551 km parcourus du 3 au 7 novembre 2019
42 635 km parcourus depuis le départ
Dimanche 3 novembre 2019 :
Le bivouac a été bien calme cette nuit. Bon, le lieu n’était pas très glamour car nous avons dormi sur le parking de la frontière entre le Laos et le Vietnam. Ce n’est jamais très beau comme endroit. Mais comme cette frontière ferme la nuit, et que celle-ci est bien perchée en haut d’un col difficile d’accès par une route bien sinueuse et bien trouée, et comme enfin il n’y a pas de village autour, du coup, il n’y a pas eu de passage cette nuit à part quelques camions se mettant dans le file d’attente pour attendre l’ouverture des douanes à 7 heures. Les douaniers laotiens, un à un, sortent avec leur téléphone pour se prendre en photo devant la Tiny. Ils ont l’air cool. Ça promet un passage facile.
8 heures, nous nous présentons aux bureaux de l’immigration pour faire tamponner nos passeports. Et là, ils sont d’un coup beaucoup moins souriants. Le fonctionnaire ne veut pas nous laisser sortir car nous n’avons pas de visas vietnamiens à lui présenter. Je lui explique que nous les prendrons directement à la frontière du Vietnam et je lui montre les prévisas que l’agence (dont je vous parlerai un peu plus loin) nous a envoyé par mail. OK, il nous tamponne nos passeports. Mais il ne me les rend pas. Il les pose à côté de lui et me demande de l’argent… Je fais signe de ne pas comprendre. Sa collègue s’approche et sort de sa poche un billet de 10 000 kips (environ 1€) en me demandant de payer cette somme par personne. Ce n’est pas énorme, certes, mais par principe je refuse la corruption, aussi faible soit-elle. Je lui demande des explications et il m’indique que c’est parce qu’on est dimanche… Je le menace d’appeler l’ambassade, ce que je fais aussitôt devant lui mais ça ne semble pas l’inquiéter. Bon, le problème c’est que l’ambassade de France à Vientiane ne répond pas le dimanche ! Lol. Je lui dis que je ne paierai rien. Il me répond « pas de problème, tu repasseras chercher tes passeports demain lundi et ce sera gratuit » … Bon la plaisanterie a assez duré car notre guide nous attend de l’autre côté de la frontière. Je cède à cette corruption et lui lance un billet de 20 000 sur son bureau. Ça semble lui suffire. Il me lance mes passeports. Aucun problème concernant le véhicule. Aucun contrôle. Nous sortons du Laos. S’en suivent 6 kilomètres de mauvaise route, comme souvent dans les no man’s land ou aucun des deux pays n’entretient la route car elle n’appartient tout simplement à personne ! Magnifique descente de col.
Nous arrivons à la frontière du Vietnam. Notre guide Hai est là au rendez-vous. Pourquoi un guide ? Parce qu’on ne peut pas entrer avec un véhicule étranger dans ce pays sans être accompagné d’un guide. C’est un peu comme la Chine ou le Myanmar (et peut-être demain la Thaïlande où les règles semblent se durcir). Grâce aux échanges de bons plans entre voyageurs, nous avons trouvé une agence qui a accepté de nous faire les formalités d’entrées, de nous proposer un itinéraire que nous avons modifié au gré de nos envies et qu’elle a fait valider par les autorités… mais qui accepte de nous laisser libre ensuite sur le territoire. Ce n’est pas légal mais on verra bien, et au moins on sera libre. Nous convenons juste avec le guide de lui envoyer notre position GPS quotidienne ainsi qu’une photo de la Tiny dans le lieu où nous sommes. Bon, ça nous coûte quand-même 800€ mais c’est le prix de la liberté. Nous avions envisagé un temps de faire le Vietnam en backpack mais nous aurions largement dépensé cette somme en transports, hôtel, restaurants…
Nous faisons nos visas directement à la frontière mais curieusement, le prix varie d’une frontière à l’autre. Nos amis les BAAM ont payé 25 dollars par personne il y a quelques jours à une frontière un peu plus au sud. A cette même frontière, le guide nous informe que d’autres voyageurs il y a quelques semaines ont payé 35 dollars. Pour nous aujourd’hui, c’est 45 dollars. Le prix est bien marqué noir sur blanc sur un grand tableau accroché au mur. Ça ne semble pas choquer le guide. Pas d’autre choix que de payer 180 dollars pour l’obtention de nos 4 visas. Évidemment, tout se paye en liquide et en USD…
L’importation temporaire du véhicule se passe bien et c’est notre guide qui s’en occupe. Bon du coup, tout s’est assez vite passé et nous avons passé les deux frontières en 1h30 ce qui est assez rapide pour un passage de frontière.
