751 km parcourus du 10 au 15 mars 2021
68 046 km parcourus depuis le départ
Mercredi 10 mars 2021 :
Notre cavale se poursuit au Kenya depuis bientôt déjà deux mois. A ce rythme-là, on n’est pas prêts d’arriver en Afrique australe ! Nous avons bivouaqué hier soir au bord d’une route qui longe l’équateur.
Après l’école qui se poursuit sérieusement comme tous les matins, nous prenons la route en changeant plusieurs fois d’hémisphère jusqu’à Nyahururu. Nous observons la vie des Kényans vivant dans ces petites villes poussiéreuses. Les boutiques sont toujours très colorées de teintes vives, toujours aux couleurs d’opérateurs téléphoniques pour la majorité d’entre elles. La vie doit y être rude. La pauvreté se manifeste entre autre par les habitats construits en tôles ou en bidons de 200 litres découpés et aplatis.
Les Kényans dans ces campagnes n’ont pas de voitures particulières et se déplacent en matatu (taxis collectifs) ou en moto taxi. Très peu de vélos. Quelques motos. Dans cette région, beaucoup de Kényans déplacent les marchandises ou l’eau à dos d’ânes. Les chargements sont souvent approximatifs mais pas autant qu’on l’avait vu au Sénégal il y a quelques années. Le parc automobile est en en assez bon état. Les épaves roulantes sont vraiment rares.
Nous voyons toujours beaucoup d’écoles primaires et secondaires mais aussi de nombreuses écoles supérieures et universités. On sent que le Kenya met les moyens pour l’éducation bien que le taux de scolarisation arrive en milieu de classement des pays africains avec 80% des enfants qui ont accès aux bancs de l’école.
Bien qu’on soit sur un grand axe routier, notre progression est ralentie par de nombreux nids de (très grosses) poules, par des chicanes avec des herses et par des ralentisseurs. D’ailleurs Anaïs et Victor m’ont dit hier soir en mangeant : « oh mais papa, aujourd’hui, tu as roulé très très vite dans une descente, on a cru que la Tiny allait s’envoler ! », « Oui mes chéris, j’ai fait une pointe à 83 km/h… », ça vous en dit plus sur notre vitesse moyenne… Mais ça nous laisse d’autant plus de temps pour profiter des paysages.
La progression est aussi ralentie aujourd’hui par 4 ou 5 arrêts par la police bien curieuse en voyant arriver une maison sur la route ! Le premier nous demande les papiers. Il ne comprend rien évidement à la carte grise ni au permis de conduire international, et ne se rend même pas compte qu’il s’agit de photocopies couleurs plastifiées des originaux qui restent par précaution dans un endroit sécurisé dans notre camion. Malgré tout, au Kenya, aucune tentative de corruption de la part de la police n’a jamais été tentée. Mais même d’une manière générale, à part au Pérou, en Argentine, au Kazakhstan et au Kirghizistan nous n’avons été que très peu confrontés à la corruption de la part de la police. Mais par principe, nous refusons de donner. Nous n’avons pas donné plus de 5€ une seule fois. Un peu plus de corruption des douaniers à certaines frontières, en particulier en entrant au Vietnam ou au Cambodge. Au troisième arrêt de la police ce matin, l’un des agents me demande mes papiers mais je lui réponds que non en lui expliquant que je les ai déjà montrés à ses collègues ce matin. Il n’insiste pas et rigole ! Il nous souhaite la bienvenue au Kenya et nous invite à poursuivre notre route.
