Jeudi 28 janvier 2021 :
Bientôt deux semaines complètes déjà sur l’île de Mfangano au milieu du Lac Victoria au Kenya. Que le temps passe vite. Pourtant, ce n’est pas qu’on travaille à un rythme intensif et qu’on soit débordé ! Le rythme est polé polé comme on dit ici en Swahili. Mais nous continuons à donner de notre temps et de notre énergie pour aider à la construction du centre médical de Wakinga, comme je vous l’avais expliqué dans les précédents articles. C’est le principe du Workaway où, en échange de notre bénévolat et d’une petite participation financière, nous sommes logés et nourris. Nous avons la chance d’être arrivés au sein d’une chouette famille, toujours aux petits soins pour nous.
Voici un petit mélange de photos de notre quotidien dans la famille de Samuel, de ses deux épouses et de leurs 11 enfants.
Ce matin, nous ne travaillons pas car nous souhaitons nous rendre sur le continent. Il nous faut aller retirer de l’argent à la banque et il n’y a pas de distributeur sur l’île (bien qu’il y ait 60 000 habitants sur Mfangano et les trois autres îles voisines également habitées). La majorité des paiements se font ici en liquide ou bien avec le téléphone portable via une application (Mpesa), que l’on crédite avant les achats, que tous les Kenyans ont et que tous les commerçants acceptent, y compris les plus petits qui vendent trois tomates sur le bord de la route.
Du coup, c’est l’occasion de retourner à Mbita à 5 km en moto-taxi et 10 km de bateau, où nous avions changé de ferry en venant la première fois sur l’île il y a bientôt deux semaines. En attendant le bateau, nous assistons au déballage des pêcheurs revenant du lac. Ils ont un beau spécimen de perche du Nil pesant 19 kg ! Regardez la taille de la pelle par rapport à celle du poisson…
Nous ne prenons pas le Water bus (ferry) mais une simple barque à moteur qui fait la liaison entre Mfangano et le continent. Sur ce bateau est chargé du poisson qui part pour être vendu en ville.
Le bateau fait une courte pause sur l’île de Takawiri voisine de celle de Mfangano. Nous nous rendons ainsi compte des dégâts causés par la dramatique montée des eaux du Lac Victoria. Le phénomène est récurrent depuis 2010 mais les montées des eaux ont atteint l’an dernier un record depuis le précédent de 1964. Le niveau est monté de plusieurs mètres au point de submerger villages entiers, écoles, dispensaires… Beaucoup d’habitants ont été déplacés en Ouganda, en Tanzanie et au Kenya, tous trois bordant le lac. Par endroit, l’eau a progressé de 500 mètres dans les terres. Et le niveau n’arrive pas à baisser car le Nil blanc qui est la seule évacuation du lac n’arrive pas à fournir. Les barrages hydroélectriques sont au maximum de leur débit. De plus, la nouvelle saison des pluies arrive en mars, avril et cela risque de ne rien arranger. Aujourd’hui encore, les maisons sur le rivage, de même que la criée du port de pêche sont dramatiquement sous les eaux.
Une autre des conséquences de cette montée des eaux est l’appauvrissement en oxygène des eaux du lac. De nombreuses perches du Nil meurent. Aussi, notre bateau coupe son moteur à deux reprises pour faire un petit détour pour aller chercher des poissons flottant à la surface. Les pêcheurs arrivent vite à voir si le poisson est mort depuis longtemps ou pas. Nous voyons régulièrement des enfants depuis quelques jours ramasser plusieurs poissons morts pour les vendre.
Mbita grouille de monde. Nous croisons des centaines de personnes mais pas un seul Blanc. Ça nous change de la quiétude de l’île où nous vivons sur une autre planète. Nous remettons le masque que nous n’avions plus porté depuis 15 jours. Il est obligatoire au Kenya mais personne ne le porte sur l’île. Ici, presque tout le monde le porte mais souvent sur le menton.
Le marché est bien approvisionné en fruits et légumes avec une plus grande diversité que sur l’île. Il y a même un petit supermarché, tout petit, grand comme une supérette chez nous mais Victor a les yeux qui brillent quand il voit un yaourt sur les étalages. Il est content de prendre son premier laitage depuis 15 jours. Nous achetons quelques légumes en prévision d’un futur pique-nique dans les prochains jours. Mais aussi de l’ail et du gingembre que nous offrirons à Grace ce soir. Des produits qu’elle ne trouve pas sur l’île et qu’elle nous a commandés pour améliorer les petits plats qu’elle nous prépare.
Après avoir acheté quelques cornets de frites et des chapatis, retour en Water bus sur Mfangano pour la poursuite de notre séjour insulaire. Le trajet n’est pas aussi agréable que ce matin mais au moins nous sommes à l’ombre, contrairement à ce matin où nous avons cramé sous le Soleil brûlant de l’équateur. Nous retrouvons notre grande Anaïs qui n’aime pas trop les lieux où il y a trop de monde et qui a préféré rester chez Samuel, dans ce lieu très serein qu’elle affectionne tant.
Audrey croise Milka, l’une des femmes approvisionnant quotidiennement le chantier en eau et qui l’avait invitée la semaine dernière à boire le thé chez elle. Elle ne semble vraiment pas en forme. Elle a la malaria (paludisme) et a besoin de médicaments et d’injections (elle y a heureusement accès). Quand Audrey en parle à Grace, cette dernière lui explique qu’ici, tout le monde a la malaria à un moment ou un autre. Elle ne semble pas plus inquiète que ça, ou elle est fataliste. Son fils Charles était rentré quelques jours à la maison la semaine dernière pour les mêmes raisons.
Nous n’oublions pas notre défi du mois : « se baigner dans un cours d’eau naturel ». Comme nous n’avons pas été très performants dans la réalisation des défis les mois derniers, nous réalisons celui-ci plusieurs fois. Quasiment une fois par jour depuis maintenant 15 jours en allant prendre notre bain dans le Lac Victoria, source du Nil blanc. Encore un défi de réalisé !
Comme tous les soirs, deuxième service chez Méroline et Samuel, après avoir mangé une première fois chez Grace.
Vendredi 29 janvier 2021 :
Un bel anniversaire aujourd’hui, celui de notre premier baiser avec Audrey dans les couloirs du Lycée du Bois d’amour (ça ne s’invente pas !) il y a tout juste 25 ans… Déjà ! Que de chemin parcouru depuis mon amour ! Sur quel continent serons-nous dans 25 ans ?
Compte tenu de l’accueil que nous recevons dans la famille de Samuel et étant donné que nous prenons toujours du plaisir à voir se monter de jour en jour le centre médical comme un jeu de Lego, nous décidons de nous engager pour une semaine de plus.
La Tiny, quant à elle, poursuit sa progression en Mer Rouge et après avoir perdu une journée entière au large de l’Arabie saoudite à faire des ronds dans l’eau, elle est aujourd’hui en escale sur le port de Djeddah. Les deux journées de retard qu’elle avait prises depuis le départ de Gênes, sont compensées par la prochaine escale au port de Djibouti qui a été annulée. Le bateau est censé arriver le week end prochain à l’autre bout du pays au port de Mombasa. Nous réservons donc nos billets d’avion ainsi qu’un petit appartement pour 4 nuits pour y loger en attendant notre Tiny qui nous manque tant. Nous aurons avant des démarches administratives à réaliser avec l’agent sur place qui s’occupera de dédouaner le véhicule. Le stress monte un peu quant à l’état où on va la récupérer. On craint vraiment les cambriolages.
Comme tous les matins, petit déjeuner chez Grace qui est déjà descendue au marché nous acheter des petits beignets et qui nous a préparé un mélange de thé et de café.
