1022 km parcourus du 30 mars au 5 avril 2021
70 193 km parcourus depuis le départ
Mardi 30 mars… et mercredi 31 mars 2021 :
Je vous retrouve là où je vous avais laissé à la fin du dernier article paru la semaine dernière, c’est-à-dire toujours incrusté dans mon hamac duquel je n’arrive pas à sortir ! Audrey rencontre le même problème… Nous sommes donc toujours au Peponi Beach Resort, au sud de Tanga sur la côte nord-ouest de la Tanzanie, dans un campsite qui nous offre, de notre point de vue de voyageurs au long cours, un bivouac plus que luxueux. La Tiny est bien à l’ombre et domine la plage de sable blanc face à l’Océan Indien.
Les journées sont rythmées par les marées qu’on observe monter et descendre. Mais la mer est assez démontée ces jours-ci. Quand les vagues frôlent la Tiny, soit le matin et le soir, nous en profitons pour nous jeter dans l’eau qui dépasse 30°C. La température de l’air est identique. Du coup, les plongeons sont à peine assez rafraichissants, mais bon, nous n’avons que ça comme problème. Le reste du temps, nous avons le luxe d’avoir une petite piscine où la température est la même.
Il n’y a bien entendu que très peu d’autres clients en ce moment, bien que ce soient les vacances scolaires en Tanzanie. Deux autres familles d’expat’ américains sont aussi présents sur le campsite. Autant vous dire qu’on ne se marche pas sur les pieds.
Anaïs et Victor sont aussi en vacances pour quelques jours, mais la pratique de l’anglais avec les autres enfants du camp n’est pas du temps de perdu ! Ils progressent de plus en plus. Anaïs a dépassé notre niveau et Victor a beaucoup progressé en compréhension. Il ne lui reste plus qu’un pas à franchir pour être à l’aise à l’oral. Ça va venir dans les prochains mois.
Nos journées sont donc occupées à boire des cafés, des bières, profiter des équipements du camping, faire des allers retours à la piscine, lire, passer des heures dans le hamac, faire des jeux, prendre le temps de cuisiner et de savourer ces petits plats en mangeant à l’ombre des arbres, mettre en ligne le précédent blog et commencer ce 106ème numéro… Anaïs passe beaucoup de temps à compléter son carnet de voyage illustré. Quel souvenir cela lui fera ! Victor est toujours imaginatif dans ces créations de Lego ou dans le dessin de sa frise et de ses nombreux bateaux !
Nous pensons aussi à la suite de notre itinéraire qui se dessine petit à petit sans toujours faire de plans à long terme. Nous sommes à l’affût des prochaines décisions gouvernementales, on lit la presse étrangère, on croise et on trie les infos avec les autres voyageurs présents dans d’autres pays d’Afrique et sur les réseaux sociaux, on fait des suppositions, on monte des plans A, B, C… Pour l’instant rien ne bouge et les frontières de la Zambie, de la Namibie, de l’Afrique du Sud, du Botswana restent ouvertes. Le Malawi et le Zimbabwe ont encore leurs frontières terrestres fermées. Certains pays restreignent la circulation comme au Botswana mais à priori seulement pour les vacances de Pâques. D’autres restreignent l’accès aux plages comme au Mozambique.
Quand nous aurons réussi à nous extirper de nos hamacs, nous reprendrons la cavale pour parcourir les 1075 km qui nous séparent de la frontière de notre prochain pays, la Zambie.
En attendant ce moment-là, on profite car on sait qu’on va avoir plusieurs journées de route pas forcément agréables à enchainer.
Avec Audrey, nous laissons les enfants jouer à la piscine et nous partons en amoureux marcher sur la longue plage. A marée descendante, nous pouvons marcher dans la mangrove libérée des eaux. Les reflets dans le sable sont magiques.
Nous voyons les mêmes embarcations de pêcheurs qu’on voyait au sud du Kenya. Elles sont creusées dans des troncs de manguiers et disposent de flotteurs latéraux. On prend plaisir à observer toute la journée ces bateaux qui se déplacent à la force du vent avec leur voile bien bombées.