Nous arrivons à Subukia à 2350 mètres d’altitude où nous marquons l’arrêt pour profiter d’un magnifique point de vue qui nous offre un large panorama sur la grande vallée du Grand Rift, cette longue dépression traversant l’Afrique sur 6000 km depuis Israël au Mozambique sur 40 à 60 km de largeur. Elle coupe en deux la Corne de l’Afrique : la plaque somalienne à l’Est, s’éloigne de la plaque africaine à l’Ouest. Elle a longtemps été considérée par la communauté scientifique comme le berceau de la lignée humaine. La formation de la faille il y a au moins 25 millions d’années aurait fini par conduire à une différenciation climatique et environnementale majeure entre la région située à l’Ouest, humide et boisée, et la région située à l’Est, beaucoup plus sèche et occupée par la savane. À partir d’une souche commune, deux lignées auraient divergé, aboutissant à l’Ouest aux chimpanzés, et à l’Est aux premiers Hommes tels les Australopithèques, soit la séparation entre les quadrupèdes et les bipèdes.
Cette grande faille discontinue Est-africaine est constituée d’une série de plusieurs branches divisées en segments de failles et de volcans qui ont donné naissance aux grands lacs africains, formés par l’accumulation de l’eau dans les dépressions de faille. La vallée du Grand Rift connaît une intense activité volcanique. Le Kilimandjaro et le Mont Kenya sont des volcans éteints mais l’activité reste intense en Éthiopie, en République Démocratique du Congo ou bien en Tanzanie. Nous sommes dans la branche orientale (Rift de Gregory) qui traverse le Kenya et la Tanzanie à l’Est du Lac Victoria, où elle forme un chapelet de lacs plus petits. Parmi eux, le Lac Magadi tout au sud que nous avions vu dans le précédent article. Mais aussi un ensemble de trois lacs interconnectés qui sont classés au Patrimoine mondial par l’UNESCO : le Lac Bogoria, le Lac Nakuru et le Lac Elementaita. Mais ce sont des parcs nationaux dont l’entrée coûte une centaine d’euros par tranche de 24 heures pour nous 4… Nous préférons faire quelques kilomètres de plus pour atteindre le Lac Baringo, qui fait partie du même processus géologique mais qui n’est ni classé à l’UNESCO, ni parc national et qui donc est gratuit…
La descente du col est très jolie, très verdoyante. Les pentes sont propices à la culture de fruits et légumes, de caféiers, de théiers.
Traversée de Nyahururu, sans grand intérêt.
Route vers le nord et de nouveau changement d’hémisphère.
Le Lac Baringo vers lequel nous nous dirigeons est l’un des deux seuls lacs d’eau douce de la vallée du Grand rift et l’avant dernier en direction du Nord, avant celui de Turkana. Il est enclavé dans un écrin de collines et de montagnes. Les falaises rouges abruptes sont visibles à l’horizon, puis une première rangée de collines et les montagnes plus élevées au loin, notamment à l’Ouest, celles de Tungen. Du fait de son eau douce, il n’y a quasiment pas de flamants roses comme sur les autres lacs.
Mais arrivés à Kampi Ya Samaki, notre GPS nous perd car il nous fait prendre des routes inondées par la montée des eaux des lacs dont je vous reparlerai plus tard. Nous tombons sur JPP, qui nous interpelle en nous demandant si nous sommes les amis de Noémie et Julien, nos amis voyageurs qui nous devancent de quelques jours. Aussitôt, il monte dans le camion pour nous remettre sur le bon chemin et nous emmener par des pistes (très) chaotiques sur un charmant lieu de bivouac.
Baringo et les autres grands lacs de la Vallée du Rift ont atteint des niveaux records après des mois de précipitations inhabituelles au point de submerger villages entiers, écoles, églises, dispensaires et complexes touristiques. À partir de mars et avril 2020 des niveaux inégalés en plus de 50 ans ont été atteints, certains lacs augmentant de plusieurs mètres pour cette seule année, après des mois de précipitations inhabituelles que les scientifiques attribuent au changement climatique. Le niveau du lac a monté de 2,70 mètres entre avril et juin, l’eau progressant de 500 mètres dans les terres, contraignant des dizaines de milliers de personnes riveraines du lac à déménager plus à l’intérieur des terres tandis que l’eau envahissait inexorablement fermes et pâturages. Le Lac Baringo avait déjà gonflé de plus de 70 km² depuis 2011 mais le phénomène s’est tragiquement accéléré. Les scientifiques explorent plusieurs raisons à cette montée des eaux notamment la déforestation en amont, dans la vaste forêt Mau. Les eaux de pluie ne sont plus retenues par la forêt et se déversent dans les lacs, chargées de limons. Mais le principal responsable est le phénomène climatique spécifique à l’Océan Indien qui a provoqué ces dernières années des précipitations plus soutenues qu’en temps normal en Afrique de l’Est, faisant gonfler les rivières qui se déversent dans les lacs. Il pourrait même il y avoir une jonction de l’eau douce du Baringo et de l’eau salée du Bogoria, paradis des flamants roses ayant besoin d’une eau salée pour leur nourriture.