Aujourd’hui, peu de boulot pour nous sur le chantier de la clinique car les maçons sont à l’œuvre pour enduire le grillage à poulets de ciment. Pendant ce temps, quelques femmes continuent à approvisionner le chantier en eau depuis le lac ainsi qu’en cailloux qui serviront à faire le béton du sol qui fera 10 cm d’épaisseur. Ce dernier sera recouvert d’une chape de ciment de 5 cm mais nous ne serons plus là pour voir ces travaux. A mon avis, cela ne suffira pas pour compenser les différences de niveau du remblaiement.
Dans l’après-midi, nous nous rendons à Wakula dans l’école où enseigne Samuel, notre hôte. C’est l’heure de la sortie des classes. Les enfants ne quittent pas pour autant les lieux mais restent à jouer dans l’immense cour de récréation au milieu des vaches. Ici, pas de parents qui attendent au portail de l’école. Pas non plus de surveillance des professeurs qui sont rentrés chez eux. Les deux volontaires américains, Ivie et Dan, organisent quelques jeux avec les écoliers. Moment sympathique.
Nous entrons dans quelques classes où nous sommes stupéfaits par le manque de moyens. Les enfants ne sont qu’une vingtaine par classe mais il n’y a quand-même pas assez de place pour tout le monde. Régulièrement, nous voyons les classes installées à l’extérieur sous les arbres où il fait moins chaud que sous les tôles dans les bâtiments. Aucun matériel pédagogique, rien n’est affiché aux murs. Un simple tableau noir qui n’a pas reçu un coup de peinture depuis des années. Pas de manuels scolaires apparents. Nous voyons plus les enfants de la famille révisant leur devoir le soir sur des polycopiés.
En fin de journée, notre hôte nous demande si nous aimons la bière. Ceux qui nous connaissent ou qui nous lisent depuis quelques années savent peut-être la réponse. Avec Audrey, il nous invite donc au bar du village car nous avons répondu positivement. Rien de l’extérieur n’indique que ce soit un bar. D’ailleurs, les ventes d’alcool sur l’île sont très discrètes. Il faut pousser un rideau de tissu pour pénétrer dans une salle obscure où quelques piliers de comptoirs occupent les lieux dans une ambiance particulière. L’odeur d’alcool est presque autant insupportable que la musique est forte. La serveuse est derrière son comptoir protégé de grilles métalliques, certainement pour se protéger de la violence de certains clients en fin de service, vu leur état d’ébriété alors qu’il n’est que 19 heures. Nous nous rendons dans le jardin entouré de déchets pour boire une bière chaude. Ben oui, il n’y a pas plus de frigo ici que chez Samuel. Pas trop le choix non plus sur le conditionnement, 500 ml. Du coup, on n’en prend que deux chacun.
Ce moment partagé avec Samuel est vraiment très sympa. Nous abordons plein de sujets et lui posons beaucoup de questions auxquelles il répond en toute simplicité et sans tabou.
Tout d’abord sur la polygamie. Nous ne pensions pas qu’elle existait dans la religion chrétienne. Depuis le Moyen-âge, la polygamie est définitivement interdite dans le monde catholique. Or, une loi au Kenya a légalisé la polygamie en 2014. Bon, on n’a pas très bien compris car Samuel s’est pourtant marié avec Grace, puis avec Méroline il y a fort longtemps.
Il nous explique qu’il pourrait épouser une troisième femme et même plus (sans l’accord de ses autres femmes) mais qu’il compte s’arrêter là car les femmes sont vraiment dépendantes des hommes financièrement. On voit Samuel donner à ses épouses billet de 1000 par billet de 1000 shillings pour aller faire des courses. Quand elles en reviennent, elles redonnent la monnaie de ces 7€ à Samuel en faisant le détail de ce qu’elles ont acheté. Elles ne travaillent pas ou peu contre un salaire à l’extérieur de la maison dont elles s’occupent en continu. Du coup, c’est Samuel qui avec son salaire de professeur, finance les besoins de la famille, de ses deux épouses et de leurs 11 enfants ! Cinq d’entre eux sont en études supérieures sur le continent et cela lui coûte très cher (7€ par mois de frais de scolarité par enfant, 40€ de logement, frais de déplacement de 20€ aller-retour…) De plus, il sera à la retraite dans quelques années, à l’âge de 60 ans, et sa pension sera le tiers de son salaire actuel. Mais Samuel ajoute que la polygamie a tendance à se perdre avec les nouvelles générations. Anaïs abordera aussi ce sujet avec Branda, une des filles de Grace, âgée de 18 ans, qui éclatera de rire en disant que leur génération a évolué et que la polygamie, c’était pour la génération de ses parents.
Cependant, Samuel ne se plaint pas et admet avoir beaucoup de chance de vivre sur l’île de Mfangano où tout est gratuit : il ne paye aucun impôt (contrairement aux Kenyans vivant en ville), le poisson vient du lac, l’eau potable vient du ciel, leur salle de bain / machine à laver / lave-vaisselle sont au lac, le bois se ramasse sur leur grand terrain et sert à cuisiner, le pain est remplacé par l’Ugali (dont je vous parlais dans le dernier article) qui est un accompagnement préparé à base de farine de maïs qu’ils cultivent eux-mêmes, le peu de viande qu’ils mangent provient de leurs quelques poules et vaches, le potager leur amène beaucoup de légumes, les arbres fruitiers leur offrent généreusement mangues, papayes ou bananes… L’électricité ne coûte que 1,50€ par mois.
Les maisons ne coûtent pas cher en matériaux car elles peuvent souvent être construites en terre et en bois. Juste des tôles métalliques à acheter pour la toiture. Bien que de plus en plus soient construites en ciment, en métal, et en tôles avec le même procédé de construction que la clinique. Ayant un niveau de vie plus élevé que la majorité des autres habitants, il a fait bâtir les siennes (une pour chacune de ses épouses, construites sur deux terrains adjacents) en pierres roses issues de la carrière de l’île. Plusieurs pans de toitures sur ses maisons sont aussi un signe de « richesse ».
Comme ça, ça peut faire rêver comme vie en autarcie mais en contrepartie, l’accès aux services publics est plus que limité : il n’y a pas d’eau courante, tous les jours il y a des pannes de courant pouvant durer 24 heures. L’an dernier, ils sont restés un mois complet sans électricité. L’électricité dessert les différents hameaux seulement depuis 10 ans grâce à deux générateurs diesel, un gros et un petit. Mais le gros est en panne depuis très longtemps. C’est la raison pour laquelle, la compagnie électrique est obligée de desservir les différents hameaux à tour de rôle.
Il n’y a pas de service de pompier. Quand une maison brûle, ils vont chercher de l’eau au lac dans des seaux ou tentent d’étouffer le feu avec de la terre.
Mais le plus dramatique est l’accès aux soins de santé, quasi inexistants sur l’île, mise à part les 5 dispensaires un peu démunis répartis sur l’île pour une population de 60 000 habitants. Le sixième en construction pour lequel nous travaillons ne fait que 60m². Il y a bien un petit hôpital à Sena mais ils n’ont pas de médicaments. Nous parlons aussi beaucoup avec Samuel du SIDA qui décime la population de l’île où au moins 30% des habitants sont infectés. Le nombre d’orphelins est énorme. Le centre de santé en construction sur son terrain sera entre autre un centre de dépistage du VIH. Mais il sera aussi un endroit où les femmes qui accouchent pourront venir en cas de difficultés lors de la naissance. Il n’y a pas d’ambulance sur l’île dont la piste circulaire fait une quarantaine de kilomètres. Il y a bien un bateau ambulance mais il est rarement en service car il a rarement assez de carburant pour fonctionner. Et on a pu constater qu’il y a tellement d’habitants vivant au centre de l’île ou sur les hauteurs de Mfangano, si loin de la route. Une route qui n’en est pas une. C’est une piste qui devient impraticable en saison des pluies. Il n’y a pas d’ambulance mais il n’y a pas non plus de voitures pouvant emmener un blessé vers ces centres de santé. De toute manière, sur une grande partie, la piste n’est praticable que par des motos. Samuel nous raconte des histoires dramatiques où lui-même en compagnie de deux autres hommes a ramé en pleine nuit sur une barque pour emmener une femme qui accouchait sur le continent à Sena, à une quinzaine de kilomètres.