Nous prenons la route en direction de Diên Biên Phu en suivant la voiture de Hai jusqu’à la première ville pour régler quelques formalités administratives.
Et là surprise, alors qu’on nous avait dit que le réseau routier était bon au Vietnam, on se retrouve sur une route défoncée voire même une piste par endroit bien poussiéreuse. Nous descendons du col tant bien que mal. Nous croisons des deux roues très lourdement chargés. Ils montent vers la frontière pour certainement vendre des marchandises qui partiront en direction du Laos. Ils sont chargés de gros cartons, de gros sacs en nylon, de plusieurs bouteilles de gaz…
Mais les paysages sont absolument magnifiques. Comme de l’autre côté de la frontière, ils sont très verts, très boisés. Mais on voit beaucoup plus de cultures de potagers et de petites parcelles cultivées. Les maisons que nous voyons semblent également plus cossues avec des matériaux plus résistants que du simple bambou. Elles sont de plus grandes tailles, tout en bois.
Arrêt en bord de route où nous accueillons Hai autour d’un café dans la Tiny pour régler la facture de l’agence, l’assurance du véhicule qu’il a souscrite pour nous ainsi que la carte SIM. Arrêt au distributeur pour retirer nos premiers dong au taux de 1 dong pour 0,000039€ ou bien 1€ = 25 813VND. Nous voici donc millionnaires avec des billets de 500 000 en poche !
Nous arrivons à Diên Biên Phu (Điện Biên Phủ selon l’orthographe vietnamienne mais je cherche encore certains accents et caractères sur mon clavier). Qui n’a pas entendu parler de cette ville (bien connue pour sa bataille militaire) dont le simple nom résonne encore dans nos esprits comme un lointain souvenir de nos cours d’Histoire bien lointains du collège et du lycée ? Bien que je ne sois pas certain qu’on ait passé des heures sur cette douloureuse période de l’Histoire de la décolonisation d’après-guerre. Nous sommes bien venus ici pour son côté historique car la nouvelle ville n’a rien pour elle et est assez vilaine.
Effectivement, ce nom est bien connu de tous mais franchement pour nous, aujourd’hui va être une belle leçon d’Histoire. Ça tombe bien car en plus, ce matin on n’a pas fait école à cause du passage de frontière. Revenons rapidement sur la Guerre d’Indochine dont le conflit armé se déroula de 1946 à 1954 sur les actuels territoires des Vietnam, Laos et Cambodge.
Historiquement, l’Indochine est le nom donné, après 1888, à la réunion des colonies ou protectorats français de Cochinchine, Cambodge, Annam, Tonkin, Laos, Kouan-Tchéou-Wan. Concernant le Vietnam, il était donc comme ses voisins sous contrôle français et composé de deux protectorats (le Tonkin au nord, l’Annam au centre) et d’une colonie (la Cochinchine au sud). A la défaite française face à l’Allemagne en juin 1940, le Japon qui mène une politique expansionniste en Asie s’empare de l’Indochine. Le Gouverneur général d’Indochine ne peut s’opposer à l’occupation mais maintient tout de même l’administration française. Dans cette situation de double occupation franco-japonaise, le mouvement nationaliste émerge, avec notamment la création par Hô Chi Minh, en 1941, du Front de l’indépendance du Vietnam : le Viêt Minh. Le 2 septembre 1945 (date de la capitulation du Japon), le Viêt Minh proclame unilatéralement la République démocratique du Vietnam indépendant. Le général de Gaulle donne alors l’ordre de « rétablir la souveraineté française » et les troupes françaises entrent à Saigon le 5 octobre 1945 ; mais la présence des troupes chinoises au nord de l’Indochine et celle d’un gouvernement vietnamien obligent la France à négocier : celle-ci obtient le départ des Chinois contre l’abandon de ses possessions en Chine et reconnaît en mars 1946 la République du Vietnam comme un « État libre ayant son gouvernement, son armée, ses finances », mais intégré dans une fédération indochinoise faisant elle-même partie de l’Union française. Cependant, le 23 novembre 1946, les Français bombardent le port de Haiphong, faisant au moins 6000 morts. La rupture est définitivement consommée. Le Viêt Minh lance une offensive dans le Tonkin en assassinant des ressortissants français. La France répond en envoyant ses troupes : c’est le début de la guerre d’Indochine.
