillie.

Bon voilà, nous sommes installés et passons un moment à faire la sieste pour récupérer un peu.

Avec les autres volontaires mais aussi Samuel, nous parlons de comment nous rendre utiles. La famille d’Autrichiens a commencé à s’occuper d’un jardin ; à partir des principes de permaculture, ils ont mis en place une belle diversité de légumes et d’arbres fruitiers. Dan, l’Américain, s’occupe de rassembler des fonds en ligne pour la construction d’un centre de soin sur le terrain de Samuel dont les travaux ont déjà commencé. C’est d’ailleurs pour ces travaux de construction que nous allons donner de notre temps.

Pour la première soirée, nous sommes invités pour diner dans la maison de sa première épouse Grace. Un repas copieux nous est servi. Puis, nous sommes invités dans la maison de sa deuxième épouse Méroline. De nouveau, un copieux et délicieux repas nous est servi. Nous n’avons pas encore tous les repères mais nous comprenons vite qu’on ne devrait pas mourir de faim ici !

Première nuit sous nos moustiquaires, bercés par les bruits de la nature et par ceux des évangélistes qui à deux heures du matin prononcent un long et bruyant sermon. Les principales religions au Kenya sont le Christianisme (80% de la population) et l’Islam (10%), le reste étant des religions indigènes.

Samedi 16 janvier 2021 :

Ma grande Anaïs, à peine arrivée en Afrique, est prise d’une bonne turista qui lui fait passer une sale nuit et une sale journée. La mangue d’hier rincée à l’eau du lac a dû être fatale pour les intestins. Elle est bien courageuse. Son état ne nous inquiète pas mais elle va mettre du temps à s’en remettre.

Aujourd’hui, nous ne nous mettons pas encore au travail car en fait, personne parmi les volontaires ni parmi les ouvriers ne sont sur le chantier de la clinique. Cette clinique sera en fait un centre de santé comme il en existe déjà 5 autres sur l’île. Ce sera aussi un centre de dépistage du SIDA qui malheureusement décime une part très importante de la population sur l’île (environ 30% de la population). Chaque année meurent presque 40 000 personnes du SIDA rien qu’au Kenya. Selon les Nations Unies, 25 millions d’Africains sont infectés par le virus du SIDA. 70% des adultes et 80% des enfants malades du VIH dans le monde vivent sur le continent africain.

Les travaux de construction de la clinique ne sont pas financés par le gouvernement mais simplement par Samuel, notre hôte, et surtout Dan, le volontaire américain qui a réussi à récolter quelques milliers de dollars auprès de son entourage. Une fois la construction terminée, à ce moment-là, le gouvernement devrait aider pour l’équipement médical et pour rémunérer le personnel de santé.

Donc aujourd’hui, Audrey ou moi restons à tour de rôle au chevet d’Anaïs. Nous prenons aussi nos marques dans notre nouvel environnement. On s’y sent déjà bien. Puis de nouveau, nous passons à table…

Dimanche 17 janvier 2021 :

L’état d’Anaïs s’améliore mais ce n’est pas encore ça… Elle est d’une incroyable patience au bout de deux jours entiers dans son lit entouré de 4 murs en béton poussiéreux. Aujourd’hui, alors qu’Audrey reste avec Anaïs qui commence à manger des bouchées de moineau et à s’hydrater un peu plus, Victor et moi allons avec Fred et Heinrich en tant que volontaires et Godwins, l’un des fils de Samuel, travailler sur le chantier. L’opération de la semaine consiste à remblayer les fondations de cailloux que nous allons chercher sur le terrain ou sur le bord de la route. Il n’y a qu’une seule brouette hors d’âge pour 4 adultes. Un peu juste mais on s’en contente. Nous la chargeons de blocs basaltiques d’origine volcaniques qui pour certains ne doivent pas être loin des 80 kg. Mais le travail avance bien. La qualité de construction est bien loin de nos normes européennes. Le rang des fondations, qui n’en sont pas réellement en fait, est juste 3 couches superposées de béton sur une cinquantaine de centimètres de hauteur et repose directement sur la terre. Pas de ferraillage dans le béton. De plus, celui-ci coulé depuis déjà quelques jours paraît très tendre encore. La quantité de ciment n’est certainement pas en quantité suffisante. Mais bon, comme toutes les autres constructions ici, c’est l’ensemble final qui devrait se tenir une fois que tout sera assemblé.