Alors oui, le virus du Covid-19 ne les effraie pas. Oui, ils ne respectent aucun geste barrière. Oui, ils savent que ce virus peut provoquer la mort, quelques-uns par jour sont annoncés tous les soirs sur la chaîne d’info en continu. Mais, ils sont déjà tellement affectés par des maladies graves qui font des ravages : SIDA, paludisme, Ebola… que cette pandémie mondiale ne semble pas les concerner. Et puis, comme je vous le disais, le centre de dépistage du Covid le plus près est à plus de 100 km à Kisumu, à cinq heures de trajet. Autant dire qu’il n’y a même pas de cas déclarés sur l’île !
Bref, nous prenons encore plus conscience de l’isolement de cette île et de la misère de ses habitants. Alors oui, ils ne payent pas de charges et d’impôts et nous en France, on en paye beaucoup, mais… quand on appuie sur un interrupteur la lumière s’allume, quand on appelle le Samu on est quelques dizaines de minutes plus tard dans un hôpital, quand on pense avoir le Covid, on fait un test remboursé par la Sécu et on a le résultat aussitôt, quand on est dans le besoin on reçoit des aides du gouvernement permettant de survivre, quand on ouvre le robinet l’eau coule, quand on veut se déplacer on prend notre voiture en prenant l’autoroute pour arriver plus rapidement à destination, nos enfants bénéficient d’un système éducatif gratuit de qualité, quand on a besoin de faire des courses on se déplace au grand centre commercial ou on commande en ligne, quand on doit fermer son entreprise à cause du Covid on est indemnisé un peu pour la perte de chiffre d’affaire, quand on cuisine on allume le gaz ou la plaque à induction et ceci se fait à l’abri des intempéries. Ici, quand il pleut, les deux femmes, par manque de moyen pour acheter du gaz en bouteille, cuisinent au feu de bois dans la maison mais la suie noircit tout l’intérieur… Et ne parlons pas de la condition de la femme, de la liberté de la presse, de la corruption ici au Kenya… Alors oui, tout n’est pas rose non plus en France mais bon…
Bref, cette discussion avec Samuel est passionnante et pourrait continuer mais avant qu’il commande une troisième bière chaude, nous nous levons et rentrons tous les trois à la maison pour diner un encore très bon repas préparé par chacune des cuisinières…
Samedi 30 janvier 2021 :
La Tiny ce matin part de Djeddah. C’était sa dernière escale et le bateau est prévu d’arriver samedi ou dimanche prochain.
Pas de boulot aujourd’hui car nous partons randonner avec Dan l’Américain et Elsa la jeune Allemande pour découvrir un peu les hauteurs de l’île. Il n’est que 8h45 mais déjà la chaleur est très intense. Pas loin de 30°C. On cuit au soleil. De plus, nous n’avons pas randonné depuis bien longtemps et nous avons perdu tous les bénéfices de nos entraînements réguliers durant l’été et l’automne derniers en Europe… On a un peu de mal à grimper les 500 mètres de dénivelé !
Nous sommes surpris du nombre de maisons construites sur les hauteurs. Même une moto ne peut pas accéder ici. Seulement des piétons. Le lac est trop loin pour aller y chercher de l’eau, aussi les maisons sont construites non loin de petites rivières. Toutes ont leurs jardins potagers bien fertiles, leurs cultures de maïs, de manioc, de mil et beaucoup d’arbres fruitiers. D’ailleurs, à deux reprises, des habitants nous offrent généreusement, en plus de leurs sourires et des conseils sur le chemin à suivre, des mangues et des papayes.
Le niveau de vie est encore inférieur ici à celui des gens vivant sur le littoral. Les maisons sont bâties en terre et en bois, parfois couvertes de matériaux naturels mais quand-même assez souvent de tôles. C’est certainement une question d’argent mais aussi de difficulté d’approvisionnement des matériaux. Car nous sommes maintenant arrivés à plus de 500 mètres d’altitude au-dessus du niveau du lac. Ces maisons construites en terre sont construites avec des matériaux bien plus durables que celles en ciment mais elles résistent beaucoup moins aux intempéries lors des saisons des pluies.
Samuel, nous expliquera plus tard, que les habitants des hauteurs vivent en quasi autarcie et qu’ils n’ont même pas besoin d’argent car ils troquent leurs productions de fruits et légumes contre du poisson. Nous arrivons sur un plateau où la terre effectivement très fertile permet la production de légumes.
Sur les pentes de la montagne, nous voyons aussi de nombreuses parcelles déboisées et cultivées.
Arrivés en suant au sommet, nous longeons la crête. La vue est imprenable sur cette immensité lacustre. On se croirait face à un océan.
Il y a un peu moins d’habitations ici, du coup, l’île a moins souffert du déboisement et on traverse de petites forêts bien fraîches et bien agréables pour y prendre un pique-nique tiré du sac.
La végétation est par endroit luxuriante.
Nous faisons une petite pause avant de redescendre au milieu des cultures et de quelques maisons isolées.
Cette rando de 11 km avec plus de 520 mètres de dénivelé nous a vraiment permis de nous rendre compte de l’isolement de certains habitants de l’île. Ils sont si loin des petits commerces, du lac pour y prendre un bateau pour aller en ville ou à l’école. Il y a bien quelques écoles sur les hauteurs mais on imagine que les enfants doivent bien faire quelques kilomètres à pied pour s’y rendre.
Après-midi repos. Audrey croise Milka. Elle a reçu ses 6 injections pour lutter contre la malaria, et elle se sent mieux. Elle se sent déjà prête à revenir sur le chantier pour porter des bidons de 10 litres depuis le lac. Elle espère qu’Audrey sera là pour l’aider. Quand ma chérie lui raconte que nous venons de marcher dans la montagne, elle demande pourquoi et qu’est-ce qu’on devait aller chercher. Elle lui explique que c’était pour le plaisir de marcher, pour découvrir l’île. Faire autant d’efforts pour rien, elle qui en fait tant chaque jour pour aller chercher de l’eau au lac, y faire sa lessive et sa vaisselle, ramasser du bois pour cuisiner de longues heures chaque jour… Audrey la sent perplexe.
Audrey passe un moment avec Grace à préparer un quatre quarts au citron. Jamais les femmes ne cuisinent ici de pâtisseries. La cuisson n’est pas évidente au feu de bois, mais cela fonctionne quand-même. Les volontaires allemands de leur côté ont construit un four à pain avec de la terre. Et leur gâteau au chocolat est aussi bon. L’initiative de construire ce four pour la famille est bonne mais malheureusement pas adaptée au climat de la région. D’autres volontaires en avaient construit un pour Grace mais il a vite été détruit par les pluies.
La Tiny navigue aujourd’hui entre l’Érythrée et le Yémen aujourd’hui, au sud de la Mer Rouge.
Dimanche 31 janvier 2021 :
Réveil matinal. 5h30 pour être sur place, avec Audrey à notre rendez-vous à 6 heures sur la plage pour répondre à l’invitation de Nicolas, un frère de Samuel. Nicolas est pêcheur et s’est proposé de nous emmener relever les filets qu’il avait tendus hier matin. 6h30, Nicolas arrive et nous rejoignons son coéquipier Damgan. Le soleil est en train de se lever derrière les montagnes du continent.