C’est la double peine pour les locaux qui ont déjà subi de plein fouet l’arrêt brutal du secteur touristique à cause de la pandémie de Coronavirus. Les employés des lodges et restaurants disséminés autour du lac ont désormais les pieds dans l’eau.
Nous passons la fin d’après-midi, moi à faire le blog tranquillement dans le camion et Audrey à échanger avec les enfants du village attirés par notre présence. Elle joue avec eux aux raquettes, leur apprend quelques mots de français. Quelques uns parlent bien anglais et sont à la fois curieux d’en apprendre plus sur notre mode de vie et prêts à répondre à ses nombreuses questions.
Puis nous organisons avec JPP une sortie lacustre pour demain matin pour aller observer les oiseaux.
Première nuit en Tiny dans l’hémisphère nord depuis celle à Gènes en Italie la veille de la laisser au port début janvier.
Jeudi 11 mars 2021 :
Nous avons respecté la consigne des riverains de ne pas trop sortir une fois la nuit tombée car nous sommes sur le passage des hippos et des crocodiles. Nous avons d’ailleurs été bercés par le grognement des hippos qui n’étaient vraiment pas loin.
Dès 6h30, nous retrouvons JPP, notre guide et nous embarquons sur un bateau à moteur à l’endroit où les locaux viennent remplir leurs bidons d’eau.
C’est parti mais JPP fait caler le moteur et n’arrive pas à le redémarrer. Retour à la rame au bout d’une demi-heure. Les amis de JPP se moquent un peu de lui… Il descend du bateau et laisse la place à Philip qui sera finalement notre guide. Le moteur démarre aussitôt !
Nous longeons le littoral et nous rendons compte de la catastrophe de la montée des eaux. Nous suivons notre position sur la vue satellite Google Maps et nous rendons compte que nous naviguons sur d’anciennes routes. Certaines maisons sont englouties. L’énorme complexe hôtelier 4* Soi Safari Lodge a son premier niveau à moitié noyé. Les centres de santé, les écoles, les habitations, l’église ont disparu sous les eaux.
Même le Roberts Camp qui était le repaire des voyageurs où avaient encore bivouaqué nos amis les Un tour à cinq en février 2020 n’existe plus. Il n’en reste que le toit d’un abri.
Pas moins de 400 espèces d’oiseaux sont recensées autour du lac et nous sommes servis par de jolis spécimens. Parmi eux, des hérons Goliath, des hérons blancs et gris, des cormorans, des martins-pêcheurs, des aigles-pêcheurs…
Nous ne voyons pas d’hippos mais nous apercevons un crocodile le long des berges couvertes de roseaux et de papyrus.
Nous filons vers le milieu du lac où il y a plusieurs petites îles. Olkokwe, l’île principale, est habitée par l’ethnie des Njemps.
Ce peuple de pasteurs a conservé ses activités traditionnelles d’élevage de chèvres, mais pratique également la pêche à bord de petites pirogues. Nous rencontrons un pêcheur sur son embarcation traditionnelle en bois de balsa. Le bateau construit dans ce bois très léger ne pèse que 6 kg. Il faut 6 heures pour le construire et la durée de vie de l’embarcation n’est que de 7 mois. Le pêcheur est assis, les fesses dans l’eau, sur plusieurs branches de balsa servant de flotteur. Ces frêles embarcations nous rappellent celles des côtes du Pérou à Huanchaco ou bien encore celles de Duy Hải au Vietnam. Notre guide lui achète deux poissons que le pêcheur lui prépare en insérant un morceau de bois dans le corps de l’animal. On comprendra pourquoi plus tard.