Dernier jour du mois et encore un défi non réalisé car bien entendu trop dangereux. « Se fabriquer une cabane », ça aurait pu aller mais « dormir tous les 4 dedans », ici en Tanzanie, avec tous ces animaux nocturnes, on n’a pas osé au risque de se faire dévorer par les moustiques (au mieux) ou par une hyène (au pire).
Jeudi 1er avril 2021 :
Bon, le défi de notre nièce adorée Ella, qu’on ouvre ce matin devrait être plus facile à réaliser : « faire rentrer un animal vivant dans la Tiny et le prendre en photo. Les insectes et les humains ne sont pas acceptés ». C’est dommage car à une journée près, le défi aurait déjà été réalisé. On veille pourtant à ne pas laisser la porte ouverte et les moustiquaires bien fermées sur les fenêtres mais on s’est quand même fait avoir et on a retrouvé hier un singe dans la Tiny qui avait déjà eu le temps de manger un avocat, une banane, du pain et de grignoter la citrouille…
En pleine nuit, ces mêmes vervets bleus (nom donné en raison de la couleur de leurs testicules) sautent des branches sur le toit de la Tiny et nous font sursauter…
Il y a aussi ces mignonnes mangoustes qu’on croise en nous promenant dans le campsite. Mais bon, on n’a pas forcément l’appareil photo avec nous quand on va aux toilettes ou aux douches…
Nous avons eu la chance d’apercevoir hier soir un galago du Sénégal dans un arbre. Ces petits primates mesurent 40 centimètres dont la moitié réservée à la longue queue touffue. Ils ont des grands yeux et des grandes oreilles arrondies.
Dernière petite baignade dans l’Océan Indien à 7h du matin et pour la première fois depuis notre arrivée, nous avons une mer calme. Elle est aussi forcément moins trouble et devient de nouveau transparente dès qu’on s’éloigne un peu du rivage.
Alors qu’Anaïs et Victor profitent une dernière fois des autres petits copains américains et de la piscine, nous partons avec Audrey de nouveau marcher sur la plage, mais cette fois vers le sud. Il n’y a pas de mangrove comme hier mais nous prenons du plaisir à observer les chantiers navals. Un des ouvriers nous explique être venu du Kenya voisin pour construire un grand bateau de pêche. Le seul outil mécanique est une tronçonneuse pour débiter les troncs. Le reste est fait à la scie égoïne et au marteau. En deux mois, le bateau sera terminé !
Le village de pêcheurs de Kigombe paraît bien pauvre avec ses petites maisons en terre qui paraissent bien fragiles face aux agressions de l’océan. La digue construite sans ferraillage dans le béton n’a pas résisté à la violence des vagues.
Les petits Tanzaniens sont en vacances actuellement et ont un beau terrain de jeux à marée basse.
Nous quittons en début d’après-midi ce bivouac de rêve, bien reposés après ces petites vacances. De nouveau, il nous faut parcourir une trentaine de kilomètres de piste vers Tanga mais contrairement à l’aller, il n’y a pas ces dizaines de poids-lourds qu’on croisait et qui nous doublaient dans des nuages de poussière. C’est donc moins désagréable bien qu’il nous fasse deux heures pour parcourir cette distance. Nous faisons la course avec les vélos lourdement chargés, mais on ne gagne pas à chaque fois.
Nous nous arrêtons aux ruines de Tongoni qui surplombent la mangrove et l’océan. Les sites culturels sont assez rares en Tanzanie donc pour une fois qu’il y en a un sur notre route sans avoir à faire de détour par une longue piste pour y aller et sans avoir à débourser une fortune, nous en profitons. Bon, ce n’est pas transcendant non plus mais ces ruines (qui manquent un peu d’explications) du 15ème siècle d’une mosquée et d’une quarantaine de tombes au milieu de majestueux baobabs méritent ce petit détour d’un kilomètre. A l’époque, ce lieu était un centre commercial prospère dominé par des colonies d’origine indienne. Le marin portugais Vasco de Gamma s’est échoué ici en 1498.
Nous poursuivons vers Tanga où nous découvrons un patrimoine historique de l’époque coloniale du pays.
