241 km parcourus du 17 au 25 septembre 2021
82 680 km parcourus depuis le départ
Vendredi 17 septembre 2021 :
Notre cavale se poursuit en Afrique du Sud où nous sommes arrivés depuis déjà plus d’un mois. Et dire que nous sommes encore que dans la région du Cap. Autant dire qu’on n’a visité qu’une infime partie de ce pays grand comme presque deux fois la France. Seulement 125 km parcourus la semaine dernière. Et certainement pas beaucoup plus de prévus cette semaine, vu notre programme… Comme je vous l’ai expliqué dans mon dernier article, nous passons beaucoup de temps à répondre à tant de chaleureuses invitations de Sud-Africains. Alors tant pis si nous ralentissons le rythme de notre cavale et si nous visiterons moins de sites touristiques en Afrique du Sud. Mais pour ce qui va être l’un des derniers pays de notre aventure, nous tenons à prendre notre temps, à nous laisser guider par le hasard des rencontres, à laisser jouer la magie du voyage.
Nous quittons donc ce midi Muizenberg et la Péninsule du Cap où nous avons passé une semaine à partager de bons moments avec trois généreuses familles que nous avons eu la chance de revoir à plusieurs reprises. Nous roulons vers la ville de Cape Town (Le Cap) que nous atteignons assez facilement pour la deuxième fois. Nous allons nous garer au pied de la mythique Table Mountain où nous partons randonner aujourd’hui. La rando, un incontournable de toute visite au Cap, était prévue demain mais la météo est annoncée meilleure aujourd’hui et autant avoir une bonne visibilité pour monter sur le toit du Cap à plus de 1000 mètres d’altitude.
Elle fait partie des Sept nouvelles merveilles de la nature, une liste des phénomènes naturels remarquables établie en référence à la liste des Sept Merveilles du Monde. Quelle chance d’avoir eu le bonheur d’en découvrir déjà quatre d’entre-elles : l’Amazonie, la Baie d’Halong et les Chutes d’Iguazú et donc aujourd’hui Table Mountain. Son nom provient de sa forme qui, de loin, semble aussi plate que le dessus d’une table. Elle est l’un des plus vieux massifs montagneux du monde avec ses 360 millions d’années (le Mont Everest compte 60 millions). Voici une photo de loin de Table Mountain.
Au lieu d’opter pour le téléphérique, nous décidons de mettre nos jambes à l’épreuve une nouvelle fois, histoire de mériter encore plus cette légendaire Montagne de la Table d’où nous pourrons jouir d’une vue imprenable sur les environs.
C’est au pied du téléphérique, que nous empruntons un chemin assez pentu jusqu’au pied de la falaise. Nous longeons ensuite cette dernière sur quelques centaines de mètres avant de commencer à nous engager vers la Platteklip Gorge. Déjà Cape Town qui s’étale sous nos pieds nous paraît impressionnante au fur et à mesure que nous prenons de l’altitude.
Malheureusement, en pleine ascension, Audrey se (re)fait une entorse à la cheville, comme il y a deux mois en Namibie. Pleurs de douleur. On craint le pire. Nous nous arrêtons, massons et bandons la cheville qui aussitôt s’est mise à enfler. La douleur, violente au départ, s’estompe. Audrey se sent le courage de continuer la rando. Au pire, on se dit qu’on pourra redescendre en téléphérique mais un randonneur nous explique que celui-ci en raison du vent ce matin ne fonctionne pas.
Nous continuons à un rythme moins cadencé. D’autant plus que la voie que nous empruntons est la plus directe et la plus rapide ce qui veut dire que ça grimpe très fort presque tout le temps avec des grosses marches ! Nos cuisses ont bien chaud et notre rythme cardio s’accélère mais que c’est bon…. C’est impressionnant de se retrouver dans cette gorge étroite de trois mètres à la base. Le vent glacial s’y engouffre et souffle très fort.
Puis c’est la récompense en arrivant au sommet de Table Mountain à 1086 mètres d’altitude. Nous venons d’en gravir environ 700 dont 500 en à peine 1,5 km ! Surplomber Cape Town à cette altitude est impressionnant d’autant plus que nous ne sommes qu’à 2,5 km à vol d’oiseau seulement de l’océan. Le sommet d’une superficie d’environ 3 km² est étonnement plat car il est essentiellement composé de grès quartzique, fortement résistants à l’érosion. Au Sud, nous avons la vue sur la Péninsule du Cap où nous avons passé la dernière semaine, des plages de Kommetjie jusqu’à Cape Point au bout de la péninsule.
Le plateau est très bien aménagé avec différents belvédères offrant de merveilleux points de vue sur toute la ville immensément étendue. Une ville très à l’horizontal avec très peu de hauts immeubles hormis ceux de son quartier d’affaires près du port. Au loin, les quartiers de townships, l’aéroport. La vue sur les autres massifs montagneux entourant Table Mountain est magique. Cette dernière est flanquée par Lion’s Head au Sud, par Signal Hill au Nord, et par Devil’s Peak à l’Est, tous ces reliefs faisant partie du Table Mountain National Park.
Le téléphérique a finalement ouvert pendant notre ascension et nous permet de descendre en 3 minutes ce que nous avons monté en trois heures. Celui-ci bientôt centenaire a été rénové, et ses deux cabines peuvent transporter 65 passagers à la fois. Les nouvelles tournent sur elles-mêmes, ce qui permet d’avoir ainsi une vue panoramique à 360° de la ville du Cap quel que soit l’endroit où on se trouve dans la nacelle. Notre porte-monnaie s’est allégé de 35€ mais la cheville d’Audrey ne s’en portera pas plus mal.