Après quelques coups de rames, nous arrivons sur les lieux. S’en suivent presque trois heures où les deux pêcheurs remontent les quelques centaines de mètres de leur filet. Ils nous expliquent qu’une mauvaise pêche leur permet de ramener une trentaine de perches du Nil. Une bonne pêche, six à sept fois plus. Tout cela dépend de la chance mais surtout de l’état de leur filet. Or, celui avec lequel ils pêchent est troué de partout. D’énormes trous d’un mètre carré par endroits. Mais le travail est le même de tirer un filet plein de trous ou un filet tout neuf… Sauf que le rendement n’est pas le même… Cependant, 62 poissons d’une vingtaine de centimètres sont malgré tout retirés du filet. Au marché ils peuvent revendre 7 pièces pour 100 shillings au marchand de poissons qui lui en revendra au consommateur 5 pour le même prix. Ils ont donc gagné près de 900 shillings soit environ 7€ pour 4 heures de travail. A ces 7€ qu’ils devront se partager, ils pourront vendre au poids 4 ou 5 poissons de taille plus importante. Nicolas et Damgan paraissent satisfaits.
Ils m’invitent à participer à la tâche et je me rends compte que ce n’est pas si facile que cela de tirer ce filet bien lourd, plombé par des centaines de cailloux.
A plusieurs reprises, ils font des détours pour récupérer des poissons morts et flottant à la surface. Ceux-ci, par mesure de précaution avant d’être consommés seront séchés puis fumés. Nous avons eu l’occasion de goûter à ces poissons fumés qui sont vraiment un délice. Mais ce phénomène qui s’amplifie de jour en jour cette semaine inquiète les deux pêcheurs, d’autant plus qu’ils ne connaissent pas la cause de cette mort, et multiplient les hypothèses.
Puis, je suis invité à ramener seul le lourd bateau à la rame jusque sur la plage à quelques centaines de mètres. Nous observons de nombreux oiseaux dans les arbres.
Avec Audrey, nous les remercions de ce moment passé en leur compagnie en leur offrant une participation pour financer un filet neuf. Ils sont extrêmement heureux et nous remercient chaleureusement de notre geste. Ainsi, ils pourront dans les prochains jours avoir des pêches plus productives. Nous repartons avec quelques perches du Nil, parmi les plus belles du jour, qu’ils tiennent à nous offrir, et que nous nous dépêchons d’offrir à Méroline.
Nous retrouvons Anaïs et Victor à la maison. Ils ont pris leur petit déjeuner avec Grace et ont commencé à travailler pour l’école. Nous prenons le nôtre en dégustant le gâteau de la veille préparé par Audrey.
Alors qu’Audrey reste avec les enfants pour continuer l’école, je suis attiré par le bruit de la messe voisine. Oui, en 8 jours, ça ne m’est jamais arrivé d’aller deux fois à la messe. Mais je vais cette fois dans celle du hameau voisin à Kitawi où une sono semble dégager des sons très très forts. Je n’ai pas de mal à trouver de là où ils viennent. J’entre dans un grand hangar métallique. A l’intérieur, une poussiéreuse chape épaisse de 4 centimètres de ciment recouvre par endroit la terre battue. Une cinquantaine de chaises en plastique, toutes utilisées, sont réparties dans ce hangar de 200m². Un autel a été monté. Des napperons en dentelle ont été accrochés pour décorer. En entrant discrètement, toute l’assemblée me regarde, bien étonnée de voir un Blanc parmi eux. Je reconnais quelques visages de personnes croisées depuis que nous sommes là. Réciproquement, certains m’adressent un sourire ou un signe de la main. Je m’assoie sur la chaise libre.
La personne qui dit la messe interrompt son discours digne d’une pièce de théâtre pour me souhaiter la bienvenue et m’inviter à me présenter. Comme la semaine dernière, je me lève et m’adresse à l’assemblée en anglais pour décrire notre projet.
Plusieurs personnes de l’assemblée, tout à tour, prennent la parole et crient dans le micro pour tenter de couvrir le bruit du groupe électrogène qui produit de l’électricité pour la sono… Les enceintes saturent. Mais j’ai l’impression d’être le seul à trouver ce volume sonore insupportable. Les fidèles applaudissent, rigolent et inter agissent avec les deux orateurs. Un vrai spectacle… Rien à voir avec la messe de la semaine dernière.
Partage du repas avec la famille, les ouvriers et les volontaires.
Cet après-midi est consacré à la réunion bimensuelle de la Sagrema Foundation dont je vous avais parlé dans le précédent article. Celle dont Samuel est le président. Celle qui aide la communauté à sortir de la pauvreté ou du moins à ne pas sombrer encore plus dans la misère. 25 familles en sont membres. Samuel a tenu à ce que nous soyons présents à cette réunion, de même que Dan et Ivie les Américains. Nous en tant que volontaires ayant, selon les membres, travaillé avec beaucoup d’énergie aux travaux de la clinique. Les Américains en tant que personnes ayant apporté quelques 4000 dollars pour financer les travaux via des campagnes de récolte de fonds sur Internet. Plusieurs fois, nous sommes remerciés pour notre générosité par différents membres de l’assemblée. Puis, nous assistons à la remise officielle d’un don des Américains. Ils offrent pour la clinique un kit d’une centaine de dollars comprenant entre autres un tensiomètre et un stéthoscope. Le geste est bien entendu exemplaire mais nous sommes ébahis par la réaction des membres qui semblent découvrir ce matériel dont Samuel fait une démonstration quasi théâtrale. Il explique que grâce à ce kit, ils vont pouvoir sauver des vies. Nous restons perplexes devant ce moment si décalé.
Sincèrement, on espère que cette clinique pourra un jour accueillir des malades et être le lieu d’accouchements ou le lieu où des porteurs du SIDA seront malheureusement détectés pour limiter la propagation de l’épidémie… On ose espérer que le gouvernement mettra les moyens pour financer le matériel médical et la mise à disposition de médecins et d’infirmiers une fois que les murs seront terminés comme Samuel l’espère. Mais pour avoir vu de l’extérieur quelques-uns des 5 autres centres médicaux de l’île, on sait qu’au mieux, celui-ci sera pareil avec des moyens de misère mis à disposition des malades. Bref, pourvu que notre maigre contribution puisse aider cette communauté…
Les travaux continuent à la clinique. Le soudeur tant attendu depuis plusieurs jours est enfin arrivé depuis l’Ouganda pour installer les trois portes métalliques et fabriquer les 4 fenêtres. Il est arrivé avec son poste de soudure, si on peut appeler ça ainsi.
Heureusement, il y a de l’électricité en ce moment mais quand il branche son matériel, la rallonge de 50 mètres linéaires avec un câble de section 1,5mm² ne suffit bien entendu pas à alimenter le poste de soudure à l’arc très gourmand en énergie. Quel danger même ! Au risque de tout faire fondre et que ça prenne feu… Son poste de soudure fabriqué artisanalement est en fait un transformateur avec des fils de cuivre enroulés et isolés par des bouts de tissus. Ils ont pour fonction d’abaisser la tension mais avec un courant beaucoup plus important. Le transformateur va transformer la forte tension/faible ampérage en faible tension/fort ampérage, ce qui fait fondre l’électrode. (Merci Alex pour le cours !).