Nous nous attendions cependant à voir plus de pêcheurs car les eaux sont très poissonneuses.
Nous faisons le tour de la petite île de Parmalok où vit un homme avec ses 5 femmes et ses 27 enfants. Nous mettons quelques instants pieds à terre et voyons de magnifiques arbres en fleurs.
Puis, nous nous dirigeons vers la côte. Philip arrête son moteur et se met debout en sifflant fort et en agitant le poisson acheté tout à l’heure au pêcheur. Il le lance à quelques mètres de nous dans l’eau. Aussitôt, un aigle pêcheur, avec une habileté incroyable, vient en quelques secondes attraper le poisson qui flotte à la surface grâce à son morceau de bois. Il renouvelle l’opération avec un autre poisson. Superbe !
Retour vers 10 heures à la Tiny. Le climat du lac est assez chaud, mais agréable, car il y a toujours une légère brise. Nous nous mettons à l’école. Mise en ligne durant trois bonnes heures du précédent article avant qu’Audrey ne fasse une relecture pour corriger les fautes et ajouter quelques mots avant de le publier. Désolé, il reste toujours quelques fautes en attendant que ma sœur adorée corrige de son côté une fois l’article en ligne et que mon papa me remonte aussi quelques fautes d’accord ou quelques syllabes manquantes. Merci à eux.
Puis JPP nous rejoint de nouveau comme prévu pour nous emmener faire un tour du village. Il souhaite nous montrer les scorpions ! Il passe de longs moments à soulever des pierres à la recherche de ces bébêtes. Audrey interpelle JPP pour lui dire que ça nous gêne que la quinzaine d’enfants qui nous accompagne soit embauchée pour soulever aussi des pierres à la recherche des scorpions de peur qu’ils se fassent mordre. JPP nous « rassure » en nous disant qu’il n’y a aucun danger car les gamins ont l’habitude des scorpions et même des serpents…
Nous observons quelques autruches à la taille impressionnante.
La balade est agréable car elle nous permet de nous rendre compte des différents habitats du village. Les maisons sont construites en pierre volcanique qui sont liées par un mortier de terre. D’autres sont construites en briques de terre. Les couvertures sont faites de tôles ondulées ou bien encore, pour les plus précaires, de bidons de 200 litres d’huile aplatis.
Il y a très peu de cultures certainement à cause du climat très chaud.
Retour à la nuit tombée à la Tiny. Le ciel se remplit d’étoiles. C’est tout juste superbe car aucune lumière de ville ne vient polluer le ciel.
Vendredi 12 mars 2021 :
En fin de matinée, JPP nous rejoint pour nous ramener sur la route principale que nous aurions eu un peu de mal à trouver tout seuls. Comme aucune voiture ne circule dans ce village, les routes ne sont pas prévues à cet effet et la Tiny est bien secouée. Mais ouf, nous retrouvons la douceur de l’enrobé. Nous déposons JPP à la première ville à une quinzaine de kilomètres où il part faire quelques courses.
Zut, la station-service qui nous inspirait le plus confiance est en rupture de carburant. Nous faisons le plein dans une autre station plus petite, toujours au tarif de 102 shillings soit moins de 0,80€ le litre. Également le plein d’eau après avoir vidangé entièrement un de mes deux réservoirs de 100 litres d’eau. Un volume de deux bons verres de boues marrons tombe au sol. L’eau n’est pas toujours limpide là où on fait les pleins. Nous apprécions notre double système de filtration, le premier avec deux cartouches filtrantes de 20 et 5 microns pour filtrer les impuretés, les boues et le deuxième avec notre système de purification de marque Filopur filtrant grâce au charbon actif et aux ions d’argent les métaux lourds, hydrocarbures, pesticides et 99% des bactéries et des virus (d’une taille de 0,005 à 0,1 micromètre). Les sels minéraux d’une taille encore inférieure restent dans l’eau. Nous sommes très satisfaits de ce filtre que nous utilisons depuis déjà 3 ans et demi de vie nomade. Du coup, nous avons deux robinets dans la cuisine, un pour l’eau purifiée, un pour les autres usages. Oui, c’est un peu technique et ça fait un peu de pub, mais c’est pour aider les futurs voyageurs.