Nous nous posons dans la cour de l’hôtel réservé par nos amis, les Je ne sais pas mais on y va. Avant de prendre leur avion dans quelques jours vers de nouvelles contrées, ils ont fait un détour pour qu’on ait le plaisir de passer une soirée ensemble. Ils portent à merveille leur nom de voyageurs. Nous passons la soirée avec eux à imaginer sur quel continent leur avion les amènera dans trois jours…
Vendredi 2 avril 2021 :
Comme je vous l’expliquais dernièrement, nous n’allons pas trop traîner en Tanzanie pour différentes raisons. Tout d’abord, le coût élevé de chacune des activités plombe vite notre budget. De plus, la saison est en train de changer et la saison des pluies qui a déjà 15 jours de retard arrive et nous avons chaque jour des petits orages, souvent le soir, mais qui détrempent les pistes donnant accès aux sites de visites. Nous sommes dans l’hémisphère sud mais encore trop proche de l’équateur pour que les saisons soient marquées comme plus au nord ou plus au sud par des saisons hivernales et estivales. Ici, l’année est rythmée par des saisons sèches et des saisons des pluies.
Le réseau routier est globalement très bon en Tanzanie, mais seulement sur les axes principaux reliant les grandes villes entre elles. Le moindre axe sortant de ces axes bitumés sont des pistes à l’état aléatoire.
Concernant les safaris, on pourrait en faire plein en Tanzanie mais on s’est déjà fait plaisir eu Kenya, et d’autres parcs nous attendent en Afrique australe à des tarifs beaucoup moins chers.
Enfin, ce qui nous fait aussi vite nous dépêcher et nous diriger vers la Zambie, c’est la crainte de l’application de mesures sanitaires ici ou dans notre prochain pays. On entend parler depuis deux jours d’un nouveau variant tanzanien du Covid-19, découvert en Angola. Le président tanzanien John Magufuli, décédé la semaine dernière, avait introduit tardivement des mesures contre le Covid-19 mais nous craignons que sa vice-présidente qui le remplace renforce les mesures sanitaires ou fournisse de nouveaux chiffres sur les cas de coronavirus que le défunt président avait cessé de publier depuis le milieu de l’année dernière. Ce qui pourrait peut-être faire peur aux pays voisins. Le Kenya, où les cas de malades et de décès augmentent dramatiquement ces derniers jours, vient juste après notre sortie du pays de mettre en application des mesures de restriction à la circulation entre certaines régions. Bref, notre sixième sens nous décide à accélérer un peu notre descente vers le pays suivant. Nous avons depuis le début de notre cavale écouté notre instinct et suivi ces intuitions qui nous disaient d’accélérer certains passages de frontières et à chaque fois, nous n’avons pas eu tort…
La frontière est à plus de 1000 km et il va nous falloir plusieurs jours pour parcourir cette distance avec en plus quelques points d’intérêts touristiques sur la route où nous ferons des pauses.
Nous passons donc tout l’après-midi sur la route en roulant 260 kilomètres. Il y a bien longtemps que nous n’avions pas fait autant de kilomètres dans une même journée. La route est en bon état mais toujours ralentie par de nombreux ralentisseurs, des check-points policiers et d’interminables zones où la vitesse est limitée à 50 km/h. Mais aussi par les arrêts dans plusieurs petits stands pour acheter des fruits et légumes.
Trois arrêts de policiers nous font aussi ralentir notre progression. Comme d’habitude, les policiers habillés de tenues immaculées, sont morts de rires en nous arrêtant, nous posent deux ou trois questions sur notre itinéraire, demandent à monter dans la Tiny (on refuse à chaque fois, en expliquant que c’est notre maison, que c’est privé, ce qu’ils comprennent et respectent) et nous laissent repartir. Mais un nouvel arrêt de policier s’engage un peu moins bien. Il est souriant comme les autres mais m’indique qu’il m’arrête pour excès de vitesse. Je crois à une tentative de corruption bien qu’on n’en ait jamais été victimes depuis notre arrivée en Afrique, jusqu’à temps que l’agent me montre en photo la Tiny sur son téléphone qu’il a reçu de ses collègues dans le village d’avant et qui m’ont flashé à 70 au lieu de 50 km/h… Je présente mes plus plates excuses auprès du policier et je lui dis que je suis désolé pour l’erreur commise. On le voit bien hésiter sur la suite à donner à cette infraction. Il nous pose lui aussi quelques questions sur notre itinéraire et nous laisse partir sans contravention. Ouf ! on l’a échappé belle.