Mais Samuel n’a pas d’autre câble que cette rallonge déjà bricolée, rafistolée par des morceaux de scotchs en section sous dimensionnée. Bon ben ce n’est pas grave, il se décide à partir à Mbita en acheter une. Sauf que s’il part maintenant, il en a pour une demi-journée à faire l’aller et le retour. Et puis demain, ce sera peut-être une journée sans électricité. Et bien figurez-vous qu’on a pu leur venir en aide car Anaïs, dans son matériel de bricolage, utilise du fil de cuivre en section 2,5mm². On en a récupéré une bobine lors de notre passage en France au début du mois pour qu’elle puisse faire de nouvelles petites œuvres de sculpture. On s’empresse de leur fournir cette bobine. Elle n’est pas assez longue pour aller jusqu’à la première prise électrique mais rallongée avec une dizaine de mètres avec leur fil initial en 1,5mm², cela suffit miraculeusement à pouvoir mettre en service le poste de soudure à l’arc. L’ouvrier se met au travail jusque tard dans la nuit, profitant du courant qui par chance est toujours là. L’électricité est là, mais ça ne viendrait pas à l’idée de quelqu’un de mettre une ampoule pour éclairer le chantier. L’ouvrier ougandais travaille à la lumière de la torche de son téléphone mais aussi par celle dégagée par l’arc de la soudure car il n’est protégé ce soir par aucune paire de lunettes de soudeur. Bien entendu, il n’y a aucune protection différentielle ou autre de nature à protéger le chantier. Les fils sont juste dénudés et entrés en force dans la prise murale. Je préfère ne pas rester longtemps à côté du chantier, craignant de terminer en poulet rôti.
Nous sommes ébahis par le manque d’organisation de ce chantier. Régulièrement, on doit défaire des choses qui ont été faites. Il y avait bien d’ailleurs un soudeur la semaine dernière sur le chantier. Mais ce n’est venu à personne l’idée de terminer ces encadrements de portes et de fenêtres avant de commencer le béton des murs. Du coup, Bernard le chef, a passé une partie de sa journée à casser le béton des murs autour des futures ouvertures pour faire passer les tubes métalliques des encadrements et à faire des tranchées dans le sol pour tendre de nouveaux fils barbelés.
De même, en ce qui concerne le terrassement, cela aurait été tellement plus simple de tout le terminer (y compris la mise à niveau…) avant d’édifier les murs et la toiture. Les ouvriers auraient pu ainsi travailler sur un sol plan au lieu d’avoir leurs échelles de fortune en équilibre sur les pierres énormes. Maintenant, le chantier est clos et cela nous oblige à faire de grands détours pour terminer de vider les sacs de terre à l’intérieur…
Et puis, toutes ces femmes qui font des centaines d’allers-retours au lac pour aller chercher de l’eau. Pourquoi n’ont-ils pas installé une pompe à eau qui remplirait une grosse réserve d’eau de quelques milliers de litres comme on en voit beaucoup sur l’île. A mon avis parce que ce sont les hommes qui payent et les femmes qui souffrent en portant ces tonnes d’eau. L’investissement pour une pompe qui pourrait de plus alimenter définitivement la maison de Samuel est de 50 000 shillings. Une réserve de 4000 shillings est de 10 000 shillings, soit au total pour les deux équipements, environ 450€. C’est certes un investissement mais qui améliorerait tellement le quotidien des femmes. De plus, Samuel nous annoncera les jours suivants que pour l’usage de la clinique, il devra installer une pompe à eau. Pourquoi ne pas l’avoir fait aujourd’hui ?
Bref… le chantier pourrait avancer plus vite avec des conditions de travail meilleures pour les ouvriers mais il avance quand-même…
Audrey assiste au moment où Milka vient réclamer son salaire du jour à Samuel. Elle en a besoin pour aller faire ses courses quotidiennes pour aller nourrir ses enfants. Elle a approvisionné le chantier aujourd’hui de 880 litres d’eau et repart avec 440 shillings soit 3,33€. Pour un ordre d’idée, un aller-retour sur le continent avec le Water bus coûte 400 shillings, un litre d’huile coûte 250 shillings, un aller-retour à Sena le plus gros bourg de l’île coûte 100 shillings en mototaxi, 3 petites tomates ou 2 grosses coûtent 20 shillings, 1 petit avocat coûte 20 shillings, 2 kg de farine coûtent 150 shillings, 500 grammes de sucre coûtent 60 shillings, un poulet sur pattes coûte 500 shillings, 5 petites perches du Nil coûtent 100 shillings, un mois d’électricité coûte 80 shillings… Et ce salaire gagné aujourd’hui par Milka n’est pas récurent. Elle a la chance d’avoir ce chantier en cours à la porte de sa maison. Et puis, bien entendu, rien de déclaré, tout comme le salaire des maçons qui se paye de la main à la main chaque soir. Donc aucune protection sociale, assurance maladie, chômage ou retraite !
De plus, cette rémunération de 440 shillings ne paye que le fait de ramener les bidons d’eau. Quand elles doivent déverser toute cette eau sur les murs pendant plus de deux heures par jour, ce travail n’est pas payé… Quand elles passent des heures à attendre toute la journée que les maçons puisent de l’eau pour fabriquer le béton, ce temps d’attente n’est pas payé non plus.
Aujourd’hui est le dernier jour de présence des Américains qui partent demain visiter le Kenya et l’Ouganda. Dan reviendra seul dans une quinzaine de jours constater l’avancée des travaux pour lesquels il s’investit beaucoup et aussi pour récupérer le chaton dont il est tombé en affection et qu’il souhaite ramener avec lui à New York. Nous avons beaucoup aimé partager ces moments avec ce jeune globe-trotter de 23 ans très cultivé, très généreux.
Ce soir, nous allons nous coucher un peu plus tard que d’habitude car nous avons un peu traîné avec Dan et la famille. Au moment d’entrer sous la moustiquaire, Anaïs s’aperçoit qu’une grenouille est accrochée dessus. Ce n’est pas pire que ces punaises de lit qui me vident de mon sang chaque nuit…
La Tiny passe dans le Détroit de Bab-el-Mandeb entre Djibouti et le Yémen pour entrer dans une zone de piraterie. On croise les doigts…
Lundi 1er février 2021 :
Nuit bercée par le meuglement de vaches qui viennent brouter ce qu’elles peuvent le long du mur de notre chambre. Merci Audrey de t’être levée pour les faire fuir. Puis, comme tous les matins, ce sont les oiseaux qui chantent pour nous annoncer que le jour s’est levé.
Nouveau mois = nouveau défi… ce mois-ci, Lola nous a donné pour mission de « se fabriquer tous les quatre des vêtements naturels (feuilles, fibres végétales…) et poster une photo en portant ses créations » … Heureusement que nous sommes en zone intertropicale avec des arbres aux feuilles de grandes dimensions. La même chose en Mongolie aurait été plus compliquée !
Ce matin, nous avons réservé auprès de Godwin et d’un de ses amis une longue course en moto-taxi de plus de 30 km. Pendant plus de trois heures, nous allons faire le tour complet de la route circulaire de l’île afin de nous rendre compte de l’environnement dans lequel vivent les autres habitants de Mfangano.
Le reste de la route sud est comme l’axe que nous avons souvent emprunté pour aller jusqu’à Sena au port. On roule donc sur une piste en relativement bon état, praticable par des voitures mais il n’y en a aucune. Seules 3 ou 4 circuleraient sur l’île. Durant tout notre séjour, on n’en a vu que 3 passer.
De nombreux petits hameaux sont répartis de part et d’autre de la route. Les parcelles sont assez propres et pas trop de déchets trainent au sol. De luxuriants jardins potagers sont entretenus autour des habitations. Des bananiers donnent généreusement de beaux régimes de fruits mais il y aussi d’autres arbres exotiques.
Des vaches et des chèvres sont en liberté sur la piste, nous obligeant à marquer l’arrêt pour qu’elles se poussent.
Nous arrivons au petit village d’Ugina, à l’extrémité sud de l’île. Ugina est un village pauvre où le seul revenu est celui de la pêche. Ce village est aussi sinistré en partie par la montée des eaux du Lac Victoria et nous pouvons constater la destruction de quelques maisons par les vagues assez puissantes quand le vent se lève, souvent en fin de journée.