Nous rencontrons les Catch-the-wind, Francine et David, un couple d’Anglais voyageant à bord d’un gros Man de 13 tonnes et arrivant tout juste de l’Ouganda voisin.
Au niveau de Marigat, nous empruntons la très belle route C51. Tant au niveau de la qualité de son asphalte tout neuf que de la vue qu’elle nous offre au fur et à mesure où nous prenons de l’altitude. Mais ce que nous apprécions le plus est de retrouver de la fraîcheur car il faisait très chaud au bord du lac. La végétation devient de plus en plus verte.
Après le village d’Ainamoj que nous atteignons après être redescendus de nouveau bien en altitude par un versant beaucoup moins vert, nous marquons l’arrêt aux Gorges de Chebloch. La rivière Kerio coule dans des gorges d’une vingtaine de mètres de profondeur. Des Kényans pour 1000 shillings veulent nous faire une démonstration de plongeon. Pas question de les faire plonger au péril de leur vie dans ces eaux infestées de crocodiles. Au retour, l’un d’eux nous fait une promotion à 500 shillings. Toujours non merci !
Puis de nouveau, la route reprend de l’altitude. De nouveau ce versant est bien cultivé, bien vert. De nombreux agriculteurs travaillent leurs petites parcelles de terre sans aucun outil mécanisé. Nous achetons des bananes en bord de route, ces délicieuses bananes, courtes mais larges, à la peau très fine et avec un goût délicieux. 2 kilos pour 100 shillings soit 0,75€.
Nous arrivons au bivouac repéré sur notre appli iOverlander. Dans un des derniers virages de la route à 2400 mètres d’altitude, nous nous arrêtons à un point de vue privatisé par un bar-resto. Étonnement, le proprio accepte de nous faire rentrer pour la nuit sur son parking. Gratuitement en plus. Du coup, nous consommons des bières et les petits prix de la carte nous invitent même à commander à manger.
Petit problème de réglage d’appareil photo donc photos un peu floues à venir, ce soir et demain…
Agréable soirée film dans la Tiny.
Samedi 13 mars 2021 :
Petit déj en mangeant des chapatis commandés au resto. Nous prenons la route avant l’école pour ne pas trop gêner les clients du resto.
Nous traversons la ville d’Iten, terre d’entraînement des marathoniens kényans qui viennent courir et gagner les courses tout autour du monde. C’est ici à 2400 mètres d’altitude que des centaines de jeunes coureurs aux silhouettes longilignes s’élancent chaque matin sur des routes de terre à la poursuite d’une vie meilleure. Parmi eux, des athlètes olympiques, des médaillés des Championnats du monde et des centaines de jeunes athlètes désireux d’atteindre les plus hauts sommets. Dans les dernières décennies, les athlètes qui s’entraînent à Iten ont remporté 48 médailles des Championnats du monde et battu neuf records du monde. Entre Iten et quelques autres villages, la région abriterait 90 % des meilleurs coureurs kényans, ce qui veut dire la moitié des meilleurs coureurs de fond de la planète. Au cours des trois derniers Jeux olympiques d’été, les coureurs kényans ont remporté 42 médailles, dont 14 d’or, lors de courses de 800 mètres à 42 kilomètres de long. Près de la moitié des 100 meilleurs temps de l’histoire au marathon appartiennent à des Kényans.
Nous roulons vers la région montagneuse de Nandi Hills perchée à environ 2000 mètres d’altitude. La ville est connue pour être aussi le berceau des coureurs kényans et de nombreux athlètes de renommée mondiale viennent de cette petite ville.
