253 km parcourus du 21 au 28 mars 2020
54 572 km parcourus depuis le départ
Samedi 21 mars 2020 :
Un nouvel article de blog commence. Mais il va forcément être différent des autres. Le « lock down », c’est-à-dire le confinement lié au Covid-19 est imposé en Malaisie depuis le 18 mars. Les établissements publics et les magasins ferment, la circulation et les déplacements sont restreints. Les informations ne sont pas encore très claires et un peu contradictoires mais nous avons pris la décision de nous poser. Plus de visites. Plus de sorties. Plus de rencontres.
Notre bivouac se poursuit sur le parking de la mosquée Abu Bakar à Tanah Rata. Il a l’énorme avantage qu’on soit bien placé et surtout bien à l’abri pour appliquer les bonnes consignes de distanciation sociale. Mais les recommandations sanitaires qui commencent juste à être diffusées en Malaisie ne sont pas encore correctement appliquées. L’imam vient nous saluer mais il me tend la main pour me saluer. Je n’ose pas refuser.
Nous-mêmes faisons une toute dernière entorse à la règle en allant rencontrer des voyageurs. Les enfants restent à la Tiny mais nous partons discuter un court instant avec Les Koukineau. Hélène et Kadir sont un jeune couple de français voyageant dans un fourgon qui vient juste d’arriver en bateau en Malaisie. Il est toujours important et réconfortant, surtout dans une période comme on vit en ce moment, de connaître du monde autour de nous et de se savoir entourés. Eux comme nous, pouvons avoir besoin les uns des autres. La solidarité entre voyageurs, surtout en ces moments de doute, est forte. Un nouveau groupe WhatsApp se forme « Les confinés en Malaisie » ! Il nous permet d’échanger sur les toutes dernières infos que nous parvenons, les uns les autres, à glaner dans les médias locaux et avec les locaux. Nous sommes 4 camions dans la même situation en Malaisie. Nous nous rapprochons également de l’Ambassade de France en Malaisie et suivons régulièrement les messages de la cellule de crise. Nous nous inscrivons également sur le Fil d’Ariane du Quai d’Orsay.
Victor passe des heures à faire un montage d’un film stop motion. Il déplace une à une ses figurines Lego en prenant une photo à chaque fois. Plus de 240. Il se débrouille très bien avec le logiciel de montage en insérant des titres, des génériques… Avec sa sœur, ils jouent également à Minecraft sur le PC.
Ce soir, on se régale d’une bonne frita avec les poivrons locaux accompagnée du délicieux jambon d’Espagne d’Émilie et Boris. Au moment du repas, le muezzin de la mosquée nous apporte deux belles portions de riz et de poulet.
Nous nous fixons comme petit rituel quotidien de regarder une émission « C’est pas sorcier ». A tour de rôle, nous choisissons chaque jour le thème. Le confinement peut durer. On en a plusieurs centaines sur notre disque dur !
Dimanche 22 mars 2020 :
Toutes nos matinées restent consacrées à l’école. Ce matin, je publie le précédent article de blog. Ils vont s’espacer… Je n’ai plus grand-chose à raconter. Le moral reste globalement bon. Nous sommes soulagés d’avoir pris la décision de ne plus aller en Afrique. Nous avons tellement hésité que cela nous a beaucoup occupé l’esprit jour et nuit. Un stress décisionnel en moins… Les enfants ont immédiatement rebondi sur notre nouveau projet de partir découvrir le continent européen. Anaïs se réjouissait de partir en Afrique mais n’avait pas d’attentes particulières. Par contre, Victor, depuis très longtemps rêvait de découvrir l’Égypte. Il nous en a tellement parlé. Il en sait tellement plus que nous sur le mystère des Pyramides. Mais bon, il ne semble pas trop affecté par notre décision qu’il comprend bien. Il est également déçu de ne pas visiter le parc Legoland de Singapour, après avoir déjà renoncé à visiter celui des Émirats arabes unis. Mais il en a déjà repéré un autre au Danemark…
L’après-midi, les enfants s’occupent à trier la boîte de perles d’Anaïs. Quelle patience de les prendre une à une à la pince à épiler !