La route d’accès au téléphérique est censée être fermée par une barrière la nuit mais nous allons tenter de bivouaquer sur un des parkings offrant une vue exceptionnelle sur Cape Town. En soirée, alors que nous sommes déjà au lit, je vois par les fenêtres un gyrophare bleu d’une voiture qui vient se garer à côté de nous. Je m’habille (par politesse) et je sors voir les policiers qui en fait sont juste curieux de la Tiny. Ils me souhaitent une bonne nuit et on se fait un check. Cool. On peut continuer à profiter des incroyables lumières de la ville. Quelle chance de pouvoir dormir dans un tel endroit en plein cœur d’une ville de 4 millions d’habitants !
Samedi 18 septembre 2021 :
Nous avons la visite ce matin de notre amie Carle qui nous avait invités chez elle la semaine dernière. Ce n’est plus souvent que ça nous arrive de recevoir un message « Bonjour, est-ce que je peux passer prendre un café ? ». Encore un beau moment passé avec elle et son adorable Jack Russell Terrier répondant au nom de Spotty.
Avec Victor, nous aimons regarder le mouvement des cargos, des pétroliers, des porte-containers aidés de remorqueurs pour manœuvrer dans le port du Cap. On zoome sur les noms des navires et on cherche sur Internet leur provenance ou leur destination.
La cheville d’Audrey est moins enflée qu’hier mais bien que pas trop douloureuse, elle est encore bien bleue, même violette. Elle se sent le courage de partir de nouveau randonner sur le troisième pic surplombant Cape Town. Ce n’est pas très raisonnable mais bon. Après avoir déjà escaladé Signal Hill la semaine dernière et Table Mountain hier, nous voici donc au pied de Lion’s Head, et son sommet très pointu à 669 mètres d’altitude. Depuis Table Mountain hier, on voit bien sur la photo suivante le chemin que nous allons emprunter s’enroulant autour de Lion’s Head jusqu’à son sommet.
C’est un lieu de promenade dominical sur les deux premiers kilomètres car l’endroit offre une belle vue sur les banlieues aisées de Clifton et de Camps Bay et surtout sur leurs plages de sable blanc en forme de croissant bordées de palmiers. C’est l’endroit prisé des millionnaires et des stars du show-biz en vacances. Nous avons aussi une vue magnifique sur les montagnes des 12 apôtres longeant la côte Atlantique vers le Sud de la péninsule. On les avait à peine distinguées la semaine dernière car le temps était nuageux quand on avait quitté Cape Town. Nous apprécions beaucoup cette courte randonnée d’environ 6 km car le sentier s’enroule vraiment autour de la montagne offrant ainsi la vue sur tous les quartiers de Cape Town.
Les dernières centaines de mètres de ce pic rocheux sont un peu de l’escalade et on doit marcher à la fin sur une crête bien accidentée pour arriver tout au sommet de Lion’s Head. Les promeneurs du dimanche se sont arrêtés avant cette difficulté. Mais quelle belle récompense encore une fois arrivés en haut. Nous avons pris plus de 350 mètres d’altitude en 1,5 kilomètre pour avoir une vue panoramique à 360° sur la ville, sur la mer cristalline bordée de sable blanc, à une altitude de 669 mètres.
L’accès à la grotte Wally qui offre une photo instagrammable sur Table Mountain n’est plus accessible.
La cheville tient bon et nous rallongeons un peu la rando en empruntant un chemin différent.
Ce soir, sur la route menant à Signal Hills, nous nous arrêtons pour le bivouac sur le parking du Mausolée de Mohamed Hassen Ghaibie. Il est situé à la crête de la colline et offre ainsi une vue sur Cape Town encore superbe pour ce soir mais aussi sur l’océan qui nous offre ce soir de nouveau un somptueux coucher de Soleil. Nous demandons au monsieur chargé de l’entretien du site si on peut rester dormir ici. Il nous répond qu’il n’y a aucun problème et que l’endroit est sûr. Nous observons de loin les souffles de quelques baleines. Magique. Whouah, encore un bivouac de rêve sur les hauteurs de la ville qu’on voit s’éclairer une fois le Soleil disparu.
Dimanche 19 septembre 2021 :
Après l’école, nous profitons d’être dans une grande ville et de magasins de sport pour renouveler quelques paires de chaussures de marche dont les semelles sont bien usées avec toutes les randos faites ces trois dernières années.
Puis nous nous dirigeons vers le Jardin botanique National de Kirstenbosch. Pas trop passionné par la botanique, je préfère rester seul à la Tiny pendant qu’Audrey et les enfants partent déambuler dans ce jardin emblématique d’Afrique du Sud. La partie du jardin botanique s’étend sur 36 hectares (8500 espèces de plantes originaires d’Afrique australe) mais plus de 500 hectares (900 espèces de plantes) situés sur les contreforts de la montagne de la Table Mountain, sont couverts par la forêt et la végétation naturelle du fynbos.
A la fin du 19ème siècle, Kirstenbosch est encore un domaine sauvage avec de vieux vergers, quelques vignes, des forêts où l’on coupe du bois de chauffage et où on récolte des glands. Il y a des fermes où on élève des milliers de porcs. En 1895, Cecil John Rhodes rachète une ferme de 130 hectares pour sauver le site de l’urbanisation croissante du Cap.
L’Allée des Camphriers, également connue sous le nom de Rhodes Drive, est plantée en 1898 en l’honneur de la reine Victoria.