Les moyens militaires importants engagés ne parviennent pas à stopper l’insurrection Viêt Minh. Pendant la campagne 1952–53, le Viêt Minh avait occupé de larges portions de territoires du Laos, un allié de la France et voisin occidental du Vietnam. En 1953, la Guerre d’Indochine n’évolue pas en faveur de la France. La stratégie française consiste alors à créer une enclave dans la jungle au milieu du territoire ennemi, une base opérationnelle ravitaillée par le transport aérien et permettant le contrôle d’une large zone forestière, le tout avec une artillerie conséquente : des mortiers, des mitrailleuses lourdes et une quantité énorme de munitions. L’armée française s’installe à Diên Biên Phu.
Mais cette petite ville du nord du Vietnam et sa plaine environnante devinrent en 1954 le théâtre d’une violente bataille entre le corps expéditionnaire français (composé de diverses unités de l’armée française, des troupes coloniales et autochtones), sous le commandement du colonel de Castries, et l’essentiel des troupes vietnamiennes (Viêt Minh) commandées par le général Giáp. En effet, les parachutistes français sont progressivement encerclés par les troupes du Viêt Minh qui lancent son offensive le 13 mars 1954. Les points d’appui protégeant la place forte sont pris un à un, l’aide aérienne devient impossible après que les États-Unis ont refusé d’intervenir. L’assaut final est donné dans les premiers jours de mai 1954 et les combats se terminent au corps à corps. Cette bataille de Diên Biên Phu se termina le 7 mai 1954 par arrêt du feu, selon les consignes reçues de l’état-major français à Hanoï. Cet assaut final coûte la vie à 4500 soldats français et à 8500 combattants du Viêt Minh. C’est la défaite des forces françaises. La France quitte la partie nord du Vietnam, après les Accords de Genève signés en juillet 1954. Si ces accords mettent fin à la guerre d’Indochine et reconnaissent l’intégrité et l’indépendance du Laos et du Cambodge, ils consacrent également la division du Vietnam en deux États de part et d’autre du 17ème parallèle dans l’attente d’élections générales qui doivent aboutir à leur réunification : au nord, la République démocratique du Vietnam dirigée par le communiste Hô Chi Minh (étroitement liée à l’URSS et à la Chine) et au sud la République Sud-Vietnam. Les Accords de Genève n’ont pas réussi à instaurer la paix dans la région. Car, entre les deux Vietnam, au Laos et au Cambodge commence aussitôt une lutte d’influence pour le contrôle de la péninsule entre communistes et nationalistes pro-états-uniens. Cette division en deux États rivaux du territoire vietnamien sera suivie par la Guerre du Vietnam (1955-1975) qui fera un total de plus de 3 millions de morts.
Le bilan officiel de la Guerre d’Indochine se chiffre à 60 000 morts français. Le nombre de prisonniers de l’armée française qui moururent durant leur captivité reste inconnu. Le Viêt Minh enregistra des pertes cinq fois supérieures, soit 500 000 individus. Au total, on estime qu’environ 600 000 personnes – militaires et civils – ont trouvé la mort durant ce conflit.
Nous visitons le passionnant et émouvant musée consacré à cette bataille. Ce Musée de la victoire de Diên Biên Phu est bien entendu fait d’un point de vue contre la France et pro forces du Viêt Minh. Il a l’avantage par contre d’être traduit en français. Il met en avant la logistique des combattants et le fait qu’ils acheminaient les armes lourdes, les canons antiaériens (en pièces détachées) et des milliers d’armes automatiques grâce à des porteurs à travers la jungle, à pied ou en bicyclette. On y voit d’ailleurs un vélo Peugeot qui servit à transporter ce matériel de guerre.
Nous y lisons beaucoup de témoignages de l’époque, voyons des lettres de missions des généraux, des cartes d’État-major et toute une collection d’objets retrouvés sur le site. Émouvant.