Le passage devant la pharmacie est saisissant quand on voit le nombre de médicaments sur les étagères.
Nous reprenons la piste qui se rétrécit de plus en plus, n’autorisant plus aucun passage pour une voiture. Elle est de toute façon défoncée et parfois tellement pentue que seule une moto peut y passer. Mais rares sont les habitants qui ont une moto. Même la famille dans laquelle on réside n’a pas les moyens de s’en acheter une car ça coute environ 700€ (Godwin loue la sienne). Le seul accès pour les habitants vivant ici se fait donc par le lac. Comme les habitants vivant en autarcie sur les hauteurs de l’île, ceux-ci vivant dans ce coin reculé doivent vivre en autarcie ainsi que du troc avec justement les habitants des sommets et des hauts plateaux de Mfangano.
Deuxième arrêt pour aller découvrir le village de Wakula, un autre village de pêcheurs. Celui-ci a l’avantage d’être relié quotidiennement au continent par un Water bus deux fois par jour. Mais l’aller-retour coutant 400 shillings, soit l’équivalent du salaire qu’a gagné Milka en portant sur sa tête 800 litres d’eau, je ne suis pas convaincu que beaucoup d’habitants peuvent se payer le luxe de rejoindre Mbita en bateau, vu le niveau de pauvreté et la misère que nous constatons dans ces rues.
Nous reprenons la piste qui de nouveau redevient en état correct mais ce n’est pas pour autant qu’on croise des voitures. Une seule sur tout le tour de l’île et un tuk tuk…
Nous voyons de nombreuses écoles primaires et secondaires assez régulièrement réparties. Comme les habitants ne sont pas motorisés et qu’il n’y a pas de transport en commun, il y a quand-même 36 écoles sur toute l’île, ce qui peut laisser penser que tous les enfants peuvent avoir accès à l’éducation.
Nous voyons quelques-uns des 5 dispensaires qui ne font que confirmer qu’aucun soin vital ne peut être pratiqué ici. Le taux de mortalité en cas d’urgence vitale doit être considérable.
Dernier arrêt à Kiwari. Peu de maisons en ciment comme on peut en voir plus sur la route sud de l’île mais principalement des maisons en terre ou en tôles, signes là également d’un niveau de pauvreté important. Les habitants, bien que surpris de voir des Blancs parmi eux, restent accueillants, nous saluent d’un geste de la main, d’un check dans le poing.
De rares belles maisons sont néanmoins construites autour de l’île mais elles se comptent sur les doigts des deux mains.
Le nord de l’île est beaucoup plus venteux que le sud. Aussi, les bateaux de pêcheurs sont équipés de voile.
Puis, nous terminons les derniers kilomètres en repassant par Sena.
Retour à Kitawi chez Samuel, ravis de notre tour de l’île.
C’est avec les enfants aujourd’hui que nous allons, à peine arrivés, arroser les murs de la clinique, à l’intérieur comme à l’extérieur, de quelques centaines de litres d’eau.
Le soudeur ougandais a commencé la fabrication des quatre fenêtres. Il est payé pour chacune d’elle 1500 shillings soit un peu plus de 11€ sachant qu’il passe plus d’une journée à en souder une. C’est un très bon salaire pour un ouvrier ici. Les maçons qualifiés ne gagnent que 1000 shillings avec des journées à rallonge.
A ce sujet, Audrey a l’occasion d’en reparler avec l’une des femmes, Milka. Audrey lui explique qu’on veut bien l’aider mais qu’on ne veut surtout pas la priver d’un salaire qu’elle n’aura pas pour les bidons qu’on aura ramenés. Mais Milka lui confirme qu’elle facture bien nos bidons comme si c’était elle qui les remplissait. Ouf. Demain, nous serons donc au lac pour t’aider Milka à remplir les bidons.
Les estomacs sonnent creux mais les deux repas de ce midi vont vite les rassasier de mets encore délicieux. Les tables sont toujours bien garnies, toujours des mêmes plats mais vu le nombre, on arrive à varier le contenu de nos assiettes. Ce midi, nous goutons au délicieux et gros poisson qu’on a ramené de notre pêche hier. Celui-ci, plus gros que ceux que nous mangeons d’habitude, est bien plus charnu.
Nous sommes heureux d’être passé pour le moment à côté de plats de moucherons. Quand nous sommes arrivés sur l’île, le temps était plus humide et il y avait des nuages de moucherons en fin de journée, presque désagréables. Les locaux les capturent, les font sécher, puis bouillir avec du sel, réalisant une sorte de mixture noire qu’ils mangent. Heureusement, le temps est sec depuis et la météo est censée rester bonne jusqu’à notre départ, ce qui devrait nous éviter de goûter à ce plat !
Nous passons un long moment à ramasser les déchets jetés par Méroline et sa famille autour de leur maison. On en avait fait de même chez Grace la semaine dernière mais ici, il y a bien plus de boulot. Méroline est heureuse qu’on l’aide à nettoyer bien que ce soit elle la première qui jette tous les emballages alimentaires de pâtes, de farine, de bidons d’huile dans la nature. On réunit tout cela et on y met le feu. Ce n’est pas bon non plus pour la planète mais que faire de tous ces déchets. Ce problème des ordures est tellement difficile à gérer pour tant de contrées où nous passons. Quel est le meilleur compromis : brûler, enterrer, abandonner les déchets… Je n’ai pas la réponse. Toujours est-il que ce sera ça en moins dans l’estomac des vaches mangeant ces déchets à longueur de journée.
Audrey continue de passer beaucoup de temps avec Grace, qui est toujours un peu triste de ne pas voir grand monde et d’être un peu à l’écart de tous les autres volontaires, et de voir toujours beaucoup d’agitation dans la maison de la deuxième épouse de son mari.
Victor passe du temps à construire de nouvelles petites voitures avec les déchets ramassés tout à l’heure pour offrir aux enfants, en particulier à Jaï, Milan et Barack, qui se font un plaisir de jouer avec. Anaïs, à la demande de Samuel, aide à sa façon la communauté en faisant de chouettes montages vidéos, pour alimenter le site internet de Sagrema Foundation.
Je pars comme la semaine dernière passer une partie de l’après-midi dans un petit bar pour mettre en ligne le précédent article car le réseau Internet est plus qu’aléatoire chez Samuel et ne permet pas de charger toutes les photos. Bon, en plus, c’est une bonne raison pour aller boire une bière froide avec mon ami Godwin qui m’amène et vient me rechercher en moto…
De nouveau, Samuel nous invite au bar du coin mais vu les clients qui y passent des heures à boire de la vodka dans une ambiance assez glauque, Audrey préfère rester autour du feu avec Grace et préparer une confiture à base de mangues, citrons et fruits de la passion. Elle n’a pas eu tort car le moment bien qu’agréable à boire une bière (chaude) en compagnie de Samuel, de Bernard (le chef de chantier) et le soudeur ougandais est un peu étrange avec tous ces ivrognes autour de nous. L’un d’eux est un des maçons travaillant sur le chantier de la clinique et venant tous les jours claquer son salaire quotidien en buvant 3 bières à 1,75€ pièce.
La Tiny est toujours dans les temps et navigue aujourd’hui dans le Golfe d’Aden entre la Somalie et le Yémen.