Il a été le premier jardin botanique au monde à préserver et à promouvoir la flore nationale dès 1913 et a aujourd’hui une renommée mondiale. L’utilisation de la pierre locale de la Table Mountain a été prédominante dans l’aménagement des rocailles, des pavements et des chemins en gravier.
A l’entrée du site, une vaste serre accueille des plantes qui ne supportent pas le climat du Cap. Les végétaux viennent de différentes zones d’Afrique australe depuis les pics enneigés du Drakensberg jusqu’au zones désertiques et arides du Namib, du Namaqualand ou du Karoo. Aloes, euphorbes, pachypodium, crassula voisinent avec les plantes alpines, les plantes cailloux et autres plantes succulentes.
Les fleurs que nous avons déjà pu observer au Namaqualand parsèment les parterres.
Partout dans le parc, on trouve en abondance l’oiseau-de-paradis, emblème du jardin.
The Dell est la partie la plus ancienne du jardin, avec pour épicentre le Bain du Colonel Bird, construit en 1811, pour le Colonel Christopher Bird. Victor s’engage en courant sur les allées pavées entourées de fougères arborescentes. Des sculptures de dinosaures l’accompagnent dans ce petit cratère au fond duquel jaillit une source bien rafraîchissante.
La partie la plus haute du parc offre une vue magnifique sur la ville et sur le parc. C’est ici que se trouve la Promenade du Fynbos. Cette végétation typique du sud-ouest de l’Afrique du Sud se caractérise par des plantes buissonnantes qui ressemblent beaucoup au maquis méditerranéen.
En cette période, dans le jardin des protées, ces fleurs offrent une incroyable variété de formes aux couleurs chatoyantes.
Le Restio Garden expose ces joncs très courants et élégants présents en abondance dans le Fynbos. C’est ici qu’Audrey, Anaïs et Victor admirent de nombreux souimangas, ces petits oiseaux colorés qui viennent butiner les fleurs de protées.
Puis ils s’engagent sur un chemin pour une promenade à la cime des arbres qui va leur apporter un regard bien inhabituel sur la forêt. Ondulant comme un serpent, cette passerelle en bois et en acier se déploie sur 130 mètres au niveau de la Canopée, à 12 mètres du sol, leur offrant une vue imprenable sur le jardin et la montagne.
Le site abrite aussi un jardin des senteurs surélevé afin d’apprécier le parfum des plantes, un jardin médicinal comptant de nombreuses plantes dont les vertus curatives sont utilisées depuis toujours par les nombreux groupes culturels de l’Afrique australe, ainsi qu’un sentier pour malvoyants. Les yeux fermés, ils s’engagent sur ce chemin en tenant une corde qui les guide. Odeurs, bruissement des feuilles, les sens sont en éveil.
En fin d’après-midi, ils partent découvrir le jardin des sculptures.
Puis un petit attroupement attire leur attention. Les zooms des appareils photos sont pointés sur un bébé caracal. Quelle chance de pouvoir admirer cet animal si timide et difficilement observable. Le caracal est un félin aux oreilles longues et pointues avec une touffe de poils noirs assez longs à la pointe. Cette espèce est considérée comme menacée par l’UICN en Asie centrale et en Inde mais est assez commune en Afrique. La Montagne de la Table est la localité type de cette espèce mais sa présence est exceptionnelle dans ce jardin. Il est capable d’effectuer des bonds de trois mètres pour attraper un oiseau en vol.
Nuit sur le parking du jardin botanique. Pas un bivouac au top mais bon, ça dépanne pour une nuit. C’est déjà sympa que les gardiens du parc nous laissent bivouaquer ici. Tant pis ce soir pour la vue sur l’océan, tant pis pour les baleines, tant pis pour le coucher de Soleil. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut se priver d’un verre de Sauvignon blanc.
Lundi 20 septembre 2021 :
Matinée intendance, il en faut des fois. Plein de gaz, achat de fluides pour le prochain entretien mécanique (huile, essuie-glaces, ampoules), courses alimentaires. Nous faisons aussi découper de nouvelles mousses pour remplacer les assises des places à l’arrière de la Tiny. Elles se sont bien tassées pendant les nombreuses heures assis dessus pendant les plus de 80 000 km parcourus autour du monde, mais aussi à faire l’école, à manger, à jouer, à boire des apéros avec nos amis rencontrés sur les routes. Victor se plaint un peu de son dos en ce moment. Il est certes en pleine croissance mais ces nouvelles mousses apporteront plus de confort. Nous sommes heureux de donner nos vieilles mousses à une personne un peu désœuvrée dans la rue. Il nous remercie chaleureusement. Certainement qu’elles lui permettront d’améliorer le confort de là où il vit, sans doute dans ces petites cabanes de palettes et de cartons qu’on voit dans certains quartiers à la sortie de la ville.
Nous donnons aussi nos deux vieilles paires de chaussures de rando à deux autres personnes. Elles ne sont plus adaptées pour faire de la rando comme on fait, qui demande d’être bien chaussés, mais ces deux personnes qu’on rend heureuses feront encore des kilomètres avec. Celui à qui je donne mes chaussures les enfile aussitôt et n’arrive plus à regarder autre chose que ses pieds.
Bref, toute cette intendance est réalisée en à peine trois heures de temps. L’école est un peu entrecoupée car on se déplace à chaque fois entre ces différents lieux.