Nous apprécions en tous les cas de nous sentir utile et ça fait du bien de travailler aussi un peu car ça fait longtemps que ça ne nous était pas arrivé… Victor met beaucoup de bonne volonté et passe comme nous trois grosses heures à porter des cailloux. La journée de travail se termine un peu avant 13 heures. Nous allons nous laver dans notre baignoire géante de 68 800 km², soit la quasi superficie de toute la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Mais bon, nous écoutons les conseils de Godwins qui nous avertit bien de ne pas nager trop loin car il y a des hippopotames. Que c’est bon de tremper et de se laver dans cette immensité lacustre.

Avec Audrey et Victor, nous partons découvrir le petit hameau voisin de Kitawi où nous sommes confrontés à un sacré changement culturel par rapport à notre voyage des derniers mois en Europe ! On adore !

Pour la troisième fois, nous sommes invités à diner deux fois, chez chacune des épouses de Samuel. Un délice à chaque fois. Elles prennent soin de nous. Environ 7 à 8 plats sont disposés sur chaque table dans lesquels nous devons nous resservir à plusieurs reprises pour faire honneur à nos cuisinières. Elles cuisinent si longtemps, au feu de bois, sans lumière quand la nuit tombe vers 19h15 et qu’il n’y a pas d’électricité, sans autres ustensiles de cuisine que de vieilles gamelles cabossées. Ici, pas de Thermomix et encore moins de réfrigérateur donc pas moyen de conserver les aliments. Tout simplement en guise de cuisine, Méroline et Grace cuisinent dehors au feu de bois, le gaz coutant trop cher. Tout se fait au jour le jour. Ils ne consomment aucun produit laitier malgré la présence de vaches et de chèvres. Mais pas certain que les maigres vachettes soient très productives en lait. Elles broutent ce qu’elles peuvent, y compris des déchets d’emballages plastiques jetés sur le terrain.

Le Lac Victoria, comme tous les soirs, s’illumine de mille feux. On croirait voir du ciel une ville éclairée. En fait, ce sont des milliers de bouées lumineuses de filets de pêche.

Lundi 18 janvier 2021 :

Réveil matinal et deux petits déjeuners nous sont servis. Il va falloir faire un peu d’activité pour dépenser les calories des beignets frits… Dès 8 heures, nous sommes, Victor et moi, sur le chantier, rapidement rejoints par Fred, le volontaire français puis par Audrey et même par Anaïs qui réussit à bouger quelques cailloux. Cela fait plaisir de la voir tenir debout. Le remplissage des cailloux avance et semble satisfaire notre patron !

Les charpentiers sont également au travail. Le chantier a été approvisionné hier par bateau en bois, mais vu leur cintrage, jamais je n’aurais pu imaginer qu’ils puissent servir à être utilisés en bois de charpente. Les 2 ouvriers passent d’abord deux heures à juste redresser les 4 longueurs de 6 mètres. Incroyable. Ils entaillent les chevrons sur la moitié ou les 2/3 de leur épaisseur, plantent des clous dans la fente pour écarter le bois et parviennent à ainsi redresser les longueurs. Tout cela juste avec une scie égoïne et un marteau. Aucun outillage électrique sur le chantier bien entendu. De toute manière, le courant coupe sans cesse. On vient de passer 24 heures sans électricité.

De nouveau, le bain dans le Lac Victoria fait le plus grand bien.

L’après-midi commence par une sieste récupératrice puis il faut se remettre à l’école que nous avons arrêté depuis l’Italie…

Nous prenons le temps de mieux nous connaître avec nos hôtes avec qui le contact est de plus en plus agréable.

Mardi 19 janvier 2021 :

Comme les autres matins, ce sont les chants des oiseaux qui nous réveillent ainsi que le bruit de deux d’entre eux qui viennent donner des coups de becs sur la fenêtre de la chambre pour picorer les insectes.

