28. Ouzbékistan : du 5 au 15 mai 2019 : Khiva, Boukhara, Ayaz Kala, Kyzyl Kum, Samarcande

1314 km parcourus du 5 au 15 mai 2019

23 699 km parcourus depuis le départ

 

Dimanche 5 mai 2019 :

8h58, le vrombissement des inverseurs de poussée du Boeing 757-200 annonce une belle nouvelle. Le vol HY 51 en provenance de Tachkent, la capitale de l’Ouzbékistan vient de se poser sur la piste de l’aéroport régional d’Ourguench, au sud-ouest du pays à quelques kilomètres de la frontière du Turkménistan. A bord, des gens qu’on aime viennent d’effectuer un très long voyage de 21 heures depuis Poitiers. Mon papa Jean-Claude, mes beaux-parents Liliane et Daniel et mon beau-frère Alexandre nous font l’immense plaisir de venir nous rejoindre pour une douzaine de jours. Qui aurait dit un jour qu’ils seraient venus visiter un pays de l’ex URSS !

Après ce très long trajet en TGV puis en avion, certainement responsable de leurs quelques cernes (sauf Alexandre, presque tout frais qui lui, a presque bien dormi dans l’avion…), nous pouvons enfin les serrer dans nos bras ! L’émotion est intense… Nous nous étions vus la dernière fois tout début janvier au Maroc pour les parents et le frère d’Audrey. Mon papa était, quant à lui, déjà venu nous rejoindre quelques jours à Athènes début février. Ah oui, moi je les ai tous (vite) revus lors de mon aller-retour express en France fin février pour aller chercher les pièces mécaniques nécessaires à la réparation suite à notre panne en Turquie…

Bon, ils sont un peu décalqués par ce long et fatiguant voyage, les trois heures de décalage horaire et le stress de leurs deux escales stambouliote et ouzbèque où ils ont dû courir à travers les couloirs des aéroports d’Istanbul et de Tachkent pour ne pas rater le vol suivant. Ils ont même eu le droit à une course en taxi clandestin à bord d’une Lada roulant à toute vitesse entre les deux terminaux dans la capitale ouzbèque. Alexandre ne semble pas trop stressé par sa valise qu’il a décidé de ne plus attendre sur le tapis désespérément vide de l’aéroport. Il va devoir garder le même jean et le même tee-shirt et ne pas se laver les dents pendant 11 jours… Victor est déçu car dans la valise, il y avait un pot de Nocciolata. Tant pis, les joies des retrouvailles sont plus fortes ! Nous hésitons à les accueillir avec une dose de vodka, mais on a peur que cela les achève. Un café les aidera peut-être mieux à récupérer de leur nuit blanche !

Route vers Khiva où nous arrivons à midi à l’hôtel. Lors de notre dernier voyage en Amérique du Sud, ils nous avaient également rejoints au Pérou et en Bolivie mais notre camping-car avait 6 couchages et on dormait tous ensemble dedans. La Tiny n’en a que 4. Nous avons donc réservé toutes leurs nuits dans 5 hôtels différents. Nous sommes accueillis par Feruzbek, jeune homme souriant et chaleureux qui fera son possible pour rendre notre petit séjour agréable. Il nous tend le petit paquet que lui ont confié pour nous Gali et compagnie. Merci les amis ! Juste le temps de prendre les deux chambres à deux lits jumeaux que ces derniers accueillent nos invités pour une sieste (nuit ?) réparatrice.

Nous sommes garés très près du centre historique de Khiva appelé Ichan Kala. C’est une ville dans la ville. Ce site a été le premier d’Asie Centrale à être classé en 1990 au Patrimoine mondial de l’Unesco. Ce musée à ciel ouvert est protégé par un anneau de doubles murs. Khiva aurait été bâtie il y a 2500 ans.

Nous longeons et traversons par l’une des quatre portes les murailles de la ville érigées entre les 5ème et 4ème siècles avant notre ère, en terre crue et en briques. Ils sont hauts de 8 à 10 mètres, large de 6 à 8 mètres et longs de plus de deux kilomètres. Des tours de défense permettaient de contrer les attaquants lors du siège de la ville. Nous entrons par la porte Baxcha Darvaza.

En montant sur les remparts, nous avons un point de vue sur les principaux monuments de la ville dominée par de magnifiques coupoles et minarets aux céramiques (majoliques) turquoise, bleue et verte.    Avant de franchir la deuxième muraille cernant Ichan Kala, nous visitons la ville basse appelée Dichan Kala. Cette dernière est à l’écart des circuits touristiques. L’ambiance est calme.

Nous pénétrons dans le musée à ciel ouvert de Khiva. Ichan Kala rassemble dans ce rectangle de 600×400 mètres un ensemble impressionnant de medersas, de mosquées, de mausolées…

Nous visitons la mosquée de Djuma entièrement couverte, sans cour. Seuls deux puits de lumière éclairent l’incroyable salle de prière de cette mosquée du vendredi. La porte d’accès au monument est comme toutes les autres portes de la ville magnifiquement sculptée. Le toit est soutenu par 213 colonnes de bois toutes ornées de sculptures. Elles proviennent toutes de différents bâtiments dont les plus vieux ont plus de 1000 ans. Quinze de ses colonnes dateraient du 10ème au 16ème siècle. Les riches pèlerins ou marchands venant faire des affaires à Khiva offraient parfois à la mosquée une colonne sculptée dans le style de leur ville. C’est ainsi qu’elles sont toutes de hauteurs et de motifs différents. Elles reposent sur des socles en marbre sculpté.

La mosquée a en effet été plusieurs fois reconstruite de même que son minaret, haut de 42 mètres, qui s’était effondré au 12ème siècle. Il est rare de pouvoir monter en haut d’un minaret. Nous avons cette chance et du haut, après une montée quelque peu éprouvante dans l’obscurité sur des hautes marches inégales arrivant à mi-mollets, nous pouvons jouir d’une superbe vue sur tous les monuments d’Ichan Kala. 

Non loin de là, deux madrasas (écoles théologiques) se font face. La madrasa Koutloug Mourad Inak et la madrasa Allah Kouli Khan ont été construites en 1804 et en 1834. Elles possèdent deux étages de cellules. Un large puits souterrain alimentait la cité intérieure en eau.

Un marché couvert a été construit en 1838 près du caravansérail d’Allakuli-Khan. Il s’agit d’une grande structure couverte abritant aujourd’hui des vendeurs d’artisanats. Khiva a en effet été construite le long des routes commerçantes de la soie. C’était d’ailleurs la dernière étape sur la mythique route de la soie, avant que les caravanes n’attaquent la longue traversée entre la Perse, la Russie et l’Inde.

Nous sortons de la vieille ville par la porte Ata-Darvaza, la porte principale et la plus imposante des 4 portes d’Ichan Kala.Retour à l’hôtel et à la Tiny.Nous déballons les cadeaux que nous ont apportés nos invités… Quel délice toutes ces petites saveurs françaises qui nous manquent. Ils ne sont pas venus les mains vides car nous avions, en plus, rempli leurs bagages de plusieurs petites commandes ! Dommage pour celles qui étaient dans le sac d’Alexandre qui, à l’heure qu’il est, est peut-être dans un autre aéroport à l’autre bout de la planète. Petit resto avec brochettes de mouton et une bonne soupe bien garnie. Quel plaisir d’être tous réunis.

La dernière nuit blanche de nos invités fait que tout le monde se couche de bonne heure. Nous bivouaquons au pied de leur hôtel.

Lundi 6 mai 2019 :

En entrant par l’entrée principale de la ville, nous arrivons à la medersa Mukhammad Amin Khan construite en 1851. Ces 125 cellules d’étudiants sont distribuées sur deux niveaux autour de la cour carrée large de 38 mètres. C’était l’une des plus grandes d’Asie centrale. Des majoliques (céramiques) décorent d’un ton bleu les portails et les arcades. Elle accueillait encore des étudiants jusqu’en 1924. Les soviétiques en firent une prison dans les années 1930 et 1940. Aujourd’hui, c’est un hôtel de luxe dont on nous laisse pousser les portes.

A l’extérieur de la madrasa, Kalta Minor devait être le minaret le plus élevé du monde musulman avec ses 70 mètres de hauteur prévus mais le Khan (roi) mourut alors qu’il n’atteignait que 26 mètres. Le diamètre de sa base est de 14 mètres. Il est magnifiquement décoré de majoliques vertes et bleues.

Le mausolée Sayyid Alla Uddin est le plus ancien monument de Khiva. Il date du début du 14ème siècle.

Au détour d’une rue, nous prenons plaisir à observer le beau travail de sculpture de toutes ces colonnes fines de bois soutenant les balcons et préaux des riches demeures de la ville.La madrasa Kozi Kalon (1905) abrite un musée de la musique.Bien que courbaturés à cause de notre montée au minaret hier, nous renouvelons notre expérience en montant aujourd’hui au minaret Islam Khodja, plus haut minaret de Khiva avec ses 44,50 mètres de hauteur. Il fut construit en 1910. Il s’agit d’une des dernières réalisations architecturales islamiques en Asie Centrale. Il est également magnifiquement décoré de céramiques de tons turquoises. A nos pieds, s’étend la ville de Khiva.

La madrasa Shirgazi Khan (1726) abrite un musée et est toute aussi belle que les autres avec ses parfaits assemblages en briques et ses jolies cours intérieures à arcades.

Il suffit de traverser la rue pour de nouveau entrer dans un superbe monument, le mausolée de Pakhlavan Makhmoud, saint patron de la ville. Nous y entrons en franchissant un haut portail qui conduit à une cour intérieure dans laquelle les couples désirant un enfant viennent boire l’eau du puits. Le mausolée est surmonté d’une splendide coupole turquoise qui se voit de toute la ville. De superbes majoliques bleues et blanches décorent l’intérieur du mausolée. Les parois et la coupole sont entièrement revêtues d’arabesques végétales dans lesquelles sont insérées des poésies.

Après une pause à la Tiny pour reprendre des forces, nous visitons la madrasa Islam Khodja bâtie en 1908, ainsi que son musée exposant boiseries, tapis, tentures…

Puis, avec notre unique ticket d’entrée nous permettant d’entrer dans tous les monuments de la ville, nous visitons le palais Tash Khauli (1841) que le Khan se fit construire. Cette résidence principale du Khan comprenait une salle d’audience, des bâtiments administratifs, les appartements royaux et un harem. Le travail du bois est dans ce bâtiment également tout simplement magnifique, de même que les majoliques.

Nous entrons ensuite toujours dans la vieille ville, dans le tribunal. Cette cour carrée est la salle d’audience. De belles majoliques décorent ces murs mais ces derniers mériteraient une bonne restauration. Deux emplacements pour des yourtes permettaient de recevoir des invités en hiver.

La ville regorge de bâtiments à visiter. Nous n’aurons pas assez de deux jours pour visiter la cinquantaine de points d’intérêts ! Nous terminons notre journée par la visite de Kounia Ark, vieux palais fortifié. La tour Ak Sheik Bobo date du 12ème siècle. Plusieurs palais furent ici construits puis démolis. A cet endroit, fut construite la résidence officielle des Khans de la ville. On y trouvait plusieurs cours, une mosquée, la garde, la chancellerie, la salle du trône…

Superbe point de vue sur la vieille ville et sa fortification.

Dernière visite pour cette journée déjà bien remplie en entrant dans la Madrasa Muhamad Rakhim Khan avec son immense portail et son immense passage à voûte à 8 coupoles.Ce soir, de nouveau, nos invités ne tarderont pas à s’endormir. Nous mettrons un peu plus longtemps car la rue où nous bivouaquons est assez bruyante et la fumée de la cuisson des brochettes de mouton vient directement dans la Tiny… Pas moyen de fermer les fenêtres car il fait trop chaud. Nous nous endormons ainsi.

Mardi 7 mai 2019 :

Avant de quitter Khiva, nous visitons juste en face de l’hôtel le palais de Nouroullah Bey construit au début du 20ème siècle. Un mariage des styles orientaux et du luxe de Saint Pétersbourg donnent un certain charme à cet ensemble architectural composé de salles de réceptions, de salons officiels et des appartements du Khan. Une centaine de pièces et de galeries sont réparties autour de cours et de jardins.

Nous prenons la route et nous dirigeons vers l’aéroport d’Ourguench voir si le bagage d’Alex est arrivé car en plus du Nocciolata, on vient d’apprendre qu’il y avait du foie gras dedans. Et Alex aimerait changer de slip. Rapidement, les agents d’Uzbekistan Airways en retrouve la trace à Tachkent, la capitale où ils ont fait escale. Il sera là demain. Inch’Allah.

Nous roulons vers le nord et traversons l’Amou Daria, fleuve tristement célèbre pour avoir asséché la Mer d’Aral à cause de ses nombreux prélèvements incontrôlés dont je vous ai parlé dans le dernier article.Sur le bord de la route, des kilomètres de conduites de gaz en guise de rail de sécurité !Nous roulons vers le site d’Ellik Kala. Il s’agit d’un réseau de citadelles fortifiées qui défendaient le territoire tout en profitant de leur position sur les routes commerciales. Une soixantaine de sites, pour la majorité à l’état de ruines parsèment le désert au sud du lac Ayaz-Kul. Elles datent du 4ème siècle av. J.-C. jusqu’au 14ème siècle de notre ère. Nous commençons par la visite, par 32° à l’ombre (mais il n’y a pas d’ombre) de Kizil Kala. Les hautes murailles de la forteresse viennent d’être en partie restaurées, du moins au niveau de leurs fondations et sur plusieurs mètres de hauteur. Ces dernières avaient été mises à mal par des siècles d’érosion éolienne et par le ruissellement des pluies.

Un peu plus au nord, Toprak Kala avec ses 2000 ans d’âge est toute aussi impressionnante. On essaye d’imaginer les nombreuses pièces du palais royal, les jardins, la salle des rois… Mais elle est beaucoup plus en ruines.

Toujours plus vers le nord, il est temps de se diriger vers notre hébergement de ce soir. Mais où dormir dans ce désert dépourvu d’hôtellerie en dur… Et bien pas d’autre choix que de dormir à la manière des nomades du désert ! Nous avons fait la surprise à nos invités de leur avoir réservé une nuit dans un campement de yourtes au pied de la forteresse d’Ayaz Kala. Le site domine le désert environnant et la lumière est superbe en cette fin d’après-midi. Nous sommes chaleureusement accueillis par la gérante qui nous permet avec notre Tiny de bivouaquer au sein du campement au milieu des chameaux et des dromadaires qui s’étonnent de voir un autre camélidé dessiné sur le capot de la Tiny. L’un deux fait des câlins au capot et se frotte contre la Tiny…

Nous assistons à un superbe coucher de soleil.

Puis, nous partageons tous un copieux repas sous une yourte. Autour de nous, d’autres touristes de Singapour et d’Afrique du Sud nous invitent chez eux lors de notre prochain passage… On prend note !

Nuit parfaitement étoilée bercée par le blatèrement des dromadaires qui ne comprennent toujours pas pourquoi un alpaga est dessiné sur la Tiny…

Mercredi 8 mai 2019 :

Réveil en douceur, juste réveillé par le silence du désert et par les rayons du soleil qui se lève dès 5h30 du matin. Nous nous retrouvons tous autour d’un très copieux petit déjeuner. Les enfants préféreront le lait concentré au lait de chamelle, un peu trop fort à leur goût, malgré toute la gentillesse de la patronne qui fait goûter le lait à Victor…

Avant qu’il ne fasse trop chaud, nous partons visiter le site d’Ayaz Kala et sa forteresse composée d’un ensemble de 3 citadelles en ruines perchées sur des collines.

Nous observons au passage la faune et la flore du désert.

Une grande étape de liaison nous attend aujourd’hui, 430 km pour rejoindre Boukhara. On sait déjà qu’elle sera trop longue pour y arriver ce soir d’autant plus que la route est pourrie sur les 100 derniers kilomètres. Seul problème, la route traverse un immense désert où il n’y a pas d’hôtel… ni camp de yourtes ! On envisage donc déjà se relayer par créneau de deux heures pour dormir dans la Tiny car à 8 dedans, ça va être serré ! On verra bien ce soir où on arrivera…

Passage vers l’aéroport et miracle, le foie gras et le Nocciolata sont arrivés… Par la même occasion, Alex va pouvoir changer de slip et de tee-shirt et se brosser les dents.

Nous commençons cette longue route par une chaleur écrasante. La Tiny se débrouille fièrement avec ses plus de 300 kilos en plus de notre surcharge habituelle. Nous devons donc approcher des 5,5 tonnes. Elle ne bronche pas. Je fais en sorte d’en prendre au maximum soin malgré l’état pas terrible de la route sur les premières dizaines de km après Ourguench. Je suis cependant inquiet par cette nouvelle fuite de plus en plus importante au niveau d’un de mes deux réservoirs de gasoil. Je l’estime à un bon demi-litre par jour, peut-être plus… Je dois cependant faire plusieurs essais pour voir lequel des deux réservoirs est concerné avant de tout démonter. J’espère juste qu’il s’agit du deuxième réservoir additionnel et pas de celui d’origine. Premier plein de carburant en Ouzbékistan. On savait que cela allait être compliqué mais on s’en rend compte par nous-même. Ici, toutes les voitures et beaucoup de camions roulent au gaz (méthane ou propane) et très peu de stations délivrent donc du gasoil.

Il s’agit donc de trouver celles qui en distribuent. Mais nous devons en faire 4 qui en distribuent pour en trouver une qui a sa cuve suffisamment pleine pour nous délivrer seulement de quoi remplir 40 litres… Le prix est 30 fois plus cher qu’en Iran, soit environ 60 centimes le litre… bon d’accord, je ne mets pas mon gilet jaune. Ici, pas de prix affiché à la pompe. Le compteur ne se remet pas à zéro non plus entre deux clients. Il suffit de faire la différence à la fin du plein, et de faire confiance au pompiste !

Puis rapidement, un superbe ruban d’asphalte s’offre à nous avec de belles barrières de sécurité et une jolie ligne médiane… Nous en profitons car nous savons que ça ne va pas durer.

Autour de nous, du désert et encore du désert. Pas de village, pas d’habitation, pas de culture, pas de trace d’eau donc pas de vie. Juste une longue ligne droite qui perce le désert.

18 heures, il reste encore plus de 200 kilomètres. Beaucoup trop pour arriver ce soir à Boukhara car on sait qu’il faut entre 3 et 4 heures pour parcourir les 100 derniers kilomètres.

Nous nous arrêtons à un point signalé sur notre application de partage entre voyageurs iOverlander signalant un relais routier acceptant qu’on dorme dans son établissement. Avec Audrey, nous descendons saluer le gérant. Il sourit, laissant apparaître, comme beaucoup d’ouzbèques de nombreuses dents en or. Dans un langage des signes, nous arrivons à nous faire comprendre. Il nous montre notre chambre d’une trentaine de m² avec accès direct sur le jardin. Jusqu’ici cela peut faire rêver. Mais ça va s’arrêter là. Ça sent le renfermé, le moisi et le gaz. Dans un coin de la pièce, une estrade métallique de 4 x 2,50 mètres va nous accueillir pour la nuit, Alex, mon papa, Audrey et moi… On se rassure en se disant qu’en étant un peu en hauteur, les cafards et les scorpions ne monteront peut-être pas dans le lit. En guise de matelas, une couverture épaisse posée sur un sommier en bois. Nous demandons le tarif, 10 000 soums par personne soit 1,10 €. Bon, à ce prix-là, pas de sanitaires, pas de petit déjeuner, pas de wifi… Liliane, Daniel et mon papa ayant eu l’occasion de visiter les cuisines, nous décidons d’un commun accord de ne pas manger ici. Nous nous contentons de boire un thé offert par le patron (enfin, c’est compris dans le prix de la nuitée !) et servi dans une tasse qu’il vient de laver dans un seau qui lui sert également à arroser sa terrasse…

Nous sortons la crêpière bretonne et mangeons une bonne tournée de crêpes sur le parking de ce routier en bordure de 4 voies.Il est temps de se coucher. Mes beaux-parents auront une suite VIP ce soir dans la Tiny avec nos deux enfants. Nous prenons place dans notre chambre, où flotte une nauséabonde odeur d’humidité… Ce n’est certes pas cher mais ça ne vaut pas beaucoup plus ! 

Jeudi 9 mai 2019 :

Réveil par un survol d’hirondelles perchées sur le lustre de la chambre. Mais qu’il a été dur ce sommier ! J’ai mal aux os. Mon papa, du haut de ses bientôt 74 ans paraît frais comme un gardon. On lui en fait voir quand-même ! Mais il parle déjà de revenir nous voir dans la suite du voyage…

Nous ne traînons pas et une fois le petit déj’ avalé, nous roulons déjà dès 8h du matin. La route est belle et nous en profitons ! Nos amis Val’ et Luc ainsi que Gali et compagnie, passés quelques jours avant nous, nous ont prévenus que les 100 derniers kilomètres avant d’arriver à Boukhara sont pires que ce qu’on a fait au Turkménistan. Ça promet car pour ceux qui nous ont suivis sur le dernier article, c’était vraiment terrible comme route…

D’un coup, on comprend ce qu’ils ont voulu dire… Le bel enrobé s’arrête net, la 2×2 voies et la bande médiane également.

De larges ornières, des profonds nids d’autruche, des dos d’ânes éléphants ralentissent notre progression. Je slalome, comme les autres véhicules, sur toute la largeur de la route à la recherche de ce que je considère et que j’espère être le moins pire des tracés pour éviter les énormes trous. Parfois, je me trompe. Souvent, je quitte même la route et préfère rouler sur le bas-côté sablonneux aussi pourri mais un peu moins. Cela soulève une poussière de folie qui entre dans la Tiny mais la conduite reste un peu plus souple et la suspension et la direction font moins de bruit. Mes passagers à l’arrière ne peuvent même pas aérer le camion car toute la poussière entre dedans.

A l’extérieur, il fait 36 degrés. A l’intérieur, certainement, bien plus de 40°. Ça tremble, ça secoue. Régulièrement, malgré ma vigilance et celle de mes deux co-pilotes, je ne peux éviter de gros chocs faisant bondir de leur siège mes 7 passagers. La Tiny reste vaillante et avance à un bon 20-25 km/h de moyenne. Décidément, la dernière fois que mes beaux-parents nous avaient rejoints, c’était en Bolivie il y a tout juste 3 ans et déjà, nous les avions fait souffrir sur une piste défoncée de 600 km ! La prochaine fois que vous nous rejoindrez, c’est promis, on choisira un pays où le réseau routier sera en meilleur état…

Pas grand-chose pour nous distraire mise à part des fausses voitures de police nous incitant à ne pas faire d’excès de vitesse ! Les paysages sont monotones, plats. La route est rectiligne sur des centaines de kilomètres. Toujours pas de village (seulement quelques hameaux traversés). Pas de végétation si ce n’est de petits buissons poussant dans ce désert aride.

Le turbo fonctionne. Tant mieux. La dernière fois qu’il ne voulait pas se mettre en route, c’était il y a une douzaine de jours. Au pire, si ça recommence, maintenant, on a les pièces nécessaires à la réparation que mon papa nous a ramenées de France.

Nous arrivons péniblement à Boukhara en tout début d’après-midi et rejoignons directement l’hôtel où vont séjourner durant les trois prochaines nuits notre famille.

C’est seulement en fin d’après-midi après sieste et douche que nous ressortons nous promener à la découverte de Boukhara. Avec ses 2000 ans d’Histoire et sa position stratégique sue les routes de la Soie, le centre historique de Boukhara est classé au Patrimoine mondial par l’Unesco. Tout comme Khiva, Boukhara regorge de monuments magnifiques.

Petite balade dans la ville pour en mesurer son pouls. Nous prendrons le temps dans les deux prochains jours de bien la visiter. Nous passons devant des chefs d’œuvres d’architecture musulmane construits du 10ème siècle au 17ème siècle : médersas, mosquées, sanctuaires, minarets, marchés couverts…Tous ces derniers sont construits autour du Liab-i-Khaouz, une grande place centrale bien agréable avec le canal Shährud alimentant un bassin ombragé.

Aujourd’hui, la journée est fériée en Ouzbékistan pour fêter la victoire sur le fascisme à la fin de la Seconde Guerre mondiale. La signature de la capitulation allemande sur le front est en effet intervenue un jour après celle signée avec les Alliés à l’ouest. La place publique est en fête et nous écoutons sur les haut-parleurs saturés une musique locale accompagnée de pas de danse.Nous prenons plaisir à nous promener parmi les locaux et à observer leur façon de vivre, de prendre leur temps, de nous offrir un sourire ou un « welcome ».

Nous faisons face à la madrasa Koukeldash où deux immenses oiseaux fantastiques tenant une biche ornent son portail. Ce superbe bâtiment a été construit pour servir de caravansérail et de repos aux caravanes sur les routes de la soie. Mais Boukhara a perdu sa place commerciale prédominante au 17ème siècle et le caravansérail a alors été transformé en medersa. Les cellules d’étudiants servent aujourd’hui de boutiques aux artisans locaux travaillant le bois, la céramique, le textile et notamment les suzanis, de beaux tissus brodés.

Nous arrivons à la Coupole des changeurs dite Tak-i-Sarrafan et construite en 1538. Elle abritait les juifs changeurs de monnaie et seuls habilités à effectuer ce métier, les ouzbèques considérant qu’il portait malheur. Cette coupole, comme deux autres dans Boukhara, est située au croisement d’artères menant aux portes de la ville. Des galeries couvertes bordées d’échoppes se croisent dans ce hall central surmonté d’une coupole. Ces ensembles architecturaux possédaient autrefois une mosquée et des bains. La plupart des juifs de Boukhara ont émigré en Europe et aux États-Unis. Avant la conquête arabe, Boukhara était l’une des plus vastes villes d’Asie centrale. En 1220, son époque de grande prospérité économique prit fin avec le sac de la ville par la harde mongole de Gengis Khan.

Nous arrivons à la Coupole des joailliers, Tak-i-Zargaran occupée elle aussi par des artisans.

Pour fêter les retrouvailles d’Alex et de sa valise, il nous offre une bonne bière bien fraîche.Au moment de rentrer à l’hôtel, le voyant de batterie de la Tiny reste allumé et le voltmètre m’indiquant en continu la tension ne dépasse pas les 12 volts. C’est étonnant car l’alternateur est neuf. Après plusieurs démarrages, il se remet à fonctionner. Et le voyant de problème de freins qui s’était également allumé s’éteint également. La charge dépasse les 14 volts, comme d’habitude.

Nuit à 35°C, bercée par le passage des voitures sur l’avenue où nous bivouaquons au pied de l’hôtel.

Vendredi 10 mai 2019 :

Nous partons de bon matin, à la fraîche, par déjà 30 degrés, visiter l’un des principaux monuments de la ville de Boukhara, la forteresse et le palais de l’émir, ensemble nommé Ark. Il est entouré de puissantes murailles crénelées. Il prend place sur une colline artificielle de 800 mètres de diamètre et d’une vingtaine de mètres de hauteur dus à l’empilement des ruines de palais et de citadelles détruits et reconstruits au même endroit. Les plus anciennes fondations retrouvées sur le site remontent à 2500 ans mais la partie visible aujourd’hui date du 18ème siècle et du début du 20ème siècle. L’Ark, dominant la vaste place du Registan, était une ville dans la ville habitée par 3000 personnes et comprenait des jardins, des bâtiments administratifs, des étables, des dépôts, le Trésor, l’armurerie, des écuries, des prisons, une mosquée, des mausolées, des échoppes de joailliers, la résidence de l’Émir, de ses femmes, de sa famille et des esclaves attachés à leur service. Mais en 1920, l’armée bolchevique détruisit au canon 80% de la citadelle. Nous entrons par une porte monumentale (1740) entourée de deux tourelles. La terrasse couverte au-dessus de la porte était destinée à l’Émir et à la famille princière qui se trouvaient aux premières loges pour assister aux fêtes et aux exécutions publiques sur la place.

Nous pénétrons dans l’Ark. Aujourd’hui, les artisans d’art ont remplacé les prisonniers dans les cellules bordant le couloir menant à l’intérieur de la citadelle. Nous arrivons à la mosquée du vendredi (17ème siècle) superbement décorée au début du 20ème siècle.

Puis nous visitons différents bâtiments, autrefois appartements, transformés aujourd’hui en musées numismatique, d’Histoire et d’Archéologie.

La salle du trône (Korunishkana) est une vaste cour entourée d’iwans datant également du 17ème siècle. Au fond de la cour, se trouve le trône de l’Émir en marbre gravé.

Face à la citadelle, nous apprécions l’architecture de la structure métallique qui fut jusqu’en 1920 le château d’eau de la ville.Nous nous dirigeons vers la mosquée Bolo-Khaouz et profitons des arbres faisant une ombre bien agréable sur les marches en marbre du bassin construit au 16ème siècle. Les rayons de notre astre solaire sont aujourd’hui encore écrasants. Le thermomètre affiche 37°. Le minaret de briques date de 1917. L’entrée de la mosquée se fait en traversant un superbe iwan posé sur 20 fins piliers de bois sculpté de 12 mètres de hauteur. L’ensemble des caissons du plafond de bois et des stalactites sont peints. C’est magnifique.

 

Le mausolée Ismaïl Samani a été longtemps oublié au milieu des ruines d’un cimetière et sous des mètres de terre. Il a ainsi pu traverser 1000 ans d’Histoire et résister à la tornade mongole. Ce tombeau est le second plus ancien du monde musulman. Sa construction remonte au 10ème siècle. Ce cube de 11 mètres de côté aux 4 façades identiques est surmonté d’une coupole. Son architecture intègre des techniques de construction révolutionnaires pour l’époque. Les briques de terre cuite cimentées au jaune d’œuf et au lait de chamelle sont assemblées par groupe de 4 ou 5 dans des sens différents. Il a ainsi pu résister aux nombreux séismes.

Non loin, le Mazar Chachma Ayoub (14ème et 15ème siècle) est un lieu vénéré par les pèlerins. Une source d’eau jaillit au sein de ce mausolée. Elle est réputée pour ses vertus curatives de maladie de la peau. C’est pour nous surtout l’occasion de remplir nos gourdes d’eau fraîche (et sainte !) qu’on ne cesse de vider aujourd’hui… Nous apprécions les explications du guide en français nous présentant le petit musée consacré aux techniques d’approvisionnement en eau de la ville de Boukhara.Nous entrons dans le marché couvert aux épices et y découvrons une agréable ambiance. Nous goûtons et achetons des fruits secs. Nous prenons plaisir également à flâner dans le marché voisin où tout se vend en vrac, les petits gâteaux, le riz, la lessive… ce qui n’empêche pas les commerçants de tout emballer et sur-emballer dans des poches plastiques. Petite pause réparatrice au boui-boui du coin nous vendant pour une somme dérisoire de bons samoussas.

Mais rapidement, une nouvelle pause s’impose à l’ombre des mûriers plusieurs fois centenaires d’un parc. Mon papa reprend la même pause que sur la barque de totora sur le lac Titicaca ou sur les ruines archéologiques de l’Olympion à Athènes et reste fidèle à ses micro-siestes réparatrices de quelques minutes ! Liliane profite des massages de sa petite fille. Victor cherche à se rafraîchir dans tous les points d’eau qu’il trouve. Soudain, alors qu’il trempe ses pieds dans un mini canal, il se met à hurler : « Il y a un serpent dans ma chaussure ! ». Très vite, Audrey lui enlève les scratchs de ses sandales et un petit serpent d’une dizaine de centimètres prend la fuite. Une grosse frayeur, mais, heureusement, aucun mal !

L’estomac rempli et nos jambes reposées, nous continuons notre visite de Boukhara en visitant les deux madrasas Modar-i-Khan et Abdullah Khan construites face à face.

Nous enchaînons (je pense que les parents vont vite s’endormir ce soir…) par la visite de l’ensemble Poy Kalon, l’une des plus belles places de la ville. La madrasa Mir-i-Arab fait face à l’immense mosquée Kalon.

Construit en 1127, le minaret Kalon est tristement célèbre pour avoir été « la tour de la mort ». Il ne servait pas seulement à appeler les fidèles à la prière. Au 17ème siècle, c’est de son sommet qu’on jetait les condamnés à mort et les impurs. Il servait également de point d’observation le jour et de phare la nuit pour les caravanes traversant le désert en direction de Boukhara. Tous les soirs, une bassine remplie d’huile était allumée à son sommet à 48 mètres.La mosquée Kalon a été construite en 1514 autour d’une grande cour intérieure et de galeries couvertes par 288 coupoles. 10 000 fidèles pouvaient y prendre place. Au centre de la cour, une rotonde à 8 portes a été construite en hommage aux martyrs qui périrent sur ce lieu lors de la destruction de la précédente mosquée par Gengis Khan.

La madrasa Mir-i-Arab (1535) a vu sa construction financée par la vente de 3000 prisonniers perses (musulmans chiites considérés comme infidèles). A l’époque soviétique, ce fut la seule madrasa autorisée à dispenser un enseignement religieux en Asie Centrale. Les étudiants occupent encore les lieux aujourd’hui.

Non loin de ce magnifique ensemble architectural, prend place la medersa (encore une) Amir Alimkhon.

Retour en passant par le marché faire quelques courses avant de revenir à l’hôtel. Nous profitons de toutes ces nuits à l’hôtel pour utiliser les douches des chambres… Les enfants avaient perdu l’habitude de se doucher tous les jours mais ne rechignent pas non plus avec la chaleur écrasante qu’il a encore fait aujourd’hui. Les parents ne tarderont pas à tomber ce soir encore dans les bras de Morphée.

Samedi 11 mai 2019 :

De nouveau, nous passons la journée complète à la découverte de Boukhara. Il est impossible de visiter ses dizaines de medersas et de mosquées, aussi Audrey en a préalablement sélectionné les plus belles.

Nous rejoignons en Tiny le centre historique et commençons notre journée par la Madrasa Koukeldach, la plus ancienne de la ville (1568) mais aussi la plus grande avec ses 160 cellules réparties sur deux niveaux. Un petit musée permet de visiter l’intérieur de quelques-unes d’entre elles.

Tchor Inor est un autre joli monument de la ville historique. Ses 4 tours marquaient l’entrée d’une medersa construite en 1807 par un riche marchand mais aujourd’hui disparue. La majorité des monuments historiques de la ville sont construits sur une ceinture en bois pour amortir les secousses des séismes courant dans la région.Nous partageons un repas traditionnel dans un petit resto populaire où ne se croisent que des locaux et pas de touristes. Le prix s’en ressent et on s’en sort pour 2,50€ par personne.

Nous traversons l’ancien et pittoresque quartier juif. L’ambiance change, ici les rues ne sont plus pavées et les échoppes pour touristes n’ont pas encore envahi ces ruelles. Les juifs par contre ont quitté les lieux et ne sont plus que 300 à Boukhara. Seules deux synagogues demeurent parmi les 13 qui existaient encore avant que les Bolcheviques arrivent. A ce moment-là, la communauté juive a été persécutée, la pratique religieuse interdite, les riches commerçants envoyés dans des camps.

Notre petit groupe de 8 continue à raser les murs à la recherche du moindre endroit ombragé. Nous arrivons à la maison de Fayzulloh Khodjaev, ancien Président de la République populaire du Turkestan. Elle date de la fin du 19ème siècle. On y admire de nombreuses peintures murales et du mobilier d’époque à travers la visite des nombreuses pièces réparties autour de la cour centrale. La maison présente de très belles poutres et des murs dotés de nombreuses niches à la manière des anciennes maisons de Boukhara qui faisaient office de rangement et permettaient de se passer de meubles.

Au détour d’une ruelle sur le chemin du retour, on aperçoit d’ailleurs dans les ruines d’une autre maison, le même type de niches de rangement et de belles poutres peintes.Retour à l’hôtel pour se désaltérer et tenter de se rafraîchir avant de ressortir dans Boukhara en début de soirée. Nous retournons après une bonne douche froide et une bonne bière fraîche (pas en même temps) au caravansérail d’Allakuli-Khan assister à un spectacle de danse et de musique traditionnelles mêlé à un défilé de mode.

Notre séjour à Boukhara se termine par un sympathique repas sur une des terrasses de la ville surplombant un joli toit à plusieurs dômes d’un hammam. Plov, mantis, brochettes sont au menu.

Dimanche 12 mai 2019 :

Echanges de petits cadeaux et selfies avec le personnel très agréable de l’hôtel. Route en direction de Navoï. Route en état aléatoire mais restant correct. Arrêt comme le faisaient les caravaniers du temps de la route de la Soie au caravansérail de Rabat-i Malik (11ème siècle). Il ne reste pas grand-chose de ce qui devait être une grande étape à l’époque car nous en avons rarement vu de si grands jusqu’à présent. Derrière la porte monumentale de la façade, nous arrivons face à des ruines dont les fondations ont été consolidées. Face au caravansérail, nous descendons dans le réservoir de la jolie citerne Sardoba Malik du 14ème siècle.

Puis à Navoï, nous prenons la direction de Nourata pour nous diriger vers le nord du pays, non loin de la frontière du Kazakhstan. Nous avons réservé une soirée surprise pour mon papa, mes beaux-parents et mon beau-frère ce soir. Mais malheureusement, la route menant à cet endroit est bloquée et nous oblige à faire un grand détour par Kanimekh pour nous y rendre. Nous envisageons un temps d’annuler mais le GPS ne nous indique que deux heures de route pour s’y rendre malgré le détour. En fait nous en mettrons presque deux fois plus. Nous nous arrêtons reprendre des forces et préparons à manger au feu de bois sur le bord de la route.La route est pourrie (encore), pleine de trous d’autruche et de bosses de chameau. La moyenne est de 30 km/h. C’est long et fatiguant. Je tente au maximum de slalomer entre les imperfections de la route mais je vois souvent mes passagers dans le rétro décoller de la banquette arrière !

Il me faut aussi éviter les animaux du désert traversant la route. Je m’arrête aider trois tortues à terminer leur trop lente traversée de la route. Une quatrième aura eu moins de chance que les trois autres de même que ce varan long de près d’un mètre.

Mais les paysages sont magnifiques au travers de ce désert et cette steppe de Nourata. Pas un ouzbèque à l’horizon. La route est rectiligne sur une centaine de kilomètres. Pas de trace d’eau, pas de trace d’habitants. Nous arrivons péniblement et bien fatigués au campement de Kyzylkoum au milieu des dunes de sable recouvertes d’un fin manteau de végétation et parsemées de buissons. C’est vraiment le désert. Une yourte attend nos invités avec un peu plus de confort que dans le dernier camp au début du séjour. Après avoir partagé un repas, c’est autour d’un feu que nous terminons la soirée à écouter un musicien jouer de la musique traditionnelle. Puis après quelques pas de danse, il est temps d’aller se coucher.

Nuit bercée par le silence du désert. Aucun bruit à part le blatèrement occasionnel d’un dromadaire.

Lundi 13 mai 2019 :

Réveillés en douceur par les oiseaux célébrant le lever du soleil dès 5h30 et par un petit vent frais passant par les fenêtres de la Tiny, quel bonheur ! Petit déj’ copieux et petit tour rapide en chameau au travers les dunes de sable. Les enfants sont ravis.J’allume le moteur de la Tiny. Mais au lieu de s’éteindre aussitôt après le démarrage, deux voyants restent allumés, celui de la batterie et celui des freins… Rien à voir pourtant. Et mon voltmètre ne dépasse toujours pas les 12 volts, de qui veut dire que la batterie ne recharge pas. J’avais déjà eu ce symptôme une fois en Turquie il y a trois mois. J’avais mis ça à l’époque sur le compte du  froid car les températures étaient négatives. Aujourd’hui, il fait 30° de plus. J’éteins, je rallume. Au bout de 10 tentatives, l’alternateur se remet enfin en service et les voyants s’éteignent. Ouf. Cela devient inquiétant car ça fait deux fois en quelques jours.

Une longue route de 250 km nous attend aujourd’hui pour rejoindre notre dernière étape à Samarcande mais comme on fait au mieux du 40 km/h de moyenne en Ouzbékistan, il est temps de prendre la route. Nous nous arrêtons au Lac Aydar Kul qui fut créé à la suite d’un déversement du déversoir de Chardara au Kazakhstan dans les années 1970. Il contiendrait plus d’eau que la mer d’Aral et son niveau continue de grimper.  Je saute avec mes enfants dans l’eau transparente et pas trop froide me rafraîchir et prendre des forces avant d’attaquer la route. Des chevaux sauvages prennent également le frais sur les rives du lac.

La route est à notre grande et agréable surprise bonne sur les premières dizaines de kilomètres jusqu’à Nourata. Aussi, nous en profitons même pour embarquer un auto-stoppeur ouzbèque qui tiendra compagnie à nos passagers à l’arrière.

Puis la route devient défoncée mais on s’en doutait… On avance toujours à un 40 km/h de moyenne ce qui laisse le temps d’admirer le paysage des monts Nourata au pied desquels est cultivé du pavot dans les champs. La région est ici plus verte, plus cultivée. Des petits hameaux parsèment la campagne ainsi que des petites villes, aux maisons identiques.

Le pays est d’une propreté incroyable. C’est le pays le plus propre que nous traversons depuis le début de notre voyage, en incluant l’Europe.

Nous arrivons dans l’après-midi au dernier hôtel réservé pour notre famille, à Samarcande. Dans la cour de l’hôtel, plusieurs garages poids-lourds ! L’occasion rêvée pour aller voir au hasard un des mécanos pour lui demander s’il peut venir me remplacer le joint spi de la pompe de direction qui fuit de plus en plus et que mon papa m’a ramené dans ses valises. Aussitôt, l’un d’eux se met au travail et en une heure répare cette fuite. Je lui demande combien je lui dois et me répond que l’intervention est gratuite !! Je lui glisse un billet. Je démarre le camion et de nouveau l’alternateur ne charge plus. Et cette fois, c’est la vraie panne. Malgré plusieurs tentatives de démarrage, il ne veut plus rien savoir. Bon, il y a pire comme lieu pour tomber en panne. D’autant plus que j’ai un alternateur de secours dans la Tiny. Cette fois, on a beaucoup de chance pour gérer cette panne ! On verra ça demain, une fois que notre cher Joaquim nous aura confirmé le diagnostic.Nuit bercée par le passage de très longs et bruyants trains de marchandises dont la voie ferrée est à 80 mètres et par le décollage des avions dont la piste est située à 100 mètres ! Entre les deux, passe une route… Notre sponsor officiel Boules Quies nous sauvera encore cette nuit.

Mardi 14 mai 2019 :

Anaïs n’est pas en forme ce matin. La Tiny non plus. Je reste donc la matinée dans la cour de l’hôtel où ma chérie se repose et reprend des forces pendant que j’aide le mécano à remplacer l’alternateur. Audrey part avec le reste de la famille à 6 dans un taxi (négocié à 2€) en direction du centre historique de Samarcande.Samarcande est un carrefour des cultures du monde. Fondée au 7ème siècle av. J.-C. elle connut son développement le plus significatif dans la période timouride du 14ème au 15ème siècles. Située au carrefour des grandes routes commerciales légendaires qui ont traversé l’Asie centrale, Samarcande a une histoire multimillénaire. Les fouilles archéologiques ont mis au jour les restes des colonies de la première moitié du 1er millénaire avant notre ère. La ville fit partie de l’Empire achéménide (du 6ème au 4ème siècles avant J.-C.), ainsi que de celui d’Alexandre le grand (4ème siècle avant J.-C.). Samarcande est devenue un important centre de commerce de la soie au 2ème siècle après J.-C.. Beaucoup de monuments datent de l’époque du règne de Tamerlan (1336-1405).

Le mausolée Rukhobod (1380) fut construit par Tamerlan pour accueillir la dépouille de son mentor et de sa famille. Il est surmonté d’un dôme conique de 22 mètres de hauteur.Le mausolée Ak Sarai date de 1470. Son intérieur est magnifiquement décoré de bleu et d’or.

En fin de matinée, l’alternateur est remplacé et ma grande Anaïs est très courageuse pour accepter de sortir de l’hôtel climatisé où elle vient de dormir dans le lit de ses grands-parents. Nous rejoignons tout le monde en ville et rapidement mettons les pieds sous la table autour d’une bière fraîche.Nous arrivons sur l’un des plus beaux endroits de Samarcande, la place du Registan. Les trois immenses et superbes madrasas Oulough Begh, Chir Dor et Tilla Kari bordent une grande esplanade. Au 15ème siècle sous le règne d’Oulough Begh, il s’agissait de la place officielle de la ville et on y trouvait marché, madrasa, caravansérail, mosquée… L’ensemble est tout juste incroyable. C’est absolument magnifique.

Tout le monde est bien concentré sur l’écoute de notre guide qui avait bien préparé auparavant les visites de cette semaine.Et notre guide se fait d’ailleurs inviter à poser pour la photo parmi un groupe de jeunes ! Cherchez et n’oubliez pas le guide…Nous terminons notre journée par la visite du mausolée de Tamerlan, le Gour Emir. Ce magnifique monument trône au centre d’une place. Ce mausolée de ce guerrier victorieux est le symbole de la grandeur et de la puissance de l’Ouzbékistan.

Retour à l’hôtel où je fais la vidange du camion. Ce soir, c’est notre petit Victor qui passe du temps à nous préparer un apéro dînatoire.

Mercredi 15 mai 2019 :

Nous comptons bien mettre à profit cette dernière journée de voyage pour notre famille. Nous commençons par la visite de l’observatoire d’Oulough Begh. Il reste aujourd’hui seulement la partie souterraine de ce qui fut le plus grand sextant au monde (90° alors que les sextants habituels sont de 60°) avec cet arc de 11 mètres bordé de parapets gradués en marbre où sont indiqués les degrés servant à mesurer les distances entre les astres. Alors qu’à l’époque, les télescopes étaient encore inconnus. Oulough Begh, considéré comme l’un des plus grands astronomes de son temps le fit construire et écrivit un catalogue astronomique où furent recensées les coordonnées de plus de 1000 étoiles. Il sut déterminer le cycle de Saturne ainsi que précisément le durée d’une année stellaire. Le bâtiment qui abritait le sextant était de forme circulaire et mesurait 45 mètres.

La mosquée Bibi Khanum couronnée par son immense coupole bleue fut construite, toujours par Tamerlan en 1399. Elle devint la plus grande mosquée d’Asie centrale. Tamerlan aurait fait ramener 95 éléphants de ses conquêtes en Indouhistan pour manœuvrer les immenses blocs de marbre nécessaires à l’édification d’un complexe de galeries pavées de marbre, de 400 coupoles et de 400 colonnes de marbre. Il n’en reste aujourd’hui plus rien. Deux minarets de 50 mètres de hauts entourent un immense portail d’entrée de 35 mètres. Ceux encadrant le portail intérieur de la salle de prière mesurent 40 mètres !

Au centre de la cour, nous voyons un lutrin de marbre rapporté de Damas par Tamerlan pour soutenir le Coran d’Osman, le deuxième plus grand de l’Islam, datant du 7ème siècle.Nos invités dont c’est la dernière journée en Ouzbékistan nous invitent ce midi dans un restaurant super sympa où nous mangeons un très copieux et délicieux repas. Merci encore !

Petit passage par le marché voisin. Heureusement, le langage des signes est universel !

Puis nous commençons l’après-midi par la visite de la mosquée des voyageurs perchée sur la colline d’Afrosyab. Son iwan à colonnade et son entrée à coupole datent de 1854. La mosquée est dédiée à Elie, le saint patron des voyageurs.

Enfin, nous terminons notre visite de Samarcande par la nécropole de Shah I Zinda. Il s’agit d’une rue bordée de très nombreux mausolées et tombes construits au 11ème et 12ème siècles autour du mausolée de Qassim-ibn Abbasn cousin du prophète Mahomet. Au 14ème et au 15ème siècles, les familles nobles et les membres de la famille de Tamerlan se firent construire des mausolées dans ce surprenant endroit.

Retour à la Tiny qui comme souvent attire les curieux !Ainsi s’achève notre belle aventure ouzbèque. Ces 10 jours en famille auront été une belle parenthèse dans notre voyage. Merci papa, Liliane, Daniel et Alex de nous avoir rejoints pour partager ces si bons moments ensemble en Asie centrale. A présent, il s’agit de vite prendre le calendrier et le planisphère pour prévoir votre prochaine venue… Mais on va d’abord vous laisser vous reposer un peu !

Dernière soirée passée dans la Tiny sans veiller tard car le réveil est programmé à 1h du matin demain pour enchaîner avec une grosse journée de transport : 3 vols en avion et un voyage en train.

De notre côté, le voyage continue. Demain sera également notre dernière journée en Ouzbékistan et nous devrions passer la frontière vers le Tadjikistan ! A bientôt pour de nouvelles aventures…

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