C’est reparti. Nous prenons un plaisir fou à voir défiler les paysages, à observer les scènes de rues si typiques de l’Afrique.
La route continue jusqu’à la tombée de la nuit où nous posons notre bivouac sur un parking près d’une station-service en bord de route un peu trop passagère et bruyante. Mais ça fera l’affaire pour la nuit. Le gardien de l’hôtel voisin en construction veillera sur nous.
Samedi 3 avril 2021 :
6h30, « my friend », « my friend » ! nous sort de notre lit. C’est le gardien qui termine sa nuit de travail et qui vient récupérer ses 5000 shillings sur lesquels nous nous étions entendus hier…
Les vacances sont terminées et l’école reprend après quelques jours de pause. Les enfants sont bien efficaces de 8 heures à 11 heures, puis nous prenons la route.
Encore une longue étape qui va nous occuper tout l’après-midi. La route A7 sur les premières dizaines de kilomètres n’est pas des plus agréables car elle relie la capitale Dodoma (330 000 habitants) à celle de Dar es Salaam qui est le centre économique de la Tanzanie avec ses plus de 4 millions d’habitants. Beaucoup de camions l’empruntent car c’est aussi la liaison vers les pays enclavés d’Afrique de l’Est n’ayant pas un accès à la mer (Zambie, Malawi, Burundi, Rwanda, Ouganda). Mais elle est moins pénible que l’horrible et encore plus surchargée route entre Mombasa et Nairobi. Le revêtement routier est en meilleur état. Mais il faut être vigilant aux nids de poules énormes par endroit, aux ralentisseurs non prévenus.
Mais il faut aussi veiller aux nombreux deux-roues ou trois-roues bien chargés.
Et puis, il faut surtout être concentré sur les limitations de vitesse et autres contrôles routiers. Notre 14ème arrêt par la police depuis notre arrivée en Tanzanie (on les note !) se présente mal. Rien qu’à la tête de l’agent qui arrête plusieurs véhicules, je sens que ça ne va pas le faire. Elle vient vers moi, me demande mon permis de conduire et me reproche d’avoir commis une infraction. Je fais mine de ne pas comprendre car elle ne parle pas anglais, mais avec ses gestes, je comprends qu’elle m’a vu doubler un camion qui roulait à 10km/h en sortie de déviation dans une zone de travaux. Elle part avec mon permis. Je reste au volant. Audrey part voir sa collègue, assise à un petit bureau avec plusieurs autres permis d’autres chauffeurs ayant commis la même infraction. Audrey prend sa petite voix, fait de grands sourires, s’excuse pour l’erreur commise et ne se voit pas verbaliser de 70 000 shillings (25€) comme les autres chauffeurs. Ouf, encore une fois… On le sait que cet axe routier est reconnu pour ça mais on le vérifie…
Après la ville de Morogoro, la majorité des camions bifurquent vers la capitale et nous laissent plus tranquilles sur la route qui file vers le Sud-ouest du pays, la grande ville de Mbeya et la Zambie. Les paysages aussi deviennent plus verts et plus vallonnés. Beaucoup moins de policiers mais beaucoup plus de babouins sur la route auxquels il faut autant prêter attention.
La route principale traverse le Parc national de Mikumi, le troisième plus grand du pays. Un magnifique paysage de savane arborée à plus de 1200 mètres d’altitude. Il existe des entrées payantes pour entrer plus en profondeur dans le parc pour faire des safaris mais nous restons sur l’axe principal sur lequel il est interdit de prendre des photos des animaux durant les 50 km de traversée du parc. Comme il y a peu de circulation, nous pouvons rouler doucement et profiter de la faune qui nous gâte encore une fois : girafes, gnous, zèbres, antilopes, cigognes, singes et pour la première fois des élans géants normalement absents de cette région d’Afrique ainsi qu’un guib harnaché.