Ce matin, Anaïs est remise mais elle reste au chevet de Victor qui à son tour est patraque. Moins qu’Anaïs mais ce n’est pas la grande forme. Peut-être une insolation hier ? du moins, un gros coup de fatigue.

Avec Audrey, nous partons travailler (ça me fait bizarre d’écrire ça…) sur le chantier. Godwins est déjà au travail. J’aurai bien aimé embaucher avec lui mais les horaires sont très aléatoires et il est difficile de savoir à quelle heure on commence le lendemain… Il a déjà fait plusieurs aller-retours au lac. Il a vidé 25 bidons de 10 litres sur les soubassements en béton coulés il y a quelques jours pour qu’ils sèchent (oui c’est curieux mais c’est ainsi). Il est en train de ramener sur sa tête une à une des pierres assez lourdes. L’unique brouette est en effet impossible à manœuvrer en raison de son piteux état et du terrain sur lequel il faut rouler, jonché de cailloux et bien suffisamment pentu.

Fred, le Français, nous rejoint et formons une belle équipe à 4 ouvriers. Audrey préfère remplir à moitié des seaux de pierres de tailles moyennes et bouche les trous que nous laissons entre les pierres plus grosses que nous transportons. Des centaines de pierres. Quelques tonnes au total. Le plus important à chaque pierre que nous soulevons est de bien vérifier qu’aucun scorpion n’est accroché dessous. C’est primordial. On en a déjà vu deux cachés sous des pierres et nous restons donc vigilants.

Nous interrompons notre travail pour descendre sur le petit port du hameau voisin de Kitawi pour accompagner Godwins qui part acheter le poisson pour le repas de ce midi. Mais il faut attendre presque une heure que les pêcheurs arrivent et au prix de gros efforts, parviennent à hisser leur lourde embarcation sur le sable noir. Aussitôt, leur pêche est mise en vente. Les deux gros paniers sont vite vendus. Pour 1000 shillings, soit environ 7€, nous rentrons avec une bassine de 2,5 kg de poissons.

C’est l’heure du petit déjeuner. Aujourd’hui, un seul nous est servi et c’est bien suffisant. Comme tous les matins, une copieuse assiette de mandasis (des beignets frits) et une grosse thermos de thé liquoreux qui reste chaud toute la journée nous attendent.

Nous reprenons le travail, toujours en veillant aux scorpions, mais nous n’en voyons pas aujourd’hui, juste une sorte de mille pattes de 5 ou 6 centimètres très venimeux. Godwins m’alerte qu’il ne faut surtout pas le toucher. Par contre, ceux de couleur marron sont inoffensifs.

Les charpentiers continuent leur travail. Avec juste un marteau, une scie égoïne, une scie à métaux, un burin fabrication maison et deux échelles également assemblées hier sur le chantier, ils m’impressionnent en montant les chevrons devenus rectilignes sur les tubes carrés en acier. Le toit devrait être de niveau. Par contre je reste toujours extrêmement sceptique quant à la planéité de la chape de béton. Comme dit Victor, il ne devrait pas y avoir de problème d’évacuation d’eau ! Petite parenthèse d’ailleurs, aucun réseau d’eau usée n’est prévu dans le sol. Pas plus que d’arrivée d’eau. Ce sera une clinique sans adduction ni évacuation d’eau. Pas plus que de toilettes. Peu importe, nous mettons de la bonne volonté à travailler au mieux, à ramener les pierres pour combler le trou. Le soleil est un peu voilé par des nuages mais heureusement, car en fin de matinée, il ne fait pas loin de 30°C. Étant à l’équateur, le soleil est vraiment au zénith à midi.

Il faut maintenant descendre au lac pour aller remplir les bidons pour mouiller le béton demain matin.

En descendant au lac, c’est l’occasion d’observer l’éreintant travail des pêcheurs qui, durant une bonne heure, tirent sur des cordes pour ramener péniblement sur le sable de lourds filets. Déception, le filet est quasiment vide. L’un des pêcheurs saute dans l’eau pour aller ramasser un poisson qui s’était échapper du filet. Rien ne se perd quand on fait de si gros efforts. Mais ils répètent l’opération depuis ce matin, et ils ont quand même retiré de l’eau du Lac Victoria, de gros poissons d’une dizaine de kilos.