Puis Victor prépare une tournée de 82 pancakes ! Nous en apportons une partie au muezzin de la mosquée.
Je visionne avec mon petit Victor un concert de Johnny. Il est fan, comme son papi… Ça lui donne même des idées pour construire une scène en Lego. Parties de raquettes.
Le muezzin monte encore nous voir et nous offre un paquet de pain de mie et des petits gâteaux au chocolat. Ça y est, les consignes de distanciation sociale sont appliquées. Le masque est de plus en plus porté par les personnes que l’on voit. Plus personne ne s’approche de nous. Même quand ils nous apportent à manger, ils le font par la fenêtre et ne s’attardent pas. Aussitôt arrivés, ils repartent.
Lundi 23 mars 2020 :
Pendant l’école, je démonte la machine à laver. Pas moyen de la réanimer. Tant pis, on fera sans… C’est dommage car c’est assez pratique. Avec le confinement, toutes les laveries sont fermées.
Film sur l’ordinateur bien à l’abri dans la Tiny alors qu’il pleut tout l’après-midi. Les consignes de confinement sont plus draconiennes à partir d’aujourd’hui. La Malaisie semble prendre des bonnes mesures de confinement avant que la pandémie ne fasse des désastres ici. Un couvre-feu est mis en place tous les soirs. L’armée est déployée. On n’a plus le droit de se déplacer qu’à une seule personne dans la rue.
Nous profitons de passer de nombreux appels à nos amis et à notre famille. Heureusement qu’il y a internet pour nous occuper et nous rapprocher des gens qu’on aime.
Mardi 24 mars 2020 :
Seul, le visage masqué par un filtre épais comme une feuille de papier à cigarettes (mais c’est tout ce qu’on a trouvé en masque de protection), je descends au marché. Il faut bien se ravitailler en légumes. Pour la première fois, je ne me sens pas forcément à l’aise bien qu’il n’y ait pas foule. Mais la proximité des autres personnes m’oppresse un peu. Je n’aime pas ce sentiment que je ressens envers les autres. Ce sentiment de suspicion m’angoisse.
Audrey s’occupe d’une bonne lessive à la main des draps et doudous. Anaïs et Victor aident aussi à la logistique et m’aident à remplir les réservoirs d’eau.
Un inconnu s’approche et nous offre des patates douces. Le muezzin de la mosquée nous amène quatre généreuses portions de plat cuisiné encore chaudes. Quelle générosité ! On ne va pas mourir de faim…
La générosité dépasse les frontières et nous recevons tant de messages de sympathie que ce soit par Facebook ou par mail. On reçoit des propositions de prêt de maison pour nous abriter en France au cas où nous devrions rentrer précipitamment. Quelle belle solidarité ! Merci les amis ! Merci à ces personnes que nous ne connaissons pas ou que nous n’avons croisées qu’un court instant qui nous proposent de nous venir en aide ! Nous sommes fiers de faire partie de cette grande famille de voyageurs.
A notre tour d’offrir un gâteau aux pommes et aux raisins pour le goûter du muezzin et de l’Imam !
Nous profitons de notre bivouac où nous pouvons vivre une bonne partie de la journée dehors sous cet abri bien pratique. Nous avons bien pris nos marques. Il se prête même à merveille pour accrocher le hamac. Nous surplombons la ville de Tanah Rata et c’est agréable d’avoir une large vue sur l’environnement alors que nous sommes confinés.
Mercredi 25 mars 2020 :
Une journée ordinaire commence mais à 11h18, un message de notification arrive sur mon téléphone. Un mail de la cellule de crise ayant pour sujet : « Message de l’ambassade – vol spécial de Kuala Lumpur à Paris – 26 mars à 20h10 ». Le corps du mail est écrit en rouge avec des zones en caractère gras : « le gouvernement français a négocié un accord avec la compagnie Qatar Airways afin d’affréter spécialement un avion permettant le retour en France des Français de passage bloqués en Malaisie et qui souhaiteraient rentrer en France. Étant donné l’annulation de la plupart des vols vers l’Europe, les escales désormais interdites dans de nombreux pays, le possible arrêt complet de toute desserte aérienne d’ici quelques jours, et le risque de la prolongation de la période de confinement général en Malaisie très au-delà du 31 mars, nous incitons fortement les Français bloqués en Malaisie et qui souhaitent retourner en France à embarquer sur ce vol qui sera le seul organisé par le gouvernement français. Pour vous inscrire, vous devez envoyer, le plus tôt possible et avant aujourd’hui 18h, un courriel d’inscription. Les sièges seront attribués aux premiers demandeurs. ».