Nous ne roulons pas vite aussi pour ne pas prendre le risque d’écraser un animal, avant tout pour le principe bien entendu, mais aussi pour notre porte-monnaie car l’amende pour écraser un francolin est de 100 dollars, une civette 200 dollars, un chacal 250 dollars, un guib harnaché 250 dollars, une genette 250 dollars, un phacochère 450 dollars, une hyène 550 dollars, un zèbre 1200 dollars, un lion 4900 dollars, un éléphant 15 000 dollars ou bien encore une girafe 15 000 dollars… Les tarifs sont clairement affichés sur des grands panneaux !
Ravis de ce petit safari gratuit, nous sortons de la réserve tout en continuant à prendre de l’altitude. Les températures sont plus fraiches. Les paysages tout verts.
Puis la route descend sur les rives de la Ruaha que nous suivons durant de nombreux kilomètres. Nous y trouvons de majestueux baobabs par centaines. C’est magique. On se croirait dans un dessin animé avec ces arbres difformes. On adore leur tronc ventru et leurs toutes petites branches.
Bivouac sur le parking d’une station-service désaffectée (encore). Ce n’est pas top mais ça dépanne quand on fait des grosses journées de route et qu’on ne veut pas trop chercher un bivouac plus sauvage. Ces derniers sont encore une fois plus difficiles à trouver en Tanzanie car les pistes sont souvent bien défoncées. De plus, les Tanzaniens n’ayant que très peu de voitures particulières, il n’y a pas de pistes carrossables menant vers leur village. Seules des motos peuvent les emprunter.
A la tombée de la nuit, ce parking entre les WC et une épave rouillée de camion sera parfait. On ne va pas veiller tard après cette nouvelle journée de 260 km.
Dimanche 4 avril 2021 :
La nuit n’est pas reposante avec le bruit des camions et des routiers faisant une pause nocturne sur ce parking. Réveil matinal par un « toc-toc » à la porte à 6h30. J’ouvre la porte au gardien de la nuit. Il est armé d’un fusil. Je lui donne ses 5000 shillings avant de retourner dans mon lit.
Ce matin, les enfants sont encore plus efficaces que d’ordinaire à l’école et dès 10h30, le petit déj, les douches, la lessive, les pleins d’eau et le temps scolaire sont déjà terminés. Cela ne nous est jamais arrivé. Nous prenons la route, et dès la sortie de la ville où nous avons dormi, nous sommes déjà arrêtés par la police. De nouveau, encore un excès de vitesse : 62 au lieu de 50 km/h, photo radar à l’appui… Grrrr… Nous expliquons à la policière que nous n’avons pas vu le panneau. Elle ne veut rien savoir et ne fait que son travail en nous expliquant que nous devons payer la contravention. Avec Audrey, nous allons voir sa collègue et nous présentons nos plus plates excuses… C’est bon, elle nous laisse repartir sans rien payer. Ouf… Bon, il va falloir qu’on se calme. Nous n’avons jamais été arrêtés pour de vraies contraventions en 100 000 km sur les routes autour du monde, et là ça fait trois fois en trois jours. En France, j’aurais déjà perdu les 2/3 de mes points sur le permis… Mais honnêtement, c’est vraiment très compliqué dans cette région.
La cavale reprend toujours à travers des paysages verdoyants. Mais aujourd’hui, l’axe que nous empruntons est bien vallonné et bien emprunté par des camions rendant quasi impossible tout dépassement.
Nous montons donc à 5 ou 10 km/h derrière ces poids-lourds usés par le temps et les kilomètres. D’ailleurs, beaucoup sont en panne sur le bord des routes en Tanzanie, surtout sur ce type de route qui les met à rude épreuve. En cas de panne, les routiers réparent eux-mêmes leur mécanique. Certains sont là depuis plusieurs jours avec le moteur ou la boîte de vitesse déposés sur la route. Pas de triangle pour signaler leur arrêt sur la chaussée mais simplement des branches coupées en amont et en aval. Nous voyons aussi beaucoup d’accidents.
Nous en avons fini avec la montée et nous roulons à présent sur de hauts plateaux où sont posés de magnifiques rochers tout ronds.
Nous ouvrons toujours grand les yeux sur ce qui se passe autour de nous. Nous nous régalons des bruits, des odeurs, des scènes de vie… Alternance de mosquées et d’églises dans les villages.
Nous sortons de la route pour emprunter une petite piste très défoncée. J’espère juste que les nuages noirs ne vont pas se vider sur cette terre rouge le temps de notre prochaine visite.