Mardi 2 février 2021 :
Dès 7 heures du matin, nous sommes sur le chantier à l’heure où le soleil se lève. Nous aidons les trois femmes Milka, Beldin, et Anita à arroser (encore) les murs à l’intérieur et à l’extérieur de la clinique. Généreusement, elles vident toutes les bassines, les jerricans, les deux réserves de 100 litres et celle de 200 litres. Plus elles arrosent, plus cela leur fera d’aller-retours à faire au lac, plus cela leur fera gagner de l’argent. Donc elles arrosent, elles arrosent, même si les murs sont détrempés et même si la moitié de l’eau tombe au sol sans toucher les murs. En une heure, plus d’un mètre cube d’eau a été aspergé. Il n’y a plus qu’à aider les trois femmes à aller tout remplir pour remplir les mêmes contenants pour les maçons. Tout au long de la journée, l’une d’entre elles reste sur le chantier pour continuer à remplir au fur et à mesure que les maçons se servent en eau. Et puis, ce soir, il faudra de nouveau arroser les murs d’un autre mètre cube d’eau…
Nous rentrons prendre le traditionnel petit déjeuner avec Grace qui attend notre arrivée. Anaïs et Victor se sont préparés et sont déjà en train de travailler à l’école quand nous les retrouvons.
En fin d’après-midi, nous allons, assis sur un bois flotté posé sur le sable noir de la plage, profiter du coucher de Soleil sur le Lac Victoria.
Puis, de retour à la maison, Audrey prépare de la confiture de papayes avec Grace alors que de mon côté, j’aide Méroline à cuisiner des chapatis.
Grace est heureuse car elle est rejointe par une de ses filles, Brenda, que nous n’avions pas encore rencontrée. Nous mangeons une première fois chez Grace puis aussitôt nous nous remettons à table chez Méroline.
La Tiny poursuit aujourd’hui sa progression et se rapproche chaque jour en peu plus de nous. Elle a retrouvé l’Océan indien et continue à contourner la Corne de l’Afrique en longeant la Somalie.
Mercredi 3 février 2021 :
De nouveau, le réveil nous sort du lit, avant même que les oiseaux ne le fassent aux premières lueurs du jour. Nous prenons comme chaque matin avec Audrey un thé encore chaud de la veille en observant les oiseaux autour de nous.
7 heures, alors que les enfants terminent leur nuit sous leur moustiquaire, nous partons tout comme hier déverser des centaines de litres d’eau sur les murs avec les 3 autres femmes. Hier, c’était une bonne journée pour elles car elles ont ramené 1050 litres d’eau à elles trois. Aujourd’hui, ce devrait être pareil et elles sont contentes donc elles arrosent et elles arrosent comme hier. Nous les aidons encore ce matin jusqu’à temps que les réserves soient épuisées puis nous allons les remplir au lac.
Les murs prennent de l’épaisseur au fur et à mesure des jours qui s’écoulent. Une quatrième couche d’enduit est projetée sur les murs intérieurs aujourd’hui. Plus que deux et les murs auront atteint leur épaisseur de 15 cm. Les maçons brassent des tonnes de sable, de lourds sacs de 50 kg de ciment. Et encore, on a vu des sacs de ciment de 72,5 kg chez un marchand de matériaux… Une bétonnière leur serait tellement utile et leur ferait gagner tellement de temps. Une brouette en meilleur état aussi. Et une pelle avec un manche plus long que 70 cm aussi.
Le soudeur avance aujourd’hui et déjà trois fenêtres sont quasi terminées.
Je profite de lui demander de réparer la poignée de ma valise qui s’est cassée dans le précédent voyage en prévision de notre vol d’après-demain. Et oui, tout se répare en Afrique. En quelques minutes, il me soude une belle nouvelle poignée… ça fera l’affaire pour notre voyage vers Mombasa où nous nous séparerons de nos valises, trop grosses pour être stockées dans la Tiny.
Ce matin, Méroline est fière de nous montrer son jardin dans lequel, dès 6 heures du matin, elle vient chaque jour travailler. Le seul problème est que le lac est vraiment loin pour apporter de l’eau, plus de 200 mètres. Mais elle nous explique qu’ici seront plantés début mars du maïs, du millet et des haricots rouges. Ces plantations seront copieusement arrosés pendant les deux mois que dure la saison des pluies, sans être inondés car la terrain est en hauteur par rapport au lac et un peu en pente. Puis ces plants n’auront plus qu’à mûrir jusqu’aux récoltes.
Aujourd’hui arrivent deux nouveaux volontaires allemands, Claudia et Tim, voyageant pendant plusieurs mois en Afrique. Samuel est content car les volontaires reviennent encore timidement et se succèdent après tant de mois de confinement et de fermetures de frontières. C’est bien pour la communauté mais aussi pour sa famille car cela leur fait une conséquente rentrée d’argent. Mais il attendait des Français qui ne pourront pas sortir du territoire en raison des nouvelles mesures gouvernementales de M. Castex.
Après-midi occupé entre sieste, baignade, préparation de notre futur itinéraire au Kenya, jeux, rédaction de cet article, tri des photos, échanges avec la famille et les volontaires…
Le passage au lac aujourd’hui nous fait constater qu’il y a de plus en plus de perches du Nil mortes à la surface de l’eau. Un sacré spécimen d’un mètre est échoué sur le sable noir.
La Tiny se rapproche de la ligne équatoriale, tout en poursuivant sa descente le long de la Somalie. On a hâte et le stress monte un peu quant à l’état où on va la retrouver.
Jeudi 4 février 2021 :
Bon, je ne vous refais pas le topo de ce matin où nous arrosons encore et encore le béton. C’est notre dernier jour de travail et nous n’avons toujours pas compris pourquoi il faut arroser pour que ça sèche… Mais cette fois, avec les 3 femmes et les deux nouveaux volontaires allemands, nous allons beaucoup plus vite à remplir les bidons au lac.
Les travaux de maçonnerie avancent bien mais les fonds viennent un peu à manquer pour Samuel. Du coup, il a réduit la main d’œuvre et les matériaux vont vite venir à manquer. Seulement deux maçons sont présents aujourd’hui. Le soudeur avance bien sur la fabrication des quatre fenêtres en décorant de volutes chacune d’entre elles pour sécuriser l’accès au bâtiment.
Nous en avons donc fini d’aider la communauté à construire cette clinique. Quand on voit les photos d’il y a trois semaines et d’aujourd’hui, on se dit qu’on est fiers de notre petite contribution. Fiers d’avoir porté des tonnes et des tonnes de pierres et d’eau. En espérant que ce projet viendra à bout le plus rapidement possible. Nous recevons les plus sincères et touchants remerciements de Samuel qui a vraiment apprécié notre investissement.
Nous faisons une dernière sortie avec Godwin, sans Anaïs et Victor qui préfèrent profiter des derniers instants avec les autres enfants.
Nous nous rendons dans un endroit qui n’est pas du tout touristique, comme toute l’île d’ailleurs, au nord-ouest de Mfangano. La frontière avec l’Ouganda n’est qu’à 3 km au milieu du lac. La route ne mène pas jusqu’au village de Mawanga où nous allons. Même la moto ne peut passer. Le seul accès à ce petit village se fait par un long sentier étroit à pieds ou bien en barque par le lac. On assiste d’ailleurs au débarquement de matériaux, brique par brique, à la main, d’une barque venue du continent. Ces briques serviront à construire une « maison de l’eau » qui distribuera des bidons d’eau potable aux habitants de ce village.
A quelques brasses du rivage, l’île de Nzenze est un site sacré pour le clan Wasamo de la communauté Abasuba. Jusqu’à récemment, la population croyait que les esprits de la pluie se trouvaient dans cette île sacrée. Les seules personnes autorisées à cultiver sur l’île étaient des membres du clan Wasamo qui se trouvaient être les faiseurs de pluie. Ils invoquaient les esprits pour libérer la pluie.
Une femme accourt pour nous faire la visite de la grotte de Mawanga, classée par l’UNESCO au Patrimoine mondial (en même temps que deux autres sites sur l’île), pour son art rupestre vieux de 2000 ans qui aurait été créé par les premiers chasseurs cueilleurs, le peuple Twa.