Douche froide. Que faire ? Effectivement, le planning des vols vers l’Europe et dans le monde entier s’éclaircit de jour en jour. Nombre de vols sont annulés à la dernière minute bien qu’ils soient encore disponibles sur internet. Les prix s’envolent. Et si c’était vraiment le dernier vol ? Et si nous avions besoin de rentrer pour nous ou pour nos proches dans les prochains jours ? Et si on était bloqués en Malaisie pour une très longue période ? Et si… ? Et si… ?
Avec Audrey, nous nous écartons des enfants pour réfléchir. Comme je vous l’avais déjà expliqué, on avait déjà pesé le pour et le contre dans les derniers jours de rester ou de rentrer. On s’était bien dit qu’il valait mieux rester confinés ici qu’en France, sachant qu’on n’avait pas d’endroit pour y vivre en confinement. Gros stress. Il faut qu’on prenne notre décision dans les minutes qui viennent. Le moment d’angoisse est lourd. Ça veut dire qu’on renonce à visiter la Malaisie comme on espérait le faire au mieux une quinzaine de jours si le confinement était prolongé pour un mois. Mais le mail de l’ambassade insistant sur le « risque de prolongation très au-delà du 31 mars » nous fait peur…
13h09, nous prenons la décision de nous inscrire auprès de la cellule de crise pour prendre l’avion demain soir et envoyons un mail. Nous avons rendez-vous dans 26 heures à l’aéroport. Mais à condition qu’il reste de la place sur le vol. Nous ne pouvons attendre la confirmation de l’ambassade et décidons de nous rapprocher de Kuala Lumpur.
Les enfants sont tristes et ne veulent pas rentrer mais ils comprennent la situation. Victor résume ainsi sa journée dans son cahier : « On a décidé de rentrer en France. J’étais triste que le voyage s’arrête pour quelques mois, mais en même temps, j’étais content de rentrer car : je sais qu’on est en sécurité (par rapport au Covid-19), je sais qu’on va pouvoir manger des lardons et du fromage »…
Branle-bas de combat. Nous rangeons tout notre bivouac où on s’était largement étalés. Nous descendons dire au revoir au muezzin qui est très déçu de nous voir partir alors que ce matin encore, quand il était venu nous apporter à manger pour aujourd’hui, nous lui disions que nous allions rester ici plusieurs semaines. A notre tour de lui offrir des légumes que nous avions achetés hier et un sac de vêtements devenus trop petits pour Victor qu’il redistribuera à d’autres enfants.
Je descends au poste de police demander une autorisation de circuler qu’ils m’accordent aussitôt.
Nous démarrons le camion. Mais lui n’a pas envie de partir. Une de ses roues est trop dégonflée pour prendre la route sereinement et en sécurité. La Tiny doit sentir qu’on va bientôt l’abandonner et que c’est son dernier trajet en Asie. Elle a envie qu’on la bichonne encore un peu comme on le fait depuis le jour de notre départ il y a 18 mois. J’avais bien détecté cette crevaison lente mais maintenant qu’on s’apprête à laisser le camion qui va mettre plusieurs semaines à partir, il ne s’agirait pas que la roue soit entièrement dégonflée quand il s’agira de la charger sur le bateau. Par chance, on trouve un réparateur à la sortie de la ville qui remplace la mèche poreuse.
Nous traversons les superbes paysages des Cameron Highlands recouverts de cultures de thé, tout en redescendant de 1400 mètres d’altitude.
Nous avons du mal à réaliser que nous faisons notre dernière journée de route avec notre Tiny. Plus de 6 heures nous sont nécessaires pour rejoindre la capitale.