Nous arrivons sur le site de l’âge de pierre d’Isimila. Outre l’intérêt du site sur lequel les archéologues ont trouvé des outils datés de 60 000 à 100 000 ans, c’est pour les paysages spectaculaires du canyon et des centaines de piliers de grès érodés que nous sommes venus ici. Une formidable balade au milieu de ces sculptures naturelles qui nous rappellent certains paysages érodés d’Argentine, de Mongolie ou de Turquie.
Nous reprenons la route pour encore une centaine de kilomètres jusqu’à un bivouac au bord d’un joli lac près de la Réserve de la forêt de Ngwasi.
Petite pause pour chercher les chocolats de Pâques. Nous retrouvons une vieille tablette qui a certainement quelques milliers de kilomètres en camion et en bateau. Le chocolat noir a un peu blanchi mais fait notre bonheur !
On étudie la suite de notre parcours mais décidons d’abréger un peu notre séjour en Tanzanie. Pour les raisons que je vous ai déjà évoquées plus haut, mais aussi pour le rapport aux gens qui nous manque. Autant au Kenya, nous avons fait des belles rencontres, autant ici, nous n’en n’avons pas fait beaucoup. Alors, ça vient aussi certainement de nous car après le Kenya, nous avons justement eu besoin de nous poser un peu car ces rencontres kényanes, aussi belles étaient-elles, étaient aussi fatigantes car nous étions sollicités sans cesse et n’avons pas eu beaucoup de moments que pour nous. Mais on aime ça aussi. Nous avons donc fait le choix en Tanzanie de chercher des bivouacs un peu isolés, ou de passer quelques nuits en camping, ou bien en stations-services pour couper des longues étapes de route… Ce n’est pas le top pour faire des rencontres. De plus, les Tanzaniens parlant peu anglais, cela limite un peu aussi nos échanges.
Et puis, ce qui nous fatigue aussi, c’est ce rapport à l’argent, où souvent dès qu’on s’arrête, on vient nous voir pour nous demander de l’argent. Les « Give me money » reviennent souvent. Régulièrement, des Tanzaniens s’improvisent gardien de nuit et viennent chercher quelques shillings. C’est encore le cas ce soir où à peine arrivés sur ce bivouac sauvage, un gars arrive et nous demande 10 000 shillings pour dormir ici mais que ce n’est pas pour lui, mais pour le gouvernement… A force d’insister, il nous dit que finalement c’est gratuit. Et puis il y a ces « mzungu prices », ces prix pour les Blancs, qu’il faut négocier même pour les fruits et légumes, ce qui n’était pas le cas au Kenya. Ce n’est pas le cas tout le temps, mais c’est très souvent. Alors oui, on a aussi rencontré ce phénomène et on le rencontrera encore ailleurs en Afrique, mais en ce moment, ça nous saoule. Alors bien entendu, on ne généralise pas ces attitudes à tous les Tanzaniens d’autant plus qu’en seulement 15 jours, on ne peut pas se faire un avis sur un pays comme on peut se le faire dans des pays comme le Kenya où nous avons passé deux mois et demi. Ce n’est pas non plus un hasard si nos pays coups de cœur de notre cavale (Iran, Mongolie, Laos, Kenya) sont tous ceux dans lesquels nous avons passé au moins deux mois. On a aussi rencontré beaucoup de Tanzaniens très charmants, très souriants, très accueillants… On a reçu pleins de « Karibu » (= bienvenue).
C’est donc autour d’un verre de whisky que nous décidons ce soir de renoncer à quelques visites autour de la région de Mbeya où nous arrivons et de raccourcir notre séjour en Tanzanie. Nous filons vers la Zambie. On a cette chance de voyager en étant motorisés ce qui facilite ces changements brusques de plans.
Lundi 5 avril 2021 :
Encore un réveil matinal ce matin, pour faire école de 8 à 11 heures. Pendant ce temps, un autre Tanzanien vient nous voir avec de grands sourires et pour nous dire qu’il est là pour notre sécurité et qu’on doit le payer. Il repartira sans un sou. Cela termine de nous convaincre qu’il faut bien filer vers de nouveaux horizons.