Le musée met bien évidement la victoire du Viêt Minh et affiche sa fierté : « Pour la première fois dans l’Histoire, l’armée d’un pays colonisé l’emportait sur celle d’une puissance européenne, provoquant une onde de choc sur toute la planète et l’effondrement du système colonialiste ».
Nous comprenons mieux également la configuration des lieux et le choix stratégique discutable du commandement français de s’installer ici. En effet, les militaires se sont installés dans une cuvette dénudée d’environ 18 km sur 6 à 8 km, entourée de montagnes boisées, dont certaines à moins de 1000 mètres du centre de la cuvette, donc à une simple portée de canons que le Viêt Minh pouvait y installer. Sur cette cuvette, les français s’étaient installés sur des petites buttes de terre paraissant bien fragiles face à l’ennemi. Les terrains d’aviation étaient aussi à découvert obligeant rapidement à parachuter les vivres.
Sur la photo suivante, on voit l’une des collines de couleur vert foncé. A l’horizon, les montagnes entourant la cuvette où le Viêt Minh s’était installé.
Nous visitons l’une des collines, la colline Eliane. Du matériel militaire du Viêt Minh est exposé. Au sommet de celle-ci, on peut voir les vestiges d’un bunker enterré et de tranchées où vécurent les derniers soldats français juste avant l’assaut final. Nous voyons aussi le trou béant créé par l’explosion d’une tonne d’explosifs. A cet emplacement même, était situé un poste de commandement de l’armée française. Les soldats du général Giap (Viêt Minh) ont creusé un étroit boyau de plusieurs dizaines de mètres sous ce poste. Ils ont fait sauter pulvérisant le blockhaus en béton et ses occupants, laissant place à un cratère de 10 mètres de profondeur.
Au pied de cette colline, nous passons dans l’un des 5 cimetières vietnamiens de la ville. C’est le plus petit mais il contient 600 tombes.
2000 morts français n’en ont pas et furent enterrés dans l’urgence pendant la bataille. Un simple monument aux morts français (le seul du pays) est érigé un peu plus loin. Nous passons bien entendu saluer la mémoire de nos soldats et leur rendre hommage au Monument du Souvenir des officiers et soldats de l’armée française. Il a été érigé simplement en 1994 par un ancien légionnaire d’origine allemande. En 1986, à la suite des exigences du gouvernement communiste vietnamien qui ne voulait plus aucun mort français sur son territoire, un accord franco-vietnamien a été conclu pour exhumer et rapatrier les dépouilles de 27 000 civils et militaires en France. Un Mémorial des Guerres d’Indochine a été construit pour l’occasion à Fréjus pour accueillir les corps de 20 000 soldats. Mais les corps de 35 000 militaires manquent à l’appel.
Nous déambulons sur le site de la bataille autour de l’aérodrome où surgissent plusieurs chars, canons et morceaux d’avions.
Puis, c’est la visite du QG du général de Castries. Long de 20 mètres et large de 8 mètres, il était enfoui sous terre et divisé en 4 pièces. Il était relié à la colline Eliane par une tranchée. Ces salles servaient de PC au commandant des forces aériennes et au général de Castries. Ce bunker a été témoin des réunions secrètes entre le général de Castries et de nombreux dirigeants influents tels que le Premier ministre français Joseph Laniel, le président américain Dwight Eisenhower, le Premier ministre anglais Winston Churchill.
Bon les enfants n’ont pas eu école aujourd’hui mais une sacrée leçon d’Histoire. Et nous aussi. Et peut-être que vous aussi !
Petit tour par le marché où nous voyons des fruits ou des légumes qu’on ignore comment cuisiner.
Puis nuit au calme sur le parking du QG du général de Castries au bout du terrain d’aviation.
Lundi 4 novembre 2019 :
La cavale continue, en nous dirigeant plein nord du Vietnam. Premier plein de gasoil à 0,63€ le litre. Il n’y a quasiment pas de voitures. Que des deux-roues…
Nous nous approchons de nouveau de la frontière chinoise distante d’environ 10 kilomètres. Les maisons paraissent effectivement plus solides qu’au Laos. Le niveau de vie, bien qu’assez bas, semble lui aussi plus élevé que de l’autre côté de la frontière.