21h54, nous recevons le mail de l’ambassade de France nous confirmant notre prise en charge sur le vol de demain. C’est à quasiment à 22h30 que nous arrivons à Kuala Lumpur. La capitale est déserte. Presque angoissant.
Dernier plein de gasoil à 0,40€ le litre. Le prochain plein en France sera certainement plus cher…
Nous bivouaquons sur le parking d’un hypermarché où on espère pouvoir y trouver demain matin à l’ouverture des valises pour ramener nos affaires car sinon, on sera mal… Il fait nuit mais alors qu’Audrey s’occupe des enfants, c’est à la frontale que je commence à préparer la Tiny pour le shipping : démontage de l’autoradio, de l’écran de la caméra de recul, des témoins de pression des pneus.
Audrey de son côté avec Anaïs et Victor, commencent à réfléchir à ce qu’on ramène en France. Mais tout ça va dépendre si nous trouverons ou non des valises demain.
Il fait une chaleur à crever dans la Tiny. D’habitude, nous dormons les fenêtres ouvertes mais la présence d’un déséquilibré sur le parking certainement sous l’emprise de quelque chose d’illicite nous rend un peu inquiets et nous fermons les fenêtres. Impossible de s’endormir. On dégouline de transpiration.
Jeudi 26 mars 2020 :
2h30 du mat’ : nous nous endormons.
5h45 : Je n’ai plus envie de dormir.
6h : le réveil sonne. Nous mettons la Tiny sans dessus-dessous. Quoi prendre ? Le shipping fait peur, d’autant plus avec la malheureuse expérience des 3 familles de voyageurs qui se sont faites dépouiller il y a quelques mois entre la Corée et le Cambodge. On sait qu’il y a des risques mais on ne peut pas tout ramener. Il faut faire des choix.
8h : Le magasin Tesco ouvre et après un contrôle de notre température frontale et avec l’obligation de porter un masque, nous pouvons y entrer. Nous dévalisons le rayon des valises. 3 grandes et une petite. Ouf. Elles sont chères et de qualité médiocre mais feront bien l’affaire pour ce retour.
On se met au boulot. Les 4 valises sont étalées au sol sur le parking de l’hypermarché et on met dedans au fur et à mesure ce qui nous sera nécessaire pour notre vie en France, ce qui est important dans nos souvenirs de voyage, ce qui est précieux pour nous. Victor charge son sac à dos de 5 kg de Lego. Anaïs remplit le sien de petits carnets, de boîtes de perles. Nous ramenons beaucoup d’appareils électroniques et une partie de mon outillage.
Alors que nous sommes en plein chargement de nos valises, un malaisien s’approche de nous pour nous prévenir que le port du masque est obligatoire dans les lieux publics. Je lui montre nos masques en papier. Il me demande combien nous sommes dans la famille et s’en va avec sa moto. Il revient 15 minutes plus tard avec 4 masques plus efficaces, une énorme boite de gâteaux et un gros paquet de Nescafé… Je lui demande combien je lui dois. Il refuse que je le paye et s’en va…
Nous bouclons nos bagages avec environ 130 kg de bagages. Tout le reste de nos affaires, soit des centaines de kilos, reste dans notre Tiny. Je sécurise et condamne la cloison coulissante entre la cellule et la cabine. Pour tenter de simuler que la Tiny est vide, on remplit la chambre d’Anaïs de tout ce qui est apparent et visible de l’extérieur : déco, linge, contenu des placards qui restent ouverts, vaisselle… On tire le rideau. On vidange les réservoirs. On coupe les circuits électriques. Nous avons la gorge serrée de voir notre cocon ainsi. Je ne pense même pas à prendre une photo de l’intérieur mais la vue est bien triste.
Nos amis les Gali et compagnie nous rejoignent sur le parking. Linda, Gaëtan, Mali et Tilio rentrent aussi dans le même avion que nous. Ils devaient rentrer la semaine dernière mais ils n’ont pu embarquer au dernier moment à l’aéroport, faute de certificat de non contagion au Covid-19 que la Thaïlande exigeait soudainement pour l’escale à Bangkok.