Face à l’île, sur un site rocheux, se trouve cette grotte où les premiers habitants de l’île auraient trouvé refuge. L’endroit servait jusqu’à récemment lors de rituels spécifiques et de cérémonies. Des cercles concentriques et des spirales sont peints en rouge et blanc, représentant la Lune et le Soleil. Selon les anciens du clan Wasamo, ces peintures ont été faites par leurs lointains ancêtres pour représenter des boucliers pour se défendre lors des combats avec les autres clans Abasuba. Ces peintures conservent toujours des pouvoirs spéciaux de provoquer la pluie.
Retour chez Samuel. C’est l’heure de la sortie de l’école où plusieurs enfants courent après la moto en nous lançant des « how are you ? ».
Préparation des valises pour le voyage de demain, impression au petit imprimeur local des cartes d’embarquements pour l’avion de demain… ça sent le départ et nous sentons que cela va être difficile de quitter cette jolie famille.
Notre première expérience en Workaway s’achève mais elle nous a donné envie de renouveler cette aventure dans d’autres pays, quitte à se poser avec la Tiny pour garder notre petit confort dans un autre pays pendant deux ou trois semaines. C’est un excellent moyen pour entrer en contact avec la population.
Merci Samuel ! Merci Grace ! Merci Méroline ! Merci Baby ! Merci Jaï ! Merci Godwin ! Merci Brenda ! Merci Gabriel ! Merci Boy ! Merci Charles ! Merci Denys ! Merci à toutes les personnes que nous avons croisées durant notre séjour émouvant de trois semaines à Mfangano ! Merci aux locaux pour chacun de leur sourire ! Merci à tous les enfants d’avoir joué avec Anaïs et Victor ! Notre voyage en terre inconnue nous a tellement permis d’entrer en immersion dans une communauté africaine encore plus qu’on ne pouvait l’imaginer.
Dernière soirée donc partagée avec la famille et les volontaires. Grace nous a préparé des patates douces accompagnées d’un verre de lait caillé.
De son côté, Méroline a tenu à fêter notre départ en nous cuisinant un plat de luxe. Elle est revenue avec une poule du marché. Ce n’est que la deuxième fois que nous mangeons de la volaille en trois semaines car cela coûte cher (et vraiment très cher vu la quantité de viande qu’il y a à manger dessus), 500 shillings soit plus d’une journée de salaire pour les femmes qui portent de l’eau à longueur de journée ! Les Allemands, Raël et Heinrich nous ont préparé pour l’occasion, un gâteau dans leur four qu’ils ont construit en terre.
Et voilà, l’heure est venue de se séparer de nos hôtes et de nos compagnons volontaires. Demain, le réveil va être matinal et la journée bien longue. Et puis, il nous faut rentrer à la chambre car les valises ne sont pas encore bouclées.
La Tiny continue de naviguer sur l’Océan indien et change aujourd’hui d’hémisphère.
Vendredi 5 février 2021 :
6h50, nous sortons de notre chambre pour dire au revoir à ceux qui nous ont tellement choyés depuis 3 semaines. Nous avons tous la gorge serrée en les prenant dans nos bras tant les moments d’émotion ont été intenses en leur compagnie. Mais c’est ainsi, nous partons vers de nouvelles aventures !
Godwin et deux de ses amis sont là pour nous emmener au port. Et nous n’avons pas trop de trois motos pour prendre nos deux lourdes valises, nos gros sacs à dos et nous 4… Un dernier signe de la main à la famille de Samuel et un dernier coup d’œil sur le chantier de la clinique.
10 minutes plus tard, nous voici au port de Sena et nous attendons quelques instants le Water bus qui en 40 minutes, nous dépose à Mbita. Contrairement à la fois où nous sommes arrivés, nous connaissons maintenant le chemin et le prochain bateau à prendre. C’est aussi le moment de remettre le masque qu’on n’avait plus mis depuis 3 semaines. La journée va être longue avec celui-ci car on en a perdu l’habitude. Du moins, on ne l’a jamais vraiment prise car on a toujours voyagé dans des pays ne l’obligeant pas. Au revoir Mfangano…
Nous galérons avec nos valises dont une part en morceau. La poignée soudée me rend bien service. Mais la route est tellement pourrie que je dois porter une valise de 23 kg sur l’épaule pour aider Audrey à porter sa valise. Mais la valise réparée tombe et la poignée soudée se casse… Grrr… la suite du parcours va être compliquée.
Deuxième étape du jour : par chance, nous arrivons juste deux minutes avant le départ du second Water bus que nous devons prendre, toujours sur le Lac Victoria, pour rejoindre le port de Luanda K’Otieno en une bonne demi-heure.
Dès la descente du bateau, nous montons dans le premier petit bus de 14 passagers en direction de l’aéroport de Kisumu. Nos deux valises sont chargées sur le toit et on se demande bien si elles y seront toujours, une fois arrivés à destination… Le trajet de 90 km dure deux heures (6€ le trajet par personne) et de nombreuses fois, la camionnette s’arrête pour prendre de nouveaux passagers. La porte latérale reste du coup ouverte car deux passagers voyagent debout sur le marchepied. Au moins, ils peuvent surveiller nos valises ! A chaque arrêt, on doit se tasser un peu plus pour être jusqu’à 22 passagers dans la camionnette. Comment dire, la distanciation sociale est difficile à respecter en Afrique !! La majorité des passagers portent un masque mais pas tous sur la bouche et le nez…
Nous profitons des rapides arrêts pour acheter par la fenêtre pour une poignée de shillings des bananes à des vendeuses qui entourent la camionnette.
Il est midi, nous arrivons à l’aéroport de Kisumu. Cela fait déjà 5 heures que nous sommes partis de l’île de Mfangano et la journée est loin d’être terminée. Nos valises sont toujours sur le toit mais l’une d’elle est de plus en plus en piteux état. Nous sommes en avance car nous avons eu la chance que tous nos différents transports de ce matin se soient parfaitement enchaînés. Nous en profitons pour réparer l’une des valises qui est explosée et qui ne supportera pas encore deux vols aujourd’hui. Le fameux câble électrique d’Anaïs, qui avait déjà permis de dépanner notre ami soudeur en lui faisant une nouvelle rallonge, m’aide cette fois à faire une réparation de fortune à la valise pour tenter de tenir la fermeture éclair ainsi que la poignée… On n’est pas certains de la retrouver entière ce soir sur le tapis de bagages…
15h10, nous décollons à bord d’un Embraer E190 de la Kenya Airways pour un petit vol de 30 minutes en direction de la capitale Nairobi située à un peu plus de 300 km.
Nous y faisons une courte escale et attendons pendant celle-ci devant la porte d’embarquement n°3 qui est indiquée sur le tableau d’affichage. Quand tout à coup, nous entendons nos noms au micro de l’aéroport. Dernier appel pour l’embarquement porte n°1 !! On a failli louper l’avion…
17 heures, de nouveau, petit vol domestique d’une heure (que la journée est longue !), sur le même appareil, à destination de Mombasa, situé à 430 km sur la côte est du pays, en bordure de l’Océan indien… On espère que cet avion sera le dernier avant très longtemps ! Ce qui serait signe que notre rêve de découvrir l’Afrique durant une année pourra se réaliser. Le cas contraire serait signe qu’on soit obligé de rentrer prématurément en France… Mais bon, on espère que notre bonne étoile va continuer à nous suivre durant notre cavale qui va reprendre en milieu de semaine prochaine, dès qu’on aura récupéré notre Tiny, censée arriver demain au port de Mombasa.
Un taxi nous amène dans le vieux centre historique de la ville où nous sommes accueillis par Hussein, auprès de qui nous avons réservé un appartement pour les 4 prochaines nuits. Nous allons faire connaissance avec ce sympathique Kenyan dans un petit resto populaire de la vieille ville.