Les paysages sont très montagneux et une nouvelle fois, bien que le goudron soit en bon état, la vitesse moyenne sur une journée de route ne dépasse guère les 30 à 40 km/h. On profite, on fait des pauses photos, on s’arrête acheter du pain à des petits vendeurs ambulants. Il y a beaucoup de cultures, parfois très haut dans les montagnes. D’ailleurs, nous ne voyons pas d’engins mécanisés à usage agricole, même pas les gros motoculteurs qu’on voyait de temps en temps au Laos. Tout se fait à la main ou à l’aide des bœufs et buffles.
Nous nous arrêtons acheter quelques fruits et légumes en bord de route auprès de femmes de l’ethnie H’Mông. Elles portent des vêtements brodés et très colorés, des jupes plissées, des grosses chaussettes, des foulards cachant de gros chignons. Curieuses, elles approchent de la Tiny.
On observe la vie locale, les travaux dans les champs avec les buffles, les femmes qui font sécher directement sur la route des légumes, du riz. Nous observons les différentes ethnies peuplant ces villages. D’un versant à l’autre d’une montagne, d’une altitude à l’autre, ce ne sont pas les mêmes. Les faciès changent de même que les tenues portées par les femmes. La route (dont l’état laisse à désirer par moment) serpente le long de cours d’eau régulièrement jalonnés de barrages. Certaines personnes vivent directement sur l’eau.
Un peu plus loin, c’est la rencontre avec Denis, un cycliste français de 52 ans venu passer 3 mois dans les montagnes du nord Vietnam. Chapeau ! car ça monte et ça descend sans cesse.
Nous arrivons dans une vallée plantée de bananiers. D’énormes régimes sont en vente en bord de route. Elles sont d’ailleurs délicieuses.
Lors de certain de nos arrêts, les vietnamiens sont assez intrusifs. Pas tous évidemment, mais certains n’hésitent pas à monter directement dans la Tiny sans nous demander, des fois même avec le téléphone à la main en train de filmer. C’est un peu comme en Iran ou en Mongolie.
Nous nous arrêtons manger en bord de route. Ce n’est pas vraiment un resto. On hésite à entrer car comme souvent ici, la limite entre la partie privée et la partie commerciale est difficile à faire. Les gens habitent et travaillent au même endroit. Victor est d’ailleurs invité à s’installer pour regarder la télé. Les échanges avec les personnes se font ce midi avec Google Traduction. L’une d’elle nous écrit qu’ils sont pauvres mais qu’ils sont contents de nous avoir à leur table. Quelques instants, il revient en nous écrivant encore qu’ils sont pauvres mais qu’ils font tout pour nous satisfaire.
Les petits villages traversés sont une enfilade de petits commerces avec de larges enseignes.
Nous atteignons un immense complexe d’une dizaine de grottes de Pu Sam Cap. Il a été découvert en 2006. On ne s’attendait pas à trouver un site aussi majestueux, aussi splendide. Une incroyable beauté naturelle. La première est la grotte Thien Mon (Porte du ciel). Nous y pénétrons par une énorme porte en arc. Puis nous arrivons dans une salle vraiment gigantesque. Au sol, il y a beaucoup de stalagmites qui sont le résultat des écoulements d’eau pendant des millions d’années. Au plafond très haut des milliers de stalactites. Les deux parfois se rejoignent et créent de magnifiques colonnes. Le peu de lumière artificielle donne encore plus de magie aux lieux. Nous sommes les seuls visiteurs.
Nous traversons cette première grotte et voyons à son extrémité un puits de lumière naturelle. Nous avons traversé la montagne. Nous marchons à travers une forêt primaire parsemées de plantes diverses, pendant une demi-heure.
Puis nous arrivons à la grotte Thien Duong (Paradis). Afin d’y descendre, nous nous accrochons à une corde qui court le long des falaises. Au milieu des stalactites et des stalagmites de la grotte créant des formations spectaculaires, les lignes courbes sur le sol en pente ressemblent à un champ en terrasses.
Le reste de l’après-midi est consacré à l’école et au blog. La nuit tombe vite, dès 17h30. Il fait un peu frais car nous sommes à plus de 1000 mètres d’altitude. Le personnel de la grotte nous autorise à bivouaquer sur le parking de la grotte et ferme le portail derrière nous.