Nous quittons ce chouette bivouac qui mériterait pourtant de s’y poser s’il faisait un peu plus chaud. Nous reprenons la piste trouée de 6 kilomètres qui nous mène à l’asphalte. Nous sommes attentifs aux trois gamins qui nous ont lancé des cailloux hier soir dans l’autre sens. Ce qui n’a pas aidé dans notre décision prise hier !
Je reste bien concentré, avec l’aide d’Audrey, à ne pas dépasser les limitations de vitesse. Mais la police nous arrête. Ouf, ce n’est juste que par curiosité…
Nous roulons à travers de verdoyants paysages. Nous sommes entourés de petits cratères de volcans. C’est ravissant. Le ciel est gris, des orages tournent autour nous confirmant que la saison des pluies est bien en train d’arriver, raison de plus de partir plus au sud du continent.
Encore un arrêt de la police. Déjà le 18ème en Tanzanie, mais aucun n’a donné lieu à une tentative de corruption. Over speed me lance l’agent ce coup là. Comment ça encore un excès de vitesse ?? Il m’invite à aller voir son chef dans la cahute faite en branches de palme. Avec Audrey, nous allons le voir. Il nous montre une photo de la Tiny roulant à 56 km/h en sortie d’agglomération… Je me confonds en excuse, j’essaye de pleurer mais les larmes ne viennent pas mais elles ne sont pas loin (je suis bon comédien), je lui explique qu’il est le dernier Tanzanien que je vois car nous changeons de pays ce soir et que ça m’embête de rester sur cette image, je lui explique que la France et la Tanzanie sont vraiment deux peuples amis. Franchement, j’arrive presque à pleurer. Mais il reste décidé à encaisser contre un reçu ses 30 000 shillings. Comme on a le temps, je continue à présenter mes plus plates excuses et que je ne recommencerai jamais. C’est bon, il me redonne mon permis et nous laisse partir sans contravention. Je fais un check avec lui et le remercie !
Bon, il faut vraiment faire encore plus attention mais sur cette route de plusieurs centaines de kilomètres, c’est absolument infernal, entre les panneaux d’entrées ou de sorties d’agglomérations qui manquent, ceux qui sont cachés dans la végétation, ceux qu’on ne voit pas ou ceux qu’on oublie car les distances à 50 km/h sont si longues, bien avant et bien après les villages…
Bref, ce pourrait encore être une raison de plus pour ne pas trainer en Tanzanie, mais on sait déjà que c’est pareil de l’autre côté de la prochaine frontière…
Nous roulons de nouveau tout l’après-midi, et comme hier nous parcourons encore 225 km. Je suis rincé le soir d’autant plus que les dernières dizaines de kilomètres se font sur un asphalte déformé par le poids des camions et troué comme un morceau de Gruyère (pas le Suisse). Il me faut slalomer en permanence ou quand ce n’est plus possible, estimer quel trou est le moins profond… ça use.
Nous arrivons comme nous l’avions espéré dans une usine où nous pouvons faire recharger nos bouteilles de gaz. C’est assez compliqué d’une manière générale en Afrique et les points sont assez rares. On veut donc profiter de cette possibilité ici à Mbeya où on sait qu’ils ont les bons raccords pour nos bouteilles françaises. Mais aujourd’hui est férié en Tanzanie et nous devrons revenir demain.
Nous prenons un chemin détrempé en espérant trouver un petit coin pour poser notre bivouac un peu en retrait de la route trop passagère. C’est devant une école que nous nous garons. Oups, la roue avant droite s’est tanquée dans la terre trop meuble. Tant pis, je suis fatigué, on verra si on arrive à sortir demain matin. Au pire, on n’y arrivera pas.
Audrey passe un long et agréable moment à discuter avec des Tanzaniens sympathiques. Tant mieux, c’est cool de terminer par un chouette échange, pour cette dernière soirée passée ici avant le passage de frontière demain. Plusieurs riverains, un peu inquiets de notre présence, sont venus se rassurer en parlant avec elle. La nuit est tombée mais il faut attendre la venue du chef du village qui lui seul pourra valider si on peut rester là. Un peu plus tard, il arrive, nous sortons discuter avec lui et sans poser aucun problème, il accepte avec un grand sourire qu’on reste là.