12h : nous arrivons au dépôt de Daryl près du port de Kuala Lumpur. C’est à lui que nous confions notre bébé. En toute confiance car beaucoup de voyageurs nous l’ont déjà conseillé. Mais on la lui laisse pour on ne sait pas combien de temps car les bateaux sont aussi à l’arrêt compte tenu de l’activité économique mondiale au ralenti. Il n’a aucune date. Peut-être que le bateau partira dans 15 jours, dans un mois, dans 2 mois, dans 3 mois… La Tiny sera ensuite chargée sur un flat-rack, c’est-à-dire un container ouvert (que le plateau, sans cloison latérale, sans toit) qui sera lui-même ensuite gruté sur un bateau porte-containers tout en haut de la pile. Et il y aura ensuite un mois de navigation, avec une escale à Singapour puis un passage par le Canal de Suez avant d’arriver au port du Havre. Dernier tour de clé. Je vidange une derrière fois les réservoirs. Je ferme les bouteilles de gaz. Je désactive ma balise GPS que vous êtes nombreux à suivre quotidiennement. L’aventure des Mollalpagas en cavale s’arrête pour quelques mois… Nous avons envie de pleurer. Heureusement, nous sommes avec nos amis.
14h : impossible d’avoir un taxi pour rejoindre l’aéroport distant de presque 70 kilomètres. Heureusement, à 15 heures, Daryl nous en trouve un mais il tarde à arriver car il est bloqué par les barrages policiers. Nous angoissons car nous avons rendez-vous dans une heure à l’aéroport et il y a au moins une heure de route. Nous appelons la cellule de crise de l’ambassade pour les prévenir. Le personnel nous réconforte en nous disant que si notre taxi n’arrive pas, ils trouveront une solution. Ils appellent même directement notre chauffeur pour s’assurer de notre bonne prise en charge avant de nous rappeler pour nous rassurer.
16h : c’est l’heure du rendez-vous à l’aéroport.
16h10 : le taxi arrive et bien qu’il était prévenu, nous lance un « oh my God !!! » en voyant que nous sommes 8 personnes avec 8 grosses valises et 8 gros bagages à main. Nous jouons à Tétris pour trouver une place dans son van à tout ce bazar. Ça rentre… Heureusement, l’autoroute est déserte.
17h30 : nous arrivons à l’aéroport de Kuala Lumpur finalement largement à l’heure pour le vol, prévu à 20h10. L’immense aéroport est vide. Sur la soixantaine de vols prévus au départ ce soir, seulement 6 sont prévus dont le nôtre.
Le personnel de l’ambassade de France est là pour nous accueillir. Nous les remercions de leur boulot et de leur prise en charge. Sous la houlette du Ministère des Affaires Étrangères, ils ont fait un sacré travail. Ils ont été à chacun de nos appels très pro, très rassurants et très à l’écoute. Chapeau et heureux d’être Français. Nous ne payons même pas à l’avance notre vol et signons juste un papier où on s’engage à payer directement le Trésor Public dans un délai de 4 mois… Le prix du vol négocié à 450€ par personne est plus que raisonnable.
21h : avec une petite heure de retard, le majestueux Boeing 777-300ER, s’envole avec 270 Français à bord. C’est parti pour 11 338 kilomètres à bord du vol QR 7468-7457.
Après avoir atteint le point de notre cavale le plus à l’est à Foum Assaka au Maroc, puis le point le plus au nord à Barnaoul en Russie, et le point le plus à l’ouest à Pékin en Chine, nous voici au point le plus au sud de notre parcours. A seulement 300 km de l’équateur et de l’hémisphère sud. Le hasard fait que nous sommes au point le plus éloigné de notre domicile depuis le début de notre aventure, presque 10 800 km à vol d’oiseau. Mais ce sont plus de 5 fois plus, soit 54 572 km que nous avons parcourus au volant de notre vaillante Tiny…
Vendredi 27 mars 2020 :
Après 16 heures de vol dont une escale technique à Doha au Qatar sans descendre de l’avion, nous atterrissons à 5h35 à Roissy-Charles de Gaule. Lui aussi est désert. Le tableau d’affichage des vols est tout rouge. Seuls 6 vols sont au programme aujourd’hui des départs. Sur les parkings, des alignements d’avions à l’arrêt.