Mais la région est surtout connue pour ses collines verdoyantes. Le climat frais et humide avec deux saisons de pluie pendant les équinoxes et des températures variant entre 18°C et 24°C, associé aux riches sols volcaniques, rend la région idéale pour la culture du thé. Nous y retrouvons nos amis Noémie, Julien et leurs enfants (La grande transhumance de Kika et ses 5 bergers) et nous trouvons un charmant bivouac en plein dans les plantations de thé. Mais comme souvent au Kenya, nous ne sommes jamais longtemps seuls ! De nombreux adultes et de (très) nombreux enfants viennent faire les curieux. Du coup, après avoir longtemps joué et discuté, nous devons nous mettre à l’abri dans la Tiny pour profiter de notre bière…
Dimanche 14 mars 2021 :
Pas d’école ce matin, pour profiter des copains et aller marcher ensemble un peu dans les plantations. Nous sommes accompagnés de Stephen et Henri, deux gars du village et aussi d’une bonne dizaine d’enfants.
Le marché du thé au Kenya est très important car il représente le quart des exportations. Il est classé comme la troisième grande source de devises, derrière le tourisme et l’horticulture. Le Kenya est d’ailleurs le plus important pays africain producteur de thé et l’un des principaux exportateurs mondiaux. Environ 160 000 hectares sont plantés d’une cinquantaine de variétés de thé (principalement du thé noir), cultivées par plus de 500 000 petits producteurs. Mais il y a aussi des grands producteurs qui produisent 40% du thé. La production dépasse les 345 000 tonnes dont 325 000 sont exportées. Aucun produit chimique n’est utilisé. Le thé est vendu aux enchères à Mombasa.
Les buissons de thé poussent sur une terre rouge. Les pieds sont assez gros nous laissant penser qu’ils doivent être bien vieux. Les plants ne dépassent pas 80 cm de hauteur. C’est actuellement la saison de cueillette des feuilles, juste des deux ou trois les plus vertes sur le haut du plant. Les plants sont très serrés n’autorisant qu’une récolte à la main. Mais on est dimanche aujourd’hui et il n’y a personne au travail. Les collines d’un vert tendre et tellement lumineux sont tout juste magnifiques !
Des forêts sont plantées d’arbres dont le bois sert au séchage des feuilles de thé. Nous voyons de nombreuses femmes ramasser ce bois.
Après un dernier café partagé, le temps est venu de nous séparer de nos guides de ce matin et de nos amis voyageurs, tout en sachant qu’on aura bien vite l’occasion de se retrouver pour partager quelques bières mais ce sera certainement de l’autre côté de la frontière…
Nous roulons à présent vers une destination où nous ne pensions pas aller. Après beaucoup d’hésitation, mais vraiment beaucoup, nous avons décidé de nous rendre dans le Parc national du Masaï Mara. L’entrée n’est vraiment pas donnée mais bon, on n’a qu’une vie. La nôtre est déjà bien remplie mais on ne reviendra peut-être pas au Kenya (quoique…). Nous voulions surtout patienter pour visiter les parcs animaliers en Afrique du sud ou en Namibie où c’est beaucoup moins cher. Mais de plus en plus, au rythme où on va, on se dit qu’on n’aura pas le temps de descendre jusqu’en Afrique australe. Et que du coup, on ne verrait pas les parcs. Et puis ce qui est pris est pris ! On casse donc la tirelire en puisant dans notre enveloppe « folie » qu’on avait déjà ouvert pour les Galápagos, pour l’île de Pâques, pour le Machu Picchu, pour le désert de Gobi… et qui ne fait donc pas partie de notre budget moyen de dépenses mensuelles. On alimente cette cagnotte beaucoup par les cadeaux de Noël, d’anniversaire, de mariage ou encore les généreuses enveloppes pour diverses occasions qu’on reçoit de notre famille. Jamais nous n’avons regretté ces petits excès de folie, qui restent parmi les plus beaux souvenirs de notre cavale.