Mardi 5 novembre 2019 :
Nous traversons la ville de Lai Châu. Une très large 2×3 voies bordée de lampadaires et de plantations d’arbres nous accueille : surprenant. Alors qu’il n’y a quasiment aucune voiture. De chaque côté, quelques bâtiments immaculés. On ne s’attendait pas à trouver autant de richesses ici dans cette petite ville de montagne.
Mais rapidement, nous retrouvons l’ambiance des petits villages où les habitants se déplacent toujours en scooters ou petites motos beaucoup trop chargées.
Nous ne faisons que monter et descendre de plusieurs centaines de mètres d’altitude. Parfois, nous passons à travers les nuages. Nous découvrons également les premières plantations de théiers. On en avait déjà vus pas très loin d’ici mais en Chine dans le Yunnan. Ils sont aussi cultivés en terrasses.
Puis, c’est l’arrivée à Sapa. Bon, franchement, l’arrivée est très décevante par le côté hyper méga touristique de la ville. Sans intérêt. Nous nous posons pour le bivouac le long d’un lac en centre ville.
Bon, si on est venu ici, ce n’est pas pour la ville mais pour visiter le petit village de l’ethnie des H’Môngs Noirs de Cat Cat. Pour cela, nous descendons de 300 mètres d’altitude par une rue qui serpente entre hôtels et resto très vilains. Voyez sur la photo suivante le tas d’hôtels qui se construit. A celui qui aura la meilleure vue sur la vallée. Bon, il faut dire que la vue, bien que brumeuse aujourd’hui, est très belle. Et elle doit être encore plus belle quand toutes ces rizières sont vertes.
Toute la ville est en travaux. L’autoroute reliant Hanoï à la Chine passe à quelques kilomètres. Et la Chine est tout près. Forcément, il y a des milliers de chinois. Et les chinois, ils aiment quoi ? et bien se prendre en photo et poser pour des selfies tout en étant déguisés. Le petit village de Cat Cat qu’on espérait authentique n’a rien de cela. On trouve des dizaines de boutiques vendant non pas de l’artisanat mais des tenues imitant les tenues traditionnelles des H’Môngs avec en plus des paillettes et des breloques car les chinois en raffolent. Tout est fait ensuite pour la prise de photo : des estrades, des balançoires…
Arrivés dans le petit village, nous parvenons quand-même à voir quelques H’Môngs vêtus de leurs tenues traditionnelles. Certaines femmes teintent à l’indigo, tissent et brodent. Du véritable artisanat cette fois.
Nous visitons une maison-musée traditionnelle de cette ethnie.
D’autres maisons traditionnelles ont été conservées et reconverties à usage commercial ou reconstruites selon la tradition de l’ethnie. Elles sont couvertes de larges bardeaux en bois.
Que ce soit dans la ville moderne de Sapa ou bien dans ce petit hameau de Cat Cat, nous croisons des locaux de cette ethnie vêtus de leurs tenues si particulières.
Puis nous arrivons tout en bas du village, sans trop savoir quoi penser de ce Disneyland. C’est un peu trop bien aménagé.
Cette journée aurait presque été décevante s’il n’y avait pas eu cette belle rencontre avec cette femme d’une minutie et d’une patience incroyables. Le Batik, teinture à réserve de cire d’abeille chaude utilisée pour les motifs de dessins décoratifs sur les vêtements est un art original des femmes Hmong et Yao Tien. Elles utilisent une sorte de stylo dont la pointe est faite d’une plaque en cuivre repliée et fixée sur un manche en bambou. L’arrête du stylo est trempée dans la cire chaude, puis appliquée sur le tissu. Lorsque le dessin est terminé, le tissu est trempé dans de nombreux bains d’indigo pour le teindre en bleu, puis bouilli. La cire fond et le décor se détache alors en blanc sur le fond bleu. La taille du stylo varie en fonction du dessin, petite pour dessiner les fleurs, moyenne pour les motifs frangés, grande pour tracer les lignes ou les cercles. Il est en forme de tubes pour les spirales. Audrey passe un long moment à observer les gestes de cette femme attachante. Elle porte les habits traditionnels de même que beaucoup de bijoux dont ces lourdes boucles d’oreilles en argent qui lui déforment ses lobes.
Sa voisine file de la laine avec un vieil instrument en bois qu’elle actionne en pédalant avec ses pieds. Échanges de beaux sourires avec ce petit groupe de H’Môngs.