Il y a trop de vagues dans le lac et l’eau n’est pas du tout claire pour aller se laver aujourd’hui. On verra plus tard.

Nous remontons à la maison. Toujours pas d’électricité depuis 24 heures mais c’est un détail. On arrive à s’en sortir avec nos lumières de téléphones le soir et avec nos batteries externes pour recharger les appareils électroniques. Dès que le courant revient, on recharge à fond tout ce qu’on peut, car on ne sait pas combien de temps ça va durer. Le premier réseau électrique sur l’île ne fonctionne que depuis 2010 et fournit un millier de ménages en électricité sur les 20 000 habitants de l’île.

Le repas de nouveau très copieux est partagé avec la famille, les volontaires et les charpentiers du chantier. Nous sommes une bonne dizaine à table.

L’après-midi, une fois l’école terminée, est assez relax. Ma sieste récupératrice est brusquement interrompue par la présence d’une petite tête de reptile à 10 cm de mon visage. Je fais un bon dans mon lit avant de comprendre que ce n’est qu’un mignon gecko inoffensif. Demain, je ferai la sieste sous la moustiquaire.

Audrey part au lac aider Méroline à faire la vaisselle. Ce que je ne peux pas faire car ceci se fait sur la plage des femmes et non des hommes. De toutes façons, Méroline confirme à ma chérie que la vaisselle, c’est une affaire de femmes. Envisager que son mari puisse la faire, cuisiner ou balayer la fait bien rire. Méroline installe un tissu enroulé sur la tête d’Audrey et y dépose une grande bassine remplie d’ustensiles de cuisine. Heureusement pour Audrey, la vaisselle est en plastique. Ceux qui la connaissent comprendront. Lorsqu’elles arrivent au bord du lac, Méroline se met en petite culotte. Pour faire la vaisselle ? Ok. Audrey se met donc elle aussi en petite culotte. Pour faire la vaisselle… Mais effectivement, après observation, elle admet que c’est beaucoup plus pratique pour aller rincer les assiettes dans le lac ! La vaisselle terminée, Méroline, tout comme deux autres femmes présentes, finit de se déshabiller pour faire sa toilette dans le lac. Ce moment d’intimité se vit dans la simplicité et dans la bonne humeur. Puis les grandes bassines sont remises sur les têtes et prennent le chemin de la maison à travers les petits chemins terreux.

Nous apprécions le calme des lieux et de n’entendre que le bruit des vagues, celui des insectes et des oiseaux ou bien des animaux de la famille. Autour de nous, sont en liberté 6 vaches, 11 chèvres plus les deux petits chevreaux nés hier (ce qui a tant ému Victor) et des dizaines de poules et poussins. Aucun autre bruit. Pas une voiture. Pas un avion. Nous apprécions aussi manger entre deux repas une mangue ou un avocat si délicieux.

Le sourire des deux épouses de Samuel, Grace et Méroline, est toujours tellement agréable. Elles sont aux petits soins pour nous. Nous admirons leur travail. Elles n’arrêtent pas du matin au soir, entre les nombreux allers et retours au lac, les courses alimentaires aux minuscules épiceries, l’entretien de la maison, la recherche du bois pour la cuisson, les repas pour environ 10 personnes matin midi et soir. Les enfants sont assez grands et très autonomes à part le petit Buda qui a 4 ans. Pas très autonome mais il joue quand-même avec sa machette qui fait la moitié de sa taille… Baby qui a douze ans, est sacrément dégourdie et bien mature. Dès qu’elle rentre de l’école, elle aide sa maman à cuisiner au feu de bois, à couper les légumes. Les grands enfants sont internes et font leurs études sur le continent. Tous ces bons moments nous rappellent ceux partagés lors de notre premier voyage en terre inconnue dans une communauté quechua à Sarayaku en Amazonie.