Mais le Parc de Masaï Mara est à plus de 300 km et au Kenya, et en Tiny house, il faut du temps pour les parcourir. Nous en faisons une petite moitié aujourd’hui. Nous sortons assez rapidement des zones de plantation de thé, pour retrouver un peu plus bas des cultures tropicales toutes aussi verdoyantes.
Nous changeons une énième fois d’hémisphère mais certainement la dernière fois avant longtemps car à présent, nous allons nous diriger toujours vers le sud. La Tiny repassera l’équateur soit dans l’Océan Atlantique en début d’année prochaine en bateau si on décide de descendre jusqu’en Afrique du Sud par la route, soit de nouveau au Kenya en fin de cette année 2021, par la route si l’Éthiopie pouvait de nouveau se traverser, ce qui nous permettrait de revenir par la route : Kenya, Ethiopie, Soudan, Egypte, Israël, Jordanie. Puis bateau jusqu’en Italie ou pourquoi pas rentrer par la route par l’Arabie saoudite, Oman, Emirats arabes Unis, Iran, Turquie… Bon, vous voyez que rien n’est fixé. Comme tous les voyageurs en ce moment en tour du monde, on a plein d’hypothèses sans en privilégier aucune, car tout change très vite en ce moment. On met juste de côté pour l’instant l’hypothèse de remonter par la route par l’Ouest du continent pour des raisons de sécurité, en particulier au Nigeria mais aussi de formalités administratives (visas parfois difficiles à obtenir et nombreux tests PCR à réaliser car il y a de nombreux petits pays à traverser).
Nous roulons et encore plus bas, nous arrivons sur des plateaux cultivés de canne à sucre. Quelques 900 000 tonnes de sucre sont produites annuellement au Kenya dont la moitié est exportée. D’immenses champs de monoculture sont exploités. Outre le sucre, la canne à sucre est utilisée, pour le séchage des feuilles de thé à la place du bois, sous forme de briquettes fabriquées avec des résidus de canne à sucre. Elles sont plus écologiques et plus durables. Nous sommes d’ailleurs en pleine période de ramassage et des centaines de vieux tracteurs Ford, fumant bien noir, sont sur la route.
Il n’y a pas besoin de ça car on avance déjà pas bien vite toujours avec ces nombreux ralentisseurs. Et puis aussi, ces pré-pré-ralentisseurs qui annoncent un pré-ralentisseur 50 mètres après et le vrai ralentisseur 50 mètres après. Ces pré-ralentisseurs sont des bandes vibrantes qu’on est obligé de passer vraiment au pas à 10 km/h au risque de tout casser dans la Tiny. Mais après le ralentisseur, il y a de nouveau les pré-ralentisseurs et les pré-pré-ralentisseurs pour prévenir les conducteurs arrivant en sens inverse qu’il va y avoir un ralentisseur. Vous suivez toujours ? Voilà pour les ralentisseurs à l’entrée des villages. Mais le même cinéma se répète à la sortie du village ! Et des villages, dans ces zones de montagnes très fertiles à 2000 mètres d’altitude, il y en a partout… Il nous faut donc plusieurs heures pour parcourir 150 km ! Il faut aussi veiller à ne pas écraser une vache, une chèvre, des gamins qui courent après la Tiny, des femmes qui s’approchent dangereusement de nous pour nous vendre des fruits, des légumes, des bouteilles d’eau par la fenêtre… Ah oui, il faut aussi slalomer entre les nids d’autruche bien profonds qui eux aussi causeraient bien des dommages à la Tiny si je m’en prenais un. Et j’allais oublier les zones de travaux où le bitume est remplacé par des pistes défoncées et poussiéreuses. Pendant ce temps, Anaïs et Victor passent patiemment des heures à l’arrière, ramassant leurs Lego et leurs crayons par terre dès lors que je fais un freinage d’urgence car j’ai vu au dernier moment un ralentisseur ou une chèvre…
Nous passons toujours des heures à observer la vie des Kényans dans les petits hameaux que nous traversons.