Nous avons rendez-vous chez African Overlanders où le propriétaire Duncan accueille chez lui des voyageurs et leur rend service par plein de moyens différents : organisation de shipping en container, gardiennage, campsite, mécanique…
C’est d’ailleurs pour ce dernier point que nous avons pris rendez-vous avec son mécanicien, pour qu’il nous remplace le joint spi d’étanchéité de la colonne de direction dans le boitier de direction qui fuit depuis quelques jours. C’est une opération qu’on avait déjà réalisée en Ouzbékistan sur le parking d’un hôtel. Le mécano nous avait remplacé ce joint en une petite demi-heure et ne voulait même pas se faire payer tellement il avait passé peu de temps. On ne devrait donc pas en avoir pour longtemps aujourd’hui non plus. Dan’ se met aussitôt au travail dès notre arrivée. Mais il ne parvient pas à enlever l’ancien joint. Il insiste. Toujours rien et le joint est récalcitrant car assez inaccessible. Ne voulant pas prendre le risque d’abimer la portée du joint, Dan’ décide de démonter le haut de la pompe, ce qui ne m’enchante pas trop. Mais il s’aperçoit en cours de démontage qu’il ne peut pas démonter que le haut de la pompe. Il lui faut démonter le corps de la pompe. Ouf, le joint vient. Mais au moment de réassembler la pompe, impossible. En ouvrant la pompe, un des éléments interne dans le fond de la pompe s’est décalé et pas d’autres solutions que d’entièrement déposer la pompe de la Tiny. Je suis dégouté. D’une part pour les heures qui passent et qu’on devra inévitablement payer, mais surtout pour le risque d’avoir un problème encore plus important au démontage et au remontage. Ça y est, la pompe d’une bonne vingtaine de kilos est sur l’établi.
Mais il manque de l’outillage à Dan’ pour enlever un bras en travers de la pompe. La presse hydraulique de l’atelier n’est pas assez puissante. Il va falloir faire appel à un sous-traitant. Mais ça va pouvoir prendre deux ou trois jours, m’annoncent Dan’ et Duncan. Je leur explique que ça ne va pas être possible. J’insiste et ils trouvent finalement une solution pour demain matin, aller chez un mécano qui a une presse de 50 tonnes. Ce même atelier devrait être en mesure de rectifier le filetage d’un très gros écrou endommagé lors du démontage.
La nuit tombe. Je n’ai pas d’appétit. Dans quelle galère je me suis mis ! D’autant plus que cette fuite aurait certainement pu tenir jusqu’à notre retour en France. Peut-être… mais peut-être pas car une fuite ne va jamais en s’arrangeant. Et ça pourrait même être dangereux si la direction venait à nous lâcher dans un col de montagne…
Mardi 21 septembre 2021 :
J’ai très mal dormi cette nuit, tellement inquiet par la situation. Pas d’appétit encore au petit déjeuner. Quand je rejoins Dan’ à l’atelier vers 10 heures, il est de retour de chez le sous-traitant et heureusement, ils ont réussi avec beaucoup de mal, à démonter entièrement la pompe et aussi à rectifier le filetage de l’écrou. Il est en train de tout méticuleusement nettoyer. Une véritable opération à cœur ouvert de la pompe de direction.
La confiance revient, de même que l’espoir de s’en sortir. Ce n’est plus qu’un jeu de Lego maintenant. Heureusement, Dan’ maîtrise bien cela et a l’habitude d’intervenir sur des boites de vitesses, des boites de transfert. Je l’aide pendant 2 heures à assembler toutes les pièces, tous les engrenages, la crémaillère. Le remontage se passe bien. Le nouveau joint spi, que j’avais heureusement en stock dans un recoin de la Tiny, est mis en place. Il n’y a plus qu’à reposer la pompe sur la Tiny, ce qui se fait en une bonne heure.
Pendant que Duncan part acheter en ville de l’huile pour la pompe, j’en profite pour faire ressouder la patte de fixation du pot d’échappement sur la boite de vitesse qui était cassée depuis longtemps. Je commence aussi pendant ce temps à remplacer les filtres à air et à carburant pendant que j’ai les mains dans la mécanique. L’heure de la vidange est déjà venue après la dernière en Namibie. Les 10 000 kilomètres ne sont pas atteints mais nous avons passé beaucoup d’heures au volant de la Tiny en Namibie à rouler au pas sur les pistes exigeantes en tôle ondulée.
Vers 14 heures, le verdict est là, tout fonctionne bien, il n’y a pas l’air d’y avoir de fuite. Ouf, mais quelle galère. Plus de 10 heures de main d’œuvre (à 300 rands, soit une quinzaine d’euros l’heure), et quelques litres d’huile et de transpiration… Alors que mon petit mécano en Ouzbékistan avait mis 20 minutes. Non pas que Dan’ manque de compétences, mais pour l’avoir assisté pendant le démontage, il n’a effectivement pas eu de chance. Qu’importe, l’essentiel est qu’on puisse continuer la cavale.
Seul, je rejoins Audrey et les enfants, qui ont été récupérés ce matin par nos amis Carle et Karl, dont je vous avais beaucoup parlé dans mon précédent article. On avait en effet prévu de passer la journée ensemble dans le secteur.
Pendant que je restais près de la Tiny, ils sont donc allés visiter une ferme d’élevage d’alpagas, cet animal qu’on retrouve domestiqué en Amérique du sud depuis 5000 ans. Depuis près d’une vingtaine d’années, Dietmar, après avoir relié avec son épouse leurs deux pays d’origine (l’Allemagne et l’Afrique du Sud) par la route, ont décidé de s’installer ici, près de la ville de Paarl, et de créer cet élevage d’alpagas dont les premiers animaux ont été importés du continent sud-américain. Aujourd’hui, leur ferme The Alpaca Loom Coffee Shop & Weaving Studio accueille 350 alpagas. Carle et Karl en sont d’ailleurs propriétaires de 6 d’entre eux et ils viennent aujourd’hui récupérer la laine tondue il y a quelques jours. Des alpagas de toutes les couleurs sont élevés principalement pour leur laine, mais les animaux sont aussi vendus en tant que reproducteurs, gardiens de troupeau et aussi animaux de compagnie ou de thérapie.
