Du mardi 14 au vendredi 17 décembre 2021 :
Il est rare que je regroupe plusieurs jours d’un coup. Non pas que nous nous ennuyons, loin de là, vous commencez à nous connaître ! Mais nous avons un rythme plus léger cette semaine. Quoique à y réfléchir, et en écrivant ces quelques lignes, nos journées sont bien remplies et nos soirées avec Alex et François bien longues à refaire le monde et à nous projeter…
Déjà, il nous faut un peu de repos suite à nos trois jours de randonnées au Piton des neiges que je vous ai racontées dans le précédent article. Le genou d’Anaïs va beaucoup mieux, même très bien.
Anaïs et Victor retournent à l’École des Créateurs trois jours en tant qu’élèves et adorent cette expérience renouvelée de découvrir le fonctionnement de cette école alternative.
Comme c’est la dernière semaine avant les vacances, Alex, François et toute l’équipe éducative organisent la « semaine de la créativité », il y a donc un peu moins de travail sur les compétences scolaires mais la journée est encore plus que d’habitude axée sur le vivre-ensemble à travers les ateliers créatifs et les jeux. Mais je laisse la plume ou plutôt le clavier à chacun d’eux pour vous raconter leur ressenti :
Victor : « aujourd’hui mardi, je suis allé à l’école. Puisque c’est la dernière semaine d’école de l’année, on fait plein de jeux et de créations. Le matin, on est allé peindre des masques africains en carton puis on est allé voir Charlotte qui nous a appris comment mesurer la qualité de l’air avec différents instruments. C’était très intéressant. Ensuite, il y a eu la récré. Puis on a terminé le poisson en bouteilles recyclées. Et j’ai appris à peindre à la bombe. L’après-midi, on a fait plein de jeux ! Loup garou, 7 familles, jeux éducatifs… C’était super génial ». « Aujourd’hui, jeudi, je suis encore allé à l’École des Créateurs car c’est trop bien ! On a commencé à jardiner avec Gaëlle, on a planté des plants d’ananas. Puis on est allé faire du sport en petits jeux (épervier et le fermier et la chèvre). C’était cool. Puis après la récré, on a décoré les masques africains avec de la peinture. Puis l’après-midi, on a joué à Loup garou ». « Aujourd’hui vendredi, je suis allé à l’école. Ce matin, on a commencé par écrire un mot d’empathie à un élève de cycle 2 pioché au sort juste avant. Puis, on s’est baigné dans l’immense piscine de l’école. A midi, il y a eu des éclairs au chocolat ! Ensuite, on a joué à Loup garou géant ».
Anaïs : « En ce mardi de fin de période scolaire, j’ai de nouveau été invitée à aller en tant qu’élève à l’École des Créateurs. Les semaines avant les vacances sont appelées semaine de la créativité et on y fait beaucoup plus de jeux et de création. Après un tour de parole dans le jardin, nous nous sommes lancés, tout le cycle 4 et le lycée, dans les finitions de la fresque murale, j’ai pu participer tout du long en coloriant ou repassant certains dessins et en en faisant d’autres. C’était chouette ! Après la pause du matin, on a eu une petite intervention de la part de Charlotte la prof de science de l’année passée. Maintenant, elle travaille pour une association qui mesure la qualité de l’air à La Réunion dans différentes villes. Elle nous a présenté le principe et certains outils de mesures et on a fait quelques expériences, c’est intéressant. Elle a ensuite proposé une activité en libre accès pendant laquelle elle nous a appris à nous servir de Genially, un site en ligne gratuit pour faire un escape game virtuel. J’ai appris plein de choses. Après ça, François m’a prise en coaching individuel pour qu’on regarde au plan de l’exposé que je vais faire vendredi sur Mfangano, l’île où on a fait du Workaway au Kenya. J’ai déjeuné avec les autres élèves puis on a passé un après-midi tous ensemble à faire des jeux. J’ai fait une partie de fléchettes avec Nils et Noa dans l’agora où la table de ping-pong avait été sortie et où on avait mis de la musique. Nils, Mouaz et moi avons aussi passé un moment à jongler et faire du diabolo. Tout a été génial ! On a terminé la journée par un tour de parole puis j’ai offert des bracelets à Charlie et Célise qui partaient le lendemain pour la Belgique. Ah aussi, en fin d’après-midi, on a fait une chaise musicale avec des cerceaux, ça a été très cool aussi ».