Le temps de sommeil a été court pour la deuxième nuit consécutive mais la journée s’annonce déjà longue. Nous avançons nos montres de 7 heures. Il n’y a plus aucun train qui descend en province. C’est une voiture de location de luxe que nous récupérons. Euh, ce n’est pas la voiture qui est de luxe mais la location… Le jeu de l’offre et de la demande. Là je ne tire pas mon chapeau à Avis Location qui profite de la situation et nous facture 345€ la journée ! Mais nous n’avons pas le choix.
Nous disons au revoir à nos chers amis les Gali et compagnie en espérant vite pouvoir partager à nouveau de bons moments avec eux.
Nous quittons Paris comme jamais nous ne l’avons aussi facilement traversée. C’est désert. Cette arrivée en France est vraiment particulière.
En début d’après-midi, nous retrouvons nos amis les PLEM qui se sont installés en famille en Vendée. Nous avons envie de les serrer dans nos bras mais le confinement est là et après tout ce temps passé dans les aéroports et l’avion, nous sommes donc encore plus potentiellement porteurs du virus. Nous sommes juste là pour récupérer notre voiture que nous leur avions prêtée à leur retour en France la semaine dernière sans penser que nous en aurions besoin si rapidement après.
Puis après un gros plein de courses alimentaires sur lequel nous nous sommes un peu lâchés en charcuterie, en fromage et autres laitages, et après avoir rendu la voiture de location à La Roche sur Yon, nous répondons à l’invitation spontanée et l’extrême gentillesse de Marie-Anne et Bruno qui nous mettent à disposition une partie de leur grande maison qu’ils n’utilisent pas dans un petit village dans l’extrême sud de la Vendée. Quelle générosité ! Quel accueil de ce charmant couple de jeunes retraités voyageurs rencontrés à notre retour d’Amérique du Sud juste avant qu’ils ne partent à leur tour découvrir en camping-car les Amériques.
Comment les remercier de leur accueil qui va nous permettre de nous mettre en confinement, dans un super confort… Nous découvrons une immense maison, une magnifique maison. Une maison comme on les aime, une maison décorée de souvenirs de voyage, une maison sans télé mais avec plein de livres, de revues, de jeux… Chacun sa chambre et sa salle de bain ! Quel luxe pour nous qui vivons dans 10 m² depuis 18 mois… MERCI Marie-Anne et Bruno. Du fond du cœur, MERCI !
Samedi 28 mars 2020 :
Jour 1 de confinement. La nuit a été bien réparatrice et nous ne ressentons pas encore les 7 heures de décalage horaire. Les enfants trouvent la maison trop grande et se sentent trop loin de nous pour dormir ! J’allume la cheminée. L’école reprend. La cafetière ronronne. Les patates cuisent pour la raclette de ce midi. J’écris les dernières phrases de ce 71ème et dernier article de notre blog. Ça me fait bizarre. Qui aurait dit ça il y a encore 72 heures… Vous allez me manquez… Vous, la famille, les amis, les anciens collègues, les voisins, les anonymes à qui je me confie depuis le début de notre voyage.
Mais je vous rassure, il y aura un acte II de notre voyage. Rapidement j’espère. Dès la période de confinement terminée et dès l’ouverture des frontières, nous repartirons. Personne ne connaît la durée de cette situation inédite que nous traversons. Ce sera dans 2,3 ou 4 mois mais nous repartirons voyager en Europe jusqu’à l’été 2021. L’itinéraire n’est pas encore fixé car il dépendra du moment où on prendra la route. Nous allons devoir jouer avec les saisons et privilégier de passer le prochain hiver sur les côtes de la Mer Méditerranée (Turquie) ou de la Mer Noire (Bulgarie, Roumanie, Géorgie) plutôt qu’au pôle nord…
Allez, je vous laisse en espérant au plus vite vous annoncer qu’on aura repris notre cavale ! Merci à vous tous d’être si nombreux à nous suivre. Merci pour tous vos messages de soutien.
@ très très vite
Sylvain et les Mollalpagas