Ensuite, Audrey, les enfants, et nos amis Carle et Karl avec Adam, un de leur fils, continuent vers une autre ferme, Fairview wine and cheese où ils achètent quelques morceaux d’excellents fromages de chèvres.
Vers 16 heures, nous nous rejoignons tous ensemble à Babylonstoren qui est l’une des plus anciennes fermes néerlandaises du Cap. Nous visitons au cœur de la ferme de Babylonstoren le grand jardin fruitier et potager d’une grande diversité botanique. L’aménagement du jardin qui s’étale sur 3,5 hectares a été réalisé il y a une quinzaine d’années par l’architecte français Patrice Taravella. Il a regroupé sur 15 secteurs des zones de légumes, de fruits à noyau et à pépins, des noix, des agrumes, des baies, des herbes… Par gravité, l’eau d’un ruisseau alimentant des rigoles dans le jardin, s’écoule à travers des étangs plantés de lotus comestibles, de nénuphars et de waterblommetjies. Carle nous en offre pour que nous en cuisinions dans les jours à venir. Chacune des plus de 300 variétés de plantes du jardin a la particularité d’être comestible ou d’avoir une valeur médicinale. Les fruits et légumes du jardin sont également cultivés de manière aussi biologique que possible et de manière biologiquement durable. Ils sont récoltés toute l’année pour être utilisés dans deux restaurants luxueux appartenant au même propriétaire.
Ça y est, après quelques gourmandises de fromages et de charcuteries partagées ensemble et une distribution de cadeaux, le moment est venu de dire au revoir à nos amis Carle et Karl. On sait qu’on se reverra mais on ne sait pas où. Mais on se reverra en France ou en Afrique du Sud, c’est certain. Merci les amis pour cette belle relation qui s’est tissée entre nous. Vous nous manquez déjà.
N’ayant pas pu voir ce matin l’élevage d’alpagas car je veillais sur notre Tiny, nous décidons d’aller dormir sur le parking de cette ferme. D’ordinaire, il est impossible d’y rester la nuit mais comme Carle et Karl nous y ont introduits, cela ne pose pas de problème aux propriétaires pour que nous y restions dormir. Quel joli cadre encore ce soir ! Quel superbe bivouac au pied du Simonsberg surplombant la vallée viticole de Franschhoek avec une vue démentielle sur Cape Town au loin, Table Mountain et Lion’s head. Le petit whisky est savouré ce soir, une fois le stress de la mécanique retombé.
On espère juste que le paon qui va passer sa nuit en haut d’un arbre à dix mètres de la Tiny va vite s’endormir et arrêter de brailler « Léon ».
Mercredi 22 septembre 2021 :
Matinée école, enfin plutôt collège et lycée. Tout continue à bien se dérouler. Victor travaille bien et est de plus en plus autonome. Anaïs est très autonome également et toute aussi sérieuse. Elle a besoin de l’aide d’Audrey pour la physique-chimie et de mon aide pour les maths et un peu de sciences-éco. Merci les tutos sur Internet de profs de maths qui nous aident bien. Les cours à distance en histoire-géo avec Mireille, une amie prof en lycée en Touraine, et avec Fabien, un ami de Mireille prof de français à Lisbonne se mettent aussi en place.
Je m’occupe pendant ce temps de tenter une réparation de la fuite de gasoil au niveau du réservoir qui a deux petites fêlures. J’essaye, après avoir vidangé le réservoir et bien préparé la surface, de coller avec de la colle bi-composant Araldite ces deux fissures d’un centimètre de longueur. On verra si ça tient dans le temps. Je récupère aussi mon retard sur l’écriture du blog.
Avant de quitter la ferme d’alpagas, nous allons boire un café dans leur boutique bien garnie de jolis tissages. Une ouvrière sur son métier à tisser travaille cette fibre luxueuse. Autrefois, ces vêtements en laine d’alpagas n’étaient portés que par la royauté inca.
Et puis, c’est le moment parfait pour réaliser notre défi mensuel : « se faire photographier tous les 4 avec des alpagas »… Ah ah, les auteurs de ce défi, Sonia et Mathieu ne se doutaient pas qu’on le réaliserait aussi facilement ! Ce qui n’était, il est vrai, pas donné de trouver cet animal andin en Afrique…
Et voilà encore un défi de réalisé, le dernier que nous avions à ouvrir parmi les 36 que nous avaient donnés nos amis lors de notre fête de départ. Mais comme nous avons effectivement rallongé notre cavale de quelques mois, notre jury composé de notre sœur, belle-sœur et tata adorée et d’Ella notre nièce et cousine adorée, a décidé pour chacun des mois à venir de tirer au sort un des 12 défis non réalisés. Une deuxième chance donc de sauver notre honneur. Ça veut donc dire qu’on peut rallonger d’encore 1 an la cavale ? Non, non, le retour reste toujours prévu au printemps prochain en France. Au début ou à la fin du printemps, ça on ne le sait pas encore mais ça sera au printemps.
En milieu d’après-midi, nous répondons à l’invitation de Jacques, Elna et leurs enfants Emma et Markus. Souvenez-vous, ce sont eux qui nous avaient offert l’énorme thon à Britannia Bay et que nous avions retrouvés le lendemain dans leur maison de week-end. On leur avait promis qu’on repasserait là où ils vivent la semaine. Ils nous ont donc de nouveau invité chez eux à Paarl et c’est avec un immense plaisir que nous les retrouvons pour l’après-midi et la soirée. Ils vivent dans une magnifique maison de quelques centaines de mètres carrés, ce qui nous change de nos 10m² habitables… Elna et Jacques nous reçoivent encore une fois avec tant de générosité. Les bouteilles de vins se débouchonnent au fur et à mesure de la soirée. Puis Jacques se met aux fourneaux et nous cuisine un succulent carry de poulet indien cuit au feu de bois dans un savoureux mélange d’épices. Quelle belle soirée une nouvelle fois dans cette famille de chaleureux Afrikaners ! et quelle générosité. Jacques nous offre des oranges, des citrons, du laurier, des épices et beaucoup de saucisses qu’il cuisine lui-même après avoir tué des antilopes (élans, koudous), des gnous et des phacochères à la chasse avec son fils Markus.
Victor passe un bon moment à jouer avec Markus et son petit voisin Simon Ben.
Jeudi 23 septembre 2021 :
Elna et Jacques travaillent ce matin et font quelques allers et retours à leur maison. Jacques nous offre des saucisses et un très gros salami. Nous profitons de leur énorme machine à laver de 18 kg pour faire tourner quelques lessives d’oreillers et de draps. Bon c’est plutôt Marta leur employée de maison qui s’en charge.
Pendant que Max lave les luxueuses voitures de Jacques, je profite du karcher pour laver la Tiny bien poussiéreuse. La réparation de la fuite au réservoir de gasoil semble efficace.
Audrey profite que les lits soient défaits pour chasser quelques punaises de lit et enlever quelques nids qui se reforment toujours au même endroit. Encore une quinzaine de punaises pour qui la cavale avec les Mollalpagas s’arrête dramatiquement.
Tina, une voisine d’Elna et Jacques, passe spontanément et gentiment nous saluer juste pour le plaisir de nous offrir 8 bouteilles de vin. Elle est juste désolée qu’on parte aujourd’hui car elle aurait voulu nous inviter également. Mais on a encore une autre invitation ce soir… Vous vous rendez-compte ? C’est juste incroyable cet accueil que nous avons en Afrique du Sud. Tina nous propose de séjourner gratuitement sur son emplacement de camping qu’elle possède avec son mari Pierre au bord de la mer à Agulhas où nous avons prévu de passer dans quelques jours.
Ce sont déjà les aurevoirs avec nos hôtes, Elna et Jacques, qui au moment de partir ouvrent leur congélateur et nous offrent encore une quantité incroyable de charcuteries. Peut-être 5 ou 6 kg de saucisses d’animaux tués à la chasse par Jacques et préparées par ses soins.
Nous quittons nos charmants hôtes pour encore répondre à une nouvelle invitation. Audrey avait agréablement échangé avec Jeandri dans un parc national que nous visitions il y a quelques semaines. Spontanément, Jeandri nous avait proposé de nous recevoir chez elle à Stellenbosch. Nous arrivons chez elle dans une somptueuse maison d’architecte, une incroyable maison comme jamais nous n’en avons vue.
Aussitôt, Jeandri nous montre notre chambre pour ce soir. Nous lui expliquons que nous avons tout notre confort dans notre Tiny et que nous ne voulons pas la déranger. Mais elle a déjà préparé nos chambres, nos serviettes de bain et posé de délicates attentions sur chacun de nos lits ! Quelle gentillesse… Pour une fois, nous acceptons cette incroyable hospitalité. Jeandri ne nous connait pas et nous n’avons discuté qu’un quart d’heure ! Mais Whouah, quel luxe, une véritable suite, une incroyable salle de bain plus grande que notre Tiny avec une baignoire immense, un lit king size ô combien confortable avec des draps immaculés, une décoration tellement soignée. On n’a jamais dormi dans un si bel endroit. C’est la première nuit qu’on ne va pas passer dans note Tiny depuis plus de 8 mois.
Nous visitons une partie de sa fabuleuse maison de 900 m², soit 90 fois plus grande que notre Tiny… un magnifique parc paysager l’entoure. Passionnée d’animaux, elle nous montre aussi sa petite ferme.
Jeandri nous emmène voir son cheval Leila et une fois arrivés sur place, elle propose à Anaïs et Victor de monter ce magnifique percheron français. Nous partons une bonne heure marcher jusqu’au sommet d’une petite colline au milieu des vignes. Les enfants sont aux anges et pour la deuxième fois du voyage, après la Mongolie, ils peuvent monter à cheval.
Nous rentrons chez Jeandri et nous faisons connaissance avec son mari Hanre et une de leurs trois filles, Christina. Jeandri est une descendante de Huguenots, ces protestants français établis en Afrique du Sud depuis les persécutions religieuses et la révocation de l’Édit de Nantes en 1685. Les Huguenots représentent une composante de l’identité du peuple Afrikaners.
Comme dans les autres familles d’Afrikaners où nous avons été invités, le traditionnel braai est mis en route pour le repas de ce soir. Le bois brûle dans l’immense barbecue et met une bonne heure à faire un joli tapis de braises qui cuisent lentement des côtelettes d’agneau, des saucisses traditionnelles boerewors, un braai broodjies (pain garni de chutney, de mayo, de fromage, de tomates, d’oignons), le tout accompagné de salade, de patates douces, d’un curry de pêches et d’oignons… Ce succulent repas se termine par quelques douceurs sucrées.
Les bouteilles de vin blanc, de vin rouge accompagnent ces plats. Puis, ce sont les bouteilles de Brandy qui sont sorties de la cave et nous dégustons ce spiritueux d’Afrique du Sud en comparant le 12 ans d’âge, le 15 ans d’âge et le 20 ans d’âge… Nos hôtes nous offrent une bouteille de Brandy que nous saurons apprécier en nous remémorant cette belle soirée. Mais quel accueil ces Sud-Africains !
Les échanges avec Jeandri, Christina et Hanre sont passionnants et il est bien tard quand nous allons nous coucher dans nos draps blancs sous une couette douce et moelleuse après avoir pris un bon bain moussant brûlant, ce qui ne nous est pas arrivé depuis trois années !
Vendredi 24 septembre 2021 :
On adore notre Tiny mais il est vrai qu’on a bien savouré ce confort digne d’un 5 étoiles ! Et je ne vous parle pas du petit déjeuner très copieux et varié que Jeandri nous a préparé !
Il est temps de partir car un grand weekend de fête commence en Afrique du Sud et les familles et les amis se déplacent beaucoup pour se retrouver ensemble. Jeandri et Hanre sont désolés de devoir nous laisser. Merci encore à cette belle et si chaleureuse famille pour cet incroyable moment partagé. Une famille aisée mais d’une simplicité incroyable. Nous vous attendons en France à présent !
Mais au moment de partir, Jeandri nous offre encore des friandises, des chocolats Lindt, un bocal de curry de pêches, un bouquet de romarin de son jardin…
Nous allons nous garer dans le centre de Stellenbosch où nous nous mettons à l’école et au blog. Nous remettons un peu d’ordre dans la Tiny et tentons de trouver un peu de place pour ranger dans les placards, dans la cave et dans le frigo tout ce que nos hôtes nous ont offert depuis plusieurs jours, en plus de leur formidable hospitalité. Nous mettons à sécher les saucisses que Jacques nous a offertes hier. Elles trouvent place sur les fils à linge et vont mettre quatre jours à sécher. Elles pourront ainsi être conservées au sec car notre frigo va bientôt exploser !
Visite de Stellenbosch au riche patrimoine historique où nous prenons du plaisir à flâner dans les quelques jolies rues de ce qui est la deuxième ville la plus ancienne d’Afrique du Sud. Elle a été fondée en 1679 par le gouverneur du Cap dans une vallée où serpente une douce rivière. Un cadre et un climat idéaux pour développer l’agriculture.
La Dorp Street et ses rues paisibles qui l’entourent sont bordées de chênes centenaires. Les maisons chaulées de style Cape Dutch, c’est-à-dire de style hollandais du Cap mais aussi de style victorien et géorgien, ont des lourdes portes de bois et des pignons ouvragés.
La ville de Stellenbosch est agréable, un peu comme une galerie à ciel ouvert avec des œuvres d’art, notamment des sculptures, qui habillent les rues. De nombreuses galeries d’œuvres d’art et de jolis magasins d’artisanat occupent aussi les maisons restaurées.
On apprécie aussi les églises dont certaines à la toiture de chaume.
Les terrasses de cafés et de restaurants sont pleines de vie, bien que les touristes ne soient pas encore là. C’est en plus l’Heritage Day donc les familles se retrouvent en cette Journée du Patrimoine. Cette fête est célébrée le 24 septembre, et c’est un jour férié national. Lors de cette journée dans tout le pays, les Sud-Africains célèbrent la culture, la diversité de leurs croyances et traditions.
Nous reprenons la route en empruntant la Stellenbosch Hills Wine Route, au milieu des plus anciens vignobles du pays qui poussent sur les montagnes et dans les vallées fertiles. Plus de 200 viticulteurs y produisent du raisin. La terre est paraît-il si riche que les fermiers utiliseraient dix fois moins d’engrais que leurs homologues européens. Les terres étaient idéales pour produire les légumes et le vin qui étaient embarqués sur les navires qui faisaient escale au Cap.
La route qui nous mène vers Franschhoek (« le coin des Français ») n’est qu’un alignement de propriétés viticoles, de demeures magnifiques, ayant pour la plupart des noms français (Delaire, Le Pommier, La Motte, La Petite Colombe, Mont Rochelle, La Petite Provence, Grande Provence…).
Le parking de l’église nous fera un parfait bivouac pour ce soir. Nous laissons les enfants à la maison et nous allons boire un verre de Shiraz dans un pub bien animé.
Samedi 25 septembre 2021 :
Le parking, désert hier soir, est bien rempli ce matin. Nous sommes bercés par les chants religieux de la cérémonie de mariage de l’église juste à côté de nous. Il y a beaucoup de passage également au petit marché artisanal qui s’est installé sur le parking. Nous y passons après l’école faire un petit tour. Ambiance conviviale avec les stands de nourriture, le petit concert.
Puis, nous marchons sur l’artère principale, la Huguenot road. Les bâtiments sont un peu moins jolis qu’à Stellenbosch mais il y a tout de même de jolies façades blanches qui s’alignent.
De belles boutiques, de beaux restaurants, de belles galeries d’art présentent d’agréables vitrines, terrasses et jardins. On trouve aussi de belles sculptures dans les espaces publics et privés.
Beaucoup d’entre elles ont des noms français. Mais pourquoi ? Alors que sa voisine où nous étions hier a été fondée par les Hollandais, Franschhoek a été fondée par les colons Huguenots en 1866. Le mot Huguenot se réfère aux Protestants du 16ème siècle jusqu’au début du 18ème siècle. De nombreux Huguenots quittèrent la France pour échapper aux persécutions religieuses et certains arrivèrent au Cap de Bonne-Espérance.
Petit cours d’Histoire pour ceux que cela intéresse, suite à des éléments que nous avons recueillis dans le très intéressant musée visité cet après-midi qui retrace l’histoire des Huguenots en Afrique du Sud.
En 1598, le roi Henri IV signe l’Edit de Nantes, un édit de tolérance pour mettre fin aux guerres de Religion qui ravageaient le royaume. Il redonna ainsi la liberté de culte aux Huguenots. Mais quelques années plus tard, le roi est assassiné. Son fils Louis XIII qui devient roi à l’âge de 13 ans retire beaucoup de privilèges acquis aux Huguenots lors de l’Edit de Nantes. Par la suite, le même roi mène une campagne contre ces mêmes Protestants et assiège Montauban et Montpellier. Les Huguenots en 1625 occupent les îles de Ré et d’Oléron qui protègent l’accès maritime à La Rochelle, un port français important. Deux ans plus tard, les troupes anglaises envoyées sur l’île de Ré renforcent la résistance huguenote. Mais le cardinal Richelieu réagit et assiège La Rochelle. En 1628, la ville se rend. 20 000 habitants sur les 25 000 habitants de la ville meurent pendant le siège. Louis XIV prend le trône en 1654 et durant son long règne, il intensifie les persécutions sur les Huguenots. En 1685, l’Edit de Nantes est révoqué. Les églises réformées sont fermées. Il est interdit aux Huguenots de quitter la France et ils doivent se convertir au Catholicisme ou risquent d’être condamnés à perdre leurs biens, à l’emprisonnement, à la torture, à la mort. Les Protestants qui restent en France commencent à célébrer leur culte clandestinement dans les bois et les grottes. De 1685 à 1710, cette période est connue comme le « grand refuge ». 160 000 Huguenots s’enfuient de France, surtout vers les pays limitrophes (Suisse, Allemagne, Hollande, Angleterre).
En Europe, la Compagnie hollandaise des Indes orientales entame à cette époque une opération de recrutement pour renforcer la colonie du Cap. C’est pendant cette période et précisément entre 1688 et 1689 que la plupart d’entre eux arrivent au Cap de Bonne-Espérance. Sur les 60 000 Huguenots réfugiés en Hollande, environ 180 réfugiés, recrutés pour leur compétence en agriculture, quittent la République hollandaise sur 7 navires qui arrivent 4 mois plus tard ici. Quelques-uns suivent et en tout plus de 300 Huguenots s’établissent au Cap.
C’est en 1713 qu’on commence à désigner la région peuplée de francophones comme « de France Hoek » (le coin de France), puis en 1885 la ville prend le nom de Franschhoek.
Pour ceux restés en France, il faut attendre 1787 pour que Louis XVI signe l’Edit de Tolérance qui redonne aux Huguenots leurs droits. Ils restent toujours persécutés jusqu’à la Révolution française et la proclamation des Droits de l’Homme en 1789 qui garantit enfin la liberté religieuse en France.
Derrière le musée se trouve un mémorial édifié pour le 250ème anniversaire de l’établissement des Huguenots au Cap. Il commémore cet évènement et rend hommage aux Protestants. Une femme mère tient une Bible à la main droite et une chaine brisée à la main gauche symbolisant la liberté de conscience et de religion. Gravés dans la pierre, sur l’extrémité Sud de l’Afrique, on observe la Bible symbole de la foi des Huguenots, une harpe symbole de leur art et de leur culture, la gerbe de blé et la grappe de raisin pour l’agriculture et la viticulture, et enfin un rouet pour l’industrie qu’ils ont développée.
Bon voilà, nous en savons beaucoup plus sur une partie de l’Histoire du pays et nous avons compris pourquoi tant de Français sont présents dans cette région. Ces Français ont fait prospéré les terres fertiles qui leur ont été attribuées. Du coup, les propriétaires qui ont apporté les vignes ont donné des noms à leur ferme de leur région d’origine en France.
Depuis 300 ans, la tradition française est très ancrée ici. Le 14 juillet est célébré tout en folklore avec tournois de pétanque, port du béret, dégustation de Brie… Franschhoek est même devenue la capitale gastronomique du pays et est réputée pour ses vins et sa cuisine.
La ville est assez luxueuse et de belles voitures de luxe font les belles dans les rues.
Nous allons visiter à présent la Chocolaterie Huguenot. Petite visite-dégustation payante que nous trouvons un peu décevante sur la fabrication de chocolat mais la guide est sympa et souriante et les enfants sont ravis de venir dans ce lieu qu’ils avaient repéré depuis longtemps dans notre guide. Heureusement, on achète deux chocolats chacun de meilleure qualité et on s’en régale.
Nous quittons la ville et prenons un peu de hauteur pour aller bivouaquer en haut du col de Franschhoek, d’où nous avons une magnifique vue sur la vallée et la ville que nous surplombons de 500 mètres d’altitude. Dans un aussi joli cadre, un verre de vin de La Motte s’impose.
De nouveau, ce soir, nous n’arrivons pas à fermer les rideaux avec cette vue panoramique nocturne sur les scintillements de la ville de Franschhoek. Pas besoin de télé quand on vit une cavale autour du monde ! Notre écran 16/9 de 140 cm de diagonale est tout simplement magique et on se plaint rarement de la programmation. Au pire, on en a un de chaque côté du lit…