Bon, Anaïs est un peu trop bavarde pour que je vous recopie tous les sentiments qu’elle a ressentis en passant sa semaine dans cette chouette école mais, comme son frère, elle a beaucoup apprécié ce temps passé avec des enfants de son âge, à aider les autres élèves à terminer les projets en cette fin de période, à jouer au ping-pong, aux fléchettes, à jongler, à faire du diabolo, à écouter de la musique, à jouer à la chaise musicale avec des cerceaux, à « découper et peindre des bouteilles en plastique afin d’en faire une silhouette de poisson avec une armature en fer pour sensibiliser à la pollution des océans », à faire du sport, des blind tests, à jouer au waterpolo dans la piscine, à décorer l’espace avec des guirlandes de Noël et à « se régaler d’un super menu de Noël (samossas, entremets divers, brochettes caramélisées, gratin dauphinois, éclairs au chocolat et au caramel) »… Nos enfants ont adoré passer du temps avec des enfants de leur âge.
Pendant ce temps, avec ma douce, on profite de quelques journées en amoureux, sans trop sortir du logement tellement confortable qu’on occupe chez nos amis Alex et François. Et puis avec un brin de rangement, des aller-retours pour aller chercher les enfants à l’école, des courses à faire sur la route, un peu d’administratif, la préparation de la venue de la famille… les journées passent vite ! Et certains jours, le mauvais temps ne nous motive pas trop pour sortir de la case…
Les soirées aussi passent vite et on passe de longs et passionnants moments à discuter avec Alex et François… dès que les enfants sont couchés…
Samedi 18 décembre 2021 :
Pour fêter le début des vacances d’Alex et François et de leurs amis, nous nous réunissons tous ensemble au Piton des Goyaves sur les hauteurs de Petite île sur l’incroyable terrain d’Amandine et de Thomas. Flo et Jé que nous avions aussi déjà rencontrés sont de la partie et nous passons un merveilleux moment toute la journée. Nous ne voyons pas beaucoup les enfants qui profitent de cet immense terrain de jeu et du trampoline. Amandine et Thomas nous gâtent en abattant un palmiste rouge, une espèce endémique de La Réunion et de l’île Maurice, qu’on trouve dans les forêts humides d’altitude. Son cœur (le « chou »), est un pur délice. Mais il faut abattre l’arbre qui met 7 ans à grandir pour déguster ce mets de luxe.
Que c’est passionnant de discuter avec des personnes ayant osé changer de vie. Amandine et Thomas sont un des 13 portraits croisés du livre qu’Alex et François ont écrit : « Nous, nous avons changé de vie, et vous ? ». Ils le résument ainsi « Treize témoignages. Treize trajectoires de vie complètement différentes. Pourquoi ont-ils opéré leur changement de vie ? Dans quel but ? Comment ? Ont-ils réussi ? Ce livre est un recueil de parcours sincères, authentiques, poignants, qui seront forcément sources d’inspiration et de réflexion. Ils révèlent également toutes les étapes de la mise en place de leurs projets, des prémices à l’aboutissement. Ils vous livrent aussi leur analyse et leurs conseils pour mener à bien un projet de changement de vie ». Bref, une chouette lecture très inspirante qu’on vous conseille en achetant ce livre en cliquant ici.
Dimanche 19 décembre 2021 :
Demain, 20 décembre est l’anniversaire de l’abolition de l’esclavage à La Réunion. La Fèt Kaf est célébrée sur toute l’île dès aujourd’hui. Ce n’est pas vraiment une fête nationale, mais plus une sorte d’événement identitaire réunionnais. La journée est d’ailleurs fériée sur l’île. Le terme « cafre », qui est devenu « Kaf » à La Réunion, désigne une personne d’origine malgache ou africaine descendant d’esclaves ou d’« engagés ». Le mot est issu de « kaffir » qui veut dire « nègre » en afrikaans. Ces cafres sont devenus libres, le 20 décembre 1848, lorsque fut aboli l’esclavage. Réunionnaises et Réunionnais aux racines métissées se réunissent donc pour ne jamais oublier toutes ces injustices commises et ces crimes contre l’Humanité, pour honorer ainsi la mémoire de leurs aïeux morts sans sépulture.
Nous nous rendons sur le front de mer à Saint-Pierre où quelques manifestations sont proposées. La Fèt Kaf se célèbre en partie à travers la danse et la musique, le maloya en particulier. C’est une danse très vigoureuse, presque de transe, où les musiciens n’utilisent aucun instrument occidental, car à l’époque on utilisait le roulèr, le kayamb, le triangle, les calebasses, le bob et les voix. Alors que les Européens ont apporté avec eux la tradition des danses de bal au rythme de l’accordéon ou de la mandoline, les esclaves, eux, ont apporté d’Afrique de l’Est et de Madagascar une danse mozambicaine appelée tchéga. Le tchéga a évolué et s’est ensuite divisé en deux danses et musiques distinctes : le séga et le maloya. Le séga a mélangé les influences européennes et africaines alors que le maloya a conservé uniquement ses origines africaines et malgaches. Les esclaves se retrouvaient le soir après une journée harassante de travail pour jouer, danser et chanter. Dans leurs chansons, ils évoquaient la difficulté de leurs conditions de vie. Cette musique leur donnait du courage pour affronter leur quotidien. C’était aussi une manière de rendre hommage à leurs ancêtres bien loin de chez eux. Mais les maitres ne voyaient pas toujours le maloya d’un bon œil, il pouvait être perçu comme une marque de révolte contre leur condition. Après l’abolition de l’esclavage en 1848, le maloya ne se pratiquait plus qu’en famille. On n’osait même plus jouer en public par peur d’être réprimandé. Pourtant, à la fin des années 1950, certains hommes politiques souhaitaient remettre en valeur cette musique. Et en 1976, Firmin Viry enregistre le premier disque de maloya. Le maloya est ainsi écouté par toute la population. Lorsque le 20 décembre, jour de la commémoration de l’abolition de l’esclavage, devient un jour férié en 1983, le maloya devient le symbole de la célébration de la liberté. En 2009, le maloya est même classé par I’UNESCO au Patrimoine culturel immatériel de l’Humanité.
Entre marché d’artisanat et spectacles de danse et de musiques traditionnelles, nous nous intéressons particulièrement à l’exposition sur l’esclavage.
Nous profitons du front de mer pour marcher un peu mais un requin est rentré dans le lagon et la baignade est interdite. Le drapeau rouge est hissé.
Le soir, nous laissons quelques instants les enfants en bonne compagnie et nous partons en amoureux boire une Affligem sur le front de mer en savourant un coucher de Soleil.
Retour à la case, comme on dit à La Réunion où nous passons une dernière soirée avec nos amis Alex, François, Enora et Titouan qui s’envolent demain pour la métropole.
Lundi 20 décembre 2021 :
Dernières consignes de la part de nos amis qui nous confient à partir de ce soir leur maison et leur voiture pour le mois à venir. Nous avons donc la responsabilité d’en prendre soin, d’entretenir la piscine et de faire le plus possible de câlins à Salta la chatte et à Lilou et Loulou les deux labradors qui adorent nous couvrir de léchouilles. C’est bon, on a tout enregistré… Le mois de janvier est en effet la saison des pluies qui commence et aussi celle des cyclones et il nous faudra réagir au cas où.
Dans l’après-midi, avec Audrey, nous traversons l’île pour aller rendre notre véhicule de location à Saint-André. Le loueur ne nous pose pas de problème quant à l’accident de la semaine passée car il n’y a pas de dégâts sur ce véhicule. J’ai juste remplacé à nos frais la plaque d’immatriculation qui était cassée. On s’en sort donc très bien. Nous sautons dans le car pour rejoindre l’aéroport où nous retrouvons nos amis que nous embrassons. Bon voyage et surtout bon courage pour affronter les 0°C qui vous attendent demain matin sur le tarmac de Roissy !
1h30 plus tard, nous voici de retour avec Anaïs et Victor, au volant de la voiture de nos amis, dans une grande maison qui nous semble bien vide après un mois de vie commune à 8 ! Ce soir, au lit de bonne heure…
Mardi 21 décembre 2021 :
Nous reprenons notre petit rythme de vie à quatre. Après un petit déjeuner sur la terrasse, avec l’Océan Indien pour toile de fond, à l’ombre des palmiers, nous reprenons l’école. Victor exprime qu’il est tout content de partager à nouveau ces petits instants privilégiés avec sa mamantresse.
La récréation se passe dans la piscine bien que la température de l’eau de 29,5°C soit la même que l’air ambiant mais ce n’est quand-même pas désagréable comme récré, surtout pour un 21 décembre…
D’ailleurs, nous avons un peu de mal à réaliser que nous sommes à quelques jours de Noël. Il y a bien eu le calendrier de l’avent garni de chocolats offert par Alex et François aux enfants, il y a bien également un peu de décorations de Noël dans les rues de Saint-Pierre mais franchement avec 30 degrés et en n’ayant pas enfilé un jean depuis un mois à La Réunion, on a du mal à s’y faire. Audrey et Victor décorent un peu la maison avec quelques guirlandes et boules de Noël.
Nous sortons dans Saint-Pierre où nous marchons sur le front de mer, où nous allons faire trempette avec les poissons tropicaux (le requin présent depuis plusieurs jours dans le lagon est parti) et où nous faisons quelques derniers achats à poser au pied du sapin. La balade sur le port et sur la jetée est bien agréable. Joli point de vue avec l’alignement, par-dessus les toits de la ville, du minaret de la mosquée, de l’entrée du Cirque de Cilaos et du Piton des Neiges.
Mercredi 22 décembre 2021 :
Petite insomnie cette nuit. Je prends mon téléphone, ce qui on est d’accord n’aide pas à trouver le sommeil, et là… surprise… bonne nouvelle… le volcan la pété comme disent les Créoles. Le Piton de la Fournaise vient d’entrer en éruption il y a quelques instants !! Quelle chance nous avons d’être là au bon moment… encore faut-il que l’éruption soit visible depuis les sentiers ou depuis la route. Encore faut-il que l’éruption dure plusieurs jours car la météo est trop mauvaise au moins pour les deux jours à venir. Mais on croise les doigts. Quel nez on a eu d’aller au volcan il y a une quinzaine de jours. Bon c’était un peu calculé de notre part car le volcan menaçait de se déchainer depuis quelques semaines comme je vous l’avais expliqué dans mon précédent article de blog. On a donc été chanceux de pouvoir fouler le paysage lunaire et désolé de l’enclos et de grimper les pentes du Cratère Dolomieu car l’ensemble de l’Enclos Fouqué est désormais interdit, certainement durant plusieurs semaines.
Je passe donc longtemps aujourd’hui à essayer de trouver des infos sur Internet, sur les groupes Facebook de passionnés, sur le site de l’Observatoire volcanique du Piton de la Fournaise, sur les sites météo pour envisager une escapade en fin de journée jusqu’à un point de vue où il semblerait qu’on puisse voir l’éruption, en toute sécurité. Je pars même acheter de quoi faire les sandwichs pour ce soir. Mais la météo est exécrable. Une alerte orange est même en cours. Des images circulent même sur les réseaux sociaux de véhicules en difficulté à cause des orages dans la Plaine des Sables menant au volcan. Les ravines débordent. Certains radiers (passage de la route dans des lits de rivières) obligent à faire de grands détours. C’est donc frustrant d’être si proche mais ce n’est vraiment pas la journée pour y aller et il ne s’agit pas de prendre de risques sur la route. Les webcams du volcan que je consulte aussi régulièrement montrent qu’on ne voit rien de l’éruption.
La saison des pluies commence à arriver sur notre petit caillou au milieu de l’Océan Indien. Et aujourd’hui est une journée bien maussade bien que le mercure affiche toujours 30 degrés Celsius sur le thermomètre. Il y aurait bien de quoi sortir pour aller visiter quelques musées ou sites abrités mais nous les réservons pour quand notre famille arrivera la semaine prochaine. Car oui, nous sommes tout excités quant à la venue très prochaine de nos proches. Eux comme nous, croisons les doigts pour qu’il n’y ait pas d’annulation de dernière minute, à cause d’une annulation des vols (ce à quoi on croit de moins en moins) ou d’un fichu test Covid positif à la dernière minute…
Pendant ce temps, on reçoit régulièrement des nouvelles de notre Tiny qui est toujours chez nos amis Mariana et Georges à Johannesburg. Ils en prennent soin et la font démarrer toutes les semaines en nous envoyant des petites vidéos.
Jeudi 23 décembre 2021 :
Matinée école puis nous partons pique-niquer sur le front de mer de Saint-Pierre. Anaïs a rendez-vous cet après-midi sur la plage avec Oumi, une copine rencontrée à l’École des Créateurs. De notre côté, nous partons tous les trois un peu à l’Est sur la côte. Agréable marche de 2 km sur le sentier du Piton Grande Anse qui nous offre de jolis points de vue sur la seule île (ou plutôt rocher) au large de La Réunion, ce qui aurait donné le nom à la commune de Petite-île, ainsi que sur la Plage de Grande Anse bordée de cocotiers.
Puis nous rejoignons Anaïs sur le lagon de Saint-Pierre et nous nous jetons dans une eau à 27°C pour aller encore une fois nous régaler des poissons. La situation de La Réunion lui permet de jouir d’une biodiversité et d’une faune marine exceptionnelles, que ce soit dans les récifs et les lagons, mais aussi avec les poissons et les habitants du grand large et des grands fonds. La Réunion est une île volcanique géologiquement assez jeune qui repose directement sur le plancher océanique (pas de socle continental) à des profondeurs importantes (-4000 mètres), ce qui explique l’assez faible présence de récifs coralliens et de lagons, à la différence de sa sœur ainée et voisine, l’île Maurice, beaucoup plus ancienne. L’île est donc composée de récifs jeunes (8000 ans environ) qui délimitent des lagons de petites tailles (200 mètres au plus large) et de faibles profondeurs, mais qui disposent d’une faune très riche. A La Réunion, les lagons sont situés sur la côte Ouest et Sud-Ouest de Saint-Gilles à Saint-Pierre, dont les principaux sont ceux de l’Hermitage, de Saint-Leu, de Saint-Pierre et de l’Etang-Salé. Ils font tous partie, à l’exception de celui de Saint-Pierre, de la Réserve naturelle marine de La Réunion, espace protégé créé en 2007 pour protéger la richesse de la biodiversité et de la faune marine réunionnaise.
Malgré la faible surface de ces lagons (15 km²) comparée aux autres îles du secteur (600 km² à Maurice ou 1500 km² à Mayotte par exemple), la biodiversité et la faune marine présentes à La Réunion sont riches et comparables aux autres îles de la zone. Elle est d’ailleurs classée parmi les 25 régions les plus intéressantes en matière de biodiversité par le WWF, l’Archipel des Mascareignes figurant quant à lui parmi les 10 lieux les plus importants de la biodiversité mondiale.
Passée la barrière de corail, ou quand il n’y en a pas, c’est à dire pour l’essentiel des côtes, ce sont les tombants, le grand large et les grands fonds, mais qui abritent aussi une faune marine exceptionnelle, véritable paradis pour les plongeurs. Mais aussi pour les squales…
La formation corallienne de Saint-Pierre est de type récif frangeant, c’est-à-dire séparée de la plage par un lagon. Mais il existe aussi comme à Souris Chaude des récifs accolés directement à la plage, ou bien encore des bancs récifaux, récifs embryonnaires, qui sont une colonisation par les coraux d’une coulée volcanique comme au Cap La Houssaye. Quel que soit le type de récif, la vie commence par le corail, et donc les êtres vivants qui le construisent : les polypes coralliens. Socle du récif, le corail se construit au gré des pontes nocturnes des milliards de polypes de récifs, dont les larves viennent se poser sur un substrat dur (rocher, épave, coulée volcanique…) pour former petit à petit le corail. C’est un processus très lent et il faut 10 ans environ à une colonie de polypes pour former une petite branche de corail. D’autres formes de polypes contribuent à la création du récif : les gorgones, les éponges ou encore les anémones. Les récifs de La Réunion sont majoritairement composés de corail branchu. Nourriture pour certains, habitat ou nursery pour d’autres, le corail est le magnifique premier maillon de la vie du récif et du lagon. Mais le corail est menacé, par les éléments naturels (poissons, houles, cyclones…), mais aussi et surtout par l’action de l’homme (urbanisation, rejet des eaux usées, eaux de ruissellements chargées en pollutions, braconnage, tourisme…). La création de la réserve naturelle marine et plus généralement l’ensemble des actions entreprises ces dernières années commencent à porter leur fruit, mais il reste beaucoup à faire pour préserver la richesse et la beauté des lagons de La Réunion.
Nous partons donc à la rencontre des habitants du lagon de Saint-Pierre, très remarquables tant leurs formes et leurs couleurs peuvent être variées. Plus de 1200 espèces de poissons évoluent dans les lagons et sur les tombants des récifs des eaux réunionnaises. Parmi eux, en voici quelques-uns.
Retour à la case après avoir fait la deuxième injection anti-Covid pour les enfants. Ça y est, cette fois-ci, nous avons tous notre schéma vaccinal complet. Prêt à recevoir la famille bientôt et à poursuivre notre aventure à partir de fin janvier sur les routes, toujours si on arrive à rejoindre l’Afrique du Sud, ce qui impliquera la levée des motifs impérieux.
Vendredi 24 décembre 2021 :
Anaïs décidément n’a pas de chance et supporte très mal sa dose de rappel de vaccin d’hier. Mauvaise nuit et très mauvaise matinée qu’elle passe à dormir profondément. Ça ne va pas beaucoup mieux en début d’après-midi mais nous partons quand-même nous rendre sur le site du volcan qui, je vous le rappelle est en éruption depuis 48 heures. Enfin, la fenêtre météo est là et les webcams en direct diffusent un beau temps dégagé et la météo annoncée pour ce soir est optimiste.
Nous roulons donc vers les hauteurs de l’île et empruntons la Route forestière du volcan. Les degrés dégringolent au fur et à mesure de notre ascension. Quelques nuages mais rien d’inquiétant. En ce milieu d’après-midi, le site est curieusement assez désert mais les gens sont plus affairés à préparer leur réveillon qu’à venir voir l’éruption et on ne s’en porte pas plus mal. On avait un peu peur en voyant les images sur les réseaux sociaux de la route hier à la même heure entièrement paralysée par la circulation mais c’est avec une grande facilité que nous atteignons le parking de Floc Floc au milieu de la Plaine des Sables. Cette gigantesque plaine doit son aspect lunaire à l’éruption du Piton Chisny qui, il y a 1000 ans, l’a recouvert de scories. Elle s’étend du Rempart des Sables au Pas de Bellecombe.
De là, une rando de 6,5 km nous rapproche rapidement de l’Enclos Fouqué, l’immense caldeira formée il y a 5000 ans en forme de fer à cheval de 9 km de large sur 13 km de long. Du haut de son rempart, nous le contournons par le Sud. Par chance, le temps est dégagé, bien que des nuages présents sur les Grandes Pentes aient tendance à remonter de l’Océan Indien. Nous découvrons sous un nouvel angle cet enclos et l’empilement sur plusieurs mètres d’épaisseur des différentes coulées de lave qui se superposent. Nous voyons aussi les nombreux cratères appelés pitons sur le flanc du volcan et dans le fond de l’Enclos Fouqué. Certains ont une couleur rouge à cause de l’oxydation due à la chaleur des gaz qui vont oxyder le fer contenu dans la lave.
Déjà, nous voyons le panache de fumée de l’éruption. Au loin, un cratère qui ne porte pas encore de nom, est sorti de terre hier en quelques heures. Même en plein jour, nous voyons les gerbes de lave incandescente qui nous rappellent l’expérience similaire qu’on avait vécue sur l’Etna en Sicile il y a quelques années. On a envie de galoper, de courir pour arriver au plus vite au plus près du volcan, comme s’il allait s’éteindre d’une minute à l’autre. Que d’émotions !
Nous arrivons au Piton de Bert situé en haut du rempart. C’est d’ici qu’on peut voir au mieux l’éruption en toute sécurité. L’éruption est à 540 mètres de notre point d’observation.
Bientôt trois jours que la lave jaillit depuis cet endroit. Comme je vous l’avais expliqué dans le dernier article, les éruptions débutent par l’apparition d’une ligne de fissures longue de quelques centaines de mètres (parfois de plusieurs kilomètres) d’où les laves jaillissent en rideau. Puis au bout de quelques minutes à plusieurs heures, elles se concentrent en un seul ou en quelques points. C’est précisément ce qui s’est passé pour cette nouvelle éruption. Quatre fissures éruptives de 800 mètres cumulés sont apparues sur le flanc sud du volcan, laissant s’échapper le magma des entrailles de la Terre. Mais depuis la fin du premier jour d’éruption, l’activité ne se focalise plus que sur une seule des fissures où un cône s’est déjà formé.
Outre la lave, d’autres matériaux volcaniques répondant au nom de téphras sont projetés (cendres, bombes, ponces…). Bien que l’éruption en cours, contenue dans l’enclos, ne soit pas dangereuse pour la population, les autorités sanitaires appellent la population à la vigilance et émettent aussi régulièrement des communiqués car l’éruption volcanique en cours du Piton de La Fournaise s’accompagne de retombées de « cheveux de Pelé ». Ces fibres de verre volcaniques sont des fins filaments de lave (aspect de fils brillants, de quelques centimètres de longueur, impalpables et cassants). De plus, des émanations de dioxyde de soufre émis par l’éruption, constituant un gaz irritant pour les voies respiratoires, peuvent aussi incommoder certaines personnes.
Magique, nous sommes si prêts et tellement chanceux d’être à La Réunion pile poil à ce moment-là. Ce n’est en effet que la deuxième éruption de l’année. Mais nous sommes un peu trop nombreux à notre goût pour savourer l’instant présent et nous marchons un kilomètre de plus jusqu’à un autre point d’observation où nous n’allons voir personne de la soirée. Car oui, c’est ici que nous allons réveillonner ! Pas trop mal, non ? Un spectacle son et lumière rien que pour nous. Et on ne s’attendait pas à tant de bruit. C’est impressionnant d’entendre le vacarme que produit chaque explosion. Un bruit en continu comme celui d’un avion au décollage si on l’observait en bout de piste.
Le Soleil décline dans notre dos nous offrant un magique coucher de Soleil. Alors que nous sommes à 2200 mètres d’altitude, nous surplombons une mer de nuages qui a pris place sur les pentes du volcan.
Le nuage de gaz dégagé par le volcan prend des couleurs indescriptibles avec le coucher de Soleil.
La nuit tombe petit à petit, les quelques nuages présents au-dessus de l’enclos disparaissent, un ciel étoilé d’une pure beauté s’offre à nous, la température chute. L’obscurité nous permet de nettement distinguer le cône bouillonnant duquel, sous l’effet du gaz sous pression, les laves sont propulsées de manière plus ou moins saccadée au rythme des coups de pression, mais aussi les rivières de roches en fusion qui se répandent et qui dévalent les pentes sous forme de coulées de lave de surface ou à l’intérieur de tunnels de lave. Depuis hier soir, une activité en tunnels de lave s’est mise en place au pied du cône. Ces tunnels s’étendent sur une longueur d’une centaine de mètres avant que la coulée ne ressorte en un chenal unique plus en aval. Nous sommes ébahis par le magma libéré des entrailles de la Terre à une température atteignant 1200°C et qui est projeté violemment à plusieurs dizaines de mètres de hauteur. Au cours de l’éruption, le magma libéré de ses gaz prend le nom de lave et se fige au contact de l’air et en retombant s’accumule au sol. Les fumerolles accompagnent ces projections de lave.
Nous suivons depuis le début de l’éruption les communiqués de l’observatoire OVPF-IPGP. Un peu techniques mais passionnants ! On y apprend que sur les dernières 24 heures, l’amplitude du trémor éruptif (indicateur d’une émission de lave en surface) montre des fluctuations importantes. L’amplitude du trémor se situe ce soir à environ 20% de son amplitude initiale. Ces fluctuations peuvent être liées soit au cône en cours d’édification qui subit des phases de construction et de démantèlement, influant ainsi la vitesse des débits de lave au niveau de l’évent, soit à des libérations ponctuelles de poches de gaz piégées dans les conduits d’alimentation qui peuvent être libérées soudainement entrainant une augmentation du trémor avec une certaine périodicité. Comme à chaque éruption, des missions de terrain sont effectuées pour procéder à de nouveaux prélèvements de la coulée de lave et pour réaliser des images thermiques sur site.
Quel réveillon ! Alors que le Préfet a interdit les feux d’artifice sur l’île, jamais on n’aurait imaginé un tel spectacle de Dame Nature. Je ne trouve pas les mots pour vous décrire ce qu’on peut ressentir en voyant ces fontaines de lave jaillir du cône. Elles proviennent du réservoir de magma localisé à environ 2-2,5 km de profondeur. Les estimations de débit de lave, établies par méthode satellite, sont comprises aujourd’hui entre 2 et 12 m3/sec, avec une moyenne à 5 m3/sec. Hier, ils atteignaient des pics de 22 m3/sec.
Avec la nuit tombée, on se rend bien compte des tunnels de lave qui sont le résultat du refroidissement des coulées de lave basaltique en surface, formant une croûte solide sous laquelle la lave, protégée de l’extérieur, reste fluide (un peu comme un fondant au chocolat) et continue de s’écouler. Lorsque l’éruption s’arrête, la lave cesse de couler. Le tunnel n’étant plus alimenté, il se vide et forme une cavité en forme de galerie. Passage du Père Noël un peu en avance qui nous offre à tous les 4 pour la fin du mois de janvier une excursion souterraine sportive de 4 heures pour aller visiter un de ces tunnels de lave de la coulée de 2004… si toutes les conditions de sécurité liées à l’activité du volcan sont réunies.
En observant longuement ce qui s’offre à nos yeux, on voit certains de ces tunnels s’effondrer, de même que le bord du cratère. La lave prend alors des parcours différents. Des toboggans géants se forment avant de refroidir et de noircir en quelques instants. Puis de nouveau, des fontaines jaillissent.
Et que dire de cette coulée de lave qui dévale les pentes sur une longueur aujourd’hui de 2,3 kilomètres ! Le front de la coulée, en gratons, actuellement sur une zone relativement plate, ne se déplace que très lentement. Les Grandes Pentes sont encore à plus de trois kilomètres. Entre le 23 et le 24 décembre le front n’a progressé que de moins de 100 mètres et se situe encore aux alentours de 7,6 km de la Route nationale 2. Si l’éruption venait à durer, peut-être aurions-nous la chance de voir le magma couper la Route des laves !
Ce réveillon de Noël, bien que nos proches et notre famille nous manquent considérablement, restera un des plus beaux de notre vie ! En tout cas, bien plus heureux que le Noël dernier où on était frigorifié sur un parking glauque de Tirana, la capitale de l’Albanie, à hésiter encore si on allait embarquer quelques jours plus tard pour l’Afrique. Que d’aventures depuis !!
Cela fait 3h30 que nous sommes assis devant ce spectacle dont nous nous souviendrons toute notre vie et le froid (12°C) et l’humidité qui tombe commence à nous saisir. Il est 20h40 quand nous rebroussons chemin. Une randonnée nocturne de 7 km sous un merveilleux ciel étoilé et illuminé par le panache orange des fumées dégagées par l’éruption. Éclairés à la lumière de nos torches, nous croisons des dizaines et des dizaines de personnes arrivant sur le lieu de l’éruption. Le parking est maintenant bondé et on savoure encore plus d’avoir eu ce privilège de passer ce réveillon caché dans notre petit coin où on n’a vu absolument personne !
Après nos 14 km de randonnée, presque 1h30 de route nous attend maintenant pour rejoindre notre jolie case à La Ravine des Cabris près de Saint-Pierre. La fatigue se fait un peu sentir lors de la descente de ces 2200 mètres de dénivelé. Anaïs et Victor ne tardent pas à s’endormir sur leurs oreillers dans la voiture.
Une fois que les enfants ont rejoint leurs lits, Audrey et moi nous offrons un petit bain de minuit en amoureux dans la piscine en savourant un grand verre de rhum arrangé au citron et au gingembre… Joyeux Noël à toutes et à tous !!