Nous assistons à une démonstration de danse traditionnelle et pour ceux qui se rappellent de notre défi de ce mois de novembre… l’occasion tombe à pic pour apprendre une danse traditionnelle. Voir la vidéo dans l’onglet défi du blog…
Retour à la Tiny mais nous avons la flemme de gravir les 250 mètres de dénivelés au milieu des travaux et des hôtels très moches. C’est donc en scooter-taxi que nous montons dans le centre-ville. Trois par scooter sur une pente de plus de 10% !
Nous passons la soirée avec nos amis les Hakuna Matata que nous avons retrouvés aujourd’hui.
Mercredi 6 novembre 2019 :
Demi-tour par la route déjà empruntée à l’aller : le Passage des nuages traverse la chaîne Hoang Lien Son. Le col O Quy Ho, appelé la porte du ciel de Sa Pa, est le point culminant des routes du Vietnam, à plus de 2000 mètres d’altitude. De par sa hauteur, sa robustesse et sa longueur de plus de 50 km, c’est le roi des passages et se trouve au premier des « 4 grands cols du Vietnam ». Par temps dégagé, on peut voir le toit de l’Indochine, le mont Fansipan (3143 mètres) mais il est très souvent caché dans cet océan de nuages. La beauté de ces paysages majestueux sous les nuages qu’arrivent à percer certains rayons de soleil est indescriptible.
Puis arrivés dans la vallée, c’est de nouveau des terrasses de théiers à perte de vue le long des flancs des montagnes. La petite route longe la rivière Noire.
Nous traversons des villages habités par des tribus H’môngs et Thaïs. Les femmes Thaïs portent non pas des jupes plissées très colorées mais des longues jupes droites noires, parfois brodées.
C’est la troisième fois que la route est bloquée par une barrière. Mais dès notre arrivée, un policier tire (cette fois depuis son hamac !) une corde pour lever la barrière. Le coup d’avant, un autre agent était venu pulvériser sur les bas de caisses et les roues un produit certainement désinfectant, alors que les bas-côtés au même endroit étaient jonchés de détritus… Nous croyons que c’est l’occasion de nous soutirer quelques dongs mais non, c’est gratuit…
J’apporte toujours beaucoup d’attention et de vigilance aux autres usagers de la route. Il y a tellement peu de circulation de voitures ou de camions qu’ils ne sont pas habitués à en voir et surgissent n’importe comment sur la route sans regarder si une Tiny house arrive. Les enfants jouent sur la route. Les femmes font sécher de la paille de riz, des feuilles de thé ou des écorces de fruits sur le bitume.
Puis, ce sont de nouveau des rizières en terrasses que nous suivons le long de la rivière noire.
Nous arrivons et posons notre bivouac en plein milieu des rizières de la ville de Mu Cang Chai. Nous nous mettons à l’école et recevons la visite de beaucoup de curieux, tous très souriants et agréables.
Petit tour en ville pour faire quelques courses et acheter quelques nems pour le repas de ce soir.
Comme chaque soir, le réveil du téléphone sonne à 17 heures pour nous rappeler d’envoyer notre position GPS et une photo de la Tiny dans son environnement à notre guide. C’est la seule contrainte pour nous. Rien à voir avec la Chine où nous étions tenus de rester ensemble et d’avoir les guides avec nous. Cette possibilité d’entrer avec un véhicule au Vietnam n’est pas encore très connue de notre communauté de voyageurs et beaucoup de monde est surpris de nous savoir ici. D’ailleurs, nous ne croisons aucun autre voyageur motorisé. Je pense bien qu’on n’est que 3 familles actuellement au Vietnam (avec les BAAM et les Hakuna Matata).
Jeudi 7 novembre 2019 :
Dès 7h50, les enfants sont déjà à l’école. Deux bonnes heures plus tard, nous partons marcher autour des rizières et dans le petit hameau du bout de la ville de Mu Cang Chai. Nous ne recevons que des sourires, des hello, des signes affectueux et de bienvenue. Les maisons en bois sont cossues. La partie jour se trouve au sous-sol entièrement ouvert sur l’extérieur. L’étage est réservé à la partie nuit.
Nous prenons la route. Et ça monte encore. La Tiny se comporte au poil ! Elle avale les kilomètres et les dénivelés sans aucun problème. Nous suivons toujours la rivière noire et profitons des incroyables paysages des vallées cultivées et des montagnes portant des rizières en terrasse sur leur pente.
Malheureusement, les chinois arrivent aussi dans le coin et de grosses infrastructures hôtelières sont en construction dans cette vallée.
Nous atteignons le col Khau Pha à plus de 1500 mètres d’altitude dans une mer de nuages. On ne voit pas à 20 mètres. Ce qui n’est pas dénué de danger car le peu de voitures et de camions roulent sans les phares.
Arrêt dans la ville de Tu Lê pour y faire une petite randonnée en traversant des rizières en terrasse et des ponts suspendus pour rejoindre des villages Thaï et H’Mông. Les habitants sont en tenues traditionnelles. De superbes jardins potagers sont très bien entretenus autour des maisons.
Puis petit tour dans le village et des petits commerces où nous observons les femmes Thaïs noirs porter leurs longues jupes noires. Certains hommes portent de curieux casques. D’autres vieux hommes portent le béret, certainement un héritage de la France.
Nous suivons toujours des scooters chargés de choses incroyables. On n’a pas eu le temps de le prendre en photo assez rapidement mais on en a vu avec un gros cochon à l’arrière ou bien un autre traînant au sol un fer à béton de 8 à 10 mètres de longueur !
Assez rigolo, on voit des femmes avec un casque, on suppose que c’est pour s’adapter à la forme de leur gros chignon !
En fin d’après-midi, après la longue descente à 10% du col, nous nous posons dans la cuvette de Muong Lo où se trouve la ville de Nghia Lo.
Le bivouac s’installe ce soir sur une petite place de hameau. Rapidement, une cinquantaine de gamins nous entourent. Anaïs et Victor sortent le frisbee, les balles de jonglage… et le jeu s’improvise avec les enfants du village.
21h30, un scooter se gare à côté de la Tiny. On frappe à notre porte. On n’ouvre pas car ce doit être la police et on a décidé d’adopter la technique de nos amis les Gali. 21h32, ça frappe. 21h45, ça frappe. 22h03, ça frappe. Puis ça se calme. Il a dû en avoir marre.
22h30, un scooter au bruit de moteur beaucoup plus gros se gare. C’est au moins un 150 cm3. On frappe beaucoup plus fort à la porte. Là, ça doit être un chef… On n’ouvre pas de crainte qu’ils nous demandent de changer de bivouac.
22h43, bon là il va défoncer la porte. On entend cette fois parler anglais. J’ouvre la fenêtre. C’est bien la police. Ils me demandent de descendre. Je ne descends pas. Ils sont 4 dont deux en uniformes. Ils ont dû être appelés en renfort par les deux autres que je comprends être la police locale du petit village où nous sommes installés. Ces deux derniers sont en uniforme local et chaussés de claquettes. Contrôle des passeports. Je leur donne par la fenêtre les photocopies mais ça ne leur suffit pas. Ils veulent les originaux et les visas. Je m’habille et descends. Tout est en règle. Sauf qu’ils ne comprennent pas ce qu’on fait là, comment on est arrivé ici sur cette place. Ils veulent savoir qui nous a indiqué cet emplacement. Je leur dis qu’on a juste quitté la route et on s’est posé ici au hasard. Ça ne leur va pas. Ils veulent également savoir ce qu’on fait au Vietnam et comment on y est venu. Mon explication de notre parcours depuis un an et notre arrivée par la route ne semble pas les satisfaire. Ils me demandent si on a un guide ou une agence. Je leur réponds que non. Ils me disent qu’on devrait dormir à l’hôtel. Ils m’expliquent que nous devrions nous enregistrer chaque jour dans un poste de police. OK, nous irons à notre prochaine étape. J’en ai marre. Je fatigue. Je récupère mes précieux passeports et retourne me coucher à 23h08.
23h12, il va encore défoncer la porte. J’ouvre encore la fenêtre et ils me posent encore des questions inutiles. Je lui réponds que j’en ai marre et qu’on en reparlera demain. Je retourne me coucher à 23h32. Nous entendons encore les policiers parler pendant un long moment, éclairer la Tiny avec leur torche, tapoter dessus pour voir les matériaux. Puis enfin, ils s’en vont.