Alors que je suis en train d’écrire ce blog dans mon hamac, quelques enfants viennent me voir et taper de leurs doigts sur mon clavier, ce qui ne me facilite pas la tâche. Mais ils sont tellement adorables. Avec la température qu’il fait, je suis habillé en tenue estivale, ils caressent en riant les poils de mes bras et de mes jambes… Cela les interpelle beaucoup car leurs ainés ont le système pileux peu développé.

Le soleil se couche vers 19h30, c’est agréable d’être à l’équateur car les journées sont relativement longues. Nous allons manger dans la maison de Méroline encore un repas bien copieux, à base de poissons mais aussi avec un peu de viande ce soir. Victor va mieux mais l’appétit n’est pas encore là, ce qui pour Victor, est un signe que la guérison n’est pas encore complète. Mais nous sommes confiants, cela ira mieux demain.

Nous sortons mais apprenons que Grace, la seconde épouse, est déçue qu’on ne soit pas allé manger chez elle d’abord. Elle avait prévu des chapatis et des haricots rouges cuisinés avec une sauce tomate et des oignons. Désolé Grace. Demain, on viendra d’abord manger chez toi.

Il faut dire que Grace a sa maison la plus éloignée de là où se passent les rassemblements familiaux et de volontaires. Elle ne voit donc pas grand monde. Nous nous sommes réciproquement pris d’amitié pour elle et elle apprécie qu’on passe du temps avec elle, d’autant plus que nous avons notre chambre à côté de sa maison. Elle apprécie aussi je pense qu’on lui donne naturellement un coup de main pour cuisiner ou pour débarrasser. Grace est la première épouse de Samuel. Samuel s’est marié à l’âge de 23 ans puis a épousé Méroline une dizaine d’années plus tard. Il passe du temps avec ses deux épouses mais principalement avec la deuxième. Les deux femmes ont une maison identique sur le même terrain mais nous ne les voyons jamais parler ensemble.

Tiens, je ne vous ai pas encore parlé des mesures sanitaires liées au Covid-19 au Kenya… Et bien, comment dire, autant nous avons vu quelques masques portés sur le menton à la capitale autour de l’aéroport, autant là, sur l’île de Mfangano, aucune précaution n’est appliquée. Il y a bien un couvre-feu nocturne national imposé mais nos hôtes nous expliquent que personne ne le respecte sur l’île. Aucun masque, aucune distanciation sociale, encore moins de solution hydro alcoolique, tout le monde se salue d’une franche poignée de main, se sert dans les plats qui font plusieurs fois le tour de la table… Mais bon, à priori, il n’y aurait pas de cas positif de nouveau Coronavirus déclaré sur l’île, ou du moins pas détecté. Bon le centre de dépistage le plus proche est à 26 km de bateau + 95 km de route… à Kisumu. Peut-être pour ça qu’il n’y a aucun cas détecté sur l’île ! Depuis le début de l’épidémie, il n’y aurait selon les statistiques officielles eu que 1736 décès liés à la pandémie dans le pays tout entier… Bon, une chose certaine est que le fait que la population soit jeune (l’espérance de vie au Kenya est de 66 ans), veut dire que les personnes les plus fragiles sont déjà décédées d’autres maladies (SIDA, Paludisme, Ebola…). Bon, on ne va quand-même pas se fier aux statistiques africaines. La Tanzanie voisine n’affiche que 21 décès liés au Covid-19 en avril et mai derniers et aucun depuis…

Mercredi 20 janvier 2021 :

Ce matin, nous commençons à travailler à 9 heures, et il fait déjà chaud en plein soleil. Il va falloir qu’on revoit nos horaires de travail et qu’on se lève plus tôt dans les jours à venir. Le remplissage des cailloux se poursuit mais ce matin, nous ne sommes que tous les deux à brasser la brouette défoncée. Heureusement qu’il y a une corde pour la tirer car elle ne va pas où on veut quand on la pousse. Il faut être deux d’autant plus qu’elle est à chaque tour bien chargée. Les pierres commencent à se faire rares sur le terrain et on fait des pas et des pas pour remplir une brouette souvent dans des buissons épineux. Samuel nous rappelle de veiller aux scorpions à chaque pierre que nous retournons. Et puis, nous nous occupons de chaque jour aller chercher au lac 250 litres d’eau…

Le travail est physique mais nous sommes tellement heureux d’aider ces gens qui auront un centre de santé plus proche de chez eux. Le plus près aujourd’hui est à Sena à 5 km. Une fois que celui-ci sera terminé, ce sera le 6ème de l’île. Espérons que le gouvernement mettra bien les moyens pour payer le personnel médical. Le petit Buda est d’ailleurs en ce moment malade. Sa maman doit l’emmener tous les jours de la semaine à Sena en prenant des motos taxi. 100 shillings la course. 700 shillings la consultation et les médicaments. Soit environ 5 euros. Je ne pense pas que toutes les familles peuvent se permettre d’aller consulter. Son papa aussi doit consulter et faire des analyses plus approfondies en labo à l’hôpital mais celui-ci se situe à plus de 100 km. Il repousse depuis 5 mois car c’est une expédition pour y aller.

Encore 24 heures sans électricité. Depuis que l’un des deux générateurs de l’île est en panne, c’est à tour de rôle que l’électricité est distribuée aux différents hameaux. Étonnamment, l’énergie solaire est peu développée sur l’île. Dommage, compte tenu de l’ensoleillement et de la position juste à l’équateur où la production solaire atteint son maximum sur la planète. Il faut dire que l’équipement coûte cher et nécessite de l’entretien. Nous avions pu observer, à Sarayaku, en Équateur, que des panneaux solaires avaient été installés par une ONG, mais faute de moyens financiers pour les entretenir, cela n’avait rapidement plus servi à rien.

Les travaux de remblaiement sur le chantier touchent bientôt à leur fin et des femmes apportent maintenant sur leurs têtes de lourds sacs de terre. Ils doivent peser plus de 20 kg. Le travail des prochains jours consistera à étaler cette terre sur les cailloux avant de couler le béton. Pendant ce temps, nous donnons aussi un coup de main aux deux charpentiers qui continuent de faire des miracles avec le peu d’outillage qu’ils ont… Ils sont perchés à 5 mètres du sol, en équilibre précaire sur leur échelle fabriquée avec quelques branches, chaussés de claquettes, sans évidemment aucun élément de protection ou de sécurité.

Nous quittons le boulot et sautons dans la baignoire.

Anaïs et Victor prennent bien leurs repères dans cet environnement. Ils jouent de plus en plus avec les autres enfants. Cet après-midi, ils leur ont appris différents jeux de cartes. Anaïs échange en anglais avec de plus en plus d’aisance.

La langue officielle du Kenya est le Swahili (de même que l’anglais). Mais elle est peu utilisée sur l’île au bénéfice du Luo. Le Luo est parlé par le peuple Luo de Kenya et de Tanzanie. Mais il y a aussi une communauté Suba sur l’île de Mfangano en plus des Luo. L’anglais est bien parlé par tout le monde ici et nous pouvons échanger facilement avec nos hôtes.

Ce soir, nous partageons un dernier repas avec Fred le Nantais, qui part vivre une nouvelle aventure de Workaway dans un autre endroit du Kenya. Les autrichiens mangent avec nous pour la première fois. En compagnie de la famille, nous sommes donc 15 autour de la table de Méroline. Bien entendu, nous sommes allés d’abord manger le même repas chez Grace !

Bon voilà, je vous laisse car je n’ai plus d’électricité pour charger mon ordinateur… Si vous arrivez à lire ces quelques lignes, cela voudra dire que je suis arrivé à publier malgré la connexion internet très médiocre et aléatoire. De même, il y a moins de photos sur cet article, et de moins bonne qualité que d’habitude car je n’ai pas encore osé trop sortir le gros appareil photo. Elles ont toutes été prises au téléphone.

Nous sommes ravis de ces six premières journées dans la famille de Samuel. Nous avons bien pris nos marques et notre rythme. Grace et Méroline prennent vraiment soin de nous. Les enfants sont tous adorables. Nous nous sentons bien dans cet univers malgré le confort très sommaire. Mais qu’importe, ce n’est pas ce que nous sommes venus chercher. Nous voulions du dépaysement et directement entrer en immersion avec une famille africaine. Nous sommes tombés au bon endroit !