Puis de nouveau, nous trouvons des reliefs plantés de théiers.
La nuit va bientôt tomber et il nous faut trouver un bivouac. Nous nous arrêtons demander à une femme si nous pouvons dormir le long de la route, le long de sa boutique. Elle ne parle pas anglais, mais rapidement, un homme intervient et interpelle deux jeunes filles. Il leur demande de monter avec nous pour nous conduire dans un endroit plus agréable. Elles nous montrent le chemin sur environ un kilomètre. Durant ce temps, ces deux jeunes d’une quinzaine d’années nous dévisagent en riant, caressent la peau blanche d’Audrey et ses cheveux lisses ! C’est la première fois qu’elles touchent une Blanche.
L’endroit pour nous garer est en fait un parking privé d’un hôtel restaurant. Le gardien nous confirme que le stationnement sera bien entendu gratuit. Du coup, on se voit un peu obligé d’aller consommer une bière au bar !
Nous retrouvons nos enfants à la Tiny qui ont entamé des parties de jeux avec d’autres enfants kényans. Une dizaine d’adultes arrivent vers nous, tout excités de voir des Blancs ! Ils demandent à se faire prendre en photos avec nous. Cela nous arrive assez régulièrement, mais là c’est le sketch ! Ils se chamaillent pour ne figurer qu’un par un avec nous sur la pose photo. Pire que des mariés avec leurs invités lors de la traditionnelle séance photos ! Au bout de 5 minutes, on doit même leur dire que ce sera la dernière photo… On fait des déçus mais tant pis. C’est l’heure de l’apéro.
Lundi 15 mars 2021 :
Dès 7h30, nous sommes déjà au volant alors qu’Anaïs et son petit frère terminent leur nuit. Mais le premier pré-pré-ralentisseur suivi du pré-ralentisseur, suivi du ralentisseur, suivi du pré-ralentisseur, suivi du pré-pré-ralentisseur les sort de leur lit ! Il nous reste quelques heures de route pour arriver au Parc National de Masaï Mara et nous aimerions y arriver dès que possible pour ne pas avoir la route à faire cet après-midi.
Les paysages ont de nouveau changé. Les parcelles cultivées sont clôturées de haies naturelles en cactus.
Les traversées de ville sont toujours les mêmes à part que dans cette région, quelques-unes sont très sales, ce qui reste assez rare au Kenya.
Toujours beaucoup de vie dans ces villes. Toujours beaucoup de bruit. De la musique fort. Des sonos qui diffusent le sermon de personnes hurlant dans des micros.
Nous quittons l’axe principal pour nous enfoncer dans le bush traditionnel de l’Afrique de l’Est. Nous sommes sur un plateau à 1700 mètres d’altitude. Un ruban asphalté nous mène droit vers le Masaï Mara que nous atteignons au bout de 80 km en deux bonnes heures.
Nous nous installons dans le campsite de l’agence Mara Explorers par qui nous avons réservé notre excursion de demain. L’endroit est super cool. Un petit paradis. Un immense terrain de camping pour nous tout seuls. Un gardien, des sanitaires, une cuisine, des tables à l’ombre, un feu de camp qui nous sera allumé ce soir, un salon avec wifi. Et même de l’eau chaude qui nous permet de laver tous nos draps et notre linge. Le luxe d’avoir de l’eau chaude pour la machine ! Et plus que tout, c’est le calme qu’on apprécie et de ne pas avoir de la visite en continu… On adore rencontrer les gens, échanger, mais là, on a vraiment besoin de se poser tous les quatre. Du coup, on réserve pour les 3 prochaines nuits.
Mike, notre guide massaï qui nous accompagnera demain, vient nous rencontrer pour qu’on se mette d’accord pour notre game drive à la recherche des animaux sauvages en espérant que nous aurons la chance de voir des gros chats ! Mais encore un peu de patience, vous aurez la réponse